J'ai lu beaucoup de billets sur les différents blogs et forum que je fréquente au sujet de Joyce Carol Oates et notamment au sujet d'un de ses romans « Les chutes ». je m'étais promis de lire rapidement un de ses romans et je suis tombée sur « Les chutes ».
D'emblée, j'ai été conquise par l'idée romanesque des Chutes du Niagara en décor de l'intrigue. Ces millions de mètres cube qui se déversent depuis la nuit des temps et se fracassent en un rugissement éternel, sont fascinants pour le commun des mortels. Fascinants, lancinants et hypnotiques tels un rythme de musique tribale.Le parallèle entre la mythologie des chutes, auxquelles les tribus indiennes offraient des victimes sacrificielles, et l'histoire relatée par Oates m'a beaucoup plu et m'a fait plonger dans son univers littéraire.
La malédiction est en ouverture du roman: l'attrait maléfique des chutes se mêle au veuvage tragique d'une jeune mariée. Cette dernière perd son époux au lendemain d'une nuit de noces peu commune: l'époux, rongé par son mal être et son homosexualité refoulée se jette dans les bras mortifères des Chutes. Une semaine durant, la mariée est une veuve en sursis puis le corps est enfin repêché: Ariah Littrell rencontre Dirk Barnaby et de Veuve Blanche devient Mme Barnaby. La vie suit son cours, ses méandres, trois enfants naissent mais le malheur se tapit dans l'ombre de l'incertitude qui ronge: incertitude d'Ariah quant au résultat de sa première nuit de noces ( Chandler est-il bien le fils de Dirk?), incertitude quant à la durée du bonheur conjugal, incertitude quant à sa place dans le monde. D'incertitude en incertitude, Ariah tisse avec patience son malheur: peu à peu le désamour s'insinue dans le couple à partir du moment où Ariah atteint la plénitude maternelle (elle a 2 garçons et 1 fille!) et s'éloigne lentement mais sûrement de Dirk.
Niagara Falls est non seulement un site touristique célébrissime mais aussi une région industrielle très florissante, en expansion depuis la seconde guerre mondiale grâce aux produits chimiques. La ville s'étend, des quartiers entourent les usines, les ouvriers ont un travail bien rémunéré. Tout va pour le mieux dans le meilleurs des mondes, jusqu'au jour où Dirk Burnaby, brillant avocat, s'occupe d'une plainte déposée contre les industriels de la ville. Dans certains quartiers ouvriers, le taux de cancers, de malformations et de fausses couches est anormalement élevé. Le procès est dantesque, Burnaby traîné dans la boue, accusé de trahison de caste: un soir de pluie et de vent, Dirk, poursuivi par un camion, termine sa course dans les eaux tumultueuses du Niagara. Ariah déménage et subvient aux besoins de ses enfants et efface jusqu'au souvenir de leur père.
Mais l'âge d'homme arrive pour les fils de Dirk et une quête filiale de la vérité commence: les enfants de Dirk affrontent leur histoire personnelle mais aussi celle de leur ville, celle de leur classe sociale.
Les petites compromissions, les grands mensonges et l'appât du gain sont les eaux troubles où s'ébattent les hommes de pouvoir, ceux qui détiennent les rênes de la politique et les rênes économiques de la région. Rien n'est important à leurs yeux hormis les affaires juteuses et fructueuses, rien n'est important pas même la vie d'un enfant.
Au coeur de cette atmosphère délétère, Joyce Carol Oates peint de superbes personnages: Ariah en femme désespérement blessée au plus profond d'elle-même qu'aucun baume n'a pu apaiser. Chandler en enfant pragmatique mais cachant une grande sensibilié, Dirk Burnaby en élite qui a gardé son âme intacte, avocat funambule qui sombrera dans les eaux noires du Niagara comme son grand-père, Royall le bien-aimé, le bien nommé qui partira en quête de la vérité, Juliet d'une beauté sauvage attirée par les Chutes, attirée par le destin cruel de son père et qui trouvera les bras chaleureux d'un cuisinier original.
La beauté sombre des Chutes ne fait que rehausser la saleté des âmes damnées d'une société qui broie, exploite et pressure ses semblables: le progrès importe plus que le bien-être. Mais l'homme oublie le plus important: la nature, la vie sont les plus fortes et donnent une réponse souvent inattendue et toujours cruelle.
J'ai lu « Les chutes » et j'ai été envoûtée par l'écriture recherchée, structurée, dynamique, fluide et belle de Oates. Un très grand roman, dense, fourmillant de références historiques, de clins d'oeil ironiques sur la société américaine d'aujourd'hui.
Les américains sont toujours brillants, les auteurs comme les cinéastes , lorsqu'ils se moquent d'eux-mêmes et c'est ce qui fait une des forces de leur écriture!
Roman traduit de l'anglais par Claude Seban
16 commentaires:
En voilà un que j'ai mis sur ma liste! J'ai bien l'intention de le lire, le cadre des Chutes Niagara m'attire beaucoup...
Et puis ta critique est vraiment très bien :)
Oui ta critique est vraiment très bien.
J'ai abandonné ce livre à la moitié environ. Je n'ai pas réussi à entrer dans l'histoire...
Ce que tu écris sur le style de l'auteure me plaît beaucoup !
Quelle belle critique! J'ai du coup très envie de lire ce roman, hop il est noté (même si "Blonde" m'est tombé des mains, mais ça a l'air complètement différent...)!
J'ai découvert J.C.O il y a peu de temps avec le roman "Viol, une histoire d'amour". Je partage totalement ton admiration pour son écriture. C'est justement avec "Les chutes" que j'avais envie de connaitre mieux cette auteure: tu confirmes mon choix.
Je tel'ai déjà dit, tes critiques donnent envie de découvrir les livres. Je note donc celui-ci aussi.
Comme toi, je suis tombée sous le charme de son style, son écriture en lisant la novella qu'elle a écrite pour EdMcBain dans son livre Trangression et bientôt je vais lire "Nous étions les Mulvaney", je me réserve donc pour plus tard "Les chutes" ! ;-)
Et oui , il est aussi sur ma liste avec 'Nous étions les Mulvaney' !
Merci pour ton superbe commentaire.
Moi aussi je le note ce livre.
En plus j'ai eu la chance de les voir en vrais les chutes du Niagara.
C'est bien fascinant !!!
Cet auteur me tente aussi.
Hmmm... ça me donne vraiment envie ! :))
Et puis "Les chutes" me font penser au film "Niagara" avec Marilyn... et c'est l'un de mes films préférés !
*soupirs*
@allie: merci beaucoup pour le compliment:-)
@bellesahi: merci aussi. Peut-être l'histoire t'attend-t-elle à un autre moment.
@cathulu: as-tu déjà lu des romans de Oates? Sinon, j'espère t'avoir donné envie de t'y plonger!
@fashion victim: je ne me précipiterai donc pas sur "Blonde" ;-)
@anne: je note ce titre et si je le trouve à la bibli je saute dessus.
@maijo: j'aime être une tentatrice des lectures ;-D
@florinette: je note les références dont tu me fais part. Merci allie.
@anjelica: donc je souligne "Nous étions les Mulvaney"!
@malice: veinarde! Mon mari aussi les a admirées lorsqu'il est allé pour la première fois aux Etats-Unis. Moi, je ne les ai vues qu'en photo ;-(
@clarabel: oui! je l'ai vu aussi...la scène du bateau qui se perd dans les Chutes est sublime d'intensité et de dramaturgie! Et Marilyn y est sublimissime.
j'ai decouvert J.C.Oates avec "delicieuses pourritures" , j'aime son stylé torturé, j'ai bien sur aimé "les chutes", j'ai emprunté à la biblio "le ravin"
@pom': j'ai noté et souligné "délicieuses pourritures" dont je n'ai lu que du bien sur les blogs ;-)
Merci d'être passée!
C'est rigolo parce que je n'ai pas du tout aimé ce livre alors qu'on m'en avait dit que du bien. En lisant ta critique, qui est, je dois dire, très fine, j'ai découvert des choses que je n'avais pas vues lors de ma lecture. J'ai été complétement insensible à la malédiction des chutes et je n'ai pas du tout aimé cette Ariah qui se "victimise" (je ne sais pas si ça se dit) trop. Chandler ne veut pas savoir qui est vraiment son père et j'aurai aimé comprendre pourquoi. Par contre l'histoire de Juliette et de son amoureux m'a beaucoup touchée. Je crois que je suis complétement passé à côté de cette histoire. Mais on m'a conseillé "Délicieuse pourriture" et celui-ci, je le tenterai ;))
Merci pour cette belle critique, qui porte immédiatement ce titre sur ma liste à lire!
@musky: il y a des avis partagés au sujet de "Les chutes". Par contre, il y a un engouement certain pour "Délicieuses pourritures" que je lirai dès que possible. J'avoue avoir adoré "Les chutes"!
@camille: j'espère que tu l'appréciera autant que moi. C'est un très beau roman.
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