Je découvre un auteur de roman policier suédois, Ake Edwardson, et un nouveau héros, le commissaire Erik Winter. Il est différent du héros de Mankel mais en même temps il possède quelques points communs avec lui. Le commissaire Winter est grand, très soigné de sa personne, un tantinet dandy anglais, et semble revenu de tout. Il observe la déliquescence, lente mais certaine, du modèle suédois: la Suède est rattrapée par les divers maux des sociétés modernes.
L'enquête va s'effectuer entre Londres et Göteborg, entre le début d'un printemps et la fin interminable d'un hiver. Mais le glauque est présent où que l'on se rende.
Des crimes atroces sont commis à Londres et Göteborg sur de jeunes gens : ces derniers sont retrouvés ligotés sur une chaise, baillonnés et torturés. Un détail étrange autant qu'horrible se répète: une trace de pied d'appareil photo ou de caméra est à chaque fois trouvée comme si le crime était mis en scène et filmé. Pour qui, pourquoi? Les excès sont partout, la police questionne dans les bas-fonds citadins à la recherche de cassettes video vendues sous le manteau: les gens ne semblent plus avoir de limites pour plonger dans l'atrocité des pulsions humaines.
L'enquête est méthodique, lente et angoissante: les indices se perdent, se trouvent, interpellent.
Ake Edwardson mène son lecteur dans le dédale administratif des polices anglaises et suédoises ainsi que dans l'univers pragmatique de la première: l'utilisation des médias, notamment la télévision, pour les appels à témoins. En effet, à Londres sont assasssinés de jeunes suédois, à Göteborg de jeunes britanniques. Les deux commissaires, Winter le suédois et Macdonald le britannique, se rencontrent et travaillent ensemble: deux allures différentes mais la même opiniâtreté! A un moment, comme Macdonald a le look du tueur présumé, j'ai failli croire que c'était lui, l'abominable tortionnaire...la fausse piste distillée a bien joué son rôle.
Ce qui est intéressant, dans ce polar très bien mené, est la coexistence de deux atmosphères : celle d'une société britannique cabossée, laminée parfois mais allant de l'avant, sans se retourner vers le passé, et celle lourde, grise, en désespérance d'une société suédoise qui voit devenir chimère son rêve. Le lecteur intercepte les tensions sociales, la peur de l'Autre, dans les phrases du roman, les dialogues entre un duo d'inspecteur (la femme flic noire et le flic suédois bon teint) où le racisme ordinaire pointe ses piques acérées.
Je suis conquise par la personnalité fine, dotée d'une pointe d'ironie, et smart de ce commissaire venu du froid: un harmonieux mélange de culture et de réalisme, d'optimisme malgré un sentiment désabusé quant au monde dans lequel tourne le quotidien, d'une solitude voulue et d'un besoin de tendresse caché derrière une vie indépendante. Les relations familiales et amoureuses d'Erik Winter semblent cahotiques mais ont un parfum subtil de tendresse. Edwardson en fait un homme moderne qui est tout sauf un super héros ce qui le rend attachant.
Chimère en parle beaucoup mieux que moi...alors n'hésitez pas à cliquer ICI!
Roman traduit du suédois par Anna Gibson
8 commentaires:
Celui-là par contre....moi les policiers....Bof ! je n'y mets aucune bonne volonté, je l'avoue !
@bellesahi: si tu en as un jour l'occasion, lis ce roman où le glauque n'est pas à chaque page. C'est un polar qui se lit bien et qui ne fait pas peur.
J'aime beaucoup ta critique, je note ce titre.
Bon si j'ai bien tout lu et suivi chez Chimère,celui-ci est le premier de la série. Je le note ainsi que les autres, enfin au moins deux car chez 10-18 en ce moment ils offrent 2 carnets pour 3 livres achetés, et ils sont très beaux pour certains d'entre eux. Alors les fanas, faut se dépécher. C'était la minute pub !
Voilà un auteur que j'ai bien envie de découvrir depuis un bon moment! Ta critique me donne encore plus envie! :)
J'ai lu récemment ce livre etj'ai vraiment adoré. J'avais envie de changer un peu des romans policiers anglais ou américains. C'est vrai que l'atmosphère y est particulière et que parfois c'est un peu glauque. Mais cela a été une véritable découverte. Je pense que je lirai les suivants. Il y a un livre qui me tenterait aussi en ce moment c'est la femme en vert d'Arnaldur Indridason, un auteur islandais.
Une découverte intéressante que l'on a faite nous aussi il y a quelques semaines avec le second roman de Edwardson : un cri si lointain, et qui, d'après ce que j'ai lu ici ou là, est encore meilleur que le premier.
On en parlait ici
@caroline: merci pour le compliment et bonnelecture si tu as l'occasion de lire cette aventure policière.
@moustafette: tiens je ne savais pas qu'il y avait cette offre promotionnelle! J'espèr que tu as pu en profiter, moi je ne vais que samedi en ville (donc faire un petit tour à la librairie).
@allie: je serai ravie de te donner l'occasion de faire connaissance avec Erik Winter!
@bibliopoche: je n'ai lu que "La cité des jarres" d'Indridason mais dès que la bibli aura acheté les 2 autres titres de cet auteur je me ferai un plaisir de les dévorer. Je compte aussi me lancer dans la lecture des polars de Jo Nesbo, le norvégien.
@bmr: merci pour l'info et le moment pub ;-)
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