mercredi 31 janvier 2007

Comment les lapins devinrent mangeurs de légumes


Imaginez un monde placide où les lapins sont travailleurs, sages, gentils, pacifiques, ne se souciant que d'une seule chose : s'occuper de la chevelure de l'herbe qui comme les personnes occupées à faire des choses très importantes n'ont pas le temps d'aller chez le coiffeur !!
Imaginez un monde où les légumes et les animaux parlent...
Dans ce monde idyllique se trouve un potager où pérorent les carottes qui se croient les plus belles, les plus fortes, les plus intelligentes... bref de vrais matamores qui se moquent méchamment des lapins !!
Un jour, ces carottes mal polies dépassent les bornes et là... le carnage commença : rien ne résista aux dents des lapins dans le potager.
Depuis, plus personne ne parle aux légumes et les légumes gardent leurs pensées pour eux... sauf lors d'une certaine nuit d'octobre où les citrouilles chantent. Mais ça se passe en Amérique...
Le texte est excellent. Les illustrations intéressantes et pleines d'humour grinçant. Les lapins sont habillés comme les Quakers, les carottes ont l'air vraiment idiotes... un livre amusant et plein de facéties. Avec une morale sous-jacente que je vous laisse découvrir et faire découvrir aux enfants. Je trouve que ce livre est un excellent moyen pour aborder le thème de la tolérance, de la pondération avec un jeune enfant : les illustrations sont aussi parlantes que le texte, l'habillement des lapins, leurs attitudes, comme celles des carottes d'ailleurs, ne sont pas innocents, loin de là. Les auteurs par le biais du dessin délivrent aussi un message !

lundi 29 janvier 2007

Absence


Chatperlipopette sera silencieuse 2 jours...rapide séjour parisien, mais hélas pas de temps pour flâner sur le quai des Grands Augustins.

Le devoir des mémoires...


Une histoire d'initiation à l'amour sur fond de lecture à voix haute. Initiation d'un jeune homme de bonne famille par une femme plus âgée qui reste mystérieuse. Rites de la douche, de l'union des corps puis de la lecture.
Un jour, Hanna disparaît.
Le jeune homme la retrouve des années plus tard, lors d'un procès de nazis. Le narrateur se retrouve face au passé nazi de la femme qu'il a aimée. Un passé de gardienne de camp. Inhumaine Hanna ? On ne peut le croire. Besoin de rédemption ? Oh que oui ! Schlink exprime alors ce que la génération d'après guerre ressent face au passé nazi de l'Allemagne : un mélange de dégoût, d'horreur et de culpabilité éternelle.
Les crimes d'Hanna : avoir été gardienne de camp et avoir laissé périr dans un incendie, lors de la débâcle allemande, ses prisonnières. Mais peut-on la maudire pour l'éternité quand on apprend, en même temps que le narrateur le découvre, qu'elle est analphabète et que c'est pour masquer cela qu'elle a refusé un avancement dans son usine et qu'elle a répondu à une proposition de travail chez les SS ? Cette honte, elle la porte jusqu'au tribunal où elle endossera le plus gros des accusations car elle ne veut pas avouer son analphabétisme. Elle sera condamnée à perpétuité.
Le narrateur, se rend compte qu'il l'aime toujours, qu'elle est une partie intime de son âme, qu'il ne peut l'oublier. Cependant, il n'ira pas dire au juge qu'Hanna est analphabète et n'a donc pas pu signer ni rédiger les rapports retrouvés de cet incendie. Elle est la victime expiatoire de cette horreur, celle qui se charge des péchés de la communauté. Peut-on sauver un être contre sa volonté ? Hanna voulait-elle expier son passé ?
Le narrateur lui enverra en prison des enregistrements d'oeuvres littéraires. Il sera son seul point de chute lors de sa libération programmée : il lui trouve un emploi, un logement. Quand il vient la chercher, il apprend qu'elle s'est suicidée et qu'elle a appris à lire et écrire en prison.
Elle lui a demandé dans une lettre de verser ses économies à une oeuvre juive luttant contre l'analphabétisme. Il recherchera une des survivantes de l'incendie. Qui ne peut pardonner, mais qui peut comprendre.
Un très beau roman sur le devoir de mémoire, sur le devoir des mémoires.

Roman traduit de l'allemand par Bernard Lortholary

dimanche 28 janvier 2007

Au gré des présidents


L'histoire d'un homme, d'une vie scandée en filigrane par les élections présidentielles. Un argument littéraire original, plaisant qui fait entrer le lecteur au coeur d'une histoire publique et intime.
Paul Blick promène son âme d'enfant devenu unique suite à la disparition de son frère aîné. Disparition qui transforme littéralement le paysage familial !!!
Il est le photographe amusé des époques traversées. Il atteint le point culminant du décalage sociétal avec son livre sur les arbres de France puis du Monde !! Son succès est tel que même un Président de la République le sollicite pour être photographié auprès de ses arbres fétiches !!! Paul Blick l'éconduira.... Puis, la solitude non choisie suite à la disparition de sa femme et la confrontation avec le mutisme autistique de sa fille. Il se lance dans l'entretien des jardins des autres. Une aventure végétale à l'instar de son aventure arboricole: rêveries, beautés silencieuses, moments de solitude extatique.

Paul Blick a un défaut (encore en est-ce vraiment un ??): il est incapable de photographier un être humain !!! Le mouvement de l'homme l'angoisse, le dégoûte !!! Il préfère l'immobilité (apparente seulement) de la nature ! Cette nature si entière, si pure, est en discordance avec les bassesses de la vie ordinaires: le dentiste un brin sadique avec son rival (scène truculente de la séance dans le cabinet !!), la femme dirigeante d'entreprise régentant son petit monde et condescendante avec son mari qui n'a pas de vrai métier, la belle-mère attirante et castratrice, les adultères... Le tout scandé par le bruit de la tondeuse à gazon. Ce bruit d'ailleurs qui aura le mot de la fin !!

samedi 27 janvier 2007

Tissage d'une histoire


"La dame à la licorne"...cette tapisserie en a fait rêver plus d'un à la lecture du Lagarde et Michard, dont moi !!! Ce roman , tissage d'une interprétation au sujet de la genèse de cette tapisserie, nous emporte dans le monde du paraître des puissants qui commandent des oeuvres d'art pour montrer leur pouvoir.
Le lecteur est entraîné dans l'univers des artistes peintres, des lissiers bruxellois, des alliances décidées à l'avance et des frustrations des hommes et des femmes qui voudraient tant vivre leurs amours !!

Ce roman est intéressant par son argument : un livre à plusieurs voix, celles des principaux protagonistes. Ainsi, la génèse de cette tapisserie se déroule selon différents points de vue et différentes interprétations. Un vrai régal !!
On est embarqué dans ces monologues dès les premières pages : on entre dans ce Moyen Âge, dans le monde des artisans et des guildes, dans les secrets de fabrications, dans les modes de vie particuliers des maîtres artisans. Quelques allusions aux Juifs convertis récents (ce qui leur permet d'entrer dans la société), aux couvents prisons des filles nobles rebelles. Ce roman donne envie d'aller au musée du Moyen Âge de Paris pour y respirer cette époque si lumineuse et si sombre à la fois !!!

Roman traduit de l'anglais par M.O Fortier-Masek

vendredi 26 janvier 2007

Chatperlipopette lirait-elle un livre par jour?


Chers visiteurs,

Si vous avez été attentifs, vous avez du remarquer une étrange anomalie. Dans mes rubriques, à gauche, il y a celle-ci "Je suis en train de lire": elle arbore la couverture de la fresque "Quatre générations sous un même toit" T1 (il y en a encore 2 à suivre)de Lao She. Donc, pour ne pas laisser s'installer le silence sur mon blog, je "recycle" mes commentaires effectués il y a quelques temps sur le site de zazieweb...
J'espère que vous ne m'en voudrez pas ....de ne pas lire un livre par jour ;-)

Vanitas vanitatis...


Une fresque truculente du 19e siécle anglais, de cette société empesée et raide. La satire est violente parfois mais irrésistiblement drôle souvent !!! Comment réussir dans le monde quand on n'est rien ? Il suffit d'utiliser toutes les armes défendues par la morale (je vous rassure, cette morale est de façade dans ce joli monde) : mensonges, demi vérité, séduction passive ou active, gruger les naïfs et imbus d'eux-mêmes, flatter, manipuler et hurler avec les loups !!!

Tout un joli programme que l'héroïne, Rebecca Sharp, pauvre orpheline intelligente et très ambitieuse, devenue à force d'intrigue Mistress Crawley, va mettre en oeuvre. Le lecteur la déteste et l'aime tour à tour, parfois il peut avoir de la compassion. Elle connait les splendeurs et misères du monde (cruel monde des vanités humaines) et réussit à survivre à tout !!
Son antithèse est la douce Amélia Sedley qui est la caricature de la naïveté et de l'insignifiance. Elle aussi connait bonheur et malheur après être passée par le veuvage et l'adoration de l'époux disparu (fieffé gredin imbu de lui-même) avant de se rendre compte de sa tromperie.
Un héros qui est sourd aux choeurs de cette foire aux vanités. Il traverse cette fange sociale sans perdre sa superbe. Bref, un portrait sociétal qui est très moderne car transposable dans notre monde moderne. Car l'homme est un "lupus", un animal socialement ambitieux, prêt à toutes les avanies pour parvenir à toucher du doigt les fastes de la richesses et du pouvoir.
A lire et à relire avec un plaisir sans cesse renouvelé !!!

Roman traduit de l'anglais par Sylvère Marod

jeudi 25 janvier 2007

Hymne d'amour à un fleuve


En lisant ce roman, le lecteur plonge dans le quotidien des villageois du nord de l'Inde, avec ses truculences, ses désespoirs, ses traditions.
L'histoire est celle des destins croisés de deux lutteurs, agriculteurs: l'un est propriétaire, issu d'une haute caste, l'autre vit au bord du Gange et puise ses ressources du limon laissé par les crues. Tous les deux se retrouvent injustement en prison, victimes de leur méconnaissance de la loi. Ils sympathisent et vont s'aider mutuellement à leur sortie:le premier, veuf, est secrètement amoureux de sa belle-soeur, elle même jeune veuve, et n'ose avouer à ses parents qu'il ne veut épouser personne d'autre qu'elle. Le second fera tout pour réunir les deux amoureux.
Bhairava Prasâd Gupta fait plusieurs fois allusion à la condition féminine (en particulier la place des veuves) dans la société traditionnelle hindoue des hautes castes: le veuvage est synonyme de sépulture virtuelle au sein de la belle famille (à laquelle la femme mariée appartient définitivement)car la veuve ne peut plus se remarier ....en d'autres temps elle aurait suivi son époux défunt dans le bûcher.
L'auteur aborde, également, un autre aspect de la société hindoue: le rapport particulier que les hindous entretiennent avec le Gange. Au cours de la lecture, on est transporté par le chant sublime louant les beauté du Gange et son caractère sacré. Le Gange est une divinité bienveillante pouvant être courroucée lors des crues. Puis, sous-jacent, émane un chant, profond, encourageant les paysans pauvres à se libérer du joug des grands propriétaires terriens qui exploitent sans vergogne leur misère. On entend les chants pour la dignité et la fierté retrouvées d'une caste méprisée.
Cette dignité ne se conquiert par forcément (nous sommes en Inde) par la non-violence: les coups bas et les coups de bâton volent souvent dans ces campagnes et le lecteur se trouve loin de l'image d'Epinal de l'Inde.
Bhairava Prasâd Gupta, par sa verve et son style, nous donne la sensation d'être dans un film "made in Bollywood": toute la théâtralité hindoue est présente dans son récit pittoresque et émouvant où la piété filiale se dispute aux clichés des amours contrariés et impossibles.
Ce roman est un hymne à la vie et à l'espoir: Le Gange pourvoie aux besoins de ceux qui l'aiment et le respectent...et peut aider deux amoureux, perdus dans les carcans de leur caste, à trouver un chemin de vie.

Quartier général


Le titre intrigue: que peut-il se cacher derrière "Quartier général" ? Une histoire de caserne, des trouffions ? Il y a de cela, seulement au tout début. Puis le livre part dans plusieurs genres littéraires au fil des chapitres : mémoires, journal intime, confessions, roman policier, roman d'aventure, roman fantastique. Bref, un voyage au pays de la littérature très dense, très érudit.
Il faut entrer dans le rythme du livre, dans sa respiration. Quand on commence à "lâcher" les protagonistes qui sont dilués dans les phrases très abouties de l'auteur, il y a rupture et rebondissement : on change de type de roman et l'intérêt renaît.
Michel Crépu joue avec les mots, avec les genres, avec l'intrigue, avec les courants littéraires, avec les "penseurs" de la littérature (intellectuels, critiques...) mais aussi avec le lecteur qui se perd et se retrouve sans cesse.

La chute est extraordinaire d'ironie....le fameux protagoniste (sorte d'aventurier de l'intellectualisme) disparaît des années puis refait surface dans une scène digne des plus grandes farces ou des plus grandes comédies de boulevard : une scène de cinéma grand-guignolesque !!!
Livre qui ne se lâche pas facilement : l'apprivoiser n'est pas simple mais quand on trouve une des clés c'est le bonheur de lire....tout simplement. L'écriture travaillée de Crépu change de cette écriture moderne qui est trop sobre, trop rapide, trop lapidaire dans sa forme (sujet, verbe, complément). On se laisse aller dans un souffle presque proustien : de longues phrases, des digressions, des mots compliqués, peu usités. Un air classique qui fait du bien !!

mercredi 24 janvier 2007

Comment dépoussiérer un conte traditionnel


Les contes de notre enfance connaissent diverses versions.
Celle-ci est des plus originales : elle raconte avec des mots mais aussi des photos. L'atmosphère est inquiétante, les photos en noir et blanc (photos de Sarah Moon aux éditions Grasset/Jeunesse).
Ce n'est plus le milieu rural mais urbain.
La fin est celle de Perrault : le petit chaperon rouge est dévoré.
C'est une approche tout en symbole : la photo illustrant la rencontre du Chaperon rouge et du loup est saisissante !! On se retrouve dans l'oeuvre de Bettelheim !!
Par ailleurs, l'illustration de ce début de phrase de tout conte "il était une fois..." est une photo d'une vieille pendule : le temps d'autrefois et celui d'aujourd'hui se confondent. Cette photo nous transporte tout de suite dans l'imaginaire...un imaginaire qui durera le temps du conte.
Une lecture et un cadeau poétiques et originaux !!

mardi 23 janvier 2007

Pour les fans de Paul Auster




...et pour tous ceux qui voudront le découvrir et/ou le lire.
Un nouveau blog est né aujourd'hui. Il est consacré à l'auteur américain Paul Auster. Pour le découvrir cliquez ici.

I have a dream....


Khadra serait-il un adepte de la construction en parenthèse du roman? Comme dans "les sirènes de Bagdad", il y a une ouverture sur un lieu identique à celui de la fermeture. En l'occurrence un attentat en territoire palestinien.
Entre ces deux parenthèses, le récit d'une vie brisée par l'horreur du sang, du secret, du fanatisme.
Le héros, Amine Jaafari, éminent chirurgien à Tel-Aviv, arabe israëlien, issu d'une tribu bédouine. La vie lui a souri malgré sa condition de bédouin et d'arabe en Israël: il a une brillante situation, une sublime jeune femme, des amis, d'importantes relations sociales et professionelles. Puis, un jour, tout s'effondre lorsqu'il apprend que sa femme est la kamikaze qui a ravagé un restaurant bondé! Rien ne l'avait préparé à affronter la part d'ombre de son épouse.
Dans ce deuxième volet de la trilogie consacrée aux relations "autistes" entre l'Occident et le monde Arabe, Khadra met en scène un des aspects le plus terrible du conflit israëlo-palestinien: l'entrée des femmes dans le cercle des martyrs de la Cause. Comment une femme, sensée donner la vie et non la prendre, peut-elle s'engager dans ces actes aveugles?
Lentement, Amine va suivre le parcours de son épouse, Sihem, pour tenter de comprendre ce qui lui a échappé. Lui qui est de ceux qui refusent la violence, l'escalade de la terreur stérile et mortifère, lui qui est "soignant", sauveur de vies et non meurtrier. Il incarne cette espérance de l'intégration au sein d'Israël, terre bénie des monothéismes qui la déchirent sans cesse.
Amine ira au-delà du Mur, cette construction infâme qui rappelle d'autres murs aussi célèbres que peu empreints de dignité humaine. Il regardera en face ces enfants désespérés qui préfèrent mourir plutôt que croupir sans adhérer à leur idéologie. Il se retrouve entre deux mondes qui s'ignorent et qui refusent de communiquer.
Amine Jaafari est une lueur d'espoir, une lueur fragile, ténue qui peut s'éteindre dans un souffle....dans le souffle de poussière levé par le bulldozer israëlien détruisant la maison ancestrale de sa tribu...dans le souffle de poudre et de flamme d'une roquette pulvérisant une voiture.
Le rythme du roman est trépidant, empreint de l'urgence et de l'angoisse d'un pays en proie au terrorisme quotidien. Le lecteur est en apnée sauf en de rares instants, lorsque la poésie, la beauté et l'espoir forment la toile de fond de la rencontre d'Amine, l'arabe israëlien,avec un ascète, image du Juif errant. Un instant que l'on voudrait éternel, autour d'un passage de la Bible (Isaïe 1, 11 et suivants).
"Tout juif de Palestine est un peu arabe et aucun Arabe d'Israël ne peut prétendre na pas être un peu juif."
"...alors pourquoi tant de haine dans une même consanguinité?...C'est parce que nous n'avons pas compris grand-chose aux prophéties ni aux règles élémentaires de la vie."

Que faire?
"D'abord rendre sa liberté au bon Dieu. Depuis le temps qu'il est l'otage de nos bigoteries."
La folie des hommes est toujours sanglante, aveugle et sourde sous toutes les latitudes. Il y aura toujours des hommes pour dire ou écrire "I have a dream...". C'est sous une note mélancolique et poétique que Khadra ferme sa parenthèse:
"On peut tout te prendre; tes biens, tes plus belles années, l'ensemble de tes joies, et l'ensemble de tes mérites, jusqu'à ta dernière chemise-il te restera toujours tes rêves pour réinventer le monde que l'on t'a confisqué."
Puisse un jour le rêve être libéré des carcans de la souffrance et de la haine.
Un roman qui comble le lecteur par son audace, son humanisme et sa générosité. "I have a dream" disait Martin Luther King....J'ai fait aussi un rêve pourrait répondre Khadra.

lundi 22 janvier 2007

Une tragi-comédie moderne


C'est un livre qui m'a attirée par le titre et la première de couverture ( l'illustration image d'Epinal...malheureusement il est sorti en Poche sous une couverture plus banale...dommage) : déjà tout un programme. Puis la deuxième de couverture attire l'oeil de par son originalité : la biographie de l'auteur est lapidaire et humoristique: "Serge Joncour est né le 28 novembre 1961 à 20 heures. Il se porte bien." Quant à la présentation de l'éditeur "Le Dilettante": "Dilettante n. (mot ital). Personne qui s'adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir. Personne qui ne se fie qu'aux impulsions de ses goûts. (Le Petit Larousse)"....un vrai bonheur !!!

Aussi, se dit-on très vite que tant d'indices drôlatiques est de bon augure pour une lecture agréable et désopilante. Cette mise en bouche, toute en saveurs, ne trompe pas le lecteur aventurier : il découvre les misères et splendeurs d'une famille rurale à la vie chiche ( pas de scolarisation, peu de culture - celle de la télé - mais un bonheur de vivre et un art consommé d'attirer les catastrophes). Le récit est truffé d'accidents engendrés par cette famille de "Gaston Lagaffe" qui attire l'intérêt d'un jounaliste avide de scoop pour le "prime" du JT.
Truculences, personnages hauts en couleurs, une mémé inénarrable, la mort accidentelle du tonton intello lors de la mise à mort du cochon et en prime une peinture ironique du monde de l'info événementielle mais aussi d'une peinture sarcastique de la famille "qui a réussi et qui snobe" ceux qui sont restés ruraux.
L'écriture est sobre, délicieusement familière parfois...un régal !!

dimanche 21 janvier 2007

Japon quand tu nous tiens....


"A Kinosaki" est un recueil de 14 nouvelles, 14 tranches de vie et de sensation.
Au cours de la lecture de ces récits, la lectrice occidentale que je suis a été confrontée à des décodages difficiles: la plupart des chutes sont très ouvertes et parfois insaisissables.
On peut être heurté par cela mais très vite on se dit (je me suis dit) qu'il ne faut pas être trop tatillon et de cette manière on se laisse aller à apprécier cet univers japonais des sensations, des descriptions subtiles, légèrement estompées.
"Metempsychose", récit où un mari grincheux exaspéré d'avoir une épouse idiote (à son gré), au cours d'une conversation orageuse avec elle, lui propose de choisir leur prochaine réincarnation. Après avoir comparé les mérites conjugaux du cochon, du renard et du canard, ils décident de se réincarner en canards mandarins. Le mari avance que son idiote de femme aura vite oublié cet arrangement le moment venu. Ce charmant époux disparaît en premier et devient canard. Il attend de très longues années la mort de sa femme. Bien entendu, arrive ce qui doit arriver: celle-ci se trompe et devient renarde.Lors de leurs retrouvailles, comme elle est affamée et que son canard d'époux s'évertue à la blâmer sans répit, elle le dévore. Quand on sait que le renard est un animal maléfique dans la culture japonaise (les sorcières sont des "femmes renardes"), on ne s'étonne pas que la pauvre épouse se réincarne en renarde: idiote elle a vécu, idiote elle restera! Par contre, le prisme occidental goûte au sel de cette chute: revanche d'une femme bafouée qui enfin cloue le bec (!!) de son acariâtre époux.
L'image négative de la femme dans la société traditionnelle japonaise est remise en question par Naoya à plusieurs reprises dans ce recueil de nouvelles. On peut voir dans"Kuniko" (un des plus long récit), la femme légitime se plaindre de sa condition d'épouse d'artiste trompée(c'est tout sauf une sinécure que de partager le quotidien d'un créateur). On sent un frémissement de révolte envers le système traditionnel des concubines entretenues, des maîtresses attitrées, favorable aux hommes. Sans doute, les influences chrétiennes de Naoya y sont-elles pour beaucoup, de même que l'époque (les premiers récits sont datés de 1908 à 1920, les derniers des années 1950) marquée par l'ouverture du Japon au monde occidental.
On ne peut que remarquer le talent avec lequel Naoya recueille les parcelles de vie, est attentif aux mécanismes psychologiques de ses personnages et réussit à mettre en scène les mystères des comportements humains (ainsi dans "Le crime de Han" et "Le rasoir" où le meutre est l'argument principal).
Il est remarquable, également, dans la narration de faits mystérieux, éléments de contes ou de légendes ("Le fil d'Arachne" ou "Le petit commis et son dieu") qui mêlent réalité et surnaturel.
Il est souvent stipulé que Naoya fut le "précurseur du roman autobiographique japonais"....presque tous ses récits sont à la première personne du singulier. Il a aussi une écriture de l'intime, des sensations intérieures et individuelles de l'être.
Une très belle balade japonaise, tout en subtilités, ruses, ellipses et complications...à l'image de "l'art de conférer" japonais.
Un régal pour le lecteur qui aime se perdre dans le dédale culturel de l'empire du Soleil Levant.

Poésie japonaise


Comme vous avez pu le remarquer, j'ai un sérieux penchant pour les littératures asiatiques, notamment japonaise.
J'ai découvert également la volupté des Haïkus et n'ai pu résister à l'achat de cette anthologie.
note de l'éditeur:

"Le haïku, admirablement mis en lumière par Yves Bonnefoy dans sa préface, est un poème en trois vers dont l'origine est presque aussi ancienne que la poésie japonaise traditionnelle. Parmi les nombreux auteurs présents dans ces pages, quatre grands noms, qui ont ponctué l'histoire du haïku, se détachent : Bashô (1644-1694), Buson (1715-1783), Issa (1763-1827) et Shiki (1866-1902). A l'égal des autres arts du Japon, tels que l'arrangement des fleurs, l'art des jardins, le tir à l'arc ou le théâtre Nô, le haïku est beaucoup plus qu'un poème sur un instant privilégié. Ce qu'il propose est une expérience proche du satori ou de l'illumination."

Ce recueil n'est pas à lire d'une traite, loin de là: il est à ouvrir au gré des instants, des sentiments, du temps qui passe, qu'il fait ou à toute autre occasion.
Turquoise m'a donné l'idée de la rubrique "Haïku de la semaine", elle qui nous dispense presque chaque jour une lecture ad hoc de haïkus délicieux.
Pour les lire cliquer sur le lien suivant:
les lectures de Turquoise

Merci Pascale pour ton aide précieuse...

samedi 20 janvier 2007

Histoire dans un tableau


Tout d'abord, merci aux blogueurs qui m'ont donné envie de découvrir cet auteur, dont j'avais entendu parler mais dont je n'avais encore rien lu.
Mercredi, visite à la médiathèque pour renouveler le stock de LAL et augmenter, provisoirement ma PAL, et hop! je regarde si des romans de Philippe Besson se trouvent sur les étagères.
J'ai donc choisi "L'arrière-saison". J'ai été sensible aux mots du titre mais aussi à la couverture du livre qui laissent augurer d'une ambiance feutrée comme je les aime.
Eh bien, je n'ai pas été déçue!!! Je me suis laissée embarquer, sans résistance, dans l'imaginaire de l'écrivain qui entraîne son lecteur à l'intérieur d'un tableau. Même si Besson n'est pas le premier (et ne sera pas le dernier) à pratiquer l'exercice de style qui consiste à imaginer la vie des personnages d'une oeuvre de maître, j'aime cet argument littéraire.
Il a su créer une atmosphère intime, poudrée par la lumière déclinante d'un jour d'automne, en bordure d'océan.
J'ai toujours aimé les ambiances de cafés perdus (ah...Bagdad Café!!!!), la solitude des rares clients, celle du serveur, le temps qui passe, égréné par le tic-tac de la pendule, tic-tac qui hurle dans le silence du lieu.
Même si le propos peut être banal, même si les sentiments peuvent être usés car tellement courants, je n'ai absolument pas boudé mon plaisir d'évasion hors du temps.
J'ai aimé la conversation muette entre Louise (l'héroïne) et Ben (le serveur), leur complicité, égarée entre le sentiment fraternel et le sentiment amoureux. L'idée de placer une "arlésienne" en la personne de Norman (l'amant de Louise) crée une attente qui n'est pas désagréable: assistera-t-on à une scène de vaudeville? Quant à l'irruption de l'ex grand amour de Louise, Stephen, elle permet d'entrer dans le mélo que l'on aime, hum...du moins tel que je l'aime: douceur et amertume étroitement liées.
De plus, cette histoire à trois voix est intéressante et ne sombre pas pas dans la banalité: c'est la vie qui défile sous nos yeux.
Certes, il y a des clichés mais que j'ai lus avec le recul de la gentille moquerie envers une situation amoureuse éculée: le triangle des amants dont l'absence de l'un fait résonner le monologue des deux autres.
Un point positif du roman: Philippe Besson ne tombe pas dans le piège du dénouement "happy end" (le décor pouvait le laisser entrevoir). Ce parti pris sauve l'histoire et la rend attachante...et surtout l'ambiance subtile de fin du jour reste intacte.
Une évasion dans le clair-obscur d'un tableau, de nos âmes, de nos vies, de nos sentiments...et d'un automne qui se donne des airs d'été.

mercredi 17 janvier 2007

A méchant, méchant et demi.


La librairie abrite des trésors insoupçonnés. En farfouillant les étagères à la recherche de rien et de tout, un folio s'est agrippé à moi. La couverture est impressionnante, très inquiétante, style "L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn". De quoi frémir de trouille. Non content de m'impressionner par l'image, ce bandit de papier retint mon attention par les mots: ceux de son titre "L'âge des méchancetés". En deux temps, trois mouvements, il avait réussi son coup, l'animal: me voilà à la caisse afin d'en devenir propriétaire!
Ayant quelques lectures en cours et prévues, je l'ai abandonné dans la bibliothèque. Mais l'oeil de la couverture veillait au grain....
La littérature permet d'exorciser les multiples démons de l'homme.
Ainsi, la vieillesse, thème de ce court ouvrage...court mais saisissant.
Le lecteur se retrouve devant un fait de société difficile à admettre: que faire de nos vieux lorsqu'ils sont trop âgés, trop gênants? Fumio Niwa tente de nous éclairer dans ce texte où la grand-mère, Umejo, personnage principal, passe de l'état d'une Tatie Daniele insupportable, que l'on aimerait abandonner dur une aire d'autoroute, à celui d'une pauvre vieille femme perdant, peu à peu, la mémoire et l'esprit.
les pages sont féroces, dérangeantes, horripilantes à souhait: elles nous renvoient à une image de nous-mêmes que nous n'acceptons pas (tatata...pas d'hypocrisie!!!), celle de la vieillesse et ses déchéances. Aussi, n'avons-nous qu'une seule hâte: enfermer cette vieillesse gênante dans un asile approprié!
Au fil des phrases, des situations, la grand-mère semble ne plus savoir quoi inventer pour mettre en pelote les nerfs du reste de la famille. est-elle consciente du mal qu'elle provoque dans les relations intra-familiales?
Au moment où tout semble basculer au désavantage d'Umejo, les sentences de Confucius sur la piété filiale, chère à la société traditionnelle japonaise,dansent sous nos yeux...et nous tombons dans les rêts de l'auteur qui s'est délecté des souffrances éthiques des personnages...mais aussi de ses lecteurs!!!
En filigrane, sont abordés, en petites touches saupoudrées dans le récit, l'incontinence, la gourmandises, l'Alzheimer, les retours en enfance ou dans la vie passée. Toutes ces défaites d'un âge qui oscille entre résignation et révolte, sentiments exprimés dans la méchanceté envers une jeunesse, celle qu'il a perdue à jamais.
Un passage, à mon sens, exprime bien l'atmosphère du roman (ou réquisitoire?): la petite-fille aide sa grand-mère à faire ses besoins au bord de la route "A cette occasion encore, elle ne put se défendre d'une aversion physique à la vue de ces longues jambes de vieille femme de quatre-vingt-six ans semblables à des cuisses de poulet. Pour Umejo, c'était embarrassant."
Oui, vraiment, ce roman est féroce et extrêmement dérangeant: il ne renvoie pas une image flatteuse de la société moderne et met le doigt sur une part sombre de l'être humain.
Fumio Niwa a publié ce roman en 1947...à partir de 1986 il est atteint de la maladie d'Alzheimer. Il est décédé en 2005...il avait 101 ans.

Une petite nouvelle

est arrivée sur la planète des blogs littéraires: elle s'appelle Candice et est en classe de 1ère Littéraire. Elle débute et son blog est tout mimi.

Allez y faire un petit tour :-) cliquez ici

Un peu d'espoir


Les hirondelles annoncent le printemps, le retour de la belle saison, le retour de la chaleur.
Ces hirondelles annoncent ces mêmes choses, annoncent le retour de la chaleur humaine.
Ce roman, sublime, sans concession, explore l'âme des Kabouli qui annoncent les premiers soubresauts de la contestation, qui annoncent le futur printemps de leur pays.
Trois hommes, deux femmes sont les héros tragiques de cette histoire.
Cinq consciences qui refusent le diktat des talibans, de ceux qui hurlent avec les loups.
La liberté leur coûte cher.
La fuite vers un ailleurs fantasmé pour l'ancien mollah revenu de tout.
La folie et la mort pour le geôlier et sa femme : lui lacéré par la foule en raison de ses gestes déplacés et impies (il soulève les burkas pour tenter de retrouver la prisonnière dont il est tombé amoureux et qu'il a sauvée de la mort) ; elle, sa femme, qui, rongée par la maladie, se sacrifie en prenant la place de la condamnée (quoi de plus semblable à une burka qu'une autre burka !!) afin que son mari goûte aux joies d'aimer.
Le couple issu de l'élite intellectuelle d'avant les talibans, qui se perd dans les déchirures car égaré, désorienté par la loi talibane.
Un chant d'espoir malgré des scènes dures (lapidation, symbole de la burka pour l'avocate déchue : la burka négation de l'être, négation de soi), les propos inouïs des hommes sur les femmes.
Ce roman montre combien il est difficile pour toute dictature d'étouffer à jamais les velléités de vivre des hommes.
Le souffle de la liberté apparaît inexorablement car le temps n'est jamais en faveur des dictatures.

Attention, ogre méchant!!!


Voici un album jeunesse qui plaît: il y a du suspense (oh, joies de l'inconnu inquiétant!), des petites "fenêtres" à ouvrir pour vérifier si tout le monde est tranquille ou dort...
Mais où sommes-nous? Lorsque l'on regarde la couverture, on voit une énoooorme porte de château...avec d'étranges herses ressemblant à de grandes dents!!! Brrr...Mais, nous sommes courageux (il y a un grand qui lit l'histoire avec nous) et hop, nous entrons en chuchotant pour ne pas réveiller le GEANT!!!
Nous rencontrons, tour à tour, la souris, la chatte, la poule, la femme du géant...puis le géant lui-même (gloups!!).Chaque personnage est annoncé à la page précédente par des indices habilement distillés (il faut être observateur et ne pas hésiter à promener son regard dans les illustrations, très, très belles)et qui font, peu à peu, monter l'angoisse. Le sommet de la peur est atteint à la fin...le GEANT se réveille et une seule échappatoire...que vous découvrirez en lisant le livre!!!

mardi 16 janvier 2007

Lignes....


Des traits longs ou courts ou encore petits et espacés, galaxies minuscules d'imaginaires inavoués,
Des fils ténus, tendus entre deux murs, entre deux mondes,
Torsades verdoyantes des tortillons végétaux, lierres grimpant au firmament,
Sinuosités liquides des pluies hivernales scintillent au soleil pastel,
Arabesques encrées des calames virevoltent au gré du papier virginal,
Volutes éphémères et odorantes des bûches immolées dans l'âtre de granit,
Gribouillis, rondes et danses des crayons enfantins, petits nuages de couleurs et de rêves inexprimés,
Rubans d'asphalte, transpirent en tremblant sous la chaleur des roues nomades,
Rayures bruissantes des bambous musiciens, verticalité d'un mur végétal qui murmure,
Ondulations d'une mer terrienne libérant la chevelure rousse des épis bientôt cueillis,
Ridules estompées par le poudroiement d'un masque à jamais envolé,
Vagues charivaris des mots, naissance mille fois renouvelée des histoires du monde,
Entrelacs des chemins, enrênent les rails, guides de partances vers la clé des songes,

...Lignes ouvertes aux souffles chauds des mots inventés, lignes voyages vers un ailleurs conté....lignes noircies par un crayon facétieux....

...Lignes, lignes d'une vie...

Quelques phrases en passant....


"A Kaboul, les joies ayant été rangées parmi les péchés capitaux, il devient inutile de chercher auprès d'une tierce personne un quelconque réconfort." Y.Khadra in "Les hirondelles de Kaboul"

"Nous avons perdu nos fortunes, ne perdons pas nos bonnes manières. Le seul moyen de lutte qui nous reste, pour refuser l'arbitraire et la barbarie, est de ne pas renoncer à notre éducation." Y.Khadra in "Les hirondelles de Kaboul"

"...je refuse de porter le tchadri. De tous les bâts, il est le plus avilissant. Une tunique de Nessus ne causerait pas autant de dégât à ma dignité que cet accoutrement funeste qui me chosifie en effaçant mon visage et en confisquant mon identité." Y.Khadra in "Les hirondelles de Kaboul"

"Avec ce voile maudit, je ne suis ni un être humain ni une bête, juste un affront ou une opprobre que l'on doit cacher telle une infirmité." Y.Khadra in "Les hirondelles de Kaboul"

"La musique est le véritable souffle de la vie. On mange pour ne pas mourir de faim. On chante pour s'entendre vivre." Y.Khadra in "Les hirondelles de Kaboul"

lundi 15 janvier 2007

Un drôle d 'oiseau chez les Romains


Un inventeur de génie vient présenter ses inventions à l'empereur de Rome. Le point commun de ces dernières: l'utilisation de la vapeur. Idée révolutionnaire, porteuse d'incroyables progrès technologiques, socle d'une toute puissance sur le monde connu.
Le lecteur nage en pleine fantaisie où les scènes les plus extravagantes se disputent l'humour le plus décapant.
William Golding plante un décor romain des plus classiques: un empereur décadent, un petit-fils blasé s'ennuyant à mourir, de beaux jardins, des statues...jusque là tout va bien. Puis, arrive l'inventeur, Phanocle: il est myope et ex-bibliothécaire (adjoint, a-t-il l'ironie d'ajouter)....là, le doute s'installe quant à la suite, sereine, du récit: ce Phanocle apporte sur un plateau la machine de guerre à vapeur, le canon....et la cocotte-minute!!!
En un rien de temps, nous basculons en plein délire jubilatoire. Le paroxysme de l'absurde est atteint lors de la démonstration des capacités du bateau et du canon: une catastrophe hilarante pendant laquelle le lecteur suit l'empereur, prisonnier de la légion de son héritier, qui passe en revue lesdits soldats, sous un soleil de plomb et une cacophonie ambiante inouie. Ces derniers, accablés de chaleur, écrasés par le poids de leur équipement tombent comme des mouches: l'empereur prend un temps infini à demander des nouvelles de chaque soldat.Son stratagème lui permet de manipuler son public et d'inverser la situation.
Lorsque tout le charivari se calme enfin et que tout rentre dans l'ordre, William Golding surprend le lecteur: finalement, l'invention qui retient toute l'attention de l'empereur n'est pas celle que l'on croit...
La chute de la nouvelle est cruelle: la plus belle des inventions (chuuutt...vous le saurez en lisant le livre), malgré toutes les immenses possibilités qu'elle offre, n'est que menace pour quiconque se trouve au sommet du pouvoir. Alors, Phanocle se retrouve récompensé par une ambassade en...Chine...pays où il pourrait faire des émules...
Finalement, les hommes de pouvoir sont empreints de méchanceté et d'hypocrisie: ils écartent, d'une jolie chiquenaude, le grain de sable qui pourrait enrayer leur machine bien huilée,...non?

Roman traduit de l'anglais par Marie-Lise Marlière

Une photographie de Kaboul


Ce livre relate la vie quotidienne d'une famille afghane de Kaboul. Celle-ci est vue par les yeux d'une occidentale.
Le récit commence par une demande en mariage : celle du patriarche auprès de la famille de sa future seconde épouse.
Cet homme est libraire, il aime les livres, la culture, il a risqué sa vie pour sauver ses trésors littéraires, il est libéral et tolérant... sauf dans le cadre familial.
L'auteur nous montre cet homme autoritaire, sans prendre parti, laissant le lecteur seul juge.
Une photo douce amère qui fait mesurer le chemin qui reste à parcourir pour ce peuple blessé, nié par les talibans. Les blessures seront longues à se fermer. L'émancipation des femmes, des adolescents, de la famille semble être une histoire de longue haleine.
Et l'on apprend que le voile fut mis à la mode par la famille régnante puis par la haute bourgeoisie... ironie du sort.
Livre émouvant, tendre et dur à la fois. Un beau témoignage d'une société meutrie qui se reconstruit.

Ce livre complète les lectures de "Les cerfs-volants de Kaboul" et "Les hirondelles de Kaboul", richesse des lectures croisées....

dimanche 14 janvier 2007

Film pour enfants


Jeudi matin, l'école est allée au cinéma voir "Franz et le chef d'orchestre", un film d'animation suédois.
46 minutes de bonheur!! Le parti pris du gros plan est assez audacieux (les bouches des personnages sont ornées de belles dents!!) surtout quand on connait l'importance du thème de la dévoration chez les loupiots (Le petit poucet, le petit chaperon rouge, les 3 petits cochons...). Eh bien, mes "roudoudous" ( ils ont 2/3 ans) n'ont pas eu peur et ont adoré le film!!!
J'ai bien aimé le message de tolérance, d'acceptation de l'autre. la musique adoucit les moeurs et réconcilie Anciens et Modernes.
Il y a des ambiances inquiétantes (le champ effroyable....)et d'autres plus légères, bref une vraie réussite qui change des "gros succès" du moment.
Vive les petits trésors nordiques!!!
Synopsis:
"Dans une colonie musicale d'été, le petit Franz observe avec attention son père diriger un orchestre amateur. Lorsque le soliste perd un morceau de son instrument, Franz et son père lui viennent en aide pour sauver le concert...
Les histoires se nouent autour de leur trio, en musique et en passant du rire aux larmes."
Un moment intense de cinéma au rythme de la musique classique, des gammes et de l'oeil observateur d'un petit garçon adorable.

Promenade nocturne


Ce court roman entraîne le lecteur dans la découverte du monde des sensations du Japon traditionnel.
Le narrateur se promène, la nuit de la fête de la lune, autour d'un ancien palais impérial, le long d'un fleuve bordé de champs de roseaux.
Des poèmes classiques lui reviennent en mémoire dont un, en particulier, scandant le rythme de la promenade et des réminescences:
"Je regarde dans le lointain,
Le pied des montagnes est enveloppé de brumes.
Rivière Minase!
Pourquoi avoir préféré
Les soirs d'automne?"
Et nous voilà plongés dans l'univers captivant des empereurs disparus, des quartiers de plaisirs, des geishas...
La pleine lune est propice aux rêveries, à la poésie, à l'imagination. Les roseaux chantent sous le vent d'automne et soudain une rencontre...
Le lecteur lit alors une histoire d'amour aussi pure que dérangeante. Une question s'insinue au fil des lignes: où se situe la frontière entre la vénération d'un amour épuré et la perversité de l'inaccessible amour?
Les roseaux ondulent et nous emportent....
Une lecture à l'atmosphère apaisante et mystérieuse.

Les sirènes du désert


A l'instar de Mizukami, le roman de Khadra est comme une parenthèse: il s'ouvre et se ferme à Beyrouth, au Liban.
Entre les deux, le roman nous emmène aux portes du désert puis à Bagdad.
Comment la guerre peut transformer un jeune homme cultivé et tranquille en graine de kamikaze, tel est le fil conducteur du roman de Khadra.
Le lecteur navigue, chavire dans la houle déchaînée des passions et des horreurs. Il assiste à la mise en pièces d'une culture millénaire, une culture qui participa à l'éveil du monde, à la grandeur de l'humanité. On ne peut qu'être mal à l'aise, en tant qu'occidental, devant le spectacle pitoyable des GI hurlant leur haine, masque de leur peur indicible ressentie devant un monde qu'ils ne comprennent pas.
On suit le narrateur dans sa volonté de laver l'affront subi par sa famille et son père. Il est Bédouin et pour lui, le code de l'honneur exige d'effacer un affront par le sang.
A travers le parcours initiatique de ce dernier, le lecteur est ballotté sur les routes désertiques et désertées, de barrage en barrage, puis déambule, sonné, dans un Bagdad à feu et à sang, une ville devenue l'ombre d'elle-même. Son architecture est aveugle, comme ses habitants qui ne voient plus le sordide ni l'absurde car obsédés par la nécessité de survivre.
Ce roman peut sembler sombre, pessimiste tels les paysages désolés, délaissés par les hommes. Cependant, une étincelle de vie redonne l'espoir en un avenir serein et éclairé...étincelle fugace, fragile mais qui irradie sa chaleur et sa joie de vivre: non, l'horreur, l'obscurantisme ne peuvent avoir raison de l'Homme.
Un livre qui nous emporte au gré de ses accents simples ou lyriques, tels les dunes du désert et les beautés d'une Babylone perdue de vue.
Un hymne à l'espérance et à la croyance en une humanité qui ne jetera pas aux orties ses cultures certes différentes mais ô combien complémentaires.

samedi 13 janvier 2007


"Le vrai racisme a toujours été intellectuel. La ségrégation commence lorsqu'un de nos livres est ouvert." Y.Khadra in "Les sirènes de Bagdad"

"Ce que le vent du désert emporte, la mémoire le restitue; ce que les tempêtes de sable effacent, nous le retraçons de nos mains." Y.Khadra in "Les sirènes de Bagdad"

"Nous étions pauvres, humbles mais nous étions tranquilles. Jusqu'au jour où notre intimité fut violée, nos tabous profanés, notre dignité traînée dans la boue et le sang...jusqu'au jour où, dans les Jardins de Babylone, des brutes bardées de grenades et de menottes sont venues apprendre aux poètes à être des hommes libres." Y.Khadra in "Les sirènes de Bagdad"

Bruissements des bambous


On dirait un conte (le récit commence comme un conte : "Il était une fois..."). Un conte cruel et fataliste. Mizukami transporte de lecteur dans une région reculée du Japon, dans un village perdu dans les montagnes, entouré de bambouseraies.
Il nous raconte le Japon laborieux, deshérité, pauvre: la région nous apparaît inhospitalière tant elle est humide, sombre et froide.
C'est une histoire de solitude et d'amour inassouvi où une courtisane rencontre un génial artisan nabot et contrefait. Rencontre insolite augurant une fin heureuse.
Cependant, ce roman n'est pas un documentaire, loin s'en faut.
On y retrouve une récurrence des thèmes : la mort, comme dans "Le temple des oies sauvages", ouvre et ferme le roman, l'art,élément qui survit, qui donne l'éternité à l'artiste, le mal de vivre du héros qui se desespère de sa laideur, de sa petite taille (on se rappelle le moinillon du "temple des oies sauvages").
"Poupées de bambou" est aussi un huis-clos, souvent oppressant, diffusant une atmosphère en permanence menaçante (due à la présence des bambous).
On espère jusqu'au bout une issue heureuse mais un souffle de vent fait bruire les bambous...

Je me suis délectée de l'écriture minimaliste, très "zen", de Mizukami qui sait mettre en valeur, par la grâce de quelques mots et expressions, son univers intérieur, son imagination et son Japon.

Comment se dire je t'aime?


C'est, maintenant, un "classique" de la littérature jeunesse!!!
Un papa et son fiston mesurent leur amour mutuel:
avant d'aller dormir Petit Lièvre Brun demande à Grand Lièvre Brun "Devine combien je t'aime". "Je t'aime grand comme ça", dit-il en écartant les bras... Et chacun mesure à tour de rôle son affection, à travers toutes sortes d'acrobaties. Illustrée de dessins aux couleurs pastel, l'histoire est conçue un peu comme une nouvelle avec une chute pleine de poésie...
Les illustrations sont superbes et d'une poésie extraordinaire: un chant d'amour à mettre dans sa bibliothèque et à lire et relire au fil des années...émotion garantie

vendredi 12 janvier 2007

Un nouvel évangile


Un Pierre Bordage, lu en 2005. Pierre Bordage est un auteur que j'adore et que je dévore. Je ne résiste pas à l'envie de partager cette ancienne lecture!C'est le premier volet d'une trilogie, la trilogie des prophéties. Il me reste à lire les 2 autres volets (ça ne va pas tarder...et hop encore 2 étages dans ma PAL)

Un nouveau messie est arrivé, il vit en Lozère et inquiète les pouvoirs en place.
Bordage nous emmène dans un univers apparemment éloigné de celui de la Science-Fiction. Seulement en apparence.
Vaï Ka'i est un jeune indien d'Amazonie adopté par une famille française. Il prône l'abandon des possessions, des biens, le respect de la Terre, mère de toutes les créatures. Il accomplit des miracles et à sa suite de plus en plus d'hommes et de femmes se lancent sur les routes. Le néo-nomadisme naît et les certitudes de chacun basculent.

Le roman est construit sur quatre piliers : Lucie, Marc, Mathias et Yann. Une prostituée, le disciple du premier jour, un tueur à gages et un journaliste qui se décrit comme appartenant à la clique des "quarante violeurs". Quatre piliers, quatre vies qui vont finir par se rencontrer: ces quatre-là sont des fils importants de la toile tissée par ce nouveau Messie.
Un roman empreint d'humanité surtout quand les aspects les plus abjects de cette dernière sont mis en évidence.
Un roman écologique, oeucuménique, philosophique qui amène le lecteur à regarder notre monde d 'un oeil plus critique.
De l'excellent Pierre Bordage.

jeudi 11 janvier 2007

Dans les rues de Hankyu


Texte publié dans le cadre d'un atelier d'écriture auquel je participe depuis peu et qui est formidable: les poudreurs d'escampette (c'est sur Yahoo groupes).
Toutes les 4/5 semaines, deux sujets sont soumis à notre inspiration.
Votre histoire commence par cet incipit de Yukio Mishima:"Ce jour-là Etsuko entra dans un grand magasin de Hankyu et acheta deux paires de socquettes de laine: l'une bleue, l'autre marron"...(on pouvait modifier les noms propres)


Il régla ses achats puis sortit pour rentrer chez lui.
Du bleu et du marron, quelle drôle d'idée!
Du bleu, du marron, du marron, du bleu, mantra intérieur en
déambulant dans les rues grouillantes et criardes de la ville
tentaculaire.
Du bleu, du marron, des néons clignotants, l'ombre du vent. Etsuko
marche au rythme de ces deux couleurs: bleu, lumières et
spots;marron, ruelles perdues, contes de l'enfance.
Soudain, une sensation étrange: l'ombre du vent ébouriffe ses
cheveux, souffle le bleu des lumières et fait flotter une bannière
inconnue. Plus loin, une toute petite lumière, une lanterne de
papier, lui ouvre une porte.
Du bleu, du marron, un autre monde apparaît: une table basse, des
tatamis,un bol de thé, une calligraphie. Un doux bruissement derrière
le paravent: soie d'un kimono, papier de riz pour pinceaux?
Etsuko ôta ses chaussures, s'agenouilla et attendit. Quoi,
d'ailleurs? Lui-même ne le savait pas.
Bleu, marron, marron, bleu....
Dehors, les bambous étaient une pluie chuchotante, dedans, le silence
répondait.
Il but une gorgée de thé. Que faisait-il dans cette pièce? Il ne
savait même pas pourquoi il avait suivi la lumière de la
lanterne...une envie de se reposer des bourdonnements stridents de la
ville?
Lentement, Etsuko ferma les yeux et se retira en lui-même.
Un jardin s'offrit à lui...un autre monde, une autre vie. Graviers
marrons, galets bleus ratissés en spirale, étang paresseux où
somnolent les carpes repues. Le millenaire de la civilisation passe
sur le gong et le fait doucement tinter. Le bleu fugace d'un martin
pêcheur mêlé au marron d'une écorce, gouttelettes frémissantes dans
l'allée.
Doucement, Etsuko sortit de son rêve, le bol de thé devant lui. Un
proverbe lui revint en mémoire, comme une évidence: "Seule la feuille
verte apaise la montagne". Il vida, cérémonieusement, son bol de thé,
quitta la pièce, remit ses chaussures puis replongea dans la ville.
Bleu, marron, marron, bleu, silence et sérénité retrouvés....dans un
simple bol de thé.

Une enquête sur le toit du monde



J'ai lu ce polar, il y a 2 ans...sur les conseils de mon mari (qui a l'art de "dégoter" des auteurs fabuleux et des romans époustouflants)....

Le décor est celui des camps de travail du Tibet et de la beauté de l'Himalaya. Le camp est composé essentiellement de moines boudhistes : choc des cultures entre eux et les soldats, frustres et incultes, chinois de la révolution culturelle.
La découverte d'un cadavre décapité arrête la construction de la route : les moines refusent de travailler tant qu'un religieux n'est pas venu purifier le lieu du crime. La victime semble avoir été tuée par le Démon de la Montagne (figure de légendes tibétaines).

Un ancien policier chinois emprisonné pour avoir mis son nez trop loin dans les affaires d'état est appelé à la rescousse. Ainsi commence un voyage entre la bureaucratie aveugle et obtuse de la Chine de Mao et un peuple qui ne veut pas renoncer à ses croyances. Le Tibet grandit ou fait chuter les hommes en fonction de leur âme : l'appât du gain, le profit des richesses d'un pays conquis, l'amour de la liberté mal employé fait sombrer les mieux intentionnés et plus avides.
Ce policier fait frémir devant la dureté inhumaine du système chinois, une machine à broyer l'homme, la nature et l'âme. Mais, on se rend compte que même les plus obtus peuvent être touchés par la grâce de ce Tibet, de ce Toit du Monde qui grandit celui qui sait ouvrir ses yeux et son âme.

mercredi 10 janvier 2007

Etrange tandem


Deuxième aventure policière du tandem barcelonais inspectrice Petra Delicado/inspecteur-adjoint Firmin Garzon, écrite par l'auteure espagnole Alicia Gimenez Bartlett.
Ce tandem, bien sûr mal assorti, joue sur le registre des anti-héros. Ils sont tous les deux un peu looseurs, toujours à côté du cours des événements.
Pour leur deuxième enquête, ces deux "Pieds Nicklés" vont explorer les bas-fonds de Barcelone, celui des voyous minables qui n'intéresse personne.
En même temps, ces deux sombres héros, nous émeuvent, nous font sourire car ils nous ressemblent un peu. Par ailleurs, la romancière fait évoluer ses deux personnages au coeur de la réalité sociale glauque, triste, tragique, avec une pointe d'humour et d'ironie....ce qui sauve le lecteur!!!
L'intrigue se met en place lentement, au gré des fausses pistes et de l'inintérêt de l'enquête (un homme battu à mort, retrouvé dans la rue, que personne ne semble connaître). Un seul témoin: le chien de la victime que Petra Delicado reccueille et tente de faire "parler". Et nous voilà à croiser le monde du "business" canin: vétérinaire, éleveurs, labo de recherches pharmaceutiques, salon de beauté,voleurs,combats de chien.
Ce qui est intéressant dans la démarche de cette auteure, c'est la manière de prendre en compte la réalité de notre société, "sans en faire des tonnes", des petites bassesses et des grands manquements de l'être humain. Son univers semble désenchanté et toujours ironique mais tellement vrai (il suffit d'écouter la radio, la télé ou lire les faits divers pour s'en rendre compte!!). Je ne résiste pas à la tentation de citer un passage qui résume bien l'état d'esprit du polar: "Un crime passionnel et une correction qui avait mal tourné, c'était tout. On ne pouvait pas parler de matériau sophistiqué. Argent et amour. Brutalité et dépit. Vulgarité. Les raisons de tuer sont peu nombreuses, toujours les mêmes depuis Shakespeare, depuis Abel et Caïn. Tout le reste n'est que répétition."
J'avais beaucoup aimé son premier polar "Rites de mort" et j'ai vraiment apprécié le deuxième: son écriture est drôle et grave à la fois. On passe du rire aux larmes...comme dans la vie.

Japonitude


Un étrange roman où se côtoient trois personnages qui vont être au coeur d'une intrigue presque policière.
Le roman s'ouvre et se referme sur une disparition. Entre les deux parenthèses, Mizukami amène le lecteur à essayer de comprendre l'ultime disparition, celle du maître du temple de Kohôan, par une dramatisation progressive du huit-clos des trois personnages.
Tout semble tranquille, immuable, bercé seulement par les peintures des oies sauvages de Nangaku Kishimoto, tableaux vivants et aériens.
Peu à peu les rancoeurs et les humiliations subies par le novice vont rendre l'atmosphère de plus en plus pesante, comme la règle de la secte.
Peu à peu la maîtresse du Supérieur (celui qui a disparu) sera oppressée par la présence silencieuse, muette mais tentaculaire, du novice, oppression qu'elle oublie dans le libertinage imposé par le maître du temple.
Peu à peu au fil des phrases, quelques ronds dans l'eau viennent rider, troubler, la surface lisse du huis-clos.
Le dernier chapitre est la chute soupçonnée du roman. Mizukami, en maître japonais de l'écriture, est concis, direct quand il juge cela nécessaire au bon déroulement de l'intrigue. Mais il sait, aussi, disséminer la poésie des haïkus et des thèmes privilégiés de la peinture japonaise. Ainsi, cette "phrase-haïku": "Quand on foulait les feuilles mortes jonchant la terre, on mettait en fuite quelques oiseaux."
Un roman court, mais dense, d'une épure stylistique extraordinairement agréable.

mardi 9 janvier 2007


"Il est facile de servir un honnête homme, mais difficile de lui plaire. Tâchez de lui plaire par des moyens immoraux: ça ne lui plaira pas. Mais il n'exige que ce que vous pouvez donner. Il est difficile de servir un homme vulgaire, mais facile de lui plaire. Tâchez de lui plaire avec des moyens immoraux: ça lui plaire. Mais ses exigences sont infinies." Confucius in "Les entretiens de Confucius"

"Envoyer à la guerre un peuple qu'on n'a pas instruit, c'est l'envoyer à sa perte." Confucius in "Les entretiens de Confucius"

Etrange compartiment



C'est un livre que j'ai lu, il y a presque 2 ans, et qui m'avait marquée. J'ai retrouvé le commentaire que j'en avais fait,alors:
L'Inde et ses contradictions devant la modernité du monde... Le train, métaphore du voyage initiatique. Le train élément de la renaissance.
Une femme, célibataire, 45 ans, brahmane, décide de partir en voyage, seule. Elle se retrouve dans un compartiment pour dames, vestige d'une société patriarcale sclérosante. Elle y côtoie cinq autres femmes, toutes différentes, qui vont lui raconter leur vie, leur soif d'être elles-mêmes. Chacune est une non-conformiste, tout en étant dans la société. Akhila, qui a sacrifié sa vie intime pour la survie de la famille à la mort du père (pilier de la société !!), va se défaire des ultimes carcans qui l'étouffent pour devenir, pleinement, elle-même, pour vivre enfin sa vie de femme.
La pelote de fil de jute se dénoue au fil du livre et des histoires de ces inconnues du compartiment, et le dernier noeud (l'amour de sa vie, celui à qui elle offrit sa virginité), le plus intime et donc le plus important, se délitera naturellement lorsque Akhila renaîtra de ses cendres....moment où Akhila devient les dix déclinaisons féminines de la religion hindoue.

L'Inde, dans ce récit, lentement mais sûrement se libère de son joug religieux et social. Le compartiment pour dames du train est aussi celui des femmes hindoues en Inde, où elles sont constamment confinées. Est-il si confortable qu'il semble paraître ? Pour nous, occidentaux, certes pas, pour ces femmes hindoues, l'inconnu de la liberté de mouvements, de pensées et de sentiments, les fait hésiter....encore un peu, juste encore un peu.
Une écriture fraîche, un rythme lent, comme celui du train, huis clos de l'action, comme celui des souvenirs de ces femmes. Un rythme lent, comme celui du changement profond, le changement inéluctable.

Paysage et art


En lisant le commentaire laissé par une visiteuse, je me suis dit qu'il fallait que je parle d'un livre sur le Land-Art très intéressant et accessible à tous.
Note de l'éditeur:
"Neige, glace, feuilles, fleurs, baies, tiges, bois, branches, boue, galet, sable... Ce livre vous propose une série de réalisations simples, non figuratives, à faire au fil de vos balades, au fil des saisons, avec tous les matériaux naturels que vous pouvez rencontrer. Cela peut être pour le plaisir de devenir créateur en quelques minutes, cela peut aussi être, avec des enfants notamment, un formidable outil d'éveil du regard sur tous les éléments que la nature nous offre, ainsi que de sa diversité de formes, de couleurs, de textures.
Partez donc sur les traces de Marc Pouyet effeuiller la marguerite... avec tout le respect que l'on lui doit."
Les photos sont superbes et on peut s'amuser à tenter de reproduire in situ les réalisations proposées.Les assidus de Goldsworthy saisiront tout de suite les références et les allusions....on ne boude pas son plaisir!!!

lundi 8 janvier 2007

Land-Art


Encore un bel ouvrage à compulser sans bouder son plaisir.
Ce beau livre nous explique la constitution du mur de Storm King (NY USA) par Andy Goldsworthy et ses maçons venus de Grande Bretagne. Les photos sont splendides et donnent l'impression au lecteur d'y être.
En plus de ces photos du mur, il y a celles d'autres oeuvres (installations) du maître à travers le monde. Les monticules pyramidaux, les oppositions mouillé/sec sur les pierres de rivière etc...
Un moment intense où on se remplit les yeux de belles choses.

Révolte!


Quand un artiste s'engage pour dénoncer la dévastation du "poumon" de notre planète, cela donne des oeuvres fortes, impressionnantes et d'une beauté extraordinaire ;
Voyage par les images, par les textes dans l'imaginaire de Frans Kracjberg et voyage au pays de la prise de conscience d'un danger imminent.
L'art est, reste, un mode d'alarme important pour l'humanité moderne.
L'art, un cri pictural, littéraire, sculpté pour réveiller nos consciences endormies.
Un beau livre, abordable, que l'on aimera feuilleter au gré des envies... et qui plaît aussi aux enfants (j'ai testé !!).

dimanche 7 janvier 2007

Dommage


Demain, c'est la reprise.
Demain, je reprends le chemin de l'école.
Demain, mon rythme de lecture ralentira.
Demain, demain, les vacances seront finies....
Demain, je retrouve mes loupiots et les albums de Ponti!
Demain, c'est la reprise d'une autre vie...


"Qui saura dire la difficulté d'être un père et un mari, et comment les femmes s'emparent des maisons, des enfants et des hommes,avec la toute-puissance que leur confère d'un coup l'extravagante seconde où elles expérimentent de faire passer une vie nouvelle par leur voie la plus intime?" Alice Ferney in "Les autres"

"Je me sens indiscret ce soir parce que je regarde les autres. Ce n'est pas tant d'ailleurs de les regarder, c'est de les voir avec une perception éclairée par leur absence." Alice Ferney in "Les autres"

Enquête islandaise


"Peut-on commettre un meurtre en chaussettes?"dit un des protagonistes du livre...et déjà pointe un certain humour...islandais.Vous avez aimé les polars de Mankell,alors vous aimerez celui-ci!
Par son écriture simple, directe sans effet inutile ni complaisance à décrire l'horrible, l'auteur prend ses distances et laisse le lecteur seul juge, tout en construisant un suspense prenant.
Un étrange meurtre pourrait passer pour un crime crapuleux ("En Islande les crimes sont bêtes et grossiers"...humour décalé du Grand Nord??), seulement, voilà, un indice troublant se trouve sur les lieux du crime: un bout de papier sur lequel sont écrits 3 mots (le lecteur sera contraint de patienter quelques chapitres avant de les connaître...et c'est ce qui fait toute la sève du livre).
Le lecteur se promène dans un monde gris, brouillé par la pluie automnale qui tombe sans discontinuer. Il est dans l'extrême nord de l'Europe, sur cette île perdue au milieu de nulle part, à mi-chemin entre l'Ecosse et le Groenland. Une île où les racines d'un peuple sont importantes, où le monde des sagas est encore vivace, où la filiation est essentielle pour exister.
L'inspecteur Erlendur Sveinsson se retrouve, à travers cette enquête, à s'interroger sur lui-même, sa paternité (ses enfants sont empêtrés dans la drogue) puis sur sa lignée (il sera bientôt grand-père). Il se retrouve, non seulement face aux souvenirs douloureux laissés par un homme vil et pervers(la victime du meurtre qui est un "serial violeur" impuni), mais aussi face à un homme qui refuse d'être un souvenir de ce pervers, qui laisse une trace indélébile dans sa lignée ignorée.
Cette enquête islandaise,originale et étrange, souligne l'importance d'aimer ses proches et de le leur faire savoir: la vie est trop courte pour remiser ses sentiments.
L'avis de Pascal, le bibliomane.

Kaboul


Le Kaboul d'avant le coup d'état, le Kaboul que personne en occident ne connaissait vraiment, le Kaboul d'un conte des Mille et une nuits, Le Kaboul d'un enfant, la ville de l'enfance heureuse et déchirée. L'absence de la mère, cette absence chaque jour observée dans l'enfant, le petit garçon, qu'elle a laissé derrière elle en mourant pour lui donner la vie. Cette absence qui est la faille dans la relation enfant/père, faille qui engendrera lâcheté (mais est-on lâche lorsque l'on est un garçonnet de 12 ans?) puis remords et enfin rédemption.
La lâcheté, mais était-ce vraiment de la lâcheté?, mère d'une fêlure qui mettra 20 ans à s'effacer.
Fêlure du départ de Kaboul puis de l'Afghanistan pour rejoindre l'Amérique, terre de libertés et d'oubli.
Fêlure de l'absence d'enfants pour égayer la maison.
Fêlure d'un appel téléphonique et d'une phrase "Tu peux te racheter".
De fêlure en fêlure, Amir va aller jusqu'au bout de lui-même, jusqu'à en être physiquement cassé et découvrir que l'on peut se pardonner et se racheter.
Les secrets de famille sont toujours dévastateurs mais lorsqu'un de ses membres parvient à rompre le cercle infernal, un garçonnet, arraché aux laideurs du monde en guerre, peut réapprendre à vivre, à sourire et sans doute à parler grâce à l'envol, à San Francisco, de cerfs-volants.Ces cerfs-volants, symaboles de l'enfance heureuse, symboles d'une liberté que rien ni personne ne pourra juguler...la liberté de garder au fond de la mémoire, le temps des jours heureux et insouciants.
Un roman poignant, d'une écriture sensible, offrant au lecteur l'impression de respirer Kaboul, de sentir les montagnes afghanes,de savourer les meilleurs Kebabs du monde, d'entendre les rires, les pleurs, les peurs et les malheurs mais aussi celle d'écouter les chansons traditionnelles et le coeur battant d'un peuple qui ne veut pas mourir sous le joug des talibans.
Puisse, un jour, ce pays recouvrer le droit de vivre et de s'exprimer et de réapprendre à s'aimer.

samedi 6 janvier 2007

Labyrinthe espagnol


Entre conte et réalité, un film à la fois poétique et tragique.Quand le monde des fées rencontre la brutalité des hommes, quand une petite fille perd son enfance, quand un pays perd sa dignité dans le sang.
Grâce au conte, le cinéaste, Guillermo Del Toro,dresse un portrait sans concession du franquisme et de l'Espagne isolée du monde par sa guerre civile. Sergi Lopez campe un capitaine franquiste sans états d'âme, ne pensant qu'à l'Espagne nouvelle et à son héritier à naître. Il nous surprend par la noirceur de son personnage et offre au spectateur une autre facette de son talent.
L'originalité du film est de mêler la Fantasy à la réalité historique. L'imaginaire du conte est amené par l'univers sombre, inquiétant et mystérieux du maquis perdu dans la forêt.
Il était une fois une jeune princesse qui s'échappa de son royaume, attirée par le monde des humains....Il était une fois une fillette qui se plongea dans les contes pour oublier la laideur de son monde qui se déchire...
Les histoires se mêlent pour n'en faire plus qu'une: celle du retour de la jeune princesse dans son monde, au prix de 3 épreuves et au prix de son sang versé.
Un film émouvant, poignant même, faisant vibrer le spectateur au rythme d'une berceuse traditionnelle que l'on chantonne encore, une fois rentré chez soi.

Emplettes imprévues




Partis chercher notre commande à la librairie, nous sommes revenus avec quelques titres en plus.
Nous attendons toujours "Le coupeur de roseaux"....il sera là sans doute mardi.

Espion aux pattes de velours




Notre maison attire les félins curieux: rien ne les arrête et en voilà un autre qui observe derrière la fenêtre du bureau...ce doit être fascinant ces humains qui pianotent sur internet, nom d'un chat!

vendredi 5 janvier 2007

Mon deuxième chatounet





Voici Sécotine, la "gouttière", au caractère fantasque.Là, elle nous fait son numéro de chat malheureux, abandonné de tous.Vous y croyez, vous?

Challenge 2007


Une superbe initiative circule sur les blogs littéraires: le challenge 2007. Les participants choisissent 26 auteurs (autant que les lettres de l'alphabet)et un titre à chaque fois.
Avant d'avoir l'autorisation de poster mon challenge sur le site officiel, je communique mes choix sur mon blog.

A: Asimov "Les dieux nous-mêmes"
B: Bukowsky "Le postier"
C: Céline "Mort à crédit" (eh oui...pas encore lu cet auteur: mon défi est de vaincre mon blocage)
D: Dontchev.A "Les cent frères de Manol"
E: Eco "Baudolino"
F: Ferney "Les autres" (lu cette semaine)
G: Guilloux "le sang noir" (encore une "réparation" d'oubli de lecture)
H: Hosseini "Les cerfs-volants de kaboul" (lecture en cours)
I: Inoue "Le fusil de chasse"
J: James "Washington square" (un livre appartenant à mon mari)
K: Khadra "Les hirondelles de Kaboul"
L: Lao She "Trois générations sous un même toit" (3 tomes)
M: Mizukami "Le temple des oies sauvages"
N: Nozaka "La tombe des lucioles"
O: Orsena "Portrait du Gulfstream"
P: Pamuk "Mon nom est Rouge"
Q: Queffelec "Osmose"
R: Ragon "Le roman de Rabelais"
S: Stegner "Angle d'équilibre"
T: Tanizaki "Le coupeur de roseaux"
U: Updike "Dans la splendeur des lis"
V: Valtari "Jean le pélégrin"
W: Wijkmark "La draisine" (sur les conseils éclairés de mon mari)
X: Xénophon "L'anabase" (je n'ai fait qu'en traduire des extraits, remettant toujours à plus tard la lecture entière de l'oeuvre)
Y: Yoshimura "Voyage vers les étoiles"
Z: Zweig "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme"

....Ce seront mes incontournables de l'année, en plus de mes lectures au fil des coups de coeur ou des choix à la médiathèque.