J'ai de nouveau voyagé en Inde parmi des femmes voyageant seules ou en groupe pour se marier, visiter un fils ou fuir.
Huit nouvelles, huit portraits de femmes émouvants et drôles à la fois. La tragédie pétille pour ne pas sombrer dans la laideur.
Le voyage est le début d'une nouvelle vie, est le moment où tout bascule dans un lieu emblème de l'ailleurs : la gare et ses trains.
Chaque nouvelle est une fenêtre ouverte sur un aspect de la condition féminine en Inde. Les mariages arrangés dès le plus jeune âge, tant du côté du promis et celui de la promise, unions dérangeantes pouvant donner naissance à des unions heureuses et joyeuses comme celle de Mini arrachée à sa famille et escortées par des tantes jusqu'à la demeure de sa belle-famille.
Le pouvoir des mères peut être tyrannique et nombreux sont les fils et brus terrifiés par la maîtresse de maison. Le recueil s'ouvre sur l'histoire du pèlerinage à Londres d'une mère faisant régner la terreur dans son foyer. Mayadevi décide, avant de mourir, de rendre visite à son fils resté à Londres. Comme tout ce qui n'est pas de la caste des brahmanes est impur, la vieille dame passe son temps à prier, à se purifier et à rouspéter après tout et n'importe quoi. La catastrophe est imminente dès que l'avion atterrit en Angleterre. C'est sans compter sur le sang-froid de la bru, anglaise, qui saura avec un tact incroyable dompter la matriarche.
Après le portrait d'une matriarche peu amène, Bubul Sharma, nous embarque à la suite d'une famille traditionnelle partant pour la première fois en vacances. « Les premières vacances de RC » est une nouvelle délicieuse à lire. L'humour est toujours présent et on assiste, peu à peu, à la prise de conscience des femmes (mère, épouse et fille) d'un monde des plus intéressants à découvrir. Régies à chaque instant de leur vie par un Rathin Chandra pétri d'habitudes et de certitudes plus sclérosantes les unes que les autres, elles découvrent, grâce à l'étrange lubie du chef de famille, les prémices de la rébellion dans les rencontres faites lors de leur séjour dans un ashram. Un vent de liberté se lève, le regard sur le monde change et RC ôte ses chaussures et décide d'acheter un cerf-volant... ou comment derrière le masque du patriarche se cache un homme qui aurait aimé ne pas endosser tant de responsabilités.
Certaines nouvelles sont proches du conte philosophique comme celle « La vie dans un palais » . J'ai oscillé entre l'onirisme et l'étrange. Une épouse quittée par son mari parti chercher l'illumination sur les chemins, s'enfuit de chez elle pour ne pas subir le triste sort réservé aux veuves. Elle fera une rencontre qui bouleversera sa vie et lui montrera son Chemin de Damas dans un palais où le temps semble s'être arrêté.
« Mes sacrées tantes » fait rire, grincer des dents et humidifie le coin de l'oeil. L'auteure m'a entraînée, une fois de plus, dans une lecture jubilatoire remplie d'odeurs, de couleurs et du bruit des trains.
Traduit de l'anglais (Inde) par Mélanie Basnel
Quelques avis :
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Lu dans le cadre d'une lecture commune "Editions Picquier"