lundi 15 avril 2019
Trilogie chinoise
« Le problème à trois corps » est le premier tome
de la trilogie de SF écrite par Liu Cixin,. Cet opus pose le cadre du roman et
pousse le lecteur dans ses derniers retranchements : l'argument littéraire
repose sur des concepts scientifiques ardus que Cixin parvient à vulgariser
sans perdre son lecteur dans les limbes de l'incompréhension.Le plus difficile est de ne pas lâcher le chemin sinueux
tracé par l'auteur adepte du Hard Science.
Nous sommes en pleine Révolution Culturelle en Chine,
l'épuration drastique des intellectuels lamine les gens et la recherche.
Cependant des îlots scientifiques existent, la jeune astrophysicienne Ye Wenjie, en cours de "rééducation » intègre un centre qui
abrite les recherches sur l'existence potentielle de civilisations
extraterrestres. Elle parvient à envoyer dans l'espace un message :
sera-t-il intercepté ?Des années plus tard, elle reçoit une réponse, une mise en
garde venu d'un lointain système : ne pas renvoyer de signal pour ne pas
être repéré par quelqu'un de moins pacifique. Ye Wenjie n'hésite guère, elle
envoie une réponse tant elle est écoeurée et révoltée par les horreurs vécues
lors de la Révolution Culturelle, offrant ainsi les coordonnées de la Terre.
Le temps passe, le monde change sur Terre, la Chine s'est
éveillée au monde et contribue aux avancées scientifiques. Or d'étranges décès
d'éminents scientifiques attirent l'attention des polices du monde entier. Que
se passe-t-il ? Pourquoi ces scientifiques se donnent-ils la mort sans un
mot d'explication ?Commence alors une course poursuite entre laboratoires de
recherche et plongée dans un jeu virtuel où les membres d'une société secrète
de réunissent.Qui est derrière tout cela ? Le policier, un vieux de la
vieille iconoclaste, pressent que l'inexplicable cache des hommes prêts à tout.Il est très difficile de chroniquer ce premier tome sans
mettre à mal la découverte du « complot » contre la Terre :
surtout ne pas lire la quatrième de couverture qui, hélas, en dit trop. C'est
jubilatoire, même pour une cancre en sciences tel que moi, de se creuser la
tête autour du fameux problème à trois corps, fil conducteur de la trame de la
trilogie. La tête tourne devant la complexité des concepts mathématiques,
d'astrophysique et de sciences physiques pures, sans pour autant
s'égarer : l'intrigue est orchestrée de main de maître, les personnages
principaux sont charismatiques, les situations incroyables et tellement de
l'ordre des possibles. L'auteur construit un jeu de piste absolument
époustouflant dans lequel le lecteur s'engouffre sans l'ombre d'une
hésitation : le mystère est le « héros » de ce premier opus, il
en est l'antienne qui donne toute son ampleur à la trilogie et sa résolution
n'en est que plus savoureuse.
« La forêt sombre »
Liu Cixin s'appuie toujours sur les concepts scientifiques
pointus et fait vivre au lecteur un tourbillon de situations : la maîtrise
de l'hibernation, le poinçonnage mental sont des réponses pour affronter
l'envahisseur lors de l'Ultime Bataille. La description de cette Ultime
Bataille est digne d'un space opéra où la dramaturgie est à son comble.L'adversité implique pour l'Humanité d'effectuer des
recherches à marches forcées, d'aller au-delà de l'impossible pour survivre.
Car c'est ce qui est en jeu : la survie de l'espèce humaine bien que
quatre siècles soient un lointain futur, le Temps passera toujours trop vite.L'intrigue est aussi complexe que celle du premier tome et
menée avec brio et un art consommé de la manipulation du lecteur. C'est ce qui
rend la lecture haletante de bout en bout malgré quelques longueurs.Peut-on tomber amoureux d'une personne rêvée ? La force
de l'imaginaire peut-elle lui donner chair ? Le rêve peut-il devenir
réalité ? Ce sont des faits que vivra le Colmateur Luo Ji, retiré dans un
lieu de rêve devenu tangible.Est-ce dans le rêve que sera construite la stratégie qui
contrera l'invasion de Trisolaris ? Un rêve que les sauts dans le temps,
grâce à l'hibernation, révélera. Quelle était la malédiction lancée par Luo
Ji ?La forêt sombre, métaphore de l'univers, cache-t-elle des
prédateurs à l'affût d'une proie ? Cache-t-elle un instinct de survie
enclenchant la destruction de l'Autre avant qu'il ne découvre ce qui est
caché ?Le deuxième opus s'achève sur une rêverie qui entretient la
faim du lecteur.
« La mort immortelle »
samedi 23 mars 2019
Poo poo pee doo...
Le 8 mars dernier se tenait la journée
mondiale des droits de la femme; j'ai emprunté, suite à une
présentation de l'équipe de la médiathèque de ma ville, une BD
« Betty BOOB ».
Les autrice et illustratrice ont
réalisé un récit époustouflant qui bouscule un peu les lignes du
moins les miennes.
Elisabeth,l'héroïne, se réveille à
l'hôpital et se rend compte qu'il lui en manque un. Un quoi donc ?
C'est ce que se demande le lecteur dans la nanoseconde avant de
comprendre qu'il s'agit, bien entendu, d'un sein.
L'héroïne de l'histoire revient d'une
hospitalisation importante suite à une longue maladie qui l'ampute
d'une partie de sa féminité. Le retour à la maison, auprès de son
compagnon se révèle être difficile et douloureux. Tout comme se
révèle ardu et désespérant le retour au travail. L'éloignement
puis l'incompréhension provoque la séparation du couple. Il s'agit,
en réalité, plus d'une fuite de la jeune femme qui ne peut plus
supporter le regard affligé et dégoûté de son homme. C'est
qu'Elisabeth a plus pensé au contenu du bocal (où est conservé son
sein) que des malaises de son compagnon qui ne peut plus la regarder
comme une femme à part entière.
Les mots ne sont pas nécessaires pour
comprendre qu'il s'agit du cancer du sein. D'ailleurs, il n'y en a
que très peu, quelques lignes tout au plus.
Tout est dans les dessins, dans les
expressions des personnages, dans les actions et la danse des
corps.Il n'y a pas pléthore de couleurs : du rouge, du noir, du
blanc et du gris car inutile de faire dans le coloré pour exprimer
la vie après la maladie.
Les deux autrices de ce petit bijou
réussissent le tour de force de relater, avec tendresse et humour,
le parcours d'une reconstruction : celle d'une jeune femme
amputée d'un sein suite à un cancer, affublée d'une perruque
rebelle qui la conduira dans le sillage d'une troupe hétéroclite de
cabaret. Au gré des pages tournées, le lecteur suit l'héroïne
dans la réappropriation de son corps et la reconquête de sa féminité
après sa maladie.
La BD évite les écueils des poncifs
et autres clichés, quand ces derniers apparaissent c'est sous forme
humoristique. Les démons d'Elisabeth sont présents, représentés
de manière parfois grotesque parfois, souvent avec des clins d'oeil
aux galeries de monstres exposés dans les cirques au XIXème siècle.
La volonté de vivre et d'avancer est telle chez la jeune femme
qu'ils ne restent guère longtemps, l'humour et la vie lui ouvrent
des horizons qu'elle n'aurait jamais soupçonnés. Le burlesque
magnifie la différence, la rend belle et « fashion » au
point qu'une mode verra le jour... car, oui, pourquoi pas une mode de
l'amazone, avec ce sein disparu qu'on afficherait symboliquement !
Betty Boob devient une autre Betty
Boop, aussi glamour et sensuelle que l'icône des cartoons.
Une BD à lire sans modération... gare aux bouffées d'émotion derrière le rire, surtout, les laisser s'exprimer sans culpabilité.
jeudi 21 mars 2019
La séparation
1941 la guerre d'usure entre le Reich et l'Angleterre bat son
plein arc boutant les belligérants sur leurs positions : les Anglais ne
lâcheront rien, les Nazis veulent faire plier Albion sous un déluge de feu, de
fer et de sang.
Deux frères jumeaux se retrouvent dans la tourmente, l’un est
pilote de la RAF, l’autre Objecteur de Conscience affecté à un poste d’ambulancier
de la Croix Rouge.
Le lien ? 1936 année des jeux olympiques en Allemagne dominée
par le Chancelier Hitler. Cet été 1936, les frères Sawyer, dotés des mêmes
initiales (JS pour Joseph et Jack Sawyer), représentent le Royaume Uni dans l’épreuve
d’aviron de deux barreurs. Ils décrocheront la médaille de bronze et
rencontreront Rudolf Hess.
Les deux jeunes hommes, parfaitement bilingues, sont hébergés
chez des amis de leur mère, une famille juive qui a perdu tous ses droits. Joe
est le seul à se rendre compte de ce qui se trame réellement en Allemagne tandis
que Jack reste plus naïf.
C’est lors d’une soirée à l’ambassade britannique que Jack
croisera le chemin de Hess avant de rejoindre son jumeau pour rentrer en
Angleterre.
Les Sawyer ne reviennent pas seuls : Birgit, la fille
des amis de leur mère, a été dissimulée dans une cache du camion par Joe. Jack
est très épris de Birgit et n’ose le lui avouer…. Une fois en sécurité en
Grande Bretagne, Joe épouse Birgit, évinçant son frère.
Les deux frères n’ayant pas la même vision du monde, les querelles
naissent jusqu’à les conduire à la rupture définitive.
Tout les oppose au point qu’ils n’ont pas la même perception
de la réalité. C’est le point d’orgue de l’uchronie orchestrée avec maestria
par Christopher Priest.
Pour Joe la guerre s’est achevée en 1941 par la signature d’un
traité de paix entre le Royaume Uni et le Reich. Il en a été un des
participants actifs en tant que traducteur.
Quant à Jack, sa guerre s’est terminée en 1945 quand son
stalag est libéré par l’armée américaine.
Priest construit le parcours parallèle des deux frères en s’appuyant
sur des éléments réels qui rendent les faits plausibles. Par touches subtiles,
maniant l’artifice du « déjà vu » avec efficacité et brio, l’auteur
sillonne les événements en faisant de tout petits pas de côté.
La paix séparée signée en 1941 a impliqué un conflit long,
usant et coûteux aux Etats-Unis, à l’Allemagne et à l’URSS. La Troisième Guerre
a conduit les USA dans un isolationnisme provoquant un marasme économique,
social et culturel tandis que l’Allemagne parvient à se redresser sans doute
parce que Hitler a été évincé manu militari par Rudolf Hess.
La séparation est un roman construit avec une grande habilité,
un roman dans lequel l’intrigue est menée avec une précision qui permet de l’achever
par un dénouement surprenant car c’est au lecteur de choisir ce qu’il souhaite « croire »,
interpréter.
La distorsion subtile du prisme de la réalité vécue apporte
une dimension intéressante au personnage de Joe et à ses relations avec ses
proches. L’éloignement, source de souffrance, de son frère fait que ce dernier
est sans cesse présent. Une même scène se joue plusieurs fois avec des chutes
tellement réalistes qu’elles en deviennent vraies. Or où se situe la frontière
entre l’hallucination et le réel ? Entre ce qui est vécu et rêvé ? La
séparation de la gémellité est-elle le point de la divergente d’un événement
historique ? La faille ouvrant sur d’autres champs des possibles ?
Priest joue sur ces
concepts avec jubilation amenant son lecteur dans le dédale des perceptions.
L’avis de Cyril
lundi 18 février 2019
Japonitudes .... suite
J'ai retrouvé avec plaisir le jeune
fonctionnaire impérial dans une aventure que je n'avais pas encore
lue.
« L'énigme de la porte de
Roshomon » entraîne Sugawara
Akitada à l'université à
la demande de son ancien professeur Hirata. Un chantage met en péril
l'avenir de ce lieu de formation et de savoir qui souffre d'un manque
de ressources évident tant les locaux semblent décrépits.
Il y a un an, une tricherie a eu lieu
lors de la passation des examens à l'issue desquels un étudiant
médiocre, mais riche et doté de puissants appuis, fut couronné
major de sa promotion au détriment de celui qui aurait du terminé
premier. Ce dernier se suicida tandis que le tricheur entrait dans
l'administration impériale dont il gravit rapidement les échelons.
Hirata ne parvient plus à supporter le
poids de la culpabilité et fait appel à son ancien élève Sugawara
pour trouver comment juguler les rumeurs risquant de porter atteinte
à la réputation de l'université.
Le jeune aristocrate, toujours
célibataire et occupant un poste ennuyant aux Archives du Ministère
de la Justice, accepte l'offre du professeur Hirata : une chaire
provisoire de droit. Il renoue également avec la fille de son
maître, la belle Tamako sous le charme de laquelle il tombe avec
délice. D'ailleurs, le mariage désiré par le professeur Hitara
aura-t-il lieu ? On peut en douter lorsque la jeune fille
repousse l'offre de notre héros. Serait-elle une forte tête et un
esprit libertaire dans une société où les mariages sont arrangés ?
Comme toujours avec les aventures de
Sugawara, il y a un faisceau d'enquêtes à s'agréger à l'enquête
principale.
Ainsi sera-t-il amené à résoudre la
disparition d'un prince transformée en miracle, à élucider deux
meurtres, à protéger un jeune héritier, à déjouer une ignoble
machination, orchestrée par un Seigneur avide de pouvoir et de
richesses, et à confondre le « tricheur ».
Les différentes énigmes entraînent
le lecteur dans un Kyoto interlope, parfois très glauque comme la
porte de Roshomon, celle de l'entre deux mondes où sont abandonnés
les cadavres des gueux et autres indigents.
C'est au cours de cette aventure
qu'apparaissent deux hommes, en délicatesse avec la loi, qui
deviendront des compagnons fidèles de Sagawara.
Le rythme de l'intrigue peut paraître
insuffisant au début toutefois le lecteur est rapidement rassuré
devant le nombre croissant de mystères à mesure que notre héros
avance dans son enquête.
On passe un agréable moment de lecture
et c'est ce qui compte notamment en villégiature au soleil.
Quelques avis :
dimanche 17 février 2019
C'est la photo du dimanche #13
(Zellige/ photo prise à Essaouira, Maroc, le 13/2/2019)
« Lorsque je découvris le Maroc, je compris que mon propre chromatisme était celui des zelliges, des zouacs, des djellabas et des caftans. Les audaces qui sont depuis les miennes, je les dois à ce pays, à la violence des accords, à l'insolence des mélanges, à l'ardeur des inventions. Cette culture est devenue la mienne, mais je ne me suis pas contenté de l'importer, je l'ai annexée, transformée, adaptée. »
Yves Saint Laurent, grand couturier
samedi 16 février 2019
Sur la route
Roman post apocalyptique, « Le
feu de Dieu » est un peu le « La route » à la
française en nettement moins bien.
Franx, contraction de François-Xavier,
est un père de famille original : il décide de tout plaquer,
avec deux autres familles, pour acheter une ferme perdue dans le
Périgord noir et de la transformer en bunker pour survivre quand
sera venue la fin du monde.
Bien entendu des tensions naissent
lorsque les familles se retrouvent en vase-clos après l'achèvement
des travaux et des réserves. L'éclatement de la bulle a lieu peu de
temps avant le cataclysme qui balaiera la Terre et jettera les gens
dans l'horreur.
Franx quitte la ferme pour Paris où il
doit liquider la succession d'une vieille tante décédée, son
absence ne sera que de quelques jours sauf que dame Nature en a
décidé autrement. Il assiste, médusé, à la disparition du
bouclier magnétique terrestre, au déchaînement des forces
naturelles qui plongeront le monde dans le chaos d'un long hiver
cataclysmique : failles engloutissant des villes entières,
éruptions volcaniques porteuses de nuages de cendres occultant le
soleil.
Il doit rentrer chez lui d'urgence pour
rejoindre les siens qu'il espère en sécurité. Comme il connaît la
nature du désastre, il récupère, rapidement, des vêtements
chauds, des bottes fourrées, un sac pour ses réserves de nourriture
et d'eau.
Un long périple commence parsemé de
rencontres aussi épouvantables que merveilleuses. A commencer par
celle d'une fillette qu'il nommera Surya, fillette confiée par sa
mère mourante à un homme qui est tout sauf un héros.
Au fil des kilomètres il se rendra
compte que Surya a un don, qu'elle est sa vigie, son phare dans une
nuit au cœur de laquelle les pires aspects de l'humanité
s'exprimeront.
Tandis que Franx tente de rallier le
Périgord, sa famille entreprend de mettre en place le protocole de
survie. Elle n'est pas seule, un jeune homme est resté tel un
parasite. Comme les parasites il a un instinct de prédation qui fait
fi d'autrui. Un huis-clos s'installe entre les protagonistes, Zoé
l'adolescente en proie à ses émotions et à l'éveil de sa
féminité, l'épouse, Alice, adultère par ennui, le jeune fils,
Theo, enfant qui a des « visions » depuis tout petit,
connecté à son père, et le Grax, jeune homme qui a fait succomber
toutes les mères de l'Arche. Le Grax dévoilera son vrai visage et
aura un destin à sa mesure.
Rien ne sera épargné au lecteur qui
devra subir tous les poncifs du genre (violences diverses,
séquestrations, sacrifices d'autrui ou cannibalisme) qu'il voit se
profiler tant l'auteur, Pierre Bordage, y va de ses gros sabots.
Il y a les méchants vraiment méchants
que le chaos dévoile sans fard ; il y a les pauvres hères
malmenés de bout en bout ; il y a le gentil moine qui tente de
garder cohérent son groupe de survivants ; il y a les hordes de
rats, en concurrence directe avec les hommes, les meutes de chiens,
des ours blancs et pas de ratons laveurs mais des fouines dont je
n'ai pas saisi le rôle.
La peur est là, certes, une peur pâle
tellement convenue qu'elle n'est pas crédible.
Quant aux personnages, ils n'inspirent
aucune empathie ce qui a laissé la lectrice que je suis et surtout
la fan de Bordage, sur sa faim. Les seuls à échapper au désastre
sont Surya et Theo que l'on regarde d'un œil bienveillant.
La moralité du roman ? C'est une
erreur que de se replier sur soi et se fermer au monde lors d'un
cataclysme. Rester humain c'est ouvrir sa porte aux autres et
partager.
Je ne peux pas dire que j'ai passé un
moment désagréable, loin de là ; cependant la déception est
présente au point que je m'interroge : « Le feu de Dieu »
a-t-il été une « commande » pour prendre le train
de la vague « post apocalyptique » du moment ? Quant
on a lu ses grands romans épiques, ses space opéras d'un lyrisme
magnifique, on ne peut qu'être déçu par ce roman qui se veut post
apocalyptique et qui n'est qu'un mauvais thriller.
Des avis ici et là
vendredi 15 février 2019
Un cordon ombilical appelé Nil
« Le dieu fleuve » est
l'épopée d'un esclave eunuque, Taita, érudit, médecin talentueux,
inventeur, architecte, ingénieur, tacticien de talent, nourrice,
pédagogue et compagnon fidèle d'une jeune fille qui deviendra
reine.
Taita est un peu le Léonard de Vinci
de l'Egypte ancienne tant ses talents sont protéiformes, touchent à
tous les domaines de la connaissance humaine.
Wilbur Smith retrace une partie de
l'histoire égyptienne, deux mille ans avant notre ère :
l'Egypte est épuisée, ruinée par la cupidité des hommes, d'un
homme, le Grand Vizir Intef et l'obsession de Pharaon Mamôse, la
construction de son tombeau où il reposera parmi ses trésors
insensés afin d'accéder à la vie éternelle une fois de l'autre
côté.
Taita est d'une rare intelligence ce
qui le rend, parfois, non ! Souvent, imbu de lui-même, pédant,
vaniteux au point d'en être insupportable... d'autant qu'il a
souvent raison.
Cet homme, devenu eunuque pour avoir
préféré une jeune fille à son maître Intef qui en avait fait son
favori, est un puits de sagesse et de science. Il connaît sur le
bout des doigts les imperfections de la nature humaine, ses
faiblesses et ses forces.
Il est la nourrice et le confident de
la fille du Seigneur Intef, la douce Lostris qu'il nous présente au
début comme une très jeune fille superficielle. Très vite il rend
justice aux qualités tant physiques qu'intellectuelles à la belle
et douce Lostris : n'est-ce pas lui, Taita, qui lui a enseigné
tout ce qu'elle sait ?
Sous la pointe de roseau de Taita,
l'Egypte ancienne se déroule sous nos yeux, indissociable du Nil
nourricier, le temps scandé par les crues et les fêtes d'Osiris.
Thèbes où Pharaon, venu d'Eléphantine
(j'adore le nom de cette ville, il me fait voyager dès que je le lis
ou que je le prononce), vient célébrer Osiris et ses bienfaits,
préside aux festivités, symbole d'une gloire qui se délite.
Thèbes où le Seigneur Intef trame et
complote pour s'enrichir et accéder un jour au trône en mariant sa
fille à Pharaon.
Thèbes où deux jeunes gens s'aiment
d'un amour impossible : Tanus et Lostris croquent la vie à
pleines dents, pour eux rien n'est impossible surtout si Taita les
aide et les soutient. Ce qu'il fera à sa manière subtilement
cauteleuse où se mêlent calcul et humanité.
Thèbes, l'alpha et l'oméga de
l'Egypte qui sera le creuset d'une des plus grandes civilisation de
l'histoire de l'humanité.
On vit la fin d'un cycle, la chute d'un
Roi au combat, la trahison d'un Grand Vizir, la bravoure d'un jeune
officier qui refusera par loyauté d'appeler les soldats à se
mutiner pour accéder au trône.
On vit la défaite avec panache des
Egyptiens face aux envahisseurs venus d'Asie, les Hyksos en
possession d'armes de destruction massives : les arcs recourbés,
les chevaux, inconnus des Egyptiens, et les chars.
On vit l'exode de la Reine Lostris et
du Prince héritier Memnon, au-delà des cataractes, fuite qui
emmènera tout un peuple à la découverte d'une Afrique inconnue
d'une richesse extraordinaire.
On vit l'expérience mystique du
Labyrinthe dispensant des prédictions d'un Taita en transe.
« Le dieu fleuve » n'a pas
la prétention d'être un roman rigoureusement historique, il apporte
juste ce qu'il faut d'actions, de dénouements, de passions
amoureuses ou mercantiles, pour amener le lecteur à passer un
agréable moment de lecture.
Grâce au « dieu fleuve »,
le Nil est le cordon ombilical liant le lecteur au narrateur, le
fleuve sacré est le fil vert serpentant entre les lignes, au détour
de chaque chapitre, charriant les rêveries du lecteur avec la fausse
lenteur de son débit.
mardi 12 février 2019
mercredi 23 janvier 2019
Le défi lecture 2019 court: où en suis-je?
Bien entendu je ne respecte pas l'ordre donné. Cependant est-ce rédhibitoire?
- Un roman qui se déroule dans le futur:
"La mort immortelle" de Liu Cixin (tome 3 de sa trilogie)
- Un roman dont l'un des personnages est un animal:
- Un roman qui se déroule dans le passé:
- Un roman sur le thème de l'amitié:
- Un roman sur un homme ou une femme célèbre:
- Un roman qui se passe dans un collège:
- Un roman basé sur une enquête/un mystère à résoudre:
"Le signal" de Maxime Chattam
- Un roman humoristique:
- Une bande dessinée:
- Le premier tome d'une série de romans:
- Un roman qui a pour thème la magie:
- Un roman qui se déroule à Noël:
dimanche 13 janvier 2019
Et si je me lançais?
Long est le chemin du retour au blog, long est celui de l'envie de partager mes lectures en écrivant leurs chroniques.
Je ne promets pas d'en parler à chaque fois de manière circonstanciée, mais je rendrai compte de l'avancée de mes deux défis lecture de l'année 2019.
On y croit, j'y crois... j'y vais!
J'avoue que je commence bien l'année du défi court 2019: j'intervertis la lecture de février avec celle de janvier. L'essentiel est bien de lire, n'est-ce pas?
Je lis ce mois-ci la trilogie de Liu Cixin "Le problème à trois corps" (T1), "La forêt sombre" (T2) et en cours "La mort immortelle" (T3). Je chroniquerai cette formidable épopée SF dès que j'aurai rassemblé mes idées pour donner l'envie de s'y plonger sans en dévoiler trop.
Quant au défi au long cours 2019, je pense - je doute être la seule d'ailleurs à raisonner ainsi - coupler certains items: une lecture pour les deux défis. Non, ce n'est pas de la paresse mais un contournement d'obstacle, mieux une optimisation des lectures.
samedi 5 janvier 2019
Odyssée dans la garenne
Il était une fois une garenne où il
faisait bon vivre. Il était une fois un lapin chétif possesseur
d'un don de « double vue ». Il était une fois une sombre
menace planant sur la tranquille garenne. Il était une fois un
voyage qui commence.
La garenne pourrait être un village de
hobbits, Hazel et Fyveer se lancent dans une odyssée qui mettra en
valeur leurs qualités et dévoilera leurs petits défauts.
Ils ne quittent pas leur terriers
seuls : ils s'enfuient avec une poignée de compagnons qui ont
ainsi l'occasion de briser les tabous de leur communauté.
Fyveer a pressenti une catastrophe liée
aux hommes : un écriteau à l'entrée de la garenne puis des
arpenteurs, sombres présages qu'il faut fuir pour se sauver.
Hors, qui écoutera un lapin de seconde
zone, un lapin qui ne parviendra jamais à entrer dans le cercle très
fermé de la Hourda, garde et conseil du Maître Lapin, chef de la
garenne de Sandlefort.
Le petit groupe devient hors la loi en
fuyant malgré l'interdiction du Maître, il migre vers le lieu vu en
« rêve » par Fyveer, la Cassandre du groupe, Watership
down, une colline où tous seront en sécurité.
D'exode il n'y aura pas mais une fuite
salvatrice se fera.
Très vite Hazel, le frère de Fyveer,
prendra la direction des opérations et sera le guide débrouillard
du groupuscule de léporidés. Ils affronteront milles et un dangers,
perdront foi avant de reprendre courage face à l'adversité. Or, la
nécessité d'une vie meilleure n'est-elle pas souvent semée
d'embûches ?
Ce qui est extraordinaire dans ce roman
c'est le tour de force de l'auteur : il réussit, admirablement,
à faire en sorte que le lecteur s'identifie aux héros inhabituels
que sont ces petits lapins de garenne.
Richard Georges Adams s'appuie sur
l'organisation sociale, réelle, d'une garenne pour explorer les
sociétés humaines et pointer sans en avoir l'air leurs
dysfonctionnements.
Comme toute société établie, les
garennes du monde d'Hazel ont leur mythologie, leurs croyances, leurs
légendes racontées lors des veillées au fond des terriers. Le
lecteur se laisse emporter par les exploits des guerriers et des
Maîtres Lapins dont ceux du plus grand d'entre eux, l'espiègle et
roublard incorrigible, osant taquiner Dieu : Shraavilshâ,
l'ancêtre des lapins. Il découvre ainsi, au fil du roman, les cinq
des légendes de leur mythologie où la ruse et l'ingéniosité sont
au centre des aventure du Prince aux mille ennemis.
D'ailleurs
les ennemis ont un nom : les vilous.
On
suit les aventures de la petite communauté, digne de celle de
Tolkien, qui apprend à aller au-delà de certains préjugés comme
se lier avec d'autres espèces animales. Cependant le franchissement
de la ligne rouge sera bénéfique puisque le mulot comme la mouette
tiendront un rôle déterminant dans le développement de l'intrigue.
Hazel est un peu le Frodon de la troupe : il initie le courage,
la camaraderie ce qui fait de lui la figure principale du roman.
Le
roman fourmille de références littéraires, voulues ou suggérées.
Ainsi l'expédition de Hazel et ses compagnons vers la garenne
d'Effrefa, rappelle l'enlèvement des Sabines. Watership down se
retrouve sans hase et sans femelles pas de pérennisation de la
garenne. Effrefa, garenne surpeuplée sous le joug d'une organisation
totalitaire, regorge de hases au bord de la crise de nerfs.
Chaque
lecteur trouvera de quoi « ruminer sa pelote » dans ce
roman qui se dévore.
« Ruminer
sa pelote » *? C'est une expression qui revient, telle une
antienne, dans les conversations de nos héros aux longues oreilles.
Richard
Georges Adams s'appuie sur l'étude scientifique des léporidés :
toutes les manies de nos héros sont vérifiables dont celle de
« ruminer ses pelotes ». A la belle saison quand l'herbe
est tendre, les lapins en broute de grandes quantités qu'ils ne
digèrent pas tout de suite. Ils régurgitent des pelotes d'herbe
qu'ils laissent à l'entrée du terrier. Ils reviennent les manger
plus tard.
« Watership
down » est un roman réjouissant qui offre au lecteur
l'occasion de « sentir » le sang versé, de trembler de
peur face aux dangers et de colère devant l'absurdité d'une
dictature, l'enfer étant toujours pavé de bonnes intentions comme
celles du général et Maître Lapin Stachys pour qui vivre heureux
est vivre caché aux yeux des hommes. Le lecteur éprouvera la
crainte de la mort et surtout n'aura de cesse de savoir ce qui va se
passer au chapitre suivant.
N'est-ce
pas ce que l'on demande à un bon roman ? Et n'est-ce pas
l'apanage des grands romans que d'offrir tout cela aux lecteurs qui
osent suivre avec délectation l'épopée d'un groupe de lapins de
garenne?
Cerise sur le gâteau:
- Il existe une version illustrée du roman: Watership Down
de Richard Adams illustré par Mélanie Amaral aux éditions de Monsieur Toussaint Louverture.- Est sortie une mini série chez Netflix en décembre 2018, le trailer c'est ici.
*https://fr.wikipedia.org/wiki/Oryctolagus_cuniculus
mardi 1 janvier 2019
Meilleurs voeux 2019
A toutes celles et ceux qui passeront par hasard chez Chatperlipopette, je vous souhaite le meilleur pour cette nouvelle année.
(crédit photo: internet)
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