samedi 29 septembre 2007

Le swap lithérature c'est parti!



C'est Flo qui m'a donné l'idée de ce petit billet!


Depuis hier je connais le nom de la personne que je vais me faire un plaisir de gâter.
J'ai pris grand plaisir à lire et relire le questionnaire de ma swappée, à souligner ce qui me paraissait important et surtout à me promener chez elle: c'est amusant de fureter dans les moindre recoin d'un blog afin d'en extraire "la substantifique moëlle" qui aidera à cerner au mieux ses envies de découvertes!
Côté lecture, je n'ai pas encore eu le temps de méditer ni de tournicoter chez mon libraire. Côté thé, ma foi, j'ai concrétisé mon choix grâce à la magie d'internet ;-D. Quant au petit plus, j'ai déjà mon idée! Diantre, serais-je largement mieux organisée que lors du swap de Flo?
Merci Loutarwen pour ce swap et sa belle organisation!

Je m'invite chez Voltaire


Nous sommes en 1761, c'est l'été, dans la résidence suisse de Voltaire. Ce dernier a décidé de faire rejouer, dans l'intimité de sa propriété de Ferney, la tragédie mal accueillie par le public parisien vingt ans plus tôt « Le fanatisme ou Mahomet ».
Il accueille, entre autres invités, deux actrices italiennes, Gabriella et Zanetta, un peintre, Goussier puis Fleckenstein, un officier de l'armée impériale de Frédéric II de Prusse. La petite histoire se mêle à la grande: la guerre de Sept ans est en passe de s'achever et Voltaire, philosophe des Lumières, est sollicité pour engager des pourparler de paix.
Voltaire, virevoltant avec son éternel bonnet vissé sur la tête et ses bas en tire-bourchon aux chevilles. Voltaire qui aime sussurrer son antipathie envers son grand rival qu'est Rousseau et sa « Nouvelle Héloïse » fustigeant, critiquant haut et fort le divertissement qu'il affectionne: le théâtre!
Les répétitions laissent place aux déambulations à travers la propriété de Ferney, la pénombre des sous-bois comme celle de la nuit tombante encourage les confidences et les secrets au même titre que les rencontres amoureuses ou les rêveries solitaires.
Les chuchotements et les bruissements des tissus rappellent les murmures frondeurs et osés de ce XVIIIè siècle avide de connaissances et de libertés. Parfois, un tableau s'esquisse devant les yeux du lecteur qui suit les promenades solitaires de Zanetta: celui du héron qu'elle rencontre chaque jour au bord de l'étang. Goussier en fait un tableau sensible, poétique et philosophique: « ...Pour lui, les seules catastrophes sont le gel, le froid, l'assèchement d'une partie de l'étang...l'absence de grenouilles (...) Je veux dire qu'un grand nombre d'animaux meurent chaque année. On les chasse, on les tue, on les farcit. Mais à la fin de l'hiver à l'automne, les hérons vivent heureux. Ils plantent doucement leurs pattes dans une eau sale et sont heureux. Ils s'allongent dans l'eau et regardent voler d'autres oiseaux qui reviennent des étangs voisins (...) Les hérons n'ont pas de temples, pas de mosquées, pas de favoris, pas de légions, pas de monastères, pas d'évêques, pas de rabbins, pas de prophètes, pas de grâce efficace ou de grâce insuffisante, aucun jésuite ni, pire, aucun janséniste sur le dos. Ils n'ont que la prudence devant les chasseurs et la bonté devant l'eau tiède qui miroite sous leur plumage(...) Ils n'ont que les moucherons à gober... » (p 126 et 127).
Sous la plume de Jacques -Pierre Amette, l'impertinence voltairienne sillonne les pages du roman, écornant les fanatismes de tous bords: religieux ou politiques. La critique de la religion musulmane est celle de la religion catholique: le déguisement permet les effronteries les plus osées.
Autant « La maîtresse de Brecht » m'avait déçue (je n'avais pas pu en terminer la lecture) autant « Un été chez Voltaire » m'a réconciliée avec son écriture! J'ai aimé le rythme calqué sur celui de l'été: on vit au fil des jours qui s'allongent puis se raccourcissent, annonçant l'arrivée de l'automne. J'ai aimé les tableaux impressionnistes, les respirations telles des haïkus, parsemés tout au long du roman. Une unité d'espace (Ferney), de temps (l'été) et d'action (la répétition de la pièce) qui rappelle les plus belles heures du théâtre!
Une bien belle invitation à accepter si l'occasion se présente ;-)

Quelques passages:


« ...une barque vide, plate. Ses rames, parmi des frissons de reflets, dégageaient une odeur exaltante de résine. On la croyait immobile, mais elle dérivait sur les dessins secrets, fugaces de la surface. Elle tournait insensiblement de 'ombre au soleil. Elle baignait parfois dans le vide énigmatique du ciel, parfois grinçait et pivotait sur un impalpable reflet. Elle pénétrait dans l'obscurité. Elle tournait sur les ondes, perdue dans les zones d'un étang formant miroir. » (p 63)


« Vers le 10 août, les pelouses jaunirent. Etendues plates dans la chaleur brasillante. L'air devenait immobile et ardent, comme s'il s'agissait d'effacer tout acte humain.
La barrière du jardin pivotait avec un léger grincement sous le ciel d'un bleu épais, presque mauve dans les profondeurs.
Des nuages lents s'étiraient, gris dessous, clairs dessus, vapeurs somnolentes qui veillaient sur la torpeur des pâturages. Le silence de l'après-midi rayonnait, se répandait sur le château de Ferney et ses dépendances. »
(p 101)

jeudi 27 septembre 2007

Histoire d'amour à trois voix

Contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'un tel titre, Inoué n'invite pas à une partie de chasse mais à une réflexion sur l'amour.
Un jour, le narrateur croise un chasseur et son chien, sur un sentier du mont Amagi, puis en fait un poème à paraître dans une revue spécialisée « Le compagnon du chasseur »: l'homme est seul avec son fusil sur l'épaule, image d'une solitude profonde et mélancolique.
Suite à la publication du poème, trois lettres parviennent au narrateur de la part de l'homme qu'il a croisé un jour dans la montagne. Ces trois lettres sont l'histoire de sa vie, une vie qui n'en est plus une. Elles ont été écrites par trois femmes, trois points de vue d'une passion amoureuse liant l'une d'elle à l'homme au fusil de chasse.
Shoko, la fille de Saïko, est effarée de découvrir dans le journal intime de sa mère défunte, la liaison secrète entre elle et Josuke, l'homme au fusil de chasse sur l'épaule. Elle découvre un aspect désagréable du monde des adultes: le secret des amours illicites. Une horreur pour une jeune fille qui s'aperçoit que le monde est loin d'être simple, loin d'être un rivage tranquille: une fois adulte, la vie n'est pas toute tracée ni uniforme. On peut penser une chose un jour, réprouver un acte un autre et commettre ce dernier plus tard sans trouver rien à y redire. Les couleurs de la Nature deviennent changeantes lorsque le regard n'est plus celui de la naïveté juvénile...Une seule solution, une seule échappatoire: la fuite vers un ailleurs qui ne rappellera pas l'entrée inattendue dans l'univers des adultes.
« Jusqu'à présent, je croyais que l'amour était semblable au soleil, éclatant et victorieux, à jamais béni de Dieu et des hommes. Je croyais que l'amour gagnait peu à peu en puissance, tel un cours d'eau limpide qui scintille dans toute sa beauté sous les rayons du soleil, frémissant de mille rides soulevées par le vent et protégé par les rives couvertes d'herbe, d'arbres et de fleurs. Je croyais que c'était cela, l'amour. Comment pouvais-je imaginer un amour que le soleil n'illumine pas et qui coule de nulle part à nulle part, profondément encaissé dans la terre, comme une rivière souterraine? » (p 22)
Midori, épouse légitime de Josuke, expose, dans sa missive, sa notion de l'honneur. Elle est désenchantée par la vie qui souvent ouvre sans délicatesse les yeux sur des réalités désagréables. Midori est une femme bafouée dans son honneur d'épouse: elle a été délaissée pour une autre. Sa réponse: le silence alors qu'elle découvre la liaison et son butinage d'homme en homme, un butinage qui ne s'avère jamais satisfaisant. Cependant, elle aussi entre dans le mensonge puisqu'elle a choisi de se taire dès le début: ce mensonge nourrit sa désillusion, lui offre une bonne conscience à chaque fois qu'elle est avec un homme.
Saïko, la maîtresse, écrit sa lettre avant de se donner la mort. Elle y verse tous ses doutes, toutes ses humeurs, bonnes ou mauvaise, toute sa culpabilité. Elle pense que sa liaison secrète rend impossible l'amour envers Josuke. Elle lui expose tout un argumentaire autour de la noirceur de son âme de menteuse, qui la mène aux frontières de la folie. Saïko a un côté égoïste: elle a savouré cette liaison interdite sans se poser de question pendant longtemps, sans s'inquiéter des réactions de sa fille ni celles de l'épouse trahie. Puis, elle bascule dans le dégoût d'être encore vivante, elle est déboussolée. Est-ce le fait d'avoir appris que son ex-mari (qui fut volage et n'eut pas droit au pardon) refaisait sa vie qui provoque chez Saïko ce délire de culpabilité insupportable au point de vouloir quitter le monde des vivants? Est-ce le fait de sentir, malgré tout, que Midori sait tout et se tait? Est-ce le fait de voir sa fille approcher de l'âge du mariage qui l'ammène à avoir honte de son amour fou? Car elle aime Jusoke, elle est éperdue d'amour pour lui!
Les lettres laissent le lecteur glacé, transi devant cette tristesse et ce gâchis parfois difficiles à supporter. Les couleurs comme le bleu de Prusse de la mer en hiver apportent une poésie et une beauté irréelles: « Immobile, je regardais la mer hivernale, scintillante au soleil, et qui semblait barbouillée d'un bleu de Prusse que l'on viendrait juste de presser hors du tube. » (p 51), le bleu froid et chaud en même temps de la vérité qui se fait jour. Il y a aussi le rouge des feuilles d'automne « Je puis encore me rappeler la beauté du mont Tennozan à Yamazaki, avec son feuillage rouge mouillé par les averses de l'automne finissant. » (p 66), le rouge de la passion égoïste et dévorante d'un couple d'amants oublieux du monde qui l'entoure. La couleur sombre du soleil caché, du monde souterrain du secret évoqué par Shoko, jeune fille qui n'a pas encore connu l'amour et donc peu encline aux concessions.
Inoué écrit un roman épistolaire sur le mensonge de la vie: les personnages passent leur temps à se mentir d'abord à eux-mêmes, ils ne veulent voir que ce qu'ils décident jusqu'à ce que le mensonge devienne insupportable. D'ailleurs, est-ce un hasard si, symboliquement, un serpent entre en scène? Le serpent qui étreint le coeur d'égoïsme, d'orgueil, de rancoeur, de jalousie, ce serpent qui demeure tapi et cependant provoque un étouffement au fil du temps. Le serpent, image d'un fardeau porté par chaque personnage: au final, la solitude?
L'avis de bmr&mam du site de bookcrossing infolio Essel

Roman traduit du japonais par S.Yokoö, S.Goldstein et G.Bernier


mercredi 26 septembre 2007

Pommes, pommes

Trognon et Pépin sont deux petites pommes facétieuses qui vivent dans un vieux pommier. Elles ne pensent qu'à s'amuser et "se fendre la pêche" et surtout, elles n'ont pas du tout envie de mûrir ni d'être cueillies!
Elles se balencent comme des folles, mettent en fuite un oiseau un peu trop curieux, crient aux mains qui se tendent "nous sommes toutes pourries" ce qui attire un ver qu'elles refusent de loger! L'automne arrive, le vent devient de plus en plus fort, Trognon et Pépin doivent s'accrocher aux feuilles....jusqu'à la chute. Tout d'abord, elles roulent et s'amusent à jouer à la course, puis elles s'arrêtent. Trognon se fait écraser, "splicht!" et ressemble à une compote tandis que Pépin pris pour une balle reçoit un coup de pied, "crac!", se fait ratatiner! Du coup, elles se lamentent et s'accusent de ne pas avoir voulu être cueillies "pour ne pas finir en salade de fruits".
Le temps passe et un beau jour, au réveil, quelque chose est apparu sur leur tête....
Un album amusant, où les petites pommes Trognon et Pépin sont malicieuses à la langue bien pendue...comme les enfants. L'illustration est simple mais efficace: la stylisation est agréable et ajoute au caractère facétieux des pommes. Les expressions ou termes relatifs aux fruits sont amusants: "se fendre la pêche" pour des pommes ce n'est pas banal , "ne pas finir en salade de fruits", "un pépin t'irait mieux!" (dit Trognon à Pépin) renvoient à des expressions populaires qui, maintenant, ne sont plus aussi communes. De plus, le choix des prénoms des pommes est goûteux: une pomme a un trognon et des pépins!
Une histoire rafraîchissante, pleine d'humour qui fonctionne très bien auprès des enfants de 3 à 5 ans!

lundi 24 septembre 2007

Le questionnaire de Kalistina

Depuis le temps que je devais m'y mettre...Voilà, c'est enfin fait! Le principe est amusant: il faut répondre aux questions en prenant les titres, par ordre chronologique (du plus ancien au plus récent), chroniqués sur son blog et commenter les résultats obtenus....une vraie partie de rires garantie! Pour plus de renseignements allez ici


1-Comment te sens-tu aujourd'hui?
« Une cuisine grande comme un jardin »
De la gelée de thé au jasmin à la paëlla...oui on peut dire qu'elle est grande ma cuisine!
2-Iras-tu loin dans la vie?
« Pierres »
Lestée de pierres, même celles de Goldworthy, je ne risque pas d'aller bien loin!
3-Comment te voient tes amis?
« La ville des chats »
Tiens donc, serai-je une mémère chats?
4-Te marieras-tu un jour?
« Griffes de sang et autres histoires de chats »
Euh, harnachée de cette manière, j'en doute fort! Heureusement que mon cher et tendre ne s'est pas arrêté au titre du bouquin!
5-Le livre de ton (ta) meilleur(e) ami(e)?
« Bonheur, marque déposée »
La vie a déposé ma meilleure amie, hélas, pour un voyage éternel dans les limbes de l'autre côté de la vie.
6-Quelle est l'histoire de ta vie?
« Les amants imparfaits »
J'espère bien que non....quoique pendant plus d'une décennie ce fut le cas!
7-Comment c'était le lycée?
« Chroniques de l'oiseau à ressort »
Plein de rebondissements!
8-Comment aller de l'avant dans la vie?
« Le chat dans tous ses états »
Ce serait une manière comme une autre d'avancer, non?
9-Ce qu'il y a de très bien avec tes amis?
« Dictionnaire du Père Noël »
C'est qu'avec eux, Noël est là à chaque fois!
10-Quoi de prévu pour ce week-end?
« Le chant de Salomon »
Je comprends maintenant pourquoi il pleut aujourd'hui!
11-Pour décrire tes grands-parents?
« La station Saint-Martin est fermée au public »
La grande pierre froide s'est fermée au-dessus de trois d'entre eux....ils me manquent terriblement.
12-Comment va la vie?
« Mes chers voisins »
Pour le moment, mes voisines ne me pourrissent absolument pas la vie: ce sont deux mamies adorables!
13-Quelle musique sera jouée à ton enterrement?
« Minois de chats »
Pour une amoureuse des chats, un joli menuet de pattes de velours serait l'idéal!
14-Comment te voit le monde?
« La voleuse d'hommes »
Il faut mettre des lunettes car ce n'est pas du tout mon genre.
15-Auras-tu une vie heureuse?
« Légers manquements »
Maintenant oui...j'ai trouvé le bon chemin.
16-Ce que tes amis pensent réellement de toi?
« Mongolia »
C'est à dire une terre solitaire où les yourtes sont de petites taches blanches dans la verdoyante steppe? Alors oui, la vision est bien belle!
17-Les gens te désirent-ils secrètement?
« Les autres »
Cela veut sans doute dire que non?!
18-Comment puis-je être heureuse?
« Les cerfs-volants de Kaboul »
En liberté mais pas surveillée!
19-Que devrais-tu faire de ta vie?
« La cité des jarres »
Ah bon, collectionner des trucs et des bidules? Bah, je collectionne déjà les élèves

;-)
20-Auras-tu des enfants un jour?
« L'art révolté »
Certainement, grâce à l'art des médecins ;-)
21-Quelle chanson pour ton streap-tease?
« Murs »
Référence à « The Wall » des Floyd? Ouh làlàlàlà le spectacle!!!!
22-Si un homme dans une camionnette t'offrait des bonbons, que ferais-tu?
« Artistes de nature »
Avec les papiers de bonbons du land-art c'est facile, non?
23-Que pense ta mère de toi?
« Compartiment pour dames »
Je suis une bavarde invétérée, je me verrais bien papoter entre filles dans un train ou autour d'un thé, ou encore autour des petits pois à écosser!
24-Quel est ton secret le plus noir?
« Le temple des oies sauvages »
Quel terrible secret...j'espère que tout le monde est en train de trembler là!
25-Quel est le thème littéraire de ton ennemi mortel?
« Le jour des chiens »
Pour un ennemi mortel, être chien cela va de soi!
26-A quoi ressemble ta personnalité?
« Dans la gorge du dragon »
Oh croyez-vous que je sois quelqu'un de grognon?
27-Quelle chanson pour ton mariage?
« L'évangile du serpent »
Eve croqua la pomme et la vie des hommes en fut changée à jamais mais jamais ils ne renoncèrent aux Eve!
28-Combien de fois as-tu triché?
Zéro fois et pourtant ce ne fut pas faute d'avoir envie!

dimanche 23 septembre 2007

Un nouveau blog

En allant me promener sur le blog d'une voisine, Lucy de Paimpol, je suis tombée sur un commentaire de Nania, nouvelle venue dans la blogoboule livresque. Elle nous parle de ses lectures d'auteurs qui font voyager le lecteur du Proche-Orient à l'Extrême-Orient mais aussi de ses lectures glanées au fil de ses envies. A suivre pour s'évader mais surtout pour apprendre à mieux connaître cet Orient littéraires multiple et parfois inconnu!

Changement de saison


Aujourd'hui, l'Automne commence, petits pas dorés et rougeoyants annonçants de plus sévères frimas. Pas à pas, la gelée blanche cristallisant les feuilles en partance, précède l'Hiver.

Un poème d'Appolinaire, que j'aime beaucoup et un tableau d'Arcimboldo, que je trouve toujours aussi hallucinant, pour fêter la saison de la maturité d'une année qui lentement se meurt....


Automne malade

Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé dans les vergers
Pauvre automne ! Meures en blancheur
Et en richesse de neige et fruits mûrs.

Aux lisières lointaines, les cerfs ont bramé
Et que j'aime ô saison, que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant, sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille

Les feuilles qu'on foule,
Un train qui roule
La vie s'écoule...

Guillaume Appolinaire (Alccols)

samedi 22 septembre 2007

Mondes étranges....

« Voyage vers les étoiles » est un recueil de deux nouvelles qui entraînent le lecteur dans un imaginaire étrange, aux frontières de l'angoisse.

« Un spécimen transparent »

Kenshiro a un métier pas comme les autres: certes, il travaille dans un hôpital, mais on accède à son bureau, à son antre, après un dédale de couloirs. Il prélève des spécimens osseux sur les cadavres, spécimens qui, une fois lavés, blanchis et préparé, serviront à la fabrication de squelettes utilisés pour les cours de sciences dans les établissements scolaires ou les laboratoires de recherche. Kenshiro est un orfèvre en la matière: ses « Oscar » sont souvent de véritables oeuvres d'art! Il faut dire qu'il a été à bonne école, enfant, avec son beau-père qui sculptait, la nuit, d'étranges et dérangeantes miniatures avec ce qu'il glanait dans les décombres de la guerre!
Kenshiro a un rêve: réussir à obtenir une transparence des spécimens osseux. Il affine et perfectionne sa technique, en secret, dans son bureau, chez lui. Il expérimente sur des spécimens osseux d'animaux. Il rêve de travailler sur des spécimens humains.... « frais », c'est à dire issus de décès récents. Il s'en ouvre à son supérieur qui le fait languir d'attente, à la limite du supportable, jusqu'à ce qu'un jour une occasion unique se présente à lui...
Non seulement, Kenshiro a un rêve, mais un obstacle se présente souvent dans sa vie intime: lorsqu'une femme apprend la teneur de son métier, elle s'enfuit irrémédiablement, dégoûtée et apeurée!
Le sujet a tout pour être difficilement supportable: le macabre se dispute aux détails peu ragoûtants du conditionnement des fameux spécimens osseux. Mais, Akira Yoshimura, parvient à rendre poétique les descriptions et le récit grâce à une écriture sobre, utilisant bien à propos les images empreintes de poésie de l'environnement familier d'une ville japonaise (la détente en fumant la pipe, aller au bain public, mettre son kimono d'été...). Le lecteur en arrive à trouver beaux, voire sublimes, les résultats finaux de la préparation des spécimens. Il parvient à être exalté par l'obtention de cette transparence poétique à l'esthétique picturale. L'écriture de Yoshimura réussit cette performance extraordinaire: faire oublier la particularité du récit pour ne laisser place qu'à la singularité, fascinante et belle, de son imaginaire.

« Voyage vers les étoiles »

Un jeune homme, en rupture d'école, rencontre d'autres jeunes adultes en rupture de société également.
Le détachement aux êtres et aux choses vont les emmener jusqu'en bord de mer, dans un village perdu de pêcheurs pauvres et isolés.
Un road movie vers un naufrage de jeunes êtres qui ne croient plus en rien ni en personne.
Keichi, Miyake, Arikawa, Makiko, Mochizuki ont en commun la perte de l'espérance en l'avenir, l'assurance qu'ils ne manqueront à personne. Keichi tremble jusqu'au bout, la peur de souffrir étant omniprésente, la peur de reculer et de ne pas passer à l'acte également...un sentiment, fort, de l'honneur, vestige de l'idéal des Samouraïs, vestige de l'aspiration des Kamikazes, le pousse à ne pas paraître lâche aux yeux des membres du groupe, le pousse à déceler sans cesse de l'ironie dans les regards que ses compagnons lui jettent. Keichi, personnage reflet d'une jeunesse pressurée par la performance, par la solitude vécue en raison des carrières professionnelles des parents, reflet d'une société qui aliène et conduit parfois à la désespérance....thème cher aux écrivains japonais (Ogawa l'exprime aussi à sa manière dans nombre de ses romans tels que « L'annulaire »).
Miyake est un personnage trouble, troublant même, qui met mal à l'aise, du moins qui m'a mise très mal à l'aise: il est le chef de ce groupuscule, le mentor, le gourou. Il dit, ils font, ils suivent. Miyake est le cerveau de ce road movie mortifère. C'est le personnage le plus déroutant et le plus dérangeant du récit: je n'ai pu m'empêcher de frissonner dès qu'il apparaissait et d'emblée je l'ai profondément détesté. Sans doute, le côté sectaire qui s'en dégageait.
Toujours est-il, que malgré la poésie de l'écriture de Yoshimura, je n'ai pu adhérer à cette nouvelle qui m'a vraiment angoissée et gênée. Même si la mort est « un voyage vers les étoiles » selon une croyance ancestrale et populaire relatée par sa grand-mère à Keichi, le gâchis d'une jeunesse en devenir est insupportable et inacceptable...du moins à mon sens. Mais que peut-on faire, comment peut-on agir quand l'aliénation sociétale devient invivable pour une jeunesse qui ne parvient pas à y trouver sa place?
Un récit qui m'a fait l'effet d'un coup de poing, poignant et révoltant à la fois. Une lecture qui ne laisse indemne le lecteur, sensation éprouvée par une écriture qui réussit à matérialiser l'odeur d'écorce de l'eau du torrent qui se jette dans la mer « L'eau qu'il reccueillit entre ses mains était très froide et sentait l'écorce. » (p 145) phrase qui placée à un autre moment aurait été banale, mais qui, à l'approche du dénouement, prend toute sa dimension poétique, picturale, olfactive et psychologique.
C'est ce qui donne cette force incroyable au récit: jusqu'au bout il y a des choix pour les protagonistes.
Là encore, Akira Yoshimura entraîne son lecteur au bout du monde intérieur comme aux confins du monde (ces falaises, cet océan aux accents nordiques, ce village perdu hors du temps, hors de la vie, hors de la société des hommes) en l'enveloppant dans la poésie de son écriture comme pour atténuer les chocs provoqués par son imaginaire si particulier.

Roman traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle

dimanche 16 septembre 2007



Il est des romans dont on a beaucoup de difficultés à en sortir et en parler. Ainsi en est-il avec « Train de nuit pour Lisbonne » de Pascal Mercier, roman jubilatoire, intense, fourmillant de références philosophiques, poétiques, littéraires et politiques.
La quatrième de couverture est lumineuse, exceptionnelle car elle ne dévoile en rien la substance intime du roman et n'offre qu'une seule chose: l'envie furieuse de le lire, de s'y plonger et de partir aux côtés des personnages.
D'emblée, on peut avancer que ce livre, épais, foisonnant, est une formidable réussite littéraire.
Je ne saurais planter le décor de l'histoire que de bien piètre manière alors je laisse le début de la quatrième de couverture le faire pour moi:



« Une femme penchée sur le parapet d'un pont, un matin à Berne, sous une pluie battante. Le livre, découvert par hasard, d'un poète portugais, Amadeu de Prado. Ces deux rencontres bouleversant la vie du sage et très érudit professeur Raimund Gregorius. Au milieu d'un cours de latin, soudain il se lève et s'en va. Il prend le premier train de nuit pour Lisbonne, tournant le dos à son existence anti-poétique et sans savoir ce que vont lui révéler la beauté étrangère de Lisbonne et le livre d'Amadeu.... »



Raimund Gregorius, dit « Mundus » est un indécrottable casanier pour qui se rendre en dehors de Berne représente un effort surhumain et souvent une terrible déconvenue. Il n'est bien que dans ses livres latins et grecs, chez lui ou dans son lycée face à ses élèves. Son voyage, ses voyages sont immobiles: ce sont les pages qui l'emportent au gré de leurs mots, de leurs phrases et de leurs histoires. Sa vie est réglée comme du papier à musique mais un grain de sable va le jeter à corps perdu sur les pas d'un poète et d'une inconnue portugaise: un matin il croise cette dernière et sa vie va être changée à jamais.
Voilà notre Mundus partant, en train de nuit, pour Lisbonne avec en poche le livre d'Amadeu de Prado et une grammaire portugaise. Sous la glace suisse couve un feu méditerranéen.
Gregorius part à la recherche d'un poète et d'une femme mais il part, aussi, sans le savoir, à la quête de lui même, et vivre pleinement sa vie! Au fil des pages, des rencontres, il va ôter ses pelures tel un oignon pour devenir lui-même. En sa compagnie, le lecteur tombe sous le charme extraordinaire de Lisbonne, ville ouverte sur le large océanique, sur les voies maritimes des mondes à explorer, ville aux mosaïques bleues si particulières. Aux côtés de Mundus, on plonge dans la sombre période de la dictature, de ses compromis et de ses combats pour la liberté. Avec lui, le lecteur devient détective et part à la recherche du passé de de Prado, remontant le temps grâce aux amis, aux proches, aux camarades de combat qui chacun à leur tour dévoile un pan de la personnalité de ce dernier et permettent ainsi à Mundus de comprendre et d'apprécier pleinement ses écrits. Ecrits qui lui font ouvrir les yeux sur l'inanité de son existence bernoise, qui lui donnent enfin les ailes pour l'envol tant rêvé et désiré.
Mundus Grégorius rencontrera l'amitié et découvrira la profondeur des textes d'Amadeu de Prado, homme d'exception, médecin, poète et brillant intellectuel, résistant et rebelle. Ce qu'il écrit sur l'amour, l'amitié, le courage ou la mort est une véritable révélation pour Mundus qui en découvre toute la profondeur et la justesse en parcourant Lisbonne sur les traces de cet homme lumineux.
Chaque texte d'Amadeu lu par Mundus est une leçon de vie, un cours de philosophie, d'histoire, de littérature, de sociologie ou de politique. Chaque incursion dans l'univers intime et intellectuel d'Amadeu amène le lecteur à s'interroger sur le sens de la vie, sur la marche du monde et des idées, sur l'esthétique et l'art mais surtout à plonger dans une introspection riche d'enseignement.
« Train de nuit pour Lisbonne » est un roman que l'on savoure, que l'on déguste lentement car aux détours des phrases attendent questionnements et souvenirs: beaucoup de références renvoient à des impressions ressenties à diverses périodes de la vie, aussi lève-t-on les yeux du texte pour laisser vagabonder l'esprit, laisser la mémoire raconter des instants enfouis dans un faux oubli.
J'ai adoré le personnage, bourru et un peu grognon, de Mundus Grégorius qui abandonne sa pelisse d'érudit pour partir à l'aventure sans filet de sécurité et rencontrer un homme disparu mais omniprésent dans le dédale lisboète et dans la mémoire des vivants. Mundus qui change de lunettes, de vêtements et qui s'inquiète de savoir si son compte en banque supportera ses folies d'aventurier. Mundus qui est un angoissé à la limite de l'hypocondrie: il téléphone à son ophtalmo bernois pour parler de ses céphalées et de sa peur de perdre la vue mais aussi pour une partie d'échecs!
Un roman d'une grande qualité littéraire servi par une excellente traduction et qui est passé inaperçu à la rentrée littéraire dernière. C'est le bouche à oreille et Parfum de livres qui ont mis cette splendide histoire entre mes mains. Un roman à lire et à relire afin d'en saisir toute la subtilité et l'érudition qui est loin de toute grandiloquence et de maniérisme.

Les avis de Mémoire d'Europe Fée Carabine (Zazieweb) nescio un livre un jour Alexandra Sophie


Roman traduit de l'allemand (Suisse) par Nicole Casanova

samedi 15 septembre 2007

Thé-ophile


"La Voie du Thé est sans portes." Hyodang

Le coeur des hommes


Le titre du recueil de nouvelles de Laurent Gaudé est déjà en lui-même tout un voyage intérieur: « Dans la nuit Mozambique » entraîne immédiatement l'imagination vers le creuset de l'Humanité qu'est l'Afrique! Les sources de nos origines, le fondement de l'être, les contes et les histoires immémoriaux assaillent la mémoire originelle.
Quatre nouvelles, quatre aventures humaines extraordinaires: « Le sang négrier », « Gramercy Park Hotel », « Le colonel Barbaque » et « Dans la nuit Mozambique ».

« Le sang négrier » ou les conséquences de la mort, au large de Gorée au Sénégal, du capitaine Bressac, maître d'un bateau négrier.
Son jeune second choisit de rapatrier le corps du défunt à St-Malo au lieu de l'immerger, comme le veut la coutume maritime, dans l'océan avec les honneurs, et mettre le cap sur la destination finale de la cargaison du navire. Cargaison hautement fragile et précieuse: des esclaves noirs destinés aux exploitations agricoles du Nouveau Monde! Dès l'arrivée dans la cité malouine, les ennuis commencent: cinq esclaves demeurent introuvables. Une chasse à l'homme, mobilisant toute la population, est ouverte...un seul fugitif restera en liberté et défiera les hommes blancs. Magie noire, malheurs et vengeance feront sombrer le second dans la folie alcoolisée et la déchéance.
La culpabilité est un poison qui ronge et ronge, encore et encore, et dont le point final est un couperet qui claque sèchement sur les âmes conscientes de s'être entachées.

« Gramercy Park Hotel » ou les souvenirs d'un vieil homme qui font ressurgir du passé les amours d'antan. Moshe vient d'être agressé par de jeunes voyous. A sa sortie d'hôpital, il retourne au Gramercy Park Hotel où il vécut, avec Ella une vie d'artiste et de bohême. Hélas, la bohême est loin d'être l'image romantique tant décrite et chantée. La folie peut faire sombrer les passions les plus folles dans les douleurs les plus épouvantables.
Gaudé entraîne son lecteur dans un New York des années 1970 et suivantes, un New York toujours en mutation, toujours en éveil, toujours plus moderne et toujours séduisant. Les hommes vieillissent et meurent, New York demeure, éternellement jeune et lumineux.
Un récit bouleversant où l'émotion prend à la gorge très vite et où les dernières phrases font jaillir un torrent de larmes: les regrets sont toujours les pires souvenirs dans la vie d'un être humain.

« Le colonel Barbaque » ou la fuite désespérée en Afrique noire d'un poilu rescapé des tranchées et devenu inadapté à la vie civile. La guerre n'a appris à Quentin Ripoll que le meurtre à la pointe de la baillonnette. L'armée n'a pas su aider cet ancien combattant à redevenir celui qu'il était avant la boucherie de 14-18. Mais pouvait-on redevenir, après une telle expérience cruelle et sanglante, soi-même, celui d'avant?
Quentin est écoeuré par l'absence d'humanité envers les soldats des colonies: M'Bossolo, qui lui a sauvé la vie lors d'une charge, n'a pas eu droit d'avoir son corps rapatrié sur son sol natal. Quentin décide de partir pour ne plus revenir vers cette Afrique si belle et attirante. Là, de trafics en trafics, il deviendra un Dieu de la guerre, le colonel Barbaque, se battant aux côtés des premiers rebelles à la colonisation.
Mais la folie des tranchées le rattrapera et fera basculer son destin dans un autre enfer: celui de la lucidité désespérée.

« Dans la nuit Mozambique » met en scène quatre amis dont les retrouvailles autour d'une table de restaurant lisboète rythment la vie, leur vie. Trois anciens élèves de l'école de la Marine et le patron du restaurant, se racontent au fil de leurs voyages maritimes. C'est à qui racontera l'histoire la plus merveilleuse. Un soir le commandant Manuel Passeo commence à raconter à ses comparses, Fernando, le restaurateur, le contre-amiral Da Costa et l'amiral Aniceto de Medeiros, ce qui lui est arrivé au Mozambique, une histoire d'une fille de Tigirka. Parvenu au point culminant de l'histoire, Passeo s'interrompt et donne rendez-vous pour la suite à son prochain passage à Lisbonne.
« Le Mozambique me manque » dit un soir l'amiral de Medeiros à Fernando: le cercle d'amis ne compte plus que deux membres, eux. Da Costa a tiré sa révérence, quant à Pessoa, il semble avoir disparu. Que reste-t-il de ces soirées d'amitié? Des souvenirs, des bribes de phrases, des sons, des rires, des verres, toutes ces petites traces de vie si précieuses, immatérielles mais parfois présentes sur des supports les plus inattendus.

C'est un peu l'histoire du monde des hommes que Gaudé relate avec brio dans ses quatre récits. La violence des actes, des sentiments et des émotions est présente au même titre qu'est présent le bonheur de l'existence, de vivre des instants uniques et fugaces, ceux qui construisent et font un être. Les illusions sont souvent balayées par la vie qui malmène les hommes, le désespoir est toujours latent, mais le fait d'accepter l'approche de sa fin ainsi qu'assumer ses erreurs ouvre aux personnages une porte sur une paix avec eux-mêmes.



Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés


jeudi 13 septembre 2007

Se reconstruire


Note de l'éditeur:


« Lambeaux marque un tournant essentiel dans l'écriture de Charles Juliet. Il le libère et le fera ensuite passer à la poésie et des journaux à la fiction. L'auteur y vide pour la première fois sa mémoire, dénoue le noeud de son malaise et l'origine de son écriture: la mort de sa mère alors qu'il n'a que quelques mois. Par des phrases lentes, granitiques, il accède aux racines tranchées, extirpe sa mère du rien en lui donnant la parole. »


« Lambeaux » est un récit autobiographique et la reconstruction d'un être qui s'est cherché longtemps avant de plonger dans les abysses de son moi pour recoudre, mot à mot, bribe par bribe la relation maternelle brutalement interrompue. L'image des limbes du souvenir d'un nouveau né arraché au sein maternel par la folie d'une mère sombrant dans une dépression immense et incurable.


La première partie du récit est consacrée à sa mère. Juliet tisse, point par point, les informations recueillies, au gré des confidences, sur l'enfance, l'adolescence puis la vie en couple de sa mère. Cette mère, aînée d'une « fratrie » féminine, s'occupera de ses soeurs, du quotidien de la ferme et ira, le temps d'obtenir son cerficat d'études, à l'école. Cette école de la République qu'elle chérira comme son havre de paix, de liberté: le savoir lui est précieux au même titre que l'enthousiasme de son instituteur. Elle obtiendra les meilleurs résultats du canton mais hélas ne pourra aller au lycée approfondir ses connaissances et espérer s'élever socialement. L'importance que revêtent à ses yeux les livres et les cahiers est immense et indicible. Les idées et les sensations s'enchevêtrent dans son esprit, s'y bousculent et ne trouvent pas la clé libératrice: la solitude est une douleur muette qui la ronge peu à peu. Une bible viendra assouvir le besoin intense de lire, d'engranger des idées, de trouver des débuts d'explication à tout ce qui se passe dans sa tête et son corps. Mais les limites sont étouffantes et le papillon ne peut sortir de sa chrysalide.
Elle se terre au plus profond de son être, elle cache le moindre de ses sentiments, de ses émotions, elle qui est différente car « Celle-ci on se demande d'où elle vient. », diamant égaré au milieu des cailloux. Le malheur d'être née fille, le malheur de ne pas pouvoir transmettre la terre et le nom, le malheur d'être dotée d'une intelligence fine et remarquable mais inexploitée, gâchée par la terre assoiffée de bras et de sueur.
Le mal de vivre prend le pas sur la vie malgré l'arrivée des enfants. Charles vient au monde trop vite après le dernier né: la mélancolie grignote l'espoir maternel de vivre autre chose et un jour, sa mère bascule dans le noir de la dépression. Nous sommes à l'aube de l'invasion allemande. L'internement des dépressifs s'effectue au même titre que celui des malades mentaux, les soins ne sont pas adaptés et la dépression de sa mère vire très vite au cauchemard de la folie. La mère de Charles Juliet meurt de faim à l'hôpital psychiatrique, solution barbare pour réduire le nombre de malades.
Charles Juliet donne la parole à sa mère, lui offre tous les mots, tous les concepts qu'elle n'a pu dire ni posséder et en la sauvant de l'oubli il se sauve lui-même de la folie qui le guette.


« Quand tous les regards convergent vers toi, que tu entends que tu es la première du canton avec une moyenne encore jamais enregistrée, qu'il te félicite, tu te mets à trembler et dois prendre violemment sur toi-même pour contenir ton émotion. Il explique encore que tu es remarquablement douée, et qu'il faut regretter que le lycée de cette ville ne puisse à la rentrée prochaine te compter parmi ses élèves. C'est alors que tu ne peux plus te cacher ce que jusque-là tu as obtinément refusé de voir: tu vas quitter l'école pour n'y jamais revenir. Pour ne plus rencontrer celui dont tu as tant reçu. Ne plus jamais passionnément t'adonner à l'étude. Et ce monde que tu vénères, ce monde des cahiers et des livres, ce monde auquel tu donnes le plus ardent de toi-même, ce monde va soudain ne plus exister. Tes muscles se raidissent, tes mains se nouent âprement dans ton dos, mais tu ne peux rien contre ce sentiment d'effondrement qui te submerge, et à ta grande honte, deux lentes traînées brillantes apparaissent sur tes joues. » (p 17)


« Ta hantise est de mourir sans avoir vécu, sans avoir pu apaiser ta soif, sans avoir rencontré ce que tu ne saurais dire mais qui te fait si douloureusement défaut.
Ces questions qui te tournent dans la tête, elles t'épuisent. Certains jours, il arrive que sans t'en rendre compte, tu t'interrompes de travailler, saisie par l'une d'elles. Mais la réponse ne vient jamais, et chaque fois, la déception que tu éprouves s'ajoute à ta désespérance, ta fatigue. »
(p 43)


« ...tu écris avec rage sur un mur, sur la porte des surveillantes, du médecin, en grandes lettres noires dégoulinantes, ces mots qui depuis des jours te déchirent la tête
je crève/parlez-moi/parlez-moi/si vous trouviez/les mots dont j'ai besoin/vous me délivreriez/de ce qui m'étouffe....la sanction est immédiate: dix jours de cellule...quand tu es de retour parmi les chroniques, tu es brisée. Sur ces entrefaites, la guerre a éclaté. Antoine espace ses visites et l'idée de te faire sortir est abandonnée. »
(p 86 et 87)


La deuxième partie du récit est consacrée au parcours de Charles Juliet: sa vie amputée de la présence de sa mère biologique (et cela malgré la tendresse et l'amour de sa famille adoptive) dans sa famille adoptive, son enfance paysanne au gré des saisons et au coeur de la nature. Puis l'entrée à l'école des enfants de troupe, porte ouverte sur l'instruction et une éducation militaire. Charles Juliet est un rebelle, comme sa mère, un rebelle qui comprend très vite comment fonctionne le monde: rester caché aux yeux des autres, être insignifiant et surtout ne rien dévoiler de sa véritable personnalité.
Au cours de ces années d'école, Charles découvrira l'amour et la tendresse amoureuse avec l'épouse de son sous-officier.
Puis les tentatives d'écriture vont conduire Charles Juliet sur le chemin sombre, douloureux de la quête de soi. Cette quête qui pourra ressembler parfois à un enfer et le mener au bord de la folie et de son gouffre. Comme sa mère, il connaîtra la solitude poignante et amère de celui qui est différent et qui ne rompt pas. Comme elle, il saura combien sont tragiques les silences et les cris confinés au tréfonds de l'âme. Mais il ne sombrera pas grâce à l'écriture, à la mise en mots de ces douleurs intimes, à la mise au jour des ombres de l'enfance, qui lui permettront une renaissance salvatrice. Les mots qui ont manqué à sa mère se sont trouvés sous la plume de la mémoire et de la création. Une libération de l'être, un épanouissement à la lumière d'une transformation essentielle.
L'écriture poétique, abrupte parfois, de Juliet est admirable et le parti pris d'utiliser la deuxième personne du singulier permet une distanciation sans froideur du récit: le lecteur observe, vit les douleurs et les joies sans avoir l'impression désagréable d'être voyeur. Il lit avec une immense émotion qui serre la gorge, rend difficile la déglutition et brouille très souvent la vue, ce récit intense, dur et tendre à la fois, de deux destins exceptionnels.
La lecture de « Lambeaux » ne laisse pas indemme le lecteur qui longtemps frissonne en y repensant, en relisant quelques phrases au gré des pages feuilletées. « Lambeaux » est une fenêtre entrouverte sur l'univers particulier de Juliet et on a envie de tout sauf de la refermer.
Un livre bouleversant de poésie et d'émotions!!!
Claudiogène Florinette Cyrielle Le Bibliomane et Flo l'ont lu aussi. Mais aussi un grand merci à Coline et Babelle, comparses de Parfum de livres qui m'ont donné envie de lire cet auteur que je ne connaissais pas....et dire que je serais, peut-être, passer à côté de ce livre magnifique!!!!

mercredi 12 septembre 2007

Une hasardeuse traversée


J'ai des auteurs jeunesse de prédilection et Philippe Corentin en fait partie. J'aime, en particulier, sa manière de dessiner les loups: ils ont les rondeurs enfantines, le vocabulaire des enfants, font des bêtises et on l'art d'être ridicule ce qui atténue la caractère sauvage de loup de base. Je ne résiste pas au plaisir de vous parler d'un autre personnage du monde des méchants, l'ogre! Ce dernier subit le même sort que le personnage du loup: une apparence des plus amusantes qui ne ferait presque pas peur (il tient quand même un fusil cet ogre!)


Un ogre revient de la chasse avec un loup, une petite fille et un gâteau. Pour rentrer dans son château, il doit faire traverser la rivière à tout ce petit monde et sa barque n'a que deux places! A partir de là, c'est la cascade de problèmes à résoudre: le loup a envie de manger la petite fille, cette dernière souhaite goûter au gâteau: comment faire pour que ces trois proies terminent dans l'estomac de l'ogre? Un vrai dilemme est posé à l'ogre qui doit résoudre cette inconfortable situation-problème...c'est là que les compétences en mathématiques et en logique s'avèrent utiles ;-) La solution? Vous l'aurez en lisant ce délicieux album de Corentin qui sait si bien mettre en joie ses lecteurs, qu'ils soient petits ou grands!


Certes, cet album peut sembler difficile d'accès à un jeune enfant de 3 ans: le fait de se projeter dans les déplacements en barque ne sont pas évidents mais les illustrations, d'un humour savoureux, le portent dans la dynamique du récit (j'ai lu cet album dans ma classe de Petite Section de Maternelle, en milieu d'année scolaire, et l'engouement a été extraordinaire!). Bien sûr, les enfants plus âgés goûteront au sel du problème de logique posé à l'ogre et se régaleront à la lecture des apartés de l'auteur qui donne son avis sur les situations vécues par les protagonistes de l'histoire et fait ses commentaires sur la personnalité de ces derniers.

Les têtes des personnages, croquées par Corentin, sont extraordinaires d'expressivité et le trait de l'auteur doté d'un humour dont on ne se lasse pas (ah! les habits des loups et des ogres sont homériques!). Si je vous dis que cet album fait partie des incontournables dans une bibliothèque, penserez-vous que j'exagère?

mardi 11 septembre 2007

La couleur de l'âme

Je l'ai trouvé chez cathulu qui l'avait vu chez papillon....aimeriez-vous connaître la couleur de votre âme?

What color is your soul painted?

Pink

Your soul is painted the color pink, which embodies the characteristics of love, friendship, compassion, femininity, relaxation, ability to overcome evil, honor, morality, general success, gratitude, appreciation, admiration, sympathy, health, and marriage. Pink falls under the element of Air, and is symbolic of gentle emotions and of emotional unions.

Personality Test Results

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quiz
Quizzes and Personality Tests
Je dois avouer que le rose est loin d'être ma couleur préférée bien que quelques unes de mes tenues soient roses...allez comprendre....

Un peu de rose en ce 11 septembre ne peut faire de mal, n'est-ce pas? Entre les commémorations des attentats du 11 Septembre 2001 et l'oubli assourdissant d'un 11 Septembre 1973 chilien, la couleur rose fait triste mine à travers le monde. Le bonheur est une nécessaire quête afin de trouver équilibre et harmonie dans notre vie.

lundi 10 septembre 2007

Vacances à la mer


Voici un livre qui fleure bon les vacances iodées et le cinéma de Rohmer. Par petites touches légères, presque insignifiantes, Jean-Philippe Blondel dresse un portrait satirique des vacanciers de bord de mer.
Quatre lieux de villégiature marine, quatre côtes françaises: Capbreton, Hyères, Perros-Guirec et Arromanches...les bains de mer d'une classe sociale qui fut aisée et qui conserve ses habitudes marines. Le lecteur se promène le long des promenades des villes balnéaires et vient fouler le sable chaud de l'été. Des étés qui s'étirent à l'infini dans le brouhaha des baigneurs, du ressac de la mer et du Club Mickey! Il imagine les parties de beach-volley, les séances d'étalement de crèmes solaires, dont il sent le parfum doucement écoeurant.
Les personnages se croisent, se perdent de vue pour se retrouver parfois sans le savoir des années plus tard. De 1972, sur les côtes landaises de Capbreton, à 2002, en Normandie, les héros passent de l'enfance à l'âge adulte pour arriver à l'âge mûr: du sépia des clichés imaginés aux couleurs du numérique.
Les destins les plus tragiques côtoient les vies les plus anodines: la perte d'un enfant mettant la mère sur les routes interminables des rencontres du hasard, une frustration affective amenant au viol et au meutre d'une adolescente quelques années plus tard, une enfance solitaire entre une mère désabusée et un père adepte de la « beauf attitude » s'épanouissant en un « coming out » retentissant. On voit passer un fils d'ouvrier qui a réussi en achetant et vendant des entreprises et qui après avoir été renié par ses parents se retrouve en prison pour quelques entourloupes bancaires. On assiste à la naissance d'un écrivain promis au succès: un jeune homme solitaire, accroché à ses parents et diablement agaçant, auteur d'un roman semblant être écrit par un homme mûr. Les échos de la chute du mur de Berlin viennent jusque sur la plage de Perros-Guirec où une jeune femme est allemande fera connaître les joies de l'hétérosexualité à un homosexuel patenté.
Une partie de ce petit monde se retrouvera à Arromanches, dans une pension de famille qui verra une vérité se révéler, un deus ex machina qui donne une note finale bien sympathique à ce récit doux-amer des bains de mer d'antan.
Les documents joints sont le petit plus qui relie les fils tissés de l'histoire entre eux: la boucle est bouclée, les destins scellés et les vies entrevues ont moins de mystère.
Le lecteur est là, invisible mais participant activement aux récits qui se suivent et s'enchevêtrent: il suit les personnages, leurs empreintes qui existent après leur passage. Leurs envies, leurs rêves, leurs bonheurs sont si réels, si vrais, que l'on a l'impression de les posséder, de les vivre. On imagine très bien ces tranches de vie filmées par Rohmer: le temps passe lentement, doucement sous-entendant des heurts, des chaos intimes et des douleurs indicibles. Le tout sur fond de bruissement des vagues sur les coquillages ou les galets et de criaillements rauques des mouettes et des goëlans.
Une écriture agréable, petite madeleine proustienne parfois, percutante et tendre à la fois. On se laisse avec plaisir embarquer dans le sillage du temps des bains de mer, rites immuables des étés de l'enfance et de l'adolescence.

Je tiens à remercier Sophie qui en me prêtant ce livre m'a permis de découvrir un auteur de talent aux belles histoires.


Caro[line] , Val , elfique , sachaguitry , le biblioblog , amandine , Florinette Emeraude (qui n'a pas aimé) entre autres, l'ont lu et apprécié.


Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés


jeudi 6 septembre 2007

Week-end festif

Quelques jours de silence....nous partons demain, en fin d'après-midi, en région parisienne pour assister samedi à un mariage algéro-marocain. Des couleurs, de belles robes et une fête animée en perspective!!!



Une déchirure

Un jour, Bobby, le petit garçon de la famille, apprend que ses parents et lui vont partir vivre loin de la ferme familiale et des grands-parents. Son grand-père a un secret à lui confier lorsqu'il reviendra le voir...
Le roman est très court, une cinquantaine de pages, mais d'une intensité extraordinaire. J'ai retrouvé le parfum des nostalgies de l'enfance évoqué dans "Un souvenir de Noël". Ces souvenirs empreints de regrets inavoués mais qui dégagent un parfum suret un tantinet désagréable.

L'amour, l'attachement à la terre sont très présents dans "Un été indien": les descriptions des arpents cultivés avec soin et amour, la rivière où Bobby aime s'isoler ou s'asseoir tout simplement en compagnie de son grand-père. La terre du Sud est une maîtresse que l'on n'oublie pas: elle vous accompagne à chaque instant, à chaque pas que vous accomplissez.

Truman Capote sait exprimer avec tendresse et douceur les déchirures des séparations, les sentiments profonds que l'on n'ose avouer mais aussi peindre avec art les affres d'un jeune garçon arraché à son quotidien.

L'été indien brille de ses couleurs les plus chaudes pour s'éteindre sous la neige qui étouffe les bruits, qui étouffe la distance qui grandit.

Les années passent, le secret est oublié jusqu'à ce que le facteur apporte une lettre. L'émotion est à chaque détour de mot, de phrase et les larmes perlent souvent au coin des yeux.

Le parfum discret, acidulé de l'enfance s'épanouit autour du lecteur pour ne pas le quitter avant la fin de l'histoire...d'ailleurs, il flotte longtemps après avoir refermé le livre: une note étrange se détache et apporte une noirceur au souvenir.

Un petit roman grand par sa force, son émotion intense et son atmosphère attachante. Mais qui peut angoisser par le non retour à la ferme familiale où sont retsés, abandonnés, les grands-parents. Un étrange tissage familial qui laisse perplexe car en opposition totale de l'idée universelle que l'on se fait de la famille. Je ne suis pas mal à l'aise à l'issue de cette lecture mais une tristesse m'a envahie au fil du récit...une étrange sensation qui dérange un peu.


ekwerkwe Malice Flo (qui le fait voyager) BlueGrey l'ont lu.


mercredi 5 septembre 2007

C'est la rentrée de Claire et Bigoudi!


Tout a une fin et il en va de même avec les vacances. Dans le cartable de Claire et Bigoudi en cette rentrée des classes il y a un album superbe, à lire et à relire!

"Charlotte a un ami qui n'est pas comme les autres: c'est un chien au pelage bleu. Elle voudrait bien l'adopter mais sa maman s'y oppose. Jusqu'aù jour où elle se perd dans la forêt..."

L'histoire est celle d'une amitié entre un animal et une petite fille, une amitié qui se développe envers et contre tout. Au fil des pages sont déclinées la loyauté et la reconnaissance envers autrui et la confiance que l'on peut avoir en un ami. C'est aussi un plaidoyer pour la tolérance et l'acceptation de la différence: le chien est bleu et donc très éloigné du schéma traditionnel. Ce Chien Bleu, rejeté par les adultes, sauve Charlotte, qui a su l'aimer et voir qui il est réellement, en se mettant en danger.

Les thèmes de l'univers du fantastique sont également présents: la forêt dans laquelle se perd un enfant, la nuit, le danger auquel il échappe. Nadja fait se rejoindre l'imaginaire et le réel dans les préoccupations des jeunes enfants à qui elle donne du rêve et de l'espoir sans jamais sombrer dans le fatalisme.

Le récit initiatique permet de d'aborder les sentiments et les désirs qui font évoluer les personnages: doit-on se fier aux apparences?

Il ne faut pas oublier de mentionner la qualité des illustrations qui illuminent et ajoutent à l'atmosphère familière et pourtant surréelle du récit par les couleurs qui les gorgent sans les alourdir. Les expressions des personnages, notamment de Charlotte, parlent d'elles-mêmes: on est effrayé, comme Charlotte, devant l'immense taille de Chien Bleu avant de comprendre qu'il est tout sauf effrayant! les couleurs chaudes et les couleurs froides (celles de la peur, de la nuit, de l'inconnu) renforcent l'intensité du récit et magnifient le combat entre le Bien et le Mal!

Un album d'une intense poésie et d'une beauté à couper le souffle: à lire dès 3 ans et je peux assurer que l'on ne se lasse jamais de cette formidable histoire d'amitié et d'humanité! J'irais jusqu'à affirmer que cet album est un incontournable de la littérature jeunesse et se doit de figurer au panthéon des histoires!

lundi 3 septembre 2007

On n'en finit pas de....

Faire des tests!!! Ils sont autant inutiles qu'amusants et c'est pour cette raison que je les aime!
La question du jour, grâce à anjelica:
Mon karma est vraiment des plus savoureux (souvenez-vous: Serpentard, Néo, Blanche-Neige, une fée, un livre "Watership down"...). En effet, je continue à découvrir mes autres moi:

Ellen Ripley (Alien) : 71%
Bridget Jones : 70%
Vivian Ward (Pretty woman) : 69%
Beatrix Kidow (Kill Bill) : 67%
Jean Grey (Xmen) : 67%
Trinity (Matrix) : 61%
Leeloo (Le 5ieme élément) : 59%
Bebe (Dirty dancing) : 58%
Catherine Tramell (Basic instinct) : 54%
Michelle (American pie) : 51%

Quel héroïne de film es-tu ?

Si je vous dis que ce film culte, le premier "Alien, le huitième passager" de Ridley Scott m'a fichu une telle trouille que je n'ai jamais pu le regarder (peut-on encore, à ce stade, utiliser le terme "regarder"?) autrement qu'en me cachant les yeux derrière les mains (en écartant de temps en temps les doigts, histoire d'augmenter la peur), vous me croirez au sujet de mon karma (dans le monde merveilleux des tests!!!!)?
A un 1% près je pouvais être Bridget Jones...c'est ma maman qui va rire en lisant cela (je suis sûre qu'elle pense que je suis plus proche de Bridget Jones que du commandant Ripley!)
Blague à part: vous me trouvez comment en commandant Ripley?
(je suis fin prête pour le swapSFFF)

dimanche 2 septembre 2007

Devine chez qui nous allons dîner ce soir?


J'avais savouré, lorsque j'étais encore sur les bancs universitaires, que dis-je, je m'étais délectée de « Pastiches et mélanges » de Marcel Proust; aussi est-ce avec une joie sans fard que je me suis lancée dans la lecture de « La soupe de Kafka ».
Comment parler d'un livre de recettes original et délectable? Comment parvenir à le résumer ou à le commenter sans en déflorer la saveur? Difficile exercice que celui-là!
J'ai lu la plupart des auteurs pastichés par Mark Crick mais Irvine Welsh, Harold Pinter et Geoffrey Chaucer me sont encore inconnus...d'ailleurs leur recette m'ont donné envie d'aller y lire de plus près ce qu'il se passe dans leurs histoires.
J'ai apprécié plus particulièrement « Les oeufs à l'estragon à Jane Austen »: un grand moment...Crick se met vraiment dans la peau et la tête de Jane Austen et on se croirait au coeur de la bonne société provinciale anglaise où fleurent bon la mesquinerie et les ambitions sociales à peine masquées.
J'ai littéralement craqué pour « La soupe miso rapide à la Kafka » où les affres intérieurs du cuisinier côtoient le déroulement placide de la recette et « Le gâteau au chocolat à la Irvine Welsh » qui m'a fait penser, en plus déjanté bien entendu, aux situations incroyables de « La reine des pommes » ou « Couché dans le pain » de Chester Hime. Les scènes trashs sont succulentes dans l'ignoble, parfois on se croirait dans un épisode des « Sopranos »!
Bien entendu, je n'ai pu lire qu'avec délectation « Tiramisu à la Marcel Proust ». Non seulement ce pastiche me renvoyait à ces deux étés consacrés à la lecture de « A la recherche du temps perdu » au cours desquels le temps, justement, s'étirait d'une étrange manière (je ne voulais pas arriver trop vite aux dernières phrases); mais aussi me ramenait-il à cette semaine passée à Rome pendant laquelle je goûtai différentes recettes de tiramisu (à croire qu'il existe autant de recettes de tiramisu que de familles romaines).
J'ai retrouvé (ce qui prouve la maestria de Crick) le souffle épique des écrits d'Homère avec « Fenkata à la Homère »: les querelles bruyantes et inutiles des Achille, Agamemnon et autre Ménélas soutenues ou combattues par Pallas Athena ou Apollon. D'un coup, le lecteur se retrouve sous les remparts troyens, autour du feu à contempler les discordes royales et sentir la présence ethérée mais efficiente des dieux de l'Olympe. Ulysse apparaît tel un sage plein de ruse et d'adresse verbale, le diplomate retors apportant toujours la meilleure des solutions pour tous mais surtout pour lui.
J'ai aimé la manière dont la mise en oeuvre des recettes était subtilement indiquée dans les divers récits telle un souffle venu des oeuvres de ces auteurs pastichés. Le pire dans tout cela? D'une part, l'envie furieuse de relire ou lire ces auteurs s'empare du lecteur et d'autre part survient une terrible démangeaison: celle de réaliser sur le champ ces recettes, simples mais transcendées fabuleusement par le pastiche!
Je suis certaine que si on met en pratique ces recettes, elles n'auront pas du tout la même saveur que celles piochées dans un banal livre de recettes!
Il faut souligner également le choix judicieux des illustrations de chaque recette: elles sont réalisées par Mark Crick himself, « à la manière de... » ou inspirées de l'univers de l'auteur pastiché et elles sont jubilatoires! Quant à la traduction, les recettes sont traduites chacune par un écrivain différent....ce qui contribue grandement à leur saveur!
Un agréable moment de lecture que l'on aime prolonger en lisant au compte-goutte ces délicieuses recettes qui mettent diablement en appétit (tant littéraire que gustatif)! Au fait, où le ranger? Dans le placard de la cuisine, avec les divers livres de recettes, ou dans la bibliothèque, au milieu des policiers, des romans, des nouvelles et autres oeuvres littéraires?

Les avis de Clarabel Céline Gachucha Lily cathulu malice entre autres...

Roman traduit de l'anglais (GB) par Patrick Reynal, Geneviève Brisac, Eliette Abécassis, Alain Defossé, Claude Durand, Frédéric Jacques Temple, Patricia Reznikov, Gérard de Cortanze, Patrice de Méritens, Anne Freyer-Mauthner, Isabelle D.Philippe, Alain Malraux, François Rivière, Jean Pavans et André Crépin

Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés


samedi 1 septembre 2007

A la recherche du passé perdu

Elsa Osorio offre au lecteur un livre émouvant, poignant et effrayant. Nous sommes à la fois en 1975, au début de la dictature des colonels en Argentine, et vingt ans plus tard, en Espagne. Entre ces deux périodes, la quête d'une identité, la recherche de son origine, la mise en lumière des atrocités perpétrées par une poignées de gradés ivres de haine et de pouvoir.
Luz, petite fille du général Dufau, une fois devenue mère à son tour, part à la recherche de ses vrais parents: elle a de sérieux doutes quant à ses origines. Elle sonde peu à peu le puits du silense de sa mère, soumise depuis toujours à l'emprise psychologique de ses parents, affronte les réticences de son oncle paternel, s'interroge sur la disparition brutale de son père, s'effraie devant les révélations de la presse au sujet de la Dictature des Colonels lors des grands procès, va à la rencontre des Grands-Mères de La Place de Mai et s'envole enfin vers celui qui est son véritable père.
Luz, lumière dans un monde plongé dans les ténèbres de la répression, de la torture, est une enfant rebelle qui n'a jamais été proche de sa mère adoptive et qui vouait un amour sans borne à son père adoptif. Elle apprendra que ce dernier a caché jusqu'au bout de ses forces la vérité à son épouse: le vol d'un bébé pour remplacer leur petit garçon mort né...une idée du colonel Dufau afin que sa chère fille ne connaisse pas la douleur de la perte d'un enfant, un peu comme s'il lui remplaçait sa poupée cassée! Eduardo, écoeuré et révolté par cette idée, ne peut résister longtemps face à la détermination du colonel, terrorisant autrui avec une facilité déconcertante et pliant de ce fait toute volonté à ses désirs et ordres. Une chappe de silence et de plomb va pourrir au fil des années cette famille: le mensonge ronge Eduardo qui se rend compte, sans vouloir vraiment aller au-delà des apparences, de ce qui se passe dans son pays: les gens qui disparaissent sans laisser de traces, la répression terrible, la peur muette et sordide des argentins.
Elsa Osorio raconte un pan sombre et désespéré de l'histoire argentine: la terreur que font régner les militaires, les camps de détention secrets où les opposants au régime sont mis à la questions et surtout une des conséquence de la dictature, le vol, le placement dans les familles de militaire des bébés nés en captivité. Ces enfants volés, à la naissance ou lors des rafles, sont une façon, pour la dictature, d'éradiquer les foyers de contestation, de révolte: les louveteaux sont arrachés à leur mère pour être apprivoisés et éduqués correctement! L'image peut sembler outrancière, mais je ne pense pas être très loin de la véritable motivation de cette junte.
Elsa Osorio met en scène des personnages aussi sordides que sublimes: La Bête, la main des basses oeuvres du colonel, le champion des aveux, le sans coeur, qui tombe amoureux de Miriam, sublime prostituée de haut vol qui ne peut plus avoir d'enfant. Cette dernière attendra avec impatience la naissance de l'enfant promis et verra ce dernier partir chez Dufau. Miriam, femme au coeur immense et au sens de l'honneur véritable: elle essaiera de respecter la promesse faite à Liliana, et au final elle n'échouera pas malgré les années à passer. Liliana, jeune femme révolutionnaire, qui illuminera Miriam, lui ouvrira les yeux sur les actes des militaires et qui connaîtra une courte et intense amitié avec cette dernière. Mariana, fille du colonel et femme d'Eduardo: une enfant gâtée, formatée à la haine envers tout ce qui peut avoir un rapport avec le communisme. Le lecteur aurait presque pitié d'elle mais au final, ce personnage n'inspire que dégoût: Mariana ne voit que par son père, est incapable de discernement objectif et soutient l'état de guerre instauré par le régime militaire. Est-ce entièrement sa faute? Doit-on lui trouver des circonstances atténuantes ou la condamner sans état d'âme? Peut-on lui reprocher son manque d'instinct maternel envers Luz, sa sévérité, sa rudesse? Après tout, on lui a caché la vérité, on ne lui a pas permis de faire le deuil de son enfant mort-né. Elle sent, inconsciemment, dans sa fibre maternelle, que Luz n'est pas une partie d'elle-même. Osorio a réussi ce personnage ambivalent, sombre, retors et à la fois victime: Mariana est à l'image d'une grande partie de la société des nantis d'alors.
Que penser d'Eduardo? Lâche ou courageux? Toujours est-il qu'il aime profondément sa fille adoptive et qu'il lui donne plus de tendresse que Mariana. Eduardo rachète sa faute, rachète une autre partie de la société argentine, par sa passion: il affrontera son beau-père et tombera sans s'être, cette fois, plié.
Le roman est construit comme un thriller: le lecteur est pris dans le tourbillon du récit, dans la verve des révélations, des rencontres avec les personnages. L'habilité de l'auteure est aussi d'avoir imbriqué plusieurs récits les uns dans les autres, des points de vue différents qui éclairent la quête de Luz. Le lecteur côtoie le récit de Luz, celui de Miriam, celui d'Eduardo par l'intermédiaire d'Alfonso son frère, et celui de la rencontre entre Luz et son père Carlos.
« Luz ou le temps sauvage » a fait ressurgir un souvenir de lecture « Le Quintette de Buenos Aires » de Manuel Vasquez Montalban qui aborde, plus succintement, cette sombre période argentine.
Un roman passionnant, émouvant dont on ne sort pas indemne: les larmes sont souvent au rendez-vous, la gorge nouée et le coeur au bord des lèvres. J'ai été extrêmement touchée par ces histoires d'hommes et de femmes brisés par un rouleau compresseur qui aurait pu ne jamais s'arrêter...l'humanité ne peut déserter trop longtemps le coeur des hommes et se soulève pour que les gens redeviennent des êtres humains. Le prix, certes, est élevé, les larmes et le sang plus présents qu'à leur tour, mais l'espoir est là, Luz ou une lumière dans la sauvagerie des temps obscurs: Luz plie mais ne rompt pas et ouvre la fenêtre sur la réalité déplaisante qu'il faut assumer.
Un vrai coup de coeur littéraire!!!


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Roman traduit de l'espagnol (Argentine) par François Gaudry