mercredi 25 novembre 2015

Vingt mille mots sous la mer

Un soir, un jeune homme, le narrateur, aperçoit un vieil homme doté d'un gardénia à la boutonnière de son costume, se promener en bord de mer.
Le vieil homme, très digne, se jette à l'eau et disparaît. Le narrateur plonge à sa suite pour le sauver, commence alors une aventure extraordinaire.
Le vieil homme le conduit jusqu'à un bar, sous la mer, où une vingtaine de personnes sont réunies, chacune d'entre elle aura une histoire à conter, offrira au visiteur un univers où l'imaginaire est roi.
Le lecteur, aux côtés du narrateur, devient auditeur subjugué par la maestria des conteurs du bar sous la mer.
Tel Pierre Aronnax rescapé d'un naufrage devenu hôte du Nautilus, sous-marin du Capitaine Nemo, nous plongeons dans un univers merveilleusement inconnu et beau : chaque nouvelle est une découverte inattendue, un voyage étonnant. Les narrations sont comme les fonds marins : elles abritent de nombreuses formes littéraires, à l'image des algues ou coraux offrant logis et garde-manger à de multiples espèces de poissons.
Le lecteur savoure les frissons de l'épouvante avec le récit de « L'homme au manteau » dans lequel la noirceur se lie avec le fantastique, tel une murène à l'affût du moindre tremblement. Le décor est digne d'un château hanté des Carpates, on s'attend à voir la famille Adams au complet ou encore celle de Dracula. Il est au bord du cauchemar avec celui du « Type à la mèche ».... toujours se méfier des méchus qui cachent derrière la drôlerie de la mèche un road-movie sanglant, emportant avec un humour ravageur une famille dans un resto-route digne d'un film d'horreur.
Il se délecte des récits jouant sur les cordes de la romance, de l'absurde ou du drame d'autant que chaque personnage est en adéquation avec le conte dont il se fait narrateur. Chaque récit a une chute remarquable qui fait râler parfois le lecteur hameçonné avec art dans une histoire qui lui fait gober le ver avec finesse.

L'auteur régale le lecteur de son goût du burlesque car chaque récit en est truffé par petites touches savamment réparties, lui offre le plaisir des mots et de leurs jeux tout en lui réservant de grandes situations absurdes qui décontenancent tout en faisant rire... jaune parfois.

« Le bar sous la mer » est un Nautilus immobile où le Capitaine Némo est l'auteur tandis que les lecteurs des hôtes émerveillés par tant de diversité et de plaisir de lire. L'art de la nouvelle est exigeant et Stefano Benni le manie à la perfection : il sait trouver LA chute qui cloue le lecteur de stupeur car il prévoyait tout sauf cette dernière, ou provoque un rire franc et libérateur. D'ailleurs, le plaisir est renouvelé quand, désirant garder en bouche la saveur des mots et la luxuriance de l'imaginaire, on lit et relit un conte ou un de ses passages.

Un recueil enchanteur pour oublier l'espace d'une lecture les aria du quotidien.




mercredi 4 novembre 2015

A monstre monstre et demi

Les vacances sont terminées, retour en classe et lecture d'albums. 
Cette semaine, j'ai choisi "Le Gruffalo" exquise histoire où le plus petit trouve toujours une parade pour affronter une épreuve.
Une souris se promène dans une forêt... sombre bien entendu. Elle rencontre un renard, ce dernier par la vue alléchée aimerait en faire son dîner. Las! C'est sans compter sur le rendez-vous de la souris. En effet, elle attend le Gruffalo.
Savez-vous ce qu'est un Gruffalo? Non? Le renard non plus. La souris, bien brave, donne des indices descriptifs, trois, puis informe le renard du plat préféré du Gruffalo: le renard à la cocotte, ce qui fait fuir le prédateur.
Ensuite, elle croise la route d'un hibou qui en ferait bien son quatre-heures. La souris explique qu'elle attends le Gruffalo à l'endroit où le hibou se trouve. Ce dernier ne sait pas ce qu'est un Gruffalo. Trois nouveaux indices et précision du plat préféré du monstre: le hibou en sirop! Ce qui fait fuir le rapace.
Enfin, elle rencontre un serpent qui souhaiterait la déguster. Même manège et apport de trois indices supplémentaires sur la physionomie du monstre et le nom de son plat préféré, le serpent aux olives. Une fois de plus, l'ennemi fuit devant la perspective de servir de repas au monstre.
A chaque fois, la souris se moque de ses prédateurs en disant "Pauvre renard/hibou/serpent qui ne sait pas que le Gruffalo n'existe pas!"
Continuant sa route elle tombe nez à nez avec... le descriptif sur pattes du monstre qu'elle avait imaginé! "….Oh ? Qui est ce monstre avec de grands crocs, des griffes tranchantes et des canines très coupantes ? Ses jambes ont des bosses, son nez porte une verrue, son regard est orange et sa langue très sombre, son dos est couvert de pics violets ! Au secours !!! C’est un gruffalo !" Comble de l'horreur, il la trouve succulente parce que son plat préféré est la souris, délicieuse sur un lit d'artichauts!
La souris ne se démonte pas et contre-attaque en disant que tout le monde, dans la forêt, la craint ce qui fait rire le Gruffalo.
Elle relève le défi, ils font le chemin inverse et des bruits se font entendre: le serpent, le hibou et le renard s'enfuient sans demander leur reste quand elle les salue ce qui surprend, étonne, sidère le Gruffalo. L'estocade est portée lorsque la souris précise que son plat préféré est "le Gruffalo en purée". Comment réagit le monstre? Je vous laisse deviner.
Notre héroïne peut savourer une noisette en toute tranquillité.

L'histoire joue sur plusieurs registres: la peur des monstres, le plaisir de fabuler et d'inventer une créature épouvantable, la surprise de penser que l'imaginaire peut devenir réalité. 
On peut expliquer le système de la chaîne alimentaire aux enfants: le prédateur, la proie. Qui mange qui. 
Manger? Vous avez dit manger? Que cela tombe à pic! Le texte est riche d'expression relevant des domaines culinaire et des saveurs: "appétissante" "venir goûter avec lui" "thé"  "succulente".

Un album qui tient en haleine les enfants avides d'histoires improbables et pourtant tellement réelles! Approuvé par mes élèves qui ne se lassent pas de l'entendre.

Il existe un film d'animation, un extrait ICI