samedi 31 décembre 2022

L'oiseau moqueur

 


La quatrième de couverture n'en dévoile pas trop et met tout de suite dans l'ambiance

"Pas de questions, détends-toi". C’est le nouveau mot d’ordre des humains, obsédés par leur confort individuel et leur tranquillité d’esprit, déchargés de tout travail par les robots. Livres, films et sentiments sont interdits depuis des générations. Hommes et femmes se laissent ainsi vivre en ingurgitant les tranquillisants fournis par le gouvernement. Jusqu’au jour où Paul, jeune homme solitaire, apprend à lire grâce à un vieil enregistrement. Désorienté, il contacte le plus sophistiqué des robots jamais conçus : Spofforth, qui dirige le monde depuis l’université de New York. Le robot se servira-t-il de cette découverte pour aider l’humanité ou la perdre définitivement ?"


Le titre de la première traduction était « L'oiseau d'Amérique », moins porteur, il faut l'avouer. J'ai mis un peu de temps à comprendre ce changement, les indices se récupèrent tout au long de la lecture.

Walter Tevis imagine, en 1980, un monde sur lequel règne les robots, des plus sophistiqués aux plus basiques, un monde dystopique poussant à l'extrême la robotisation d'une société.

Souvenez-vous des années 80 ! La robotique, en plein essor, était le gage d'une société moins soumise au travail et plus portée vers les loisirs. L'avenir semblait radieux et, ma foi, heureusement que le monde merveilleux des robots prenant la place des humains n'a pas été créé. Quoique, maintenant, nous avons le courant transhumaniste surfant sur les progrès scientifiques et technologiques époustouflants, frôlant dangereusement la ligne rouge.

Revenons au roman « L'oiseau moqueur ».

Le monde de Paul Bentley est aseptisé, automatisé au plus haut point. Les êtres humains sont en voie d'extinction, ils ne savent plus communiquer entre eux ou penser ou encore s'intéresser à quoi que ce soit de dérangeant. La rengaine « Pas de questions, détends-toi » est la phrase magique intimant à l'humanité de ne pas faire de pas de côté. Aussi, a-t-il été nécessaire de proposer des dérivatifs chimiques et naturels aux hommes : calmants, haschich et stérilisation massive des populations. Ainsi annihile-t-on la curiosité d'esprit, l'envie d'apprendre inhérentes à l'être humain.

Nous sommes en 2400, même le dernier robot le plus sophistiqué, Spofforth, est au bord de la neurasthénie, cherchant, désespérément, à se suicider chaque année, sans y parvenir. En effet, les robots de sa classe craquaient à moyen terme et se suicidaient si bien qu'un léger changement dans la programmation fit de Spofforth une IA dépressif.

Au début de la lecture, le sourire me venait facilement aux lèvres puis très vite il disparut sous l'effet glaçant de la dystopie.

Les livres n'ont pas été brûlés comme dans Fahrenheit 451, ils ont été tout simplement retirés des bibliothèques pour être oubliés au fin fond des réserves, dans les sous-sols.

Plus de livres, plus de lecture, plus d'accès à l'imaginaire, plus de structuration de la pensée, plus d'échanges de points de vue, plus d'envie d'apprendre et de savoir, plus d'émulation, plus de projection dans le passé ou dans le futur. On assiste à l'appauvrissement de langage et donc à la disparition du libre-arbitre et des émotions. Pour que les êtres humains puissent supporter cela, il a fallu les rendre dépendants aux anti-dépresseurs et aux joints. Cependant, malgré cela, certains se rassemblent et s'immolent en place publique.

Bien entendu, Paul sera le grain de sable dans les rouages d'une société qui tourne à vide. Il apprendra à lire en tombant, par hasard, sur un manuel d'apprentissage de la lecture.

Bien entendu, accéder à la lecture lui ouvrira les portes de la réflexion et donc... des questionnements existentiels. Ce qui le conduira auprès de Spofforth, à New-York et lui permettra de rencontrer Mary Lou, jeune femme élevée en marge des pensionnats. Avec elle, Paul apprend à aimer, à partager, à éprouver d'innombrables émotions, sensations et sentiments. Les deux amants, les Adam et Eve d'un monde en devenir, recouvrent leur humanité et sont la clef d'un avenir rassurant : ils sont un bug dans le bug qui construisit le monde de 2400.


Ce qui m'a plu dans le roman c'est que l'auteur pousse jusqu'au bout le raisonnement du tout robotique en vogue dans les années 80. Le monde est sans odeur, sans saveur quand on n'a rien à faire pour gagner son pain, une alimentation d'ailleurs insipide puisque fabriquée à partir d'une plante, produite en monoculture, dont le nom est un numéro, garantie avec OGM.

Walter Tevis, avec une écriture des plus efficace, relate la remise en route d'un cerveau humain, celui de Paul Bentley. Il reconquiert sa liberté de penser, de créer, de réfléchir, d'inventer et de croire en une entité supérieure, celle de Dieu.

L'éveil à la conscience de Paul est faite d'obstacles, de peurs et surtout d'aventures parfois cocasses, parfois émouvantes. Il y a une scène édifiante : celle de l'usine de fabrication de grille-pain qui tourne en boucle stérile -assemblage des pièces, montage final, vérification … et mise au pilon pour défectuosité et enfin recyclage puis tout recommence- tout cela parce qu'un boulon est tombé dans un rouage de la chaîne. Ce que Paul remarque et répare en un seul geste. Depuis combien de temps durait le cycle infernal ? Aucun robot n'avait « pensé » à ce type de panne. L'oeil humain est irremplaçable, CQFD.

L'absurdité de ce monde dystopique est que les robots ne parviennent même plus à se réparer, entraînant une série de dysfonctionnements et amenant le monde au bord du chaos.

Les robots remplaceront-ils l'homme en le transformant en être dénué de bon sens et d'intelligence ? Derrière l'horreur de la disparition de la Culture, de la lecture, de l'écriture, de tous les objets véhiculant le savoir et la connaissance, l'espoir est toujours présent : il est nécessaire de faire confiance à l'être humain car il y en aura toujours un qui ouvrira les yeux, par hasard ou pas, et qui se redressera et partira à la reconquête de son humanité.

La fin du roman est absolument magnifique : le geste d'amour, de Paul et Mary Lou, envers Spofforth m'a émue au plus haut point.


« L'oiseau moqueur » est un très beau roman sur ce qui fait la beauté de l'humanité, capable du pire comme du meilleur.

Traduit de l'anglais (USA) par Michel Lederer

Un extrait:

"Pourquoi ne nous parlons-nous pas ? Pourquoi ne nous blottissons-nous pas les uns contre les autres pour nous protéger du vent glacial qui balaye les rues désertes ? Autrefois, il y a très longtemps, il existait des téléphones privés à New York. Les gens se parlaient alors, peut-être à distance, de façon étrange, avec des voix rendues ténues et artificielles par l'électronique, mais ils se parlaient. Des prix des produits alimentaires, des élections présidentielles, du comportement sexuel de leurs enfants, de leur peur de la météo et de leur peur de la mort. Et ils lisaient, ils écoutaient les voix des vivants et des morts leur parler dans un silence plein d'éloquence, connectés à cette rumeur du discours humain qui devait s'enfler dans leur esprit pour dire : Je suis humain. Je parle. J'écoute. Je lis."

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mardi 27 décembre 2022

Bons baisers de Lénine

 


La dernière fois que j'ai lu Lianke Yan, c'était en 2008, année des jeux olympiques d'été à Pékin. J'avais souhaité lire un roman à contre-courant de ce que faisaient passer les autorités chinoises dans les médias. Je n'avais pas été déçue en lisant « Servir le peuple ».

« Bons baisers de Lénine » dormait depuis plus de deux ans dans ma bibliothèque, le défi « En sortir 22 pour 2022 » m'a poussée à le sortir de son rayonnage.


Benaise est un village perdu au milieu de nulle part dans les montagnes du Henan, et chaque habitant y vit « bénaise » autrement dit tranquille et sans souci majeur.

Benaise a une particularité, et non des moindres, qui est d'être peuplée uniquement de gens handicapés, éclopés, malmenés par la vie. Tout ce petit monde vit loin du charivari du monde, en marge de ce dernier, menant son quotidien loin des tracas administratifs des autorités du district.

On apprend, grâce aux commentaires de l'auteur, roman dans le roman, que Benaise est depuis la nuit des temps le refuge des infirmes.

Benaise est « dirigé » par une figure féminine, Mao Zhi, qui ramena dans le giron du district le village. Cette dernière voit d'un mauvais œil le chef du district souhaiter organiser la « benaisade » à laquelle participeront les villageois.

C'est au cours de la fête que vient à l'idée du chef du district d'utiliser les talents inouïs des Benaisois pour créer une troupe de cirque et gagner ainsi de l'argent afin d'acquérir la momie de Lénine, délaissée à Moscou car trop coûteuse à entretenir. Si cela se concrétisait, quelle réussite pour le chef en question et quel rayonnement glorieux pour cette région perdue au milieu de nulle part et quel merveilleux développement économique en perspective. Une occasion unique de mettre en pratique le slogan de Deng Xiaoping « enrichissez-vous ».

A partir de là, commence une aventure rocambolesque, drolatique et incroyable au cours de laquelle tous les défauts et qualités humaines seront passés au crible ravageur de l'humour de l'auteur.

Il est impossible de résumer ce roman fleuve en quelques lignes qui ne lui rendraient absolument pas justice. Il faut le lire, surmonter son organisation déroutante (les notes peuvent devenir des chapitres à part entière) qui m'a rappelé celle de « L'arbre monde » de Richard Power (qui a peut-être lu Lianke) puisque la lecture part des « racines » pour arriver à la dernière partie « les graines ». La narration naît et croît tel un arbre majestueux, emmenant le lecteur dans les méandres des frondaisons, ces petites notes qui apportent, l'air de rien, beaucoup au récit.

La galerie des personnages est croquée de manière drolatique avec juste ce qu'il faut de pointe ironique. Ils sont tous attachants et j'ai suivi avec jubilation leurs aventures et déboires, tantôt riant de bon cœur, tantôt avec émotion.

Je me suis demandé, à plusieurs reprises, pourquoi la censure chinoise n'a pas sanctionné « Bons baisers de Lénine » car Lianke n'y va pas de plume morte pour critiquer l'appareil politique chinois. Aurait-elle bon goût ? Ou l'auteur possède-t-il au plus haut point l'art de l'ironie subtile  et ainsi échapper aux risques d'emprisonnement ? A moins que la censure, devant la notoriété internationale de Lianke, a compris qu'il était un des grands romanciers contemporains.

Lianke met en place avec « Bons baisers de Lénine » une fable extraordinaire, un conte hallucinant où la momie de Lénine tient lieu de Graal communiste. Mao Zhi, elle, espère qu'une fois la quête accomplie, Benaise soit « déjointée » et retourne dans l'oubli afin que tout un chacun puisse y vivre paisiblement, loin des tracas administratifs et des exigences du Parti. Sauf que le chef du district ne tient absolument pas à abandonner sa poule aux œufs d'or. Sauf que... forcément rien ne fonctionnera comme prévu sinon ce ne serait pas amusant. Entre les délires de gloire et de richesse des uns et des autres, s'immisce une angoisse récurrente, celle qui naît de l'opposition entre les idéaux de la Chine révolutionnaire d'hier et la vision nouvelle de la Chine capitaliste d'aujourd'hui.

Yan Lianke réussit, magistralement, à conter cette quête du Graal avec une narration longue (655 pages), un récit protéiforme, frisant carrément le délire (le lecteur est emporté dans un maelstöm de situations relevant du picaresque ou de la farce comique sans filtre), et laisse au lecteur une liberté d'interprétation incroyable.

« Bons baisers de Lénine » est un roman jubilatoire, succulent, parfois cruel, qui m'a embarquée dans un voyage romanesque délirant et joyeux.

Traduit du chinois par Sylvie Gentil

(Roman de 655 pages)

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lundi 26 décembre 2022

Le piège d'or

 


Les (fantastiques) dessous des classiques nous emmenaient en décembre à la découverte du Grand Nord. J'ai choisi de partir en Amérique du nord aux côtés d'un auteur classique méconnu James Oliver Curwood. Il y a du Jack London dans ses récits sans sa dureté.


« Bram Johnson est une créature hors du commun. Un géant solitaire, métis esquimau à la tignasse rousse et au rire fou. À la fois une légende vivante et… un criminel. Capable de disparaître comme par magie, il parcourt les étendues glacées du Grand Nord canadien avec sa meute de loups assoiffés de sang, loin du monde des hommes. Pour les Indiens superstitieux du Barren, il s’agit d’un homme-loup ! […]"


D'emblée le décor est planté : l'immensité glacée du Grand Nord canadien, sa solitude pouvant mener à la folie, sa faune et ses tribus sans pitié.

Bram, métis solitaire à la tignasse rousse vit avec sa meute de loups, sans cesse pourchassé par les autorités pour meurtre. Légende vivante, homme-loup aux yeux des Indiens du Barren, il mène une vie isolée du monde des hommes. Il apparaît et disparaît aussi soudainement qu'un esprit, provoquant la peur parmi les natifs et les hommes de la Police montée.

Philip Raine, patrouilleur de la Police montée canadienne, se lance à sa poursuite, bien décidé d'en finir avec cet homme hors du commun.

Un long périple, doté de nombreux dangers, est entamé par le patrouilleur. Le souffle glacé du Grand Nord étreint faune et flore, recouvre de silence les forêts interminables en apportant à Raine le fardeau de la froide solitude.

Jim Curwood relate la vie de Bram Johnson et laisse le lecteur apercevoir une personnalité loin d'être inhumaine, bien au contraire : Bram aurait pu se débarrasser de Raine plus d'une fois mais ne le fait pas. Lors de leur confrontation, intense dans la nuit polaire, Bram laisse tomber de sa poche un piège. Quand Raine le récupère il découvre qu'il est particulier : des cheveux d'un blond doré en sont une des composantes. Comment l'homme-loup a-t-il pu se procurer ces mèches de cheveux ? Qu'a-t-il commis pour les avoir ? Et surtout à qui appartenaient-elles ? L'enquête commence ainsi que l'histoire sentimentale entre le patrouilleur et la blonde captive.


« Le piège d'or » est, sans conteste, un roman d'aventure. Il happe son lecteur dès les premières pages et le confronte avec deux univers différents : celui de l'immensité blanche et glaciale des paysages du Grand Nord, mystérieux et truffés de dangers, et celui de la civilisation policée.

Avec Bram Johnson et Philip Raine, ces univers s'affrontent dans un combat digne du western des grandes plaines étasuniennes. Car, à mes yeux, « Le piège d'or » est un western doté des poncifs du genre : le gentil blanc de la Police montée, le meurtrier fou métis recherché depuis tant d'années qu'on le croyait mort et les méchants issus d'une tribu indigène. Raine est suffisant et méprisant envers les membres de la tribu indigène qui poursuit les blancs ayant accosté dans le Barren, il est dénué d'empathie envers Bram qu'il considère comme un aliéné qu'il faut supprimer. Cerise sur le gâteau, il est tellement imbu de lui-même qu'il ne peut concevoir que la jeune captive puisse avoir des sentiments envers Johnson. Ce dernier a sauvé la jeune femme des griffes d'une tribu indigène agressive et est subjugué par la blondeur dorée de sa chevelure. Au point qu'elle lui a donné plusieurs mèches dont il s'est servi pour le fameux piège d'or.

« Le piège d'or » ayant été écrit au début des années 1920, il est nécessaire de prendre du recul en lisant les passages décrivant les membres de la tribu indigène comme étant des « noireauds », des « moricauds » et décrits comme des petits êtres malfaisants suivant plus leurs instincts animaux que leur intelligence. Ces passages sont choquants pour des lecteurs contemporains d'où l'importance de connaître le contexte historique de l'époque.

En réfléchissant à la manière dont l'auteur met en place la psychologie de ses personnages principaux, je ne suis pas certaine que son héros soit celui que l'on croit : il fait de Philip Raine un homme épouvantablement insupportable avec sa vision conquérante et dominatrice du monde. Tout doit être soumis à la supériorité de la civilisation blanche ainsi qu'à l'autorité du mâle. La pauvre captive, suédoise, n'a pas son mot à dire : Raine est incapable de comprendre pourquoi elle ne voit pas en Bram un aliéné dangereux ne méritant que la mort. Est-ce intentionnel de la part de l'auteur que Raine ne soit qu'une caricature de cow-boy ?

Je me pose la question car Bram m'a paru plus humain et plus empathique que Raine. Bram a ses blessures intimes qui ont fait qu'il est devenu un être asocial, préférant la solitude et l'amitié avec ses loups à la compagnie des hommes. Sous son aspect de brute sauvage, Bram est un homme vivant en symbiose avec la nature du Grand Nord : il est dur car la survie dans un environnement extrême exclut la moindre faiblesse physique, et cependant à l'écoute des sensations d'autrui.

J'ai vraiment aimé ce héros à la marge cachant sous une apparence brutale un cœur chaleureux, capable de compassion et d'empathie envers ses semblables. J'ai frissonné quand il explique à Raine pourquoi il a commis le meurtre dont il est accusé, quand il dit que l'autre l'avait accusé d'être un voleur alors que ce n'était pas le cas. J'ai eu l'impression de voir Elephant man, cabossé par la vie et les hommes lâchant leurs instincts cruels envers les plus faibles, envers ce qui est différent.


« Le piège d'or » est un vrai roman d'aventure qui aborde des sujets importants et complexes tels que la confrontation avec l'autre, avec la différence de culture, avec les blessures intimes que chacun peut porter en soi. La nature est une grandiose présence, monumentale et impartiale : que l'homme peut être minuscule à côté d'elle !


Traduit de l'anglais (USA) par Paul Gruyer et Louis Postif.


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mardi 20 décembre 2022

Jack et la grande aventure du Cochon de Noël

 


La magie de Noël vue par J.K Rowling, autrice des aventures d'Harry Potter, avait fait la joie des lecteurs, petits et grands, l'an dernier au moment de sa sortie en France.

Comme souvent, j'ai laissé passer la déferlante avant de me plonger, aussi, dans ce conte de fée.


Jack est un petit garçon timide, aimant le calme et la sérénité. Il a un ami très cher : LC autrement dit Lo Cochon, une peluche avec laquelle il a grandi. LC sait tout de Jack et inversement. Ils se comprennent sans avoir besoin de mots et puis... LC possède l'odeur rassurante qui n'appartient qu'à lui « ...un mélange de tous les endroits où LC avaient vécu ses aventures, et de la caverne tiède et sombre qui se formait sous les couvertures de Jack, sans oublier le soupçon de parfum de maman qui ne manquait jamais d'embrasser LC, lui aussi, et de le serrer dans ses bras lorsqu'elle venait dire bonsoir à Jack. » (p 13-14)

LC est d'autant plus cher à Jack quand les parents de ce dernier se séparent, que le nouvel ami de sa mère se révèle être le père de Holly, sa partenaire de lecture en CP, et qu'Holly, en pleine crise d'adolescence devient insupportable, irritable au point de commettre un geste épouvantable : jeter par la fenêtre de la voiture, alors qu'il neige sur la route, le pauvre LC tant sa rage est immense. C'est un peu comme si elle martyrisait Jack en s'en prenant au pauvre LC.

C'est le drame en cette veille de Noël. LC est perdu, Jack est tant dévasté qu'il refuse le « remplaçant » de LC, un Cochon de Noël, tout rose, tout dodu, et tente de lui arracher la tête. Jack pique une crise de rage aiguë dans sa chambre qu'il met sans dessus-dessous, balançant tous ses jouets aux quatre coins de la pièce. Epuisé, il s'endort tout en se promettant de partir, une fois reposé, à la recherche de LC.

La veille de Noël est le temps de tous les possibles.

Jack est réveillé par des voix et se rend compte que les jouets sont doués de parole... parce qu'ils sont avivés par les sentiments des humains envers eux. Le Cochon de Noël, propose à Jack de profiter de la magie unique de cette nuit particulière pour partir à la recherche de LC au pays des Choses perdues. Ce ne sera pas sans danger car règne sur ce pays l'épouvantable Grand Perdeur, dévoreur d'objets.

Commence alors l'extraordinaire aventure de Jack et du Cochon de Noël.


Tous les codes du conte de fée sont dans ce roman délicieux à lire : la magie, bien sûr, la quête, les embûches, les rencontres bénéfiques et maléfiques, les dangers à surmonter, le courage qui ne doit pas faiblir, la volonté et l'amour porté à l'objet perdu.

J'ai eu plusieurs fois la larme à l'oeil au cours de ma lecture, certainement parce que l'enfant en moi est toujours à l'écoute des contes. J'ai aussi perdu mon « doudou » aimé, Margotte du Manège enchanté, et je me suis plu à penser qu'elle devait passer des jours heureux sur l'île des Bien-Aimés.

Les rencontres faites par nos deux héros sont cocasses et parfois bouleversantes, chacune apporte sa part de lumière au récit, avec les objets, j'ai eu des frissons de peur dans la Rocaille des Indéplorés, j'ai ri en écoutant la Boussole fulminer contre les Mauvaises Habitudes, j'ai encouragé Jack et CN et été bluffée par la présence du Père Noël. Quant à l'ultime rencontre entre Jack et LC autant vous dire que ma gorge était serrée. Ridicule pour une adulte ? Non, car cela prouve que mon âme d'enfant et ma soif de Merveilleux sont toujours présentes.

Tous les ingrédients sont présents pour concocter un très joli conte de Noël. Sans compter que les illustrations de Jim Field sont très expressives et apportent une dynamique au récit.

Traduit de l'anglais par Jean-François Ménard.


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Babelio  Eva  Bianca  Livraddict  Lily Mylène

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lundi 28 novembre 2022

Pierre et Jean

 


La thématique du mois des Dessous(fantastiques) des classiques était le titre-prénom. J'avais deux lectures en prévision, seule celle de « Pierre et Jean » s'est concrétisée.

Pour moi, il s'agit, encore une fois, d'une relecture à près de trente-cinq ans d'intervalle.

J'ai lu l'excellente préface de l'auteur après avoir relu le roman qui s'avère ne pas être une illustration des postulats énoncés dans ladite préface. Cela n'a gâché en rien le plaisir de ma lecture, heureusement.


« Pierre et Jean » est un roman dit « naturaliste », ou réaliste et psychologique, dont la montée en puissance est bien menée par un récit qui ne laisse rien au hasard.

L'action se déroule au Havre, ville dans laquelle est venu vivre le couple Roland, bijoutiers à Paris. Sans être riches, les Roland ne sont pas pauvres non plus. Ils sont aisés, sans plus. Monsieur Roland est un inconditionnel de la mer ce qui l'a décidé à prendre résidence et retraite dans cette importante ville portuaire.

Après leurs études parisiennes, les deux fils de la famille, Pierre, l'aîné, titulaire de plusieurs diplômes, dont le dernier est celui de médecine, brun et sec, et Jean, le cadet, jeune avocat, aussi blond que son aîné est brun, rejoignent l'appartement familial en attendant de s'installer en ville pour y exercer leur profession.

Jean a une douceur et une tranquillité que ne possède pas Pierre ce qui n'échappe à la jeune veuve qu'est Madame Rosémilly. Dans la quiétude, relative, de la promenade en mer qui ouvre le roman, l'opposition évidente entre les deux frères est en place, prête à mûrir et à enfler.

Sous le soleil normand, les différences se précisent, la compétition commence au moment de rentrer au port : qui souquera le plus ferme ? L'aigreur de Pierre est vive, si vive qu'elle transpire dans les descriptions, du paysage et des personnages, de Maupassant. Le père ne voit et n'entend rien, la mère semble loin de ce qui se trame, seule la jeune invitée ne s'y laisse pas prendre.

Quelque chose surviendra, c'est évident.


En attendant le déclencheur de la future crise familiale, Maupassant fait patienter le lecteur en l'imprégnant de cette partie de la côté normande : la senteur particulière du port du Havre, l'atmosphère des cafés, celle de la jetée, véritable invitation au voyage maritime. Il mène son petit monde dans une partie de campagne, sur la plage à Trouville, lui fait croiser une serveuse de bar, la vendeuse de bock, accorte et gouailleuse. Il ouvre la porte d'une pharmacie dans laquelle se rend souvent Pierre.

Pour un peu, l'iode s'échapperait des pages.


Un jour, le notaire, ami de la famille, se fait porteur d'une triste et d'une bonne nouvelle. La première est celle du décès d'un ami parisien, un peu perdu de vue depuis l'exil normand, Léon Maréchal, client de la bijouterie Roland devenu ami intime du couple. La seconde est celle de l'héritage reçu par Jean de la part du disparu.

Pourquoi Jean a-t-il tout reçu ? Pourquoi Pierre a-t-il été oublié ou exclu ?

Rapidement la tension monte d'un cran au sein de la famille.

Très vite, en écoutant les réflexions logiques du vieux pharmacien et de la serveuse, Pierre soupçonne une aventure amoureuse entre sa mère et Léon Maréchal. Il en aura confirmation lorsque le portrait du disparu ne se trouve plus exposé aux regards.

Le point d'orgue est atteint quand Mme Roland annonce à son époux et à Pierre qu'elle a trouvé l'appartement idéal pour l'installation de Jean en tant qu'avocat... le même que celui repéré par Pierre, freiné par le manque d'argent.

S'enchaînent les événements qui ne feront qu'exacerber l'acrimonie, frisant la haine, de Pierre envers sa mère et son frère. Il en veut au monde entier, il souffre et fait souffrir tout le monde autour de lui avec la rage du désespoir. La jetée du Havre est le miroir des sentiments violents du jeune médecin maudit : ombres, lumières tamisées par la brume marine, cornes de brume déchirantes, feux croisés des phares guidant le trafic maritime telle une balise pour l'avenir de notre malheureux héros. Caïn-Pierre passera-t-il à l'acte funeste ? Abel-Jean se laissera-t-il homicider ? Eve-Louise Roland parviendra-t-elle à mettre un terme au drame et surtout à se faire comprendre de son aîné ?

Je n'en dirai pas plus hormis le fait que la dernière image créée par les mots de Maupassant est absolument sublime.


J'ai savouré ce court roman de Maupassant pour son réalisme qui s'empare de sujets, nouveaux pour l'époque, tels que l'hérédité (que le personnage soit légitime ou bâtard – quel vilain mot!-), la petite bourgeoisie, souvent étriquée, et les problèmes liés à l'argent. Thèmes loin d'être passés de mode tant la nature humaine ne change point au fil du temps.


Pour ne pas paraphraser Italo Calvino dans « Pourquoi lire les classiques » quand il écrit sur « Pierre et Jean », je cite ce qui suit, tellement vrai et contemporain !

« Le testament inattendu d’un ami de la famille, défunt, fait exploser la rivalité latente de deux frères, Pierre, le brun, et Jean, le blond, à peine diplômés l’un en médecine et l’autre en droit ; pour quelle raison l’héritage va-t-il tout entier au placide Jean et non à Pierre, le tourmenté ? En famille, à part Pierre, personne ne semble se poser ce problème. Et Pierre, de question en question, de colère en colère, renouvelle la prise de conscience d’un Hamlet, d’un Œdipe : la normalité et la respectabilité de la famille de l’ex-bijoutier Roland n’est qu’une façade ; la mère au-dessus de tout soupçon était une femme adultère ; Jean est le fils adultère et c’est à cela qu’il doit sa fortune ; la jalousie de Pierre n’est plus maintenant ressentie à cause de l’héritage de la mère et de son secret ; c’est la jalousie que son père n’a jamais songé à savoir qui dévore à présent le fils ; Pierre a, de son côté, la légitimité et la connaissance, mais autour de lui le monde vole en éclats. » (p 114-115).

Pourquoi lire les classiques ? Pour revivre, au gré d'une gamme étendue d'émotions, ce qui construit l'être humain au-delà des époques et des lieux.

L'être humain est une tragédie grecque ambulante, un théâtre No, une épopée sanglante, un éternel palimpseste et ce depuis la nuit des temps.


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lundi 31 octobre 2022

Quatrevingt-treize

 


En octobre, les « Dessous (fantastiques) des classiques » nous invitaient à choisir une œuvre de Marcel Proust ou de Victor Hugo.

J'ai choisi Hugo et une relecture de son roman « Quatrevingt-treize ».


1793, année terrible pour la France, année sanglante, année d'une rare violence au cours de laquelle s'embrasent la Vendée et la Bretagne.

1793, c'est l'an II de la Convention, celle de Marat, Danton et Robespierre, trois piliers, trois visions, trois orateurs fameux dont les destins seront aussi fulgurants que sanglants.

1793, la France est attaquée de toutes parts : à l'est, le Rhin est franchi par les Prussiens, au sud, l'Italie et l'Espagne tentent d'investir les places, sur les mers la marine anglaise patrouille, en quête du moment idéal pour lâcher des troupes, à l'ouest les Royalistes reprennent du poil de la bête, levant des milliers de paysans au nom de Dieu et du Roi.

1793, le bocage et les forêts bretonnes s'enflamment, la guerre civile, tant redoutée, prend corps au grand dam de Robespierre... l'ennemi le plus dangereux pour la Révolution est celui de l'intérieur.

1793, année de la Terreur. Girondins, Montagnards, Jacobins et autres partis révolutionnaires s'affrontent à la Convention à coups de discours homériques, d'envolée lyriques, d'accusations, d'insultes s'achevant, souvent, avec le couperet de la Guillotine.

1793, les têtes les plus en vue ne tiennent qu'à un fil. L'intransigeance révolutionnaire moissonne les épis récalcitrants sur un décret du Comité de salut public, puissance omnipotente et terrifiante d'un pouvoir qui peine à s'asseoir.

Ce ne sont plus les heures sombres de l'Histoire qui s'écoulent dans le roman de Hugo, ce sont les heures rouges du sang des exécutions et rougeoyantes des incendies dus aux affrontements fratricides.


Le roman s'ouvre par le débarquement en France du nouveau chef des armées contre-révolutionnaires, en la personne du Marquis de Lantenac. Traqué par les troupes révolutionnaires commandées par son petit-neveu, le vicomte Gauvain, lui-même surveillé par son ancien précepteur, le terrible Cimourdin, mandaté par le Comité de salut public. Chacun est surveillé par quelqu'un comme le souhaitent Robespierre et Marat.

Cimourdin, ancien prêtre engagé par Lantenac pour éduquer Gauvain, est la face sombre de la Révolution, intraitable et inflexible. Quant à Gauvain, il incarne sa face lumineuse, celle des idéaux, de l'utopie philosophique, des espoirs d'équité et d'égalité pour poser les socles d'une société nouvelle. Le jeune chef d'armée est quasiment LA figure romantique du révolutionnaire éclairé par les idées nouvelles.

Lantenac est la figure d'un passé qui tente de relever la tête. Il est les dix-huit siècles de monarchie dont le dernier chant explose au cours du siège de la vieille forteresse de Tourgue. Il a emporté, en guise d'otages, trois orphelins adoptés par un bataillon révolutionnaire, tel l'ogre dévorateur des contes. Lantenac est inflexible et insensible, passant au fil de l'épée, hommes, femmes et enfants, massacrant tout ce qui se dresse contre lui. Il est la féodalité, les impôts à n'en plus finir, la société inégalitaire. Il est la Vendée réactionnaire, il est la chouannerie.

Les trois enfants, deux garçons et une fille, sont l'incarnation de l'innocence, de la pureté parmi les horreurs de la guerre et des massacres. Ce sont des lumières égarées parmi les sombres moissonneurs, qu'ils soient « blancs » ou « bleus ». La scène, dans la bibliothèque de la Tourgue, est d'anthologie : le dernier exemplaire du « Saint Barthélémy » est saccagé par les menottes qui s'ennuient. Le fantôme de la nuit de la St-Barthélémy est en filigrane ...massacre d'innocents qui se répète. En effet, ladite bibliothèque a été piégée de manière à s'enflammer pour anéantir les forces républicaines au moment où elles investiront la place.


« Quatrevingt-treize » met aussi en avant deux parties très intéressantes : la première est la rencontre, d'autant plus spectaculaire qu'elle est imaginaire, entre les trois grandes figures de la Révolution française, Danton, Robespierre et Marat ; la seconde est la reconstitution d'une séance à la Convention. Les descriptions sont absolument fabuleuses, Hugo apporte le souffle épique de son écriture et de son style. Ce qu'il fait vivre à son lecteur est le …. oserai-je le dire ? …. joyeux et terrible bordel des séances de la Convention. Les insultes, les bons mots fusent, les discours fleuves noient ou abreuvent, les « émeutes » s'invitent aux discussions et disparaissent aussi vite qu'elles sont entrées. Sous la plume d'Hugo, sa vision de l'an II de la Convention est celle d'un fleuve tumultueux au milieu duquel quelques îlots tentent de canaliser les flots qui se déversent.

Le chaos et la raison, l'ombre et la lumière, l'inflexibilité et l'humanisme charrient une même idée, celle d'une société nouvelle offrant une place à chaque citoyen.


Pour en revenir à nos héros, leur destin sera, forcément tragique. Cependant, chacun à sa manière, sera sublime de grandeur d'âme. Tel est le paradoxe des tragédies.

On pensait voir les trois enfants brûlés vifs, Lantenac alors aux portes de la liberté, rebrousse chemin pour les sauver de la fournaise. La rédemption par le feu.

Le beau Gauvain, écartelé entre devoir et sens moral, pour lui Lantenac s'est racheté en sauvant les enfants, aussi préfèrera-t-il l'échafaud au déshonneur de ne pas respecter sa vision de la Révolution et du monde qu'elle peut créer. La jeunesse prometteuse fauchée par le couperet.

Et Cimourdin ? Il ne survivra pas à celui qu'il a éduqué et chez qui il sema les graines révolutionnaires. Il se châtiera lui-même après avoir appliqué, inflexiblement, la sentence du Comité de salut public.

L'ultime phrase est grandiose, magnifique et tragique... tout Hugo en quelques mots choisis et prosodie admirablement scandée.


La relecture de « Quatrevingt-treize » a été une redécouverte d'un très beau texte d'Hugo et de sa vision, sans doute discutable pour certains, de ces années terribles de la Révolution française.

Les notes sont foisonnantes et très intéressantes car elles permettent de mieux comprendre l'époque et les faits historiques.


Quelques avis:

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samedi 8 octobre 2022

Agatha Raisin: Randonnée mortelle

 


Je continue, à mon rythme, la lecture des aventures de la célèbre Agatha Raisin, mi-mégère mi-fleur bleue.


Après six mois passés à Londres à travailler comme consultante dans son ancienne entreprise, Agatha revient au bercail pour retrouver son cottage, ses deux chats et son James Lacey. Sera-t-il heureux de la revoir ? Ce n'est pas l'impression qu'il donne à Agatha, bien décidée à ne plus le convoiter tout en pinçant encore pour lui.

Pendant son absence, James a mis en place une sorte de club de promeneurs, plutôt que de randonneurs, qu'il guide dans les chemins creux de la campagne des Cotswolds.


Par un heureux hasard, un événement vient perturber le quotidien d'Agatha : un meurtre a été commis dans le Gloucestershire, à Dembley, sur la personne d'une jeune femme, diplômée d'Oxford, professeure dans l'école de la ville, Jessica, activiste féministe au caractère bien trempée et au charisme brutal. Le club des « Marcheurs de Dembley » est choqué malgré les divergences de vue avec la victime. Cette dernière militait bruyamment pour le respect des droits de passage dans les propriétés des environs, ce qui ne lui offrait pas une grande cote de popularité.

Les membres du club de randonnée et les propriétaires font partie des suspects au point que la Présidente de la Société des Dames de Carsely, dont une des nièces appartient au club des « Marcheurs de Dembley », fait appel à Agatha pour innocenter Déborah Camden.

En compagnie de James Lacey, Agatha se lance dans l'enquête afin de découvrir la piste du tueur. Or, rien n'est plus facile que de la perdre et de se retrouver avec un suspect qui ne l'est plus.


« Randonnée mortelle » est une enquête plaisante à suivre malgré le suspense très vite éventé. Les personnages sont, hélas, très caricaturaux : la féministe portant caleçon et non culotte, adepte des poils aux aisselles et aux jambes, au verbe cru et cruel, l'intellectuel sympathisant de la cause nord irlandaise, les couples homosexuels ou la fille pâle et timide désespérant de sortir de son milieu social au point que cela en devienne une obsession. Il va sans dire que le personnage du baronnet est également caricatural et un peu agaçant.

L'intérêt de cette aventure est dans le choix de la couverture choisie par Agatha pour les besoins de l'enquête : jouer, avec James, le rôle d'un couple marié amateur de randonnée. Les relations entre nos deux héros sont un peu plus apaisées, James se rend compte que la présence d'Agatha peut être une agréable compagnie. Doucement, subtilement, les lignes bougent jusqu'à ce qu'une dégustation d'une bonne bouteille de vieux porto change la donne.

Agatha parviendra-t-elle à s'extirper du pétrin dans lequel elle risque de se retrouver ? Réponse dans le ou les tomes suivants.

Traduit de l'anglais par Jacques Bosser


Quelques avis :

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dimanche 25 septembre 2022

Une étude en rouge

 


Les classiques et l'amitié, tel était le menu de ce mois de septembre.

J'ai choisi un court roman, ou longue nouvelle, d'Arthur Conan Doyle, « Une étude en rouge » dans lequel l'auteur relate la rencontre de son célébrissime duo, Sherlock Holmes, encore méconnu malgré sa compréhension fulgurante des homicides, et John Waston, jeune médecin-chirurgien rapatrié d'Afghanistan où il a contacté une fièvre typhoïde.

La rencontre entre ces deux hommes, si dissemblables et pourtant tellement complémentaires, est le début d'une longue amitié et d'une formidable complicité.


Watson, affaibli par la maladie, vivote dans un hôtel plus que modeste du Strand à Londres Sa maigre pension d'invalidité, d'un montant de « 11 shillings et six pence par jour » lui fait prendre conscience qu'il ne pourra pas tenir longtemps ainsi avant de connaître la rue.

Au cours d'une discussion avec un vieil ami, il apprend qu'un certain Holmes recherche un colocataire. Une mise en garde lui est faite : Holmes est un original difficile à vivre et a des centres d'intérêt étonnants.

Lorsque furent faites les présentations, Watson est autant intrigué qu'attiré par la personnalité d'Holmes, accepte la colocation et emménage au 221 Baker Street.


John Watson prend très vite la dimension extraordinaire des capacités de déduction de Holmes ainsi que de son invisibilité aux yeux des journaux : ces derniers louent les exploits des détectives de Scotland Yard dus à sa perspicacité et son intelligence aiguë. Il décide d'être le témoin privilégié du travail d'enquêteur d'Holmes.


Holmes sera, peu de temps après, mis à contribution lors de la découverte d'un corps au n° 3 de Lauristen Garden près de Londres. Pas de traces de blessures ni de coups, alors que la pièce est maculée de taches de sang, aucun indice hormis une inscription mystérieuse en allemand « Rache » écrite en lettres sanglantes. Toujours est-il que ce n'est pas un crime crapuleux puisque le portefeuille du mort n'a pas été volé. Pourquoi un tel crime ?

Petit à petit, Holmes collecte des indices auprès desquels les as de Scotland Yard sont passés. De fil en aiguille, notre Sherlock déroule la trame du crime et pose les bases d'une méthode d'investigation s'appuyant sur les faits scientifiques et non uniquement sur le collationnement des témoignages ou de la réputation des suspects toujours sujet à caution.

Quel rapport entre le meurtre d'un riche américain et l'exécution, en Utah vingt ans plus tôt, d'un propriétaire terrien, Jean Ferrier, par la police secrète des mormons ? Holmes traque indices et preuves matérielles pour dénouer l'écheveau du crime.


« Une étude en rouge » est la nouvelle inaugurale du célèbre duo d'Arthur Conan Doyle. L'amitié et la complicité entre les deux hommes sont palpables tout comme l'admiration de Watson et le côté décalé d'Holmes.

Contre toute attente, ce qui devait être une amitié éphémère entre les deux personnages, devient pérenne : Watson en narrateur-biographe d'un Holmes devenant célèbre au fil des romans.

Lire cette nouvelle m'a permis d'enrichir ma vision des deux personnages emblématiques de l'auteur, un peu comme une préquelle des enquêtes de Sherlock Holmes.

Traduit de l'anglais par Pierre Baillargeon

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lundi 29 août 2022

Fictions

 


En août, « Les classiques, c'est fantastique » embarquait les participants en Amérique Latine. J'ai choisi de repartir à la rencontre de Jorge Luis Borges en relisant, plus de 25 ans après, « Fictions » un recueil de nouvelles extraordinaire.


Claude Mauriac écrivait « Jorge Luis Borges est un des dix, peut-être des cinq, auteurs modernes qu'il est essentiel d'avoir lus. Après l'avoir approché, nous ne sommes plus les mêmes. Notre vision des êtres et des choses a changé. Nous sommes plus intelligents. Sans doute même avons-nous plus de cœur. »


J'avais cela en tête lorsque j'ai commencé ma relecture de « Fictions ».


Que dire de ce petit bijou littéraire qui, de tautologie en pur imaginaire délirant, m'a ouvert un monde littéraire d'une incroyable richesse, sinon que ce fut un réel régal à lire !


Composé de deux parties « Le jardin aux sentiers qui bifurquent » et « Artifices », le recueil appartient à la littérature fantastique avec des récits d'abord ordinaires glissant rapidement, avec une subtilité brillante, dans le fantastique. Quelques mots, quelques images et les héros franchissent la ligne ténue menant de l'autre côté du miroir.

J'ai adoré la première nouvelle « Tlön Uqbar Orbis Tertius », celle dans laquelle le narrateur relate la découverte d'une contrée imaginaire à la seule aide d'une encyclopédie et d'un miroir. Avec l'auteur, j'ai joué à traverser le miroir de la réalité pour entrer dans un monde plausible grâce à l'usage qu'a l'auteur de la tautologie. Ce qui a fait que j'ai été « bluffée » (en mauvais français) par « La bibliothèque de Babel » : Borges pousse à l'extrême le stratagème tautologique pour créer, en quelque sorte, une philosophie-fiction. Cette dernière provoque étonnement puis enchantement devant l'immensité, le dédale des pistes de réflexions. On peut choisir de se perdre dans le labyrinthe sans fin des couloirs et des classements et trouver, enfin, la source tant cherchée pour apaiser sa soif d'apprendre, d'imaginer, de rêver.

Borges offre à son lecteur le privilège de choisir, au cœur de son jardin imaginaire, les innombrables bifurcations de ses sentiers, pour reprendre l'idée de la nouvelle éponyme.

Sous la plume de Borges, l'humanité se peint sous ses multiples spectres, des plus vils aux plus éblouissants, avec l'élégance de la langue et l'intelligence de ses regards.


« Fictions » est également le vivier des thèmes récurrents de l'auteur : les références littéraires, la métaphysique et la théologie (« Les trois versions de Judas » sont saisissantes), les labyrinthes avec « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », que j'ai apprécié au plus haut point, et cet infini du monde, provoquant moult questions, que rend si bien « La bibliothèque de Babel ». C'est époustouflant et effrayant, telle une phalène attirée inexorablement vers la brûlure de la lumière.

Mais au final …. quelle aventure monumentale ! J'ai plus apprécié le recueil que lors de ma première lecture, j'avais alors eu la frustrante impression d'être complètement passée à côté... la maturité intellectuelle, nourrie par mes nombreuses lectures et leur partage avec autrui , en serait-elle la cause ?

Traduit de l'espagnol par P. Verdevoye, Ibarra et Roger Caillois


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