mercredi 17 janvier 2007

A méchant, méchant et demi.


La librairie abrite des trésors insoupçonnés. En farfouillant les étagères à la recherche de rien et de tout, un folio s'est agrippé à moi. La couverture est impressionnante, très inquiétante, style "L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn". De quoi frémir de trouille. Non content de m'impressionner par l'image, ce bandit de papier retint mon attention par les mots: ceux de son titre "L'âge des méchancetés". En deux temps, trois mouvements, il avait réussi son coup, l'animal: me voilà à la caisse afin d'en devenir propriétaire!
Ayant quelques lectures en cours et prévues, je l'ai abandonné dans la bibliothèque. Mais l'oeil de la couverture veillait au grain....
La littérature permet d'exorciser les multiples démons de l'homme.
Ainsi, la vieillesse, thème de ce court ouvrage...court mais saisissant.
Le lecteur se retrouve devant un fait de société difficile à admettre: que faire de nos vieux lorsqu'ils sont trop âgés, trop gênants? Fumio Niwa tente de nous éclairer dans ce texte où la grand-mère, Umejo, personnage principal, passe de l'état d'une Tatie Daniele insupportable, que l'on aimerait abandonner dur une aire d'autoroute, à celui d'une pauvre vieille femme perdant, peu à peu, la mémoire et l'esprit.
les pages sont féroces, dérangeantes, horripilantes à souhait: elles nous renvoient à une image de nous-mêmes que nous n'acceptons pas (tatata...pas d'hypocrisie!!!), celle de la vieillesse et ses déchéances. Aussi, n'avons-nous qu'une seule hâte: enfermer cette vieillesse gênante dans un asile approprié!
Au fil des phrases, des situations, la grand-mère semble ne plus savoir quoi inventer pour mettre en pelote les nerfs du reste de la famille. est-elle consciente du mal qu'elle provoque dans les relations intra-familiales?
Au moment où tout semble basculer au désavantage d'Umejo, les sentences de Confucius sur la piété filiale, chère à la société traditionnelle japonaise,dansent sous nos yeux...et nous tombons dans les rêts de l'auteur qui s'est délecté des souffrances éthiques des personnages...mais aussi de ses lecteurs!!!
En filigrane, sont abordés, en petites touches saupoudrées dans le récit, l'incontinence, la gourmandises, l'Alzheimer, les retours en enfance ou dans la vie passée. Toutes ces défaites d'un âge qui oscille entre résignation et révolte, sentiments exprimés dans la méchanceté envers une jeunesse, celle qu'il a perdue à jamais.
Un passage, à mon sens, exprime bien l'atmosphère du roman (ou réquisitoire?): la petite-fille aide sa grand-mère à faire ses besoins au bord de la route "A cette occasion encore, elle ne put se défendre d'une aversion physique à la vue de ces longues jambes de vieille femme de quatre-vingt-six ans semblables à des cuisses de poulet. Pour Umejo, c'était embarrassant."
Oui, vraiment, ce roman est féroce et extrêmement dérangeant: il ne renvoie pas une image flatteuse de la société moderne et met le doigt sur une part sombre de l'être humain.
Fumio Niwa a publié ce roman en 1947...à partir de 1986 il est atteint de la maladie d'Alzheimer. Il est décédé en 2005...il avait 101 ans.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi aussi j'avais déjà remarqué la couverture si particulière de ce livre... A te lire, il a l'air intéressant. Je le mets sur ma liste...

Katell a dit…

Oui, lance-toi: il est rapide à lire, intense mais il invite à se regarder sans concession ni hypocrisie.