dimanche 30 août 2009

Rivages de l'attente


Un petit village perdue au fin fond de la Turquie, une échoppe de barbier au coeur d'une ville lointaine et proche à la fois. Les bruits des ciseaux, le crissement de la lame du rasoir, la circulation, les palabres sous le vieil arbre du village où veille aussi un barbier dans son échoppe; ces bruits furtifs et tellement présents entraînent l'imagination d'un lecteur qui se laisse dériver le long d'un rivage de blé, d'herbes folles et de rue d'alsphate, l'entraînent vers un ailleurs pas vraiment étranger....seulement étrange.
Une atmosphère d'attente, dans laquelle s'étire le silence des secondes qui s'égrennent, s'installe entre les mots, entre les phrases, sous le rythme d'une lenteur étudiée d'une histoire qui pourrait ne pas en être une. Un client évoque l'écriture de son roman, un roman qui ne parvient pas à s'achever, il laisse dériver son regard dans le vague, dans un lointain intemporel puis ses mots renaissent, ailleurs, dans une autre échoppe de barbier, celle de Cingil Nuri, au coeur d'un village d'Anatolie qui cherche ses disparus.
Nuri a disparu, il y a trop longtemps, si longtemps qu'on ne fait plus le compte des années qui ont passé et lorsqu'il réapparaît, sans aucune explication, c'est Colombe, la plus belle fille du village qui disparaît sans laisser de traces. Il faut la retrouver et mettre la main sur le coupable car cette disparition est de trop. L'angoisse s'insinue dans le moindre interstice du village et le maire, flanqué de son garde doté d'une vieille pétoire, se lance à la recherche du coupable. L'accusation jette son dévolu sur un jeune homme rêveur, un amoureux des clairs de lune illuminant les plaines ondoyant dans la nuit....la différence est tellement facile à pointer. Le village ressent la terreur de la suspicion, l'angoisse de l'incertitude, la chappe du pouvoir d'un homme qui décide de tout...hélas, Colombe est toujours introuvable malgré la capture du jeune homme: des recherches vaines naît, peu à peu, une folie chez les villageois qui s'engoncent dans leurs secrets et leurs silences. Sous le feuillage impavide de l'arbre de la place et sous les regards immuables des anciens qui y palabrent sans fin, la lente folie s'insinue pour emporter la raison qui voit les disparus emporter jusqu'à leur propre ombre!
Le narrateur, comme le lecteur, oscillent entre la réalité et le monde imaginaire dans cette échoppe de barbier d'où on peut disparaître sans aucune autre cérémonie et réapparaître autrement, échoppe-seuil d'un passage vers l'ailleurs. L'Anatolie s'échappe de l'échoppe du brabier comme la ville entre dans ce village perdu, sans heure et sans âge: l'auteur dessine les tremblements de l'air immobile de ses mots et de ses images dignes d'un "Rivage des Syrtes" ou d'un roman de Kafka....on attend sans cesse une réponse qui ne vient que par bribes, ou pas du tout et on vit aux frontières de l'absurde. "Les ombres disparues" est aussi un roman de l'attente, une attente dans un village qui semble être loin de tout, comme perdu aux portes d'un désert, perdu dans le temps et l'espace. Quant au côté absurde, les allusions aux démarches administratives sortent quasiment de l'univers kafkaïen, tout comme les recherches et les divers arguments des villageois. La mise en abyme des deux échoppes de barbier, les miroirs de ces dernières, les apparences cachées, tues, comme étouffées par des masques, sont autant d'hommages subtils à l'oeuvre de Borgès: derrière la glace, derrière les regards, derrière les apparences, la réalité est autre, a une autre dimension, a une autre réalité et un autre imaginaire que l'on tente décrypter.
"Les ombres disparues" est le premier roman que je lis d'un auteur que je ne connaissais pas du tout. J'aime les aventures littéraires et me lancer dans l'inconnu au risque de déchanter: la découverte de cet auteur turc et de son écriture m'a d'abord surprise au plus haut point, me perdant dans le dédale des mots et des images qu'ils suscitaient, puis j'ai apprivoisé le rythme de l'écriture et mis de côté la "raison" pour me laisser emporter par la force onirique du récit...un peu comme devant un tableau d'art moderne à Beaubourg! C'est alors que la magie a opéré et m'a embarquée dans le sillage irréel d'une histoire entre réalisme et absurde, entre réel et imaginaire qui cependant montre combien l'homme a peur de la différence et cherche à la juguler dans un coin sombre pour ne plus avoir à composer avec elle.
Un très beau roman, atypique et magique....à découvrir comme un trésor enfoui et revenu à la surface.

Merci à Guillaume de Babelio pour cette découverte inattendue de très très belle facture....en souhaitant que ce roman se fasse une jolie place au coeur de la rentrée littéraire!


Roman traduit du turc par Noémie Cingöz

(2/7)




jeudi 27 août 2009

De Mao à la loi du marché


Ximen Nao, un propriétaire terrien jovial et amène, se fait arrêter en pleine Révolution chinoise et fusiller sans autre forme de procès: son crime est d'être un possédant, avec terres, épouse et concubine, même s'il n'a pas été pingre envers autrui. Malgré ses cris d'innocence, il est passé par les armes et se retrouve en Enfer où il continue, entre divers tourments, à crier contre l'injustice du monde. Lassé de ses hurlements et jérémiades, le roi des Enfers lui accorde une petite délivrance: il sera réincarné mais en animal! C'est ainsi que Ximen Nao revient sur terre, dans le village où il est né, a grandi et propéré, dans la peau d'un âne, puis d'un boeuf, d'un cochon, d'un chien et enfin d'un singe. Chaque passage terrestre est riche en aventures et mésaventures, rempli d'émotions les plus diverses: Ximen revient à chaque fois, dans son village natal, sur ses pas, auprès des siens et de ses proches pour les regarder suivre leur chemin, les épauler à l'aulne de ses moyens, les encenser ou les critiquer....silencieusement, les yeux réjouis ou noyés de larmes. Notre Ximen est toujours agacé par une drôle mouche du coche, "le petit drôle de Mo Yan" qui se trouve toujours au coeur de l'action pour répéter et amplifier le moindre fait et geste de la famille et des membres du Parti, grâce à sa verve et son humour dévastateur! Cinquante ans d'histoire chinoise défilent dans le village de Ximen du canton de Dongbei, entre rires, larmes et apartés: le lecteur est embarqué sur un fleuve où la dérision et l'ironie sont en filigrane d'un récit protéiforme et d'une richesse romanesque qui amplifie le plaisir de lire.
Mo Yan est fidèle à son image: gouailleur, impertinent, baroque et loufoque à la fois. Il brosse un portrait empreint de tendresse derrière les critiques de la paysannerie chinoise qu'il connaît bien pour avoir grandi à la campagne: ces paysans suiveurs pouvant se rebeller tout en restant dans la ligne dictée par Mao, sont menteurs, un tantinet voleurs, parfois naïfs mais toujours rigolards, prêts à boire l'alcool de riz et s'empiffrer de plats gras et moelleux...au final, ce sont de bons bougres que le manque d'éducation n'élargit pas l'horizon. Ximen Nao, notre héros, comme l'auteur, souffre avec le peuple qui ne mange pas toujours à sa faim, le comprend tout en éreintant, avec le sourire, le système qui provoque pollution et improductivité: la fin de la propriété privée annonce la chute des rendements, la catastrophe alimentaire orchestrée, sans le vouloir, par la réforme agraire....catastrophe humaine, sociale et environnementale qui perdurera quelques décennies avant que le pouvoir de Pékin fasse machine arrière (au grand dam des purs et durs de la Révolution!).
Notre Ximen est un éternel et immense contestataire et empêcheur de tourner en rond....jusqu'aux Enfers où il met à bout le roi qui, n'en pouvant plus, l'expédie dans le monde des vivants réincarné en animal....quand on chauffe les oreilles du pouvoir en place, on s'expose à des désagréments certains! Son alter ego humain est son valet Lan Lian qui s'entêtera à agacer le chef du Parti du village en restant paysan indépendant et en ignorant la réforme agraire malgré les vexations. Lan Lian, le grain de sable dans l'engrenage révolutionnaire, petit poil à gratter dans l'idéal communiste: l'individuel irréductible qui ne se plie pas à la collectivisation....le roseau qui ploie sans se briser sous la tempête idéologique.
Au fil de ses réincarnations animales, Ximen Nao suivra l'évolution idéologique de la Chine de la Révolution maoïste jusqu'à l'ouverture vers l'économie de marché: ses avatars prendront une large part à l'histoire en marche, autant de pépites de résistance qui sous le couvert d'un humour dévastateur secouent avec vivacité les bienséances. Ximen verra ses enfants prendre des chemins différents pour se trouver une place dans la nouvelle société en construction: les renoncements, l'intégration des nouveaux dogmes, l'hypocrisie, l'avidité de pouvoir et la cupidité qui assèche le coeur. Ainsi, son fils, Ximen Jinlong, se transformera-t-il en parangon de la Révolution puis en chantre du capitalisme (avec tous les défauts qui accompagne ces états d'esprits), accumulant rapidement moult perversions permises par le système (ah, la chute final due à une trop grande gourmandise est un petit éreintement, parmi d'autres, de la société chinoise actuelle qui n'échappe pas aux dégâts collatéraux dans la jeunesse dus à l'occidentalisation à marche forcées de la classe dirigeante), étouffant le passé familial dans un appétit de reconnaissance exacerbé au point de tout renier...tandis que sa fille, Ximen Baofeng, deviendra la main qui soulage les souffrances, celle qui oublie d'être pour que les autres soient.
Toute une galerie de personnages, hauts en couleurs, défilent sous la plume de Mo Yan qui n'hésite pas à se mettre en scène sous les traits d'un "petit drôle" aussi pénible qu'amusant, aussi véloce de la langue que des jambes, aussi gouailleur qu'ironique, aussi turbulent que sagace...un autre poil à gratter qui d'une pirouette se joue tant de ses concitoyens que du pouvoir en place tout en échappant aux pires châtiments: en effet, ce Mo Yan n'est qu'un vilain garnement, une mouche du coche dont tout le monde s'accommode malgré tout car il fait bien rire en virevoltant partout! Et comme il est prolixe en sarcasmes et en révélations en tous genres (c'est qu'il a la langue bien pendue ce "drôle") il devient très vite celui qu'il ne faut pas trop secouer afin de se garantir une relative paix. Le narrateur, quant à lui, n'hésite pas à remettre à sa place ce feu follet ni à brocarder les divers écrits de ce dernier....écrits tant imaginaires que réels: une mise en abyme des plus amusantes et délirante!
"La dure loi du karma" est difficilement résumable tant la richesse de l'écriture, la prolixité gouailleuse de l'auteur, la multitude des personnages, les nombreuses références littéraires et culturelles, sont des petits trésors à découvrir avec délectation tout au long des 760 pages du roman! Un vrai faux pavé, doté d'une autobiographie en filigrane de l'auteur, qui se lit avec jubilation et passion. Le lecteur se délecte des mots, des tournures stylistiques, des digressions qui nourrissent le récit de virevoltes et de plaisanteries plus osées et acidulées les unes que les autres. "La dure loi du karma" est un immense et intense voyage dans le temps, au coeur d'une Chine qui se transforme à coups de Grand bond en avant, de Révolution Culturelle, de dictature du marché et autres routes parfois à la limite du surréalisme et aux frontières de l'impossible.

Un opus digne des précédents romans de Mo Yan: verve, humour corrosif, impertinence gouailleuse, portraits sans concession d'une société qui se cherche et parfois se perd...en un mot comme en mille, une lecture ju-bi-la-toi-re!!!

Je ne peux que remercier Ulike.net pour cette extraordinaire lecture!

Roman traduit du chinois par Chantal Chen-Andro




Une interview de l'auteur ICI
Un papier intéressant LA
Tout sur la rentrée littéraire ICI

(1/7)

mercredi 26 août 2009

De circonstance télévisuelle


Ce soir La dame de Monsoreau passe à la télévision....je n'ai pas allumé la télé mais je me suis rappelée mon petit séjour sur les bords de Loire et ma visite d'Azay-le-Rideau....

mardi 25 août 2009

La Grèce de Parménion


Parménion, jeune spartiate au caractère farouche et déterminé, solitaire en raison de son métissage (sa mère est macédonienne), est le héros de cette épopée uchronique au coeur de la Grèce antique. Parménion, grand stratège spartiate au destin heurté et chaotique, se voit appelé à se lancer dans un combat sanglant et sans merci contre l'Esprit du Chaos, l'esprit du mal et de la désolation: entre courage épique, fidélité aux valeurs humaines, abnégation et faiblesses, entre voyages guerriers et aventures dans les limbes enchantées, il tiendra la destinée de l'Humanité au bout de son épée, au bout de son courage et ses croyances, aux côtés des plus grands conquérants que sont Philippe de Macédoine et Alexandre le Grand. Parviendra-t-il à contrer les desseins mortifères du Chaos, cette entité immortelle qui ne vit que du sang et de la souffrance des hommes?
David Gemmell plonge son lecteur dans une Grèce divisée en cités-états dont certaines brillent plus que d'autres: Athènes, Sparte et Thèbes se disputent la suprématie politique et militaire. Sparte à l'orgueil terrible et exclusif, Sparte qui, avec ses 300 combattants tint en échec l'armée d'invasion venue de Perse, est respectée et crainte. Sparte qui apprend à ses enfants, garçons et filles, à se battre jusqu'au bout de leurs forces, à ne jamais renoncer et à être fier de leur appartenance à la cité! Sparte et sa discipline d'airain, Sparte et sa philosophie dépouillée qui façonnent des soldats d'une redoutable détermination, d'une maîtrise consommée du combat et d'un courage exacerbé.
Parménion, le métis chahuté et maltraité par ses compagnons de caserne, est un des adolescents les plus prometteurs: sa sagacité, son intelligence, son coeur et son appétit de reconnaissance et d'amour sont autant de pépites à exploser pour la grandeur de Sparte. Mais c'est sans compter sur la toile invisible que tissent, sur fond d'éternité, les forces spirituelles et magiques: pour que Parménion puisse être un rouage essentiel du Grand Oeuvre, il doit être isolé pour nourrir dans l'intimité de sa chair une rancoeur sourde pour y puiser la force de se lever contre sa cité-mère, pour y puiser les éléments qui feront de lui une arme dans le combat éternel entre la Source et le Chaos....inexorablement son destin lui échappe pour le placer sur une route où il croisera et rencontrera les plus grands hommes de son siècle.
"Le lion de Macédoine" est une tétralogie au souffle épique prenant et trépidant: peu à peu le récit glisse de biographie romancée de Parménion à l'histoire d'une lutte immémoriale entre le Bien (la Source) et le Mal (le Chaos) au cours de laquelle les interventions magiques de Témis, Dérae, Aristote (l'homme aussi sage que pleutre, qui déambule au gré des portails enchantés d'une époque à une autre, d'une dimension à une autre, et qui sera, quelques temps, le précepteur d'Alexandre) ou du peuple de l'Enchantement et les passages gardés par des portails oubliés ouvrant sur des mondes à venir ou revisités, apportent une dimension fantastique et une touche de fantasy bienvenue.
David Gemmell touche du doigt une question qui taraudera toujours l'Humanité: le Bien peut-il vaincre le Mal qu'il crée implicitement? En effet, conditionner la rancoeur de Parménion pour qu'il devienne une pièce maîtresse sur l'échiquier de cette lutte ne provoqua-t-il pas l'émergence du Chaos lors de l'union d'Olympia et de Philippe? Cette nuit sacrée qui engendra Mal et grain de sable imprévu dans l'engrenage de la prédiction, était-elle prévue et donc fondamentale? L'interaction intime entre la Source et le Chaos est l'indéchiffrable voie que l'Homme tente de lire et d'éclairer par ses actes les plus inattendus....ainsi Alexandre au soir de sa jeune vie, pied de nez ultime à l'Esprit du Chaos qui lentement grignotait sa volonté.

"Le lion de Macédoine" est une tétralogie d'une excellente facture tant sur le plan de l'écriture que de l'intrigue et de l'ambiance. Le lecteur se laisse emporter par le souffle héroïque de l'histoire de la Grèce antique et les interventions du monde spirituel et enchanté. Une très très belle lecture!


Romans traduits de l'anglais (GB) par Eric Holweck, traductions révisées par Thomas Day




lundi 24 août 2009

Quand Hollywood était muet


Jun Nakayama est une ancienne star hollywoodienne du cinéma muet: il coule des jours paisibles, dans un quartier huppé de Los Angeles, dans sa retraite dorée, due aux bons placements immobiliers et fonciers réalisés lors de sa période faste. Il est célibataire, seul et n'ai jamais retourné au Japon. Chaque semaine, il déjeune avec une de ses voisines, Mme Bradford, une femme pétillante et pleine d'allant, fantaisie agréable brisant le quotidien bien réglé de notre charmant vieux monsieur. Mais le hasard vient toujours frapper à la porte au moment le plus inattendu et cela en la personne d'un jeune homme, scénariste, inconditionnel du cinéma muet et grand admirateur du jeu de Jun Nakayama. Ce dernier, plutôt désarçonné et interloqué, refuse tout d'abord d'écouter le jeune homme et lui raccroche au nez....c'est sans compter avec l'opiniâtreté du jeune américain et la remontée par palier d'un passé qu'il croyait enfoui définitivement.
C'est ainsi que le lecteur se laisse guider, au gré des souvenirs de Jun, au coeur des années 20, aux débuts du cinéma, industrie folle et joyeuse où les hommes et les femmes forcent le destin et la réussite par des paris plus risqués les uns que les autres. Entre frivolité et contexte socio-politique difficile pour les étrangers aux Etats-Unis, Jun glisse du statut d'étudiant brillant à celui de star montante du 7ème art. Une fulgurante ascension malgré sa nationalité, malgré le racisme envers les asiatiques, fait de Jun un exemple de réussite sociale: des planches du théatre du quartier asiatique à la pellicule des films, chemin qui l'éloigne encore plus d'un éventuel retour au Japon. Cependant, même s'il devient une icône aux yeux de certains, nombres de ses compatriotes lui reprochent de camper l'archétype du personnage asiatique, fourbe, faux, méchant, stéréotype du regard américain et occidental sur l'Extrême-Orient: Jun ne fait-il pas pire que mieux pour l'image du Japon? Ne cède-t-il pas trop facilement aux sirènes, trompeuses, de la célébrité éphémère...d'autant que l'animosité croissante des américains envers les chinois et les japonais enveniment les rapports sociaux, économiques et politiques. Mais Jun ne pense qu'à perfectionner son jeu, la subtilité du placement de son corps, d'un geste, du mouvement d'un sourcil ou la subtilité d'un mouvement des lèvres. Le muet est l'art de la subtilité du mouvement corporel, la subtilité de la photographie et de la lumière...tous, ingrédients essentiels de la transcription en images d'atmosphères, d'ambiances et de sentiments. Alors qu'il se trouve au sommet de son art, Jun stoppe subitement sa carrière en 1922. Pourquoi cette soudaine disparition? Parce que les propositions des studios se faisaient de plus en plus rares en raison de son appartenance ethnique? Parce que, malencontreusement, il a été mêlé au meurtre d'un metteur en scène, meurtre jamais, officiellement, élucidé?
La proposition du jeune scénariste remue la vase des occasions manquées, des mauvais choix, des croisements ratés, et lui fait prendre conscience qu'il est temps d'affronter les démons du passé, sans fausse honte et sans crainte et d'accepter de se regarder enfin dans la glace et de vivre enfin.
"Si loin de vous" est un roman où la nostalgie sur le temps passé est un des moteurs, voire une méditation sur ce qu'on laisse derrière soi, sur ses erreurs et errances. Mais c'est aussi un délicieux voyage au coeur de l'émergence d'un nouvel art qui prendra une place grandissante: le cinéma, d'abord muet puis parlant. Les fêtes sur Sunset Boulevard dessinent l'insouciance, la vitalité et la folie d'un métier qui flirte avec tous les excès, où les zones d'ombres et de lumières peuvent être mortifères et mystérieuses....Hollywood sera toujours Hollywood, un mode aux limites toujours repoussées et aux relations des plus sulfureuses entre subversion et raison.
Nina Revoyr souligne aussi, avec délicatesse, la difficile intégration des non-occidentaux et les conditions drastiques imposées par les lois gouvernementales. En filigrane, la peur de l'autre, le rejet de la différence et le mépris envers ce qui n'est pas soi.
"Si loin de vous" est une lecture qui nous entraîne dans le tourbillon naissant d'un siècle qui verra grandir l'éclosion d'un nouvel art, le cinéma, déclinaison parfois extravangante des histoires en images et en sons. Les accents nostalgiques teintent de sépia les collines de Los Angeles et étouffent les sons d'une modernité bruyante pour que les années qui filent et défilent n'aient pas le goût amer des regrets....il y a du Kazuo Ishiguro, quelque part entre les lignes et sous les émotions ce qui est loin d'être déplaisant!!!
Au final, le roman de Nina Revoyr, est une lecture plus que plaisante malgré une lenteur, certainement voulue afin de faire ressentir la nostalgie latente et le sépia de l'ambiance des souvenirs, qui derrière le rythme presque ralenti scande une descente au coeur de l'intériorité que le héros a voulu oublier. Un rythme qui s'affole à mesure que la réalité contemporaine devient prépondérante dans une explosion d'émotions qui fait avaler au lecteur les 150 dernières pages...là, les larmes affleurent, prêtes à franchir le malheureux barrage que le mental tente de dresser face au flot émotionnel. Une balade dans le temps tout en délicatesse.


Roman traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard






Je ne peux que remercier Suzanne de Chez les filles pour cette lecture que je n'aurais certainement pas faite spontanément! Une belle découverte....inattendue et pleine de petites pépites comme je les aime!

Il pleut des défis!

Levraoueg a lancé cet été le défi 1% littéraire afin d'aborder avec gourmandise la rentrée littéraire (bien fournie en titres même s'il y a un léger fléchissement!) et Antigone propose une solution pour diminuer la hauteur de nos PAL (qui ne connaissent pas du tout la crise, elles!).


Comme le soulignait Sylire, le premier défi apparaît comme le plus réalisable....quant au deuxième....euh...c'est la foi qui sauve, non? Au moins, il a le mérite de motiver l'ascension de certains Everest de papier!!!

Du coup, grâce à Antigone, je vais pouvoir, presque coup sur coup, orner deux billets (prochains) de son joli et irrésistible logo: "La nuit des temps" de Barjavel et "L'homme qui venait du passé" de Driss Chraïbi....et quasiment boucler les défis de Grominou (Blog au trésor) et Catherine (Littérature policière sur les 5 continents).

Elle n'est pas belle la vie de lecteur!!!!


jeudi 20 août 2009

Huis-clos norvégien


René Derain, garde-chasse, fait partie d'un groupe d'amateur de chasse qui a loué un chalet, au coeur d'une forêt, en Norvège. L'hiver n'est pas encore là, seulement le frémissement automnal. Les participants ne se connaissent pas, ils rejoignent les uns après les autres le chalet norvégien.
René est monté là-haut en voiture, en compagnie de son chien. En fin de parcours, il s'arrête histoire de se dégourdir les jambes et prendre l'air: son chien, soudain, se met à l'arrêt en hérissant le poil en grondant puis la queue entre les pattes refuse d'entrer plus avant dans l'immensité sombre des sapins. Une peur tenaille la bête....René s'interroge et observe, inquiet, cette forêt inconnue, fascinante et mystérieuse. Diantre, pourquoi ne s'est-il pas fié à l'instinct de son chien? Sans doute parce que parvenu si près du point de rendez-vous, après un si long voyage, il aurait été idiot de s'en retourner; parce que l'appel d'une belle partie de chasse est plus fort que l'appréhension instinctive d'un animal; parce que, une fois arrivé au chalet, l'accueil est chaleureux, convivial et empreint de prometteuses balades chasseresses; parce que, souvent, à la croisée des chemins, un minuscule démon intérieur chuchote un choix que l'on n'aurait pas du faire.
C'est ainsi que commence un inquiétant séjour au cours duquel peu de choses sont normales: le gibier meurt étrangement, la neige et le froid s'abattent soudainement sur la forêt, les moyens de communication tombent en panne, les réserves de nourritures diminuent, la glace étreint le chalet dans une gangue de solitude propice à l'émergence d'une lente folie et la lecture d'un roman provoque un dérapage incontrôlé et incontrôlable dans le déséquilibre d'une harmonie en perdition.
René Derain, au fil de la lecture du roman sorti de la bibliothèque du chalet, se voit happé par la suspicion, l'inquiétude, l'angoisse, la haine pour arriver sur le fil ténu du rasoir: parviendra-t-il à dépasser son errance pour garder l'équilibre fragile de sa raison? Le blanc glacé d'une neige irréelle l'enveloppera-t-elle d'un froid linceuil ou lui montrera-t-elle la route à suivre pour se retrouver? Autant de questions que l'auteur laisse longtemps sans réponse, distillant les morsures de la peur, de l'angoisse et de la folie au gré des phrases, morsures dissimulées sous les images d'un monde végétal semblant endormi, encerclé par le froid tétanisant d'un hiver polaire en avance....comme si les mauvais génies de la forêt avaient décidé de laisser errer leurs fantômes de brumes glacée entre les sombres lignes vertes des arbres ensommeillés. L'écho lointain des croyances oubliées gémit doucement au coeur des craquements du bois qui éclate et du crissement étouffé de pas dans la neige. L'homme peu à peu se retrouve face à lui-même, face à ses contradictions et ses limites: la ligne rouge est mince, la frontière entre réalité et imaginaire un inquiétant tremblement du givre au soleil.
Hugo Boris orchestre avec une maîtrise du suspense et de la montée en puissance de l'angoisse, un récit étonnant où l'absence du tangible laisse libre cours à un imaginaire propre à chaque lecteur....surtout lorsque la petite musique des passages du roman dégoté dans la bibliothèque égrenne ses notes surréalistes et inquiétantes. Où nous mène-t-il ce diable d'auteur? Au coeur d'un enfer d'une glaciale blancheur? Au seuil d'une folie fille d'une réalité qui échappe et d'un imaginaire paranoïaque incontrôlable?
"La délégation norvégienne" est un roman qu'on lit sans décrocher une seule seconde tant l'intrigue tient en haleine et tant est grande l'envie de savoir comment s'achève cette huis-clos forestier. L'atmosphère pesante et glaciale, l'argument littéraire (un groupe de chasseurs passionnés réunis dans un chalet perdu au coeur d'une forêt scandinave) m'a beaucoup rappelé une ancienne lecture "Scène de chasse en blanc" de Mats Wägeus. J'ai lu beaucoup de billets positifs au sujet de "La délégation norvégienne" et mon attente a été comblée: un vrai régal dévoré en quelques heures!!!!
Il y a un petit plus qui est une très belle trouvaille: les derniers chapitres sont collés....le libre-arbitre est celui que se donne le lecteur, découper ou non ces ultimes pages, débouchant sur un cruel dilemme, laisser une question sans réponse ou choisir la possibilité d'une réponse! Détail important amenant à une espèce d'interactivité entre l'auteur (et sa toute puissance) et le lecteur (doté également d'un pouvoir certain).

Les avis de clarabel sentinelle laure cathulu fashion sébastien woland (qui a détesté le roman)


mercredi 19 août 2009

Aperçus de mes colis

Le swapounet "vacances" de Celsmoon est terminé. J'ai pu envoyer mon colis dans les temps (mais j'ai eu quelques sueurs froides malgré la chaleur caniculaire qui règnait à Meulan)




et j'ai eu la joie de découvrir celui de ma swappeuse à mon retour.


Les images entières et en couleurs le 31 août!!!

Mon prix Landerneau à moi


Depuis le temps que je devais décerner mon Prix Landerneau 2009!!! Même si toutes les chroniques n'ont pas été publiées (il en manque 2), je me permets de dévoiler mes préférences.


1) A l'angle du renard de Fabienne Juhel

.....pour la complexité de son héros et son suspense angoissant au coeur d'une Bretagne costarmoricaine ancrée dans son terroir.


2) L'homme barbelé de Béatrice Fontanel

....pour son héros torturé, d'une psychologie insondable; pour son écriture intéressante et son histoire si tristement humaine.


3) L'origine de la violence de Fabrice Humbert

....pour la quête et enquête du héros qui amène le lecteur à plonger au coeur d'une catastrophe humaine.


Je suis toujours en train de lire, par petits bouts, "L'attente du soir": je ne parviens pas à entrer dans l'histoire, je suis glacée par l'immensité sombre des personnages....chaque phrase lue est un pas de plus vers une insondable tristesse...trop difficile pour moi. Je ne sais pas quand j'en terminerai la lecture ni si je l'achèverai un jour.


Je remercie mille et une fois Elodie de m'avoir permis de participer, une fois encore, à cette très agréable aventure: les découvertes, agréables ou non, ouvrent sans cesse un horizon littéraire riche en émotions!

mardi 18 août 2009

Des chats, des poissons, une forêt, une quête


Un jeune homme quitte le foyer paternel, pour échapper à la prophétie, épouvantable, prononcée par son père. Sa mère et sa soeur ont fui la maison depuis longtemps et le jeune Kafka Tamura semble désirer les retrouver et les rejoindre: il part sur les routes, tenaillé par un irrépressible besoin de poursuivre un but inconnu, une quête aussi improbable qu'étrange. Nakata, un vieil homme, menuisier à la retraite, pensionné par la municipalité et très étrange, passe ses journées à discuter avec les chats du quartier et à observer ceux du terrain vague proche. Il apprend par ses amis félins qu'un homme inquiétant rôde en compagnie d'un chien et qu'une fois parti des chats disparaissent. Suite à l'affrontement sanglant entre lui et le kidnappeur de chat (qui s'avère être aussi un tueur de chats...à la poursuite des âmes éternelles de ces félins aux neufs vies), le vieil homme prend la route vers un ailleurs qui se précise à chaque pas. Nakata suit une trame mystérieuse, un appel impératif pour servir un dessein au tissage inextricable, du moins au premier abord.
Entre Tokyo et le nord du Japon, Murakami relate une histoire entre fantastique et quête initiatique, une histoire rythmée par la lente marche de nos deux héros aux côtés de leurs compagnons de rencontre: un chauffeur routier curieux et intrigué par Nakata qui lui rappelle son propre grand-père, seul membre de la famille à lui avoir témoigné amour, confiance et respect malgré ses mauvais agissements; un bibliothécaire, incarnation du mythe de l'hermaphrodite, à l'immense culture et à la sagesse ancestrale. Au fil des chemins, au fil des paysages brouillés ou sublimés par la pluie, au fil de la respiration d'une forêt primaire oubliée par les hommes, Kafka Tamura s'éveille lentement à sa quête en se laissant emporter par ses visions ou ses rêves dans lesquels le temps remonte les souvenirs qui ne semblent pas être les siens mais qui pourraient l'être. L'intériorité du jeune homme s'enrichit à chaque indice sur une éventuelle appartenance à un ailleurs temporel....Murakami frôle, délicieusement, des mythes fondateurs tels que celui d'Oedipe ou d'Orphée et Eurydice (le père du jeune Kafka lui annonce qu'il commettra l'inceste et ce même jeune Kafka souhaite faire revenir du monde des ténèbres la jeune fille disparue dont il est tombé éperdument amoureux) , les fait surgir avec un art consommé de l'inattendu et de l'esthétisme romanesque: un tableau qui appelle à s'y plonger pour retrouver une éternelle jeune fille, une fissure temporelle qui ne permet pas de remettre les choses à leur place, suscite le chaos, empêche l'âme d'aspirer enfin au repos et devient prémice d'un déferlement catastrophique si rien n'est fait pour y remédier.
"Kafka sur le rivage" est un roman où l'onirisme, les mythes, l'esthétisme et le pouvoir romanesque de l'écriture sont d'une réelle force: le lecteur, un peu dérouté au départ, le temps de s'adapter au rythme de la narration, se laisse envahir par une atmophère où le mystère peut être aussi glaçant que fascinant. L'ordonnancement du monde psychique est ténu et peut sombrer très vite dans le chaos....c'est ce que par petites touches subtiles, Murakami sussure à notre imaginaire bercé par le chaos grec. Kafka et Nakata, à l'image des héros grecs, vont trouver leur chemin, celui de leur destinée au coeur d'un Japon au seuil de l'étrange, à la frontière du fantastique au gré des notes de musique classique. Le Japon décrit par Murakami semble être une métaphore initiatique: le monde réel et le monde de l'imaginaire et des mythes se confondent en une sorte de danse énigmatique au gré de "la pierre de l'entrée", lieu où l'espace et le temps n'ont plus de sens. Murakami dose subtilement romanesque et métaphysique (d'où parfois le sentiment du lecteur de ne pas tout saisir....comme lors de la lecture d'un classique japonais) et renoue ainsi avec la tradition littéraire japonaise des Kawabata, Mishima ou Sôseki: "Tout est dans la quête. En écrivant des histoires, je cherche ma propre histoire, mon âme profonde sous la surface." dit Murakami lors d'une interview. C'est ce que je ressens à chaque fois que je lis un grand auteur japonais: la surface apparaît lisse et lorsque je regarde d'un peu plus près, l'âme humaine est souvent décortiquée dans ce qu'elle a de plus sombre et de plus sordide....le tout enveloppé esthétiquement dans des paysages à vous couper le souffle (ah!!! la forêt mi-féérique, mi-réelle, de la cabane du bibliothécaire, où tout semble pouvoir survenir!).
"Kafka sur le rivage" est un roman de grande facture dans lequel Murakami marie divinement les références japonaises (descriptions dignes des plus belles estampes, nimbées d'ombres lumineuses) aux références occidentales (les références à peine voilées aux mythes grecs et à Dostoïevki). Le lecteur ne peut que tomber sous le charme ineffable d'une écriture subtile et merveilleuse qui l'emporte au-delà de lui-même, dans un voyage intérieur où peu à peu, il se découvre lui-même en passant, comme Alice, de l'autre côté du miroir!
 
"- Quoi qu'il en soit, toi et ton hypothèse avez atteint une cible bien plus lointaine que tu ne l'imagines. En as-tu conscience ?
Je hoche la tête.
- Je sais, mais les métaphores permettent de réduire la distance, dis-je.
- Ni toi ni moi ne sommes des métaphores.
- Je sais. Mais les métaphores permettent de réduire la distance qui nous sépare, vous et moi.
Elle sourit, la tête levée vers moi.
- C'est la phrase la plus étrange qu'un homme m'ait jamais dite pour me séduire."
(p 520 521)

Roman traduit du japonais par Corinne Atlan




Les avis de béné bluegrey tamara lyra praline florinette et...beaucoup d'autres !!!

lundi 17 août 2009

De retour


...d'agréables vacances, brèves mais bienfaisantes sous une chaleur à laquelle, en bonne bretonne, je ne suis guère habituée!

De jolies (re)découvertes, de belles promenades, de charmantes visites.....

..... et quelques lectures (le plus difficile sera de les transformer en billets!): La dure loi du karma de Mo Yan, Les ombres disparues de Hasan Ali Toptas, L'épouse hollandaise d'E.McCormack, La délégation norvégienne de Boris Hugo, Niet camarade d'Olen Steinhauer et Si loin de vous de Nina Revoyr.

lundi 3 août 2009

Vive les vacances


Nous partons quelques jours en vacances: d'abord Turquant et les chambres d'hôtes si charmantes du Balcon Bleu, Saumur et ses tablées puis Meulan (Yvelines) et son incontournable escapade parisienne!

Je vous laisse en compagnie de Raspoutine, l'émérite gardien de Chatperlipopette!

dimanche 2 août 2009

Les vampires aiment aussi ce qui brille


Pigalle, Paris, une moto ne s'arrête qu'un instant, le temps de plomber un journaliste, Frédéric Carloni, auteur d'un brûlot politique et détenteur d'un manuscrit des plus explosifs. Pays cathare, Sud-Ouest de la France, au pied du nid d'aigle Peypertuse, un couple d'amoureux va bientôt entamer la montée vers la citadelle, accompagné d'un petit singe; le temps d'un soupir, ils sont envoyés ad patres par quelques sbires armés jusqu'aux dents. Paris, 36 quai des Orfèvres, le bureau du commissaire Delajoie où atterri la patate chaude: comment cacher, le temps d'y voir un peu clair, la mort d'un journaliste en vue à ses confrères? Et que lui voulaient ces voyous à moto?
Au fil de l'enquête, la trame des questions conduit les équipes du commissaire à entrer dans l'univers des médias, de la grande distribution, de la finance internationale et de la politique. Autant de mondes qui s'entrecroisent pour mieux se mêler et s'imbriquer dans d'étonnantes combinaisons par le biais de personnages secondaires. Les enquêteurs emmènent le lecteur dans une partie de cache-cache des plus prenantes au cours de laquelle il croisera moults vampires plus dangereux les uns que les autres ainsi que du menu fretin et des proches qui réserveront bien des surprises...finalement le danger ne vient pas forcément d'où l'on pense!
Je ne peux trop m'étendre sur l'intrigue, menée avec patience et pertinence par Lajoie et son équipe, pour ne pas déflorer le coeur du roman: comme tout bon polar la toile tissée tant par les suspects que par les enquêteurs est tellement riche et dense que trop en dire ruinerait le plaisir de la découverte....quelle pirouette facile pour ne pas s'enliser dans les révélations mal venues!
"L'éclat du diamant" est vraiment un excellent polar français qui tient en haleine de bout en bout et ce malgré les passages explicatifs sur le fonctionnement de l'appareil policier, celui des méandres médiatiques et publicitaires, celui de la grande distribution ou encore l'univers plus que complexe de la finance internationale. Ces passages peuvent apparaître comme inutiles voire superfétatoires et donc rendant pénible la lecture du roman, or ils sont souvent essentiels pour saisir la subtilité des rouages de la narration....et puis c'est tellement délicieux de se perdre en conjectures pour mieux s'étonner du tour inattendu des déductions.
Il est évident que l'auteur s'est extrêmement bien documenté tant sur les arcanes de la fonction policière (les petites rivalités entre "armes" sont bien vues et soulignées avec beaucoup d'humour sans sombrer dans l'extrême de "la guerre des polices") que celles du monde de la publicité, de la finance et de l'économie. Quant à la politique, elle est en filigrane dans l'intrigue: une critique à peine voilée des hommes et femmes politiques prêts à bien des compromis (voire compromissions) pour obtenir quelques mannes industrielles (pour le bien de leurs administrés, bien entendu). L'auteur s'est-il documenté seul ou avait-il à ses côtés une armada d'aides? Toujours est-il que tout sonne juste, tout est empaqueté sans laisser-aller pour la plus grande joie du lecteur. Le risque d'un tel étalage de didactique est d'écoeurer le lecteur néophyte et peu versé dans ces univers où le marketing et les cabinets de consultants sont les rois de la danse: à mesure que les rouages sont décodés, on découvre une vision du monde des moins alléchantes et des plus flippantes. On tremble de se dire que l'avenir des états, l'avenir des groupes agro-alimentaires ou industriels dépendent du bon vouloir des vampires de notre ère économique, c'est à dire les propriétaires de médias, les grandes enseignes d'hypermarchés qui sucent jusqu'à la moëlle ceux qui ont besoin d'eux pour vivre et exister. J'ai beaucoup apprécié l'image des vampires car lorsqu'on lit l'actualité qui mène notre monde, lorsque l'on regarde d'un oeil plus critique ce que l'air du temps offre aux yeux, oreilles, bouches et cerveaux des citoyens, on ne peut s'empêcher de penser au vampirisme: avec un cynisme des plus éhontés, des plus odieux, les vampires des temps nouveaux extirpent la moindre goutte de sang sans donner quoi que ce soit en échange. Le nouveau capitalisme à la sauce financière internationale ne joue plus sur le mode d'échange mutuel mais sur celui, beaucoup plus mortifère, de l'aspiration de l'autre....et ces vampires ne sont jamais repus et en veulent toujours plus...aspirer plus pour gagner plus et aspirer derechef plus, telle pourrait être leur devise.
J'ai trouvé fort astucieux de perdre le lecteur dans un dédale, où l'emberlificotement des fils est monstrueux, de pistes et de fourvoiements pour opérer un retournement des plus surprenant...qui cependant voit sa justification dans le labyrinthe de l'enquête et des digressions.
Un défaut, cependant, vient assombrir la chose: l'objet-livre qui a la désagréable particularité de véhiculer de la publicité derrière la couverture et la quatrième de couverture; en effet, il y a parasitage même si la première réclame est en faveur d'une ONG et la seconde pour accompagner les lycéens de Terminale dans leur bachotage. Sans compter les références aux bonus que l'on peut lire en se connectant sur le site du roman ou les allusions à la sortie prochaine du deuxième roman. Le livre est-il un objet marketing comme un autre? Je m'étais déjà posée la question, dans un autre cadre, suite au mode promotionnel du roman d'Olivier Descosse, et je m'aperçois que la petite maison d'édition L'Autre Editions s'est engagée dans un chemin qui interpelle.
Ce bémol n'a pas amoindri le plaisir que j'ai eu à suivre les questionnements et les découvertes de l'équipe du commissaire Delajoie et la joyeuse équipe m'a donné envie de suivre leur prochaine aventure! Je n'ai absolument pas regretté de m'être embarquée au 36, Quai des Orfèvres et je remercie L'Autre Editions pour cette belle découverte!




Le site du roman ICI

Les avis de cuné (qui n'a pas vraiment aimé) zonelivre guilhemroux anne-sophie culturofil


samedi 1 août 2009

Coup de pouce

Ce qui est fascinant dans le monde des blogueurs-lecteurs c'est la naissance, régulière, de blogs bien sympathiques.
Ainsi, en flânant, je suis tombée sur l'annonce d'une nouvelle arrivée, j'ai cliqué et j'ai découvert un endroit bien agréable: Mobylivres !!!!! N'hésitez pas, allez lui rendre une petite visite!
Petit blog deviendra grand...c'est certain!