samedi 30 juin 2007

Un nouveau test!

67%How Addicted to Blogging Are You?

Mingle2 - Online Dating



C'est amusant et terrifiant à faire! Voyez mon résultat...catastrophique! Maintenant, vous me croyez quand je vous dit que je n'ai plus le temps de regarder la télé!
Cathe est moins atteinte que moi...Papillon aussi!

Et vous? A quel degré êtes-vous atteint?

vendredi 29 juin 2007

une belle tuile!


Et voilà, je suis coincée dans mon lit pour quelques jours! Le nerf crural m'a lâchée, cet aprés-midi, sur le chemin du retour de notre sortie pique-nique! Le médecin est venu à l'école me faire une piqûre et une âme charitable m'a ramenée à la maison où j'ai souffert le martyr tant que les effets de la piqûre et des cachets ne se sont pas fait sentir! Finalement, j'aurais préféré un rhume ou une gastro! Comme j'ai du mal à trouver une position correcte, je ne serai guère active sur le blog.

@bientôt!
Le tableau est de Félix Vallotton "La malade"

jeudi 28 juin 2007

Un sombre thriller


"Birdman" de Mo Hayder


Depuis « Mordoch » de Patricia Cornwell, je n'avais pas lu de roman policier aussi angoissant que fascinant: une atmosphère pesante, sombre, un tueur en série ayant sombré dans la folie, une enquête difficile et harassante. Plus d'une fois j'ai eu envie de fermer le livre et à chaque fois je l'ouvrais à nouveau pour continuer la lecture. C'est un des secrets bien gardés des maîtres du suspense et de l'angoisse!
L'inspecteur Jack Caffery se coltine avec une enquête bien sordide et un collègue plein de morgue et peu efficace. Des corps de jeunes femmes sont retrouvés dans un terrain vague, près d'un chantier. Très vite, le ballet des médecins légistes entre en action et parvient à une conclusion surprenante: mort rapide, sans résistance, viol post-mortem et opération sauvage de chirurgie esthétique de la poitrine. Quelques détails sordides supposent un certain degré de folie: un pinson est retrouvé mort, côté coeur, les femmes sont outrageusement maquillées et ont porté une perruque. De quoi faire passer à Jack Caffery nombre de nuits blanches.
Il y a des scènes très difficiles à lire au cours desquelles le lecteur n'a qu'une seule envie: juguler son imagination face au pire! Nous sommes bien loin de l'ambiance, presque tranquille, des romans policiers nordiques et très proche des enquêtes du docteur Scarpetta. Mais, on ne peut nier le brio avec lequel Mo Hayder mène l'intrique et embarque son lecteur: j'ai cru, à un moment, être en présence d'une enquête à la Columbo (on connaît le tueur très tôt et on tente de deviner comment l'inspecteur le confondra) et j'ai très vite déchanté...à mon grand enchantement. En effet, de vrai piste en fausse trouvaille, le lecteur est balloté au coeur de l'enquête, partage les atermoiements de l'équipe policière, les affrontements entre inspecteurs, la vie privée de Jack Caffery et ses obscessions angoissantes.
J'ai apprécié le côté humain de cet inspecteur se débattant avec ses souvenirs d'enfance ternis par la disparition inexpliquée de son frère...dont on n'a jamais retrouvé le corps. Ce traumatisme fait de lui ce qu'il est à présent: un homme bléssé, déchiré par l'incertitude de ses sentiments, par sa solitude, par ses recherches, sans fin, d'indices pour prouver la culpabilité de son voisin d'en face dans la mort de son frère. Ce frère, ombre pesante, ombre sombre empêchant Jack de se réconcilier avec lui-même en raison du lourd poids de son sentiment de culpabilité.
J'ai été déstabilisée par le dénouement de l'intrigue: le Bien et le Mal sont parfois si proches que la frontière en devient très mince et fragile. Il est vrai que le manichéisme rudimentaire est trop simpliste et ne reflète pas le quotidien d'une société, quelle qu'elle soit. Aussi, le choix de l'auteur, politiquement peu correct, oblige-t-il le lecteur à regarder au-delà des apparences et à tenter de comprendre, sans pour autant accepter, certains actes à la limite de la morale. Mo Hayder a réussi à créer un nouveau monstre de la littérature policière et avec une plume acérée, sans concession, et un art consommé de l'énigme et du mystère angoissant!


Roman traduit de l'anglais (GB) par Thierry Arson

mercredi 27 juin 2007

La peur du loup


C'est la dernière de la saison (comme dans les émissions télé ou radio) en ce qui concerne la rubrique "La bibli des p'tits chats". Pour clôturer la saison, j'ai choisi un album sans texte ,"Loup Noir" d'Antoine Guilloppé aux éditions Duculot, et au graphisme simple en Noir et Blanc, avec des jeux d'images en positif et négatif.


C'est l'hiver, un jeune garçon se promène dans la campagne sous la neige. Il entre dans un bois, quelque chose, un animal peut-être, le suit. Une angoisse monte, le coeur s'accélère en regardant ces sublimes illustrations en N&B: le drame est proche, il va arriver, c'est certain! Le jeune garçon se met à courir, on croirait l'entendre haleter. L'animal, certainement un loup, va-t-il le rattraper et le dévorer?


Encore un bel album "muet" jouant avec brio sur les angoisses enfantines, les détails (en particulier un d'entre eux, primordial pour saisir la chute de l'histoire) infimes mais essentiels, les dessins épurés et percutants. Avec un minimum de couleur, de traits, Antoine Guilloppé réussit à instaurer une angoisse ascendante et un "deus ex machina" à la hauteur de "l'histoire sans parole". La couverture est également une très grande réussite garphique. Un grand moment à partager pour exorciser les peurs ancestrales qui taraudent inlassablement nos esprits. Il est à noté que la chute de l'histoire est difficile à saisir dès la première lecture pour un tout-petit, mais rien n'empêche la médiation enrichissante et sécurisante de l'adulte conteur...bien au contraire, elle est fortement conseillée!

mardi 26 juin 2007

Phénomènes mystérieux

L'expérience concluante de « Liaisons étrangères » d'Alison Lurie m'a donné envie d'entrer un peu plus dans son univers.
Je me suis trouvée, nez à tranche, avec « Femmes et fantômes », un recueil de nouvelles où les femmes et les esprits sont les principaux personnages.
J'ai eu le plaisir de retrouver la belle écriture de Lurie ainsi que son humour très britannique mais aussi quelques personnages de « Liaisons étrangères », tels que Fred Turner et sa femme photographe.
Les neuf nouvelles mettent en scène des femmes se trouvant dans des situations sentimentales, amicales... dangereuses pour elles. Les événements les mettent devant des vérités qui dérangent, des souvenirs enfouis au plus profond d'elles-mêmes, des angoisses tenaces, des doutes insistants. Elles sont seules face à leur miroir et sont mises en demeure de se prendre en main. Le destin est insondable, est imprévisible et indomptable: un meuble, une montre, une enfant costumée en lapin un soir d'Halloween, une statue indienne, piscine sont autant de petites bombes à retardement dans leur vie. L'explosion survient et avec elle la défaite, la résignation ou l'espoir.
Le manquement de l'une provoquera celui de l'autre qui attendra, résignée, que l'on vienne un jour, ou un soir, lui réclamer le prix du sang. Certaines nouvelles sont empreintes d'espoir, de renaissance, d'autres sont plus noires, moins sereines. Mais toutes peignent de truculents personnages féminins: la grand-mère refusant d'être appelée autrement que par son prénom (pour faire jeune) par sa petite fille, est une femme acariâtre, superficielle, égoïste et méchante. Son sort n'en sera que plus mérité et son châtiment éternel bien ironique...à faire des ronds dans l'eau de sa belle piscine en bonne compagnie.
Alison Lurie réussit à émouvoir sans prose sirupeuse ou larmoyante sur le désir viscéral d'enfant, devenant obscessionnel, d'une femme stérile. Les méandres bureaucratiques foulant aux pieds ce désir par un douloureux refus. L'adoption est un parcours long et difficile, une remise en cause mais aussi une sublime rencontre: la déesse de la fertilité devant laquelle se prosterne cette américaine en mal d'enfant, pied de nez à la logique cartésienne. La nuit, des pleurs d'enfant empêchent la femme de dormir...le futur rejoint le présent, la prescience rejoint le réel.
Lurie atteint le plus haut comique avec la nouvelle intitulée « Les gros » où l'héroïne compte profiter de l'absence de son mari pour perdre du poids et lui en faire la surprise au retour. Peu à peu son univers quotidien se peuple de gros. Ils deviennent obèses à mesure que les régimes draconiens, et inutiles, se succèdent: c'est l'obscession de la nourriture, la batterie de tous les faux prétextes pour se donner bonne conscience. Une pichenette ironique sur un certain mode de vie américain où l'excès de nourriture se partage avec les innombrables régimes. Mais pourquoi changer si au fond de soi on n'en a guère envie? D'autant que « être gros » dépend souvent du bout de la lorgnette utilisé!
Au fil des nouvelles, Alison Lurie décline les nuances de l'étrange, les diverses approches de l'inexpliqué. Une confrontation entre esprit cartésien et ouverture à « l'au-delà des apparences », aux éléments surnaturels. Elle décline aussi les différents silences des héroïnes devant phénomènes bizarres et inexpliquées auxquels elles sont soumises: la peur d'être tournée en dérision préoccupe ces femmes.
J'attends avec impatience, suite à cette lecture jubilatoire, le prochain roman d'Alison Lurie qui passera à portée de main et d'yeux!


Roman traduit de l'anglais (USA) par Céline Schwaller


lundi 25 juin 2007

L'auberge intersidérale

Après « Demain les chiens », je continue d'explorer l'écriture de Clifford D. Simak. Ce roman a été édité en 1963, traduit en français en 1968 et il n'a pas pris une ride: on suppose que les auteurs de « Men in black » et de « Le guide du voyageur galactique » ont lu, apprécié, intériorisé les écrits de Simak car on y retrouve beaucoup de thèmes qui lui sont chers.
Enoch Wallace vit seul dans une ferme du Wisconsin. Il a connu la guerre de Sécession et est âgé de 124 ans! Comment est-ce possible? Quel secret recelle sa ferme étrange aux fenêtres sans regard, sans voilage, aux murs qui ne vieillissent pas?
Wallace, sort chaque jour pour une heure de promenade, rituel immuable, qui le conduit jusqu'au facteur. Chaque jour, il reçoit magazines scientifiques et journaux, lui, l'homme du XIXè siècle égaré au Xxè. Wallace ne côtoie personne, ne parle qu'au facteur et à une jeune fille sourde et muette, Lucy. Lucy est particulière: un elfe perdu dans une famille de rustres, une jeune fille aux dons de guérisseuse, une jeune fille en harmonie avec la nature (elle guérit même les papillons).
En fait, Wallace côtoie des gens mais des gens très particuliers: des extra-terrestres! Toute la galaxie fait halte dans la ferme de Wallace transformée en auberge, en station intergalactique. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où l'éternelle jeunesse de Wallace et son étrange comportement solitaire attire des observateurs tels que Claude Lewis, agent des Renseignements.
Je me suis très vite demandée si l'histoire n'allait pas sombrer dans un discours convenu, mais Simak a su utiliser certains poncifs du genre à bon escient permettant ainsi au récit de s'intégrer dans une narration palpitante.
Il ne faut pas oublier que l'on est dans les années soixante. La course à la conquête de l'espace bat son plein, les interrogations sur l'existence de vies extra-terrestres foisonnent. « La guerre des mondes » avait déjà fait trembler les foules, les comics regorgeaient de super héros venus d'ailleurs et les progrès techniques et technologiques transformaient peu à peu la vie quotidienne de la planète. Je suis reconnaissante à Simak de ne pas avoir créé d'extra-terrestres terrifiants, mégalomanes et cruels: son roman n'en est que plus conte philosophique. Il aborde, par le biais de la Science-Fiction, des questions essentielles au sujet de l'humanité: la responsabilité de la création, l'imagination, la fraternité si fragile, la civilisation, la culture, la peur de l'autre combinée à la peur de soi-même.
J'ai aimé les Lumineux, venant de Véga, illuminant le monde de leur sublime intelligence. J'ai aimé le caractère éclairé, ouvert de ces personnages improbables unis, au-delà leurs différences, par une fraternité de la tolérance, de l'intelligence les amenant à un degré de civilisation extrêment raffiné où les conflits n'existent plus. J'ai aimé le « deus ex machina », reliant logiquement les divers faits du récits entre eux, l'objet perdu, dérobé, après lequel la Galaxie civilisée (la Terre n'est qu'un embryon de civilisation digne de ce nom car encore sous le joug des conflits guerriers qui la minent) court sans relâche. Ce Graal a besoin d'un Gardien pour qu'il renoue les fils distendus de la fraternité galactique.
La lecture est égayée par les différents cadeaux offerts par les extra-terrestres à Wallace. Ce dernier les entasse, les répertorie dans son musée personnel. Le lecteur se plaît à imaginer les possibles applications de ces objets fabuleux. A travers ces objets hétéroclites, c'est un appel du pied à la tolérance, à l'ouverture d'esprit: si un jour, on découvrait que les humains ne sont pas la seule civilisation évoluée de l'Univers, le postulat réaliste serait qu'une civilisation extra-terrestre pourrait être pacifique, cultivée et tolérante. Elle est aussi égayée par une proposition hallucinante d'ironie faite par Ulysse, un ami extra-terrestre de Wallace, afin de donner une nouvelle chance à l'Humanité: la stupidité, c'est à dire la déficience mentale. L'Humanité perd tous ses savoirs pendant un temps donné, puis recouvre son intelligence afin de se reconstruire plus intelligemment. Mais, le succès ne semble pas être vraiment garanti. « Je peux quand même vous donner un espoir: nous mettons cette méthode uniquement à la disposition des races qui nous paraissent mériter d'être sauvées » (p 155)...à prendre avec des pincettes et circonspection, non?


Quelques extraits:


« Il avait manipulé quelque chose qu'il ne comprenait pas. Et il avait commis un péché plus grave encore: celui de croire qu'il comprenait. Plus précisément, il en avait compris assez pour que la théorie donnât un résultat pratique – mais pas assez, cependant, pour en discerner toutes les conséquences.
Créer, c'est être responsable et Enoch ne pouvait assumer que la responsabilité morale du mal dont il était l'auteur. Or la responsabilité morale ne sert strictement à rien si l'on est incapable de réparer au moins dans une certaine mesure le mal qui a été commis. »
(p 90)


A propos du Talisman:


« Autrefois, toutes les races étaient unies. Des différences, il en existait, naturellement, mais elles étaient surmontées. Il y avait un dessein commun: forger la grande fraternité des intelligences. Nous avions conscience d'être, ensemble, détenteurs d'un prodigieux capital de connaissances et de techniques. En travaillant de concert, en rassemblant tout ce savoir, toutes ces compétences, nous pouvions parvenir à quelque chose d'infiniment plus vaste et plus décisif qu'aucune race oeuvrant seule. Nous avions nos difficultés, nos différents, mais nous avancions. Nous négligions délibérément les animosités mesquines, les querelles médiocres, pour ne nous attaquer qu'aux points d'opposition importants, certains que si nous réussissions à régler les problèmes sérieux, les autres nous apparaîtraient si minces qu'ils s'évanouiraient du même coup. Mais, actuellement, la situation s'est modifiée. On note une tendance à s'attacher aux détails infimes pour les enfler démesurément. » (P 151)


« Furieux contre le destin (mais cela existait-il, le destin?) et furieux d'être confronté à tant de stupidité. Pas seulement la stupidité intellectuelle de la Terre mais aussi celle de la galaxie. Furieux à cause de toutes ces mesquines chicanes qui faisaient obstacle à l'avènement de la fraternité des peuples, de ces querelles dérisoires qui avaient fini par gagner ce bras galactique. Il en allait de la Galaxie comme de la Terre: l'abondance et la complexité des gadgets, la noblesse de la pensée, le savoir et l'érudition pouvaient édifier une culture, pas une civilisation. La vraie civilisation, ce devait être quelque chose d'infiniment plus subtil que le gadget ou l'intellectualisme. » (P 174)


« Je regrette que nous l'ayons effrayé, se contenta de répondre Enoch. Personne ne devrait avoir peur de cela.
C'est de lui-même qu'il a peur, répliqua le facteur. La peur est en lui.
C'est vrai, se dit Enoch. L'Homme a peur. Il a toujours vecu avec la peur. Il a peur. Peur de lui-même. »
(P 211)


« Il n'y aurait pas de paix, de paix véritable, tant qu'un homme fuirait en hurlant sa terreur. Il n'y aurait pas de paix dans la tribu humaine tant que le dernier des hommes n'aurait pas abandonné sa dernière arme – quelle qu'elle soit. Un fusil était la plus modeste des armes terriennes, le plus modeste des signes d'inhumanité de l'homme. Inhumanité dirigée contre l'Homme. Un fusil n'était rien de plus que le symbole de toutes les autres armes encore plus meurtrières qui existaient. » (p 216)


Roman traduit de l'anglais (USA) par Michel Deutsch

dimanche 24 juin 2007

Quel animal/être mythique se cache en vous?

J'ai fait le test comme maijo et cathulu. Et je suis :
Une fée!!!



You are a faerie. Faeries are miniature, winged versions of humans or elves. They are usually very merry and cheerful. They are masters at healing and magic. They symbolize peace, happiness, faith, and purity. They are usually very beautiful. And not to be confused with the pixie they are not mischeivous or ill-tempered.
Si vous désirez savoir qui se cache en vous cliquez ici

Un heureux événement

La narratrice nous fait vivre au rythme de la grossesse de sa soeur et Yôko Ogawa en profite pour distiller poésie du petit rien et angoisse diffuse autour d'un événement que l'on a l'habitude d'appeler « heureux ».
Au commencement, rien ne transparaît: pas de changement physique notable, visible, seul une indifférence étrange est notée. La grossesse? Et alors!, semblent dire les futurs parents. Le lecteur a l'impression que cet état pèse à la future mère, qu'il met mal à l'aise la soeur et rend encore plus insipide le futur père. Est-ce le prisme du regard japonais qui provoque un léger malaise chez le lecteur occidental? Ou alors, est-ce dû à l'intériorisation des sentiments, des émotions de la culture extrême orientale?
De fil en aiguille, les différents « stades » de sensations inhérents à la grossesse sont décrits: les nausées, l'appétit d'ogresse, les envies délirantes, le ventre qui s'arrondit, les rondeurs qui s'accentuent, les difficultés à se mouvoir...tout y est!
Les nausées confinent la narratrice dans la clandestinité culinaire: la moindre odeur devient puanteur et proscrite. Une période cauchemardesque appose sa chappe de plomb sur la maison.
« Elle pleurait vraiment du fond du coeur. Sa manière de pleurer était aussi remarquable que si elle avait joué la comédie, ses cheveux tombaient sur son visage, ses épaules tremblaient légèrement, sa voix était mouillée de larmes. J'ai posé ma main sur son dos pour la consoler....Je voudrais que tu fasses quelque chose. Quand je me suis réveillée ce matin, j'étais tout imprégnée de cette affreuse odeur. J'en avais la bouche, les poumons et l'estomac retournés, et les intestins engloutis dans un tourbillon, m'a-t-elle dit entre deux sanglots. » (p 29)


« Chaque odeur s'étale comme un ectoplasme, une autre vient l'envelopper et la phogocyte, une autre encore vient les rejoindre et ainsi de suite, à l'infini (...) Est-ce que tu sais à quel point les odeurs sont terrifiantes? On ne peut pas leur échapper. Elles m'ataquent sans aucune pitié. Je voudrais aller dans un endroit comme une chambre d'hôpital aseptisée. Là, je déviderai mes intestins et je les laverais à l'eau pure jusqu'à ce qu'ils deviennent tout brillants. » (p 29 et 30)

Puis, elles disparaissent aussi soudainement qu'elles sont apparues, pour laisser libre cours à l'appétit démesuré de la soeur enceinte ainsi qu'à ses envies les plus excentriques (ah! Le sorbet à la nèfle en plein hiver: un joyau d'ironie!). On retrouve les descriptions joliment imagées de Ogawa « De la pulpe d'or en feuilles cassantes comme du verre qui s'entrechoquent dans un bruit cristallin » ou encore « ...il me faut la peau souple et fragile, le duvet doré, le parfum délicat. ». Des descriptions colorées dotées d'une sonorité gracile et aérienne.
Vient la dévoration incessante de la confiture de pamplemousse à la petite cuiller. Derrière les mots juteux, sucrés et odorants, se cache une appréhension, celle de la disparition, de l'effacement, de la mort qui rôde dès qu'une vie prend forme: la toxicité du traitement des pamplemousse, fantôme d'un lent poison puvant corrompre l'intégrité du bébé à venir. Mais, rien ne peut empêcher la geste nourricière de la confiture ingurgitée inlassablement. La nourriture est là pour alimenter la vie mais elle peut être mortifère. De même que l'environnement aseptisé médical, avec ses multiples instruments froids et implacables, donne aussi bien la vie que la mort.
Lentement, une inquiétude puis une angoisse sourde s'instaurent chez la narratrice comme chez le lecteur. L'abîme sans fond est toujours palpable, provoquant sentiment d'insécurité et peur même lors d'une période aussi fabuleuse qu'une grossesse, qu'une future maternité.
On pourrait reprocher à Yôko Ogawa cette propension au pessimisme, à la noirceur de sa vision du monde. Cependant, l'ironie, souvent cruelle, met en lumière une attitude « politiquement incorrecte » salutaire: en effet, pourquoi chaque femme devrait-elle vivre une grossesse harmonieuse et heureuse? Pourquoi uniformiser les sensations? Pourquoi gommer les angoisses indissociables de la grossesse et de la maternité: angoisses naturelles, normales, que l'on ne devrait pas occulter.
L'univers d'Ogawa est étrange, dérangeant autant qu'iconoclaste et essentiel: sous l'apparente joliesse des choses, de la vie, un méandre souterrain de peurs inavouées taraude l'être humain qui n'ose pas toujours les crier. Et, Yôko Ogawa a l'élégance de le faire avec une écriture qui envoûte les petits riens du quotidien avec un charme indicible mêlant traditions ancestrales (l'offrande de spécialités du Nouvel An, d'un "long morceau de tissu blanc avec un chien imprimé ...c'est le jour du chien du cinquième mois" porte bonheur et augurant une délivrance sans douleur) et modernité.




Lou l'a lu aussi.


Roman traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle




samedi 23 juin 2007

De l'autre côté du miroir

Pour une fois que je trouve rapidement à la médiathèque un titre vu plusieurs fois sur les blogs! Je me suis précipitée dessus, telle la vérole sur le bas-clergé breton, et me suis lancée dans une lecture aussi désopilante que désarçonnante, aussi étrange que limpide.
La couverture m'avait plu aussitôt: une interprétation d'"Alice au pays des Merveilles", un de mes romans préférés, tout en douceurs pastels. Je me suis dit: il va y avoir de la traversée de miroir dans cette hsitoire! Eh bien, oui et non mais un passage de l'innocence de l'enfance au monde des grandes personnes et des vérités difficiles à admettre.
Rose est une petite fille étrange: elle a 15 ans et en paraît 7, elle est obèse mais d'une finesse extraordinaire lorsqu'elle observe le monde de sa terrasse. Bien entendu, elle a des lapins! Rose est particulière, spéciale: on a l'impression qu'elle ne saisit rien dans la vie alors que ses monologues intérieurs sont d'une saisissante perspicacité et d'une intelligence aiguë. L'enveloppe recelle un véritable trésor de sensibilité.
Rose a une très très jolie maman répondant au doux nom de Rose. Elle vend des bonbons, a une perruque blonde (ses cheveux ne sont plus, pour qui pourquoi? Mystère mais Rose invente de belles explications), des tenues qui pourraient être vulgaires mais qui « passent » portées par elle.
Rose a un papa, énoooorme, qu'elle appelle « Monsieur Loyal ». Pendant un bon moment, le lecteur adhère à cette appelation...tant que durent les rêves de l'enfance. Rose a une imagination débordante et brode, brode, brode sans cesse sur les infimes gestes des adultes de son entourage et invente un passé à ses parents, de multiples explications au comportement maternel.
Quand quittons-nous l'enfance? Lorsque nous quittons la mère ou lorsque la mère nous quitte? Telle pourrait être la question sous-jacente de ce roman particulier, entre drôleries et tragédies.
Une lecture qui nous emmène, sans que nous y prenions garde, de l'autre côté du miroir: la vie imaginée et la vie vécue, deux bords de chemin sur lequel nous premenons nos guêtres, le coeur léger ou le coeur lourd, au rythme de la marche incessante vers le monde des limbes.


Les avis de Musky, Cuné, Flo, Laure et Sophie.

vendredi 22 juin 2007

Prix des Lecteurs du Télégramme: le gagnant est....





Ce soir, nous étions invités à la remise du prix des Lecteurs du Télégramme, au siège social du quotidien breton à Morlaix. Une adhérente de la bibliothèque de St-Agathon avait été tirée au sort, comme elle ne pouvait pas y assister elle nous a donné son invitation....invitation que nous avons acceptée avec un large sourire!
Comme dans tout espace vert breton, les jardins du Télégramme sont fleuris grâce aux hortensias que voilà:

Après avoir indiqué nos noms (il fallait montrer patte blanche), nous voilà installés dans la salle de réception: au milieu le podium et les micros, à gauche le buffet et les petits fours. (Ci-dessous Dominic Cooper)


Arrivée des officiels accompagnés des heureux élus: le patron du Télégramme, le Président du comité de lecture du Prix (un LCA, j'en suis certaine!) et le Président de la Région Bretagne....et Jérôme Tonnerre, le gagnant, avec son roman "L'Atlantique Sud" ainsi que Dominic Cooper, mention spécial du jury des lecteurs (le nombre de votes à les séparer était minime!), avec son roman splendide (je l'avais mis en première position) "Le coeur de l'hiver".


Jérôme Tonnerre s'est vu remettre un chèque de 10000€ ce qui fait du Prix des Lecteurs du Télégramme une récompense non négligeable! En écoutant le discours du Président de région, j'ai appris que la Bretagne était une des rares régions françaises à lire énormément (et hop, des étoiles en plus pour la Bretagne!). Une ombre au tableau: il y a de plus de gros lecteurs ( une moyenne de 25 livres par an) qu'une multitude de lecteurs.
Nous avons eu l'agréable surprise d'entendre une lecture publique sur fond musical de plusieurs passages, phares, du roman "L'Atlantique Sud": un moment magique qui fait oublier le temps et l'espace.
Le côté comique de la situation: nous étions, mon mari et moi, parmi les plus jeunes de l'assistance (nous sommes des quadras!): la lecture rimerait-elle avec retraite?
Les discours terminés, place au buffet où butinaient les spécialistes de ce sport. Nous sommes partis assez rapidement: les lauréats étaient assiégés et difficilement accessibles.
Promenade vespérale à Morlaix, ville d'estuaire bien agréable, et nous somme tombés sur une excellente crêperie: "La crêpe enchantée" où les galettes et les crêpes sont originales et délicieuses. De plus l'accueil est chaleureux et l'ambiance conviviale.

Encore félicitations aux heureux lauréats: Jérôme Tonnerre et Dominic Cooper que je remercie pour les merveilleux moments de lecture qu'ils m'ont offerts.

jeudi 21 juin 2007

Fête de la musique

Aujourd'hui, c'est la fête de la musique. Prenez quelques instants pour écouter ça:


"A nos chevaux, à nos femmes et à ceux qui les montent!"


Après avoir découvert l'univers de Dominique Manotti grâce au Prix des Lecteurs du Télégramme, je continue mon périple avec un deuxième roman « A nos chevaux! ».
Dominique Manotti explore encore et toujours l'univers glauquissime de l'argent roi, de l'argent facile et illégal. Et elle le fait sans concession, avec en arrière-plan des recherches très pointues sur le sujet.
Quoi de plus propice à une telle « étude » que le monde peu connu, malgré tout, des courses et des chevaux! Le tout saupoudré de trafic de drogue, d'escroquerie à l'assurance et de délit d'initié: un vrai bonheur pour tout amateur de roman noir.
Agathe Rouard, Nicolas Berger et Christian Deluc, montés à Paris après leurs études rennaises et leur militantisme politique de 1968, se retrouvent: Agathe et Nicolas dirigent la communication d'un grand groupe d'assurances (ah! Les années fric sous Mitterand...) tandis que Christian est devenu conseiller à l'Elysée. Une de leurs amies, Amélie, élève des chevaux de course en Normandie. Les ennuis commencent lorsque, jouant avec le feu, ils sombrent dans l'ivresse donnée par le pouvoir: des chevaux meurent mystérieusement, des écuries flambent un peu trop souvent, des indics disparaissent, des camions font d'étranges livraisons...le dérapage ne sera pas freiné à coups de lignes de cocaïne!
L'ivresse du pouvoir donne des ailes et ceux qui les possèdent ne sont que de fragiles icares: à vouloir aller trop haut, trop près des sommets brûlants, les ailes fondent et les dures sont les chutes. Surtout si ces personnes se frottent, en méconnaissance de cause, avec un commissaire de la Brigade des stupéfiants ( 36 Quai des Orfèvres) peu conventionnel, en la personne de l'imperturbable Daquin! Daquin et ses inspecteurs, Romero et Lavorel (flanqués pour l'occasion d'un Le Dem, policier à cheval) aussi peu conventionnels que lui forment une équipe de fins limiers que rien ne désarçonne, surtout pas les intimidations du pouvoir, des détenteurs de richesses souvent inavouables.
J'avoue que le personnage, récurrent, du commissaire Daquin est une formidable trouvaille: il est cultivé, a beaucoup voyagé et vécu à l'étranger, a un humour pince sans rire délicieux et un sublime goût vestimentaire et culinaire. Mais le détail qui le rend extraordinaire est son orientation sexuelle, bien éloignée des portraits traditionnels de « flics »: Daquin est gay. Son meilleur ami, aussi policier mais dans les Renseignements, se meurt du sida, son amant est un est-allemand qui pressent la chute du Mur. En quelques images, Manotti évoque les peurs et les joies des années 80. Pour en revenir à Daquin, il fallait oser en faire un homosexuel et ce détail donne une autre dimension au roman en lui offrant un point de vue différent. Daquin est imperméable aux flatteries, aux cajoleries et aux chantages ou menaces ce qui fait sa force. Daquin assume sa préférence sexuelle contrairement à bien des hommes dits de pouvoir. Ces derniers n'en sortent que plus pitoyables et nauséabonds au fil de l'intrigue.
Comme dans « Lorraine connection », Dominique Manotti peint les travers vils et immoraux des gens de pouvoir (bien entendu, il ne faut pas en faire une généralité) qui n'ont plus de limites en se croyant intouchables et au-dessus des lois de la société. Elle décrit à merveille cette violence acquise par la sensation de toute puissance: il est facile de perdre la boule lorsque l'on est amené à tenir des rênes essentiels du pouvoir politico-économique, lorsque le monde est à ses pieds. Les marionnettes deviennent de plus en plus tristes et le moindre petit grain de sable fait s'écrouler l'édifice fragile d'un pouvoir illusoire: les vrais requins, les grands prédateurs réussissent à sauver les meubles au contraire des fusibles!
Ce qui rend plus respirable l'atmosphère sombre du roman est la lueur apportée par ce Daquin, pistolero des temps modernes sans arme, qui n'a de cesse de remonter le courant afin de piéger les plus coupables: les grands ne sont pas à l'abri de la détermination d'un homme d'honneur.
Une auteure à découvrir et à suivre.


Quelques passages:


« Vous pouvez me dire en quoi consiste votre contrôle sanitaire? - Vous voulez vraiment savoir? Je me mets près de la porte arrière, au moment de l'ouverture, mais pas trop près, affaire d'habitude, pour bien saisir la première vague d'odeurs. Je sens si c'est frais et propre ou si la viande est chaude. Voilà. Pour le reste, j'ai très peu de crédits pour faire des prélèvements, de toute façon, quand les résultats des analyses arrivent, la viande est consommée depuis longtemps. Ici, il y a deux vétérinaires, pour plus de mille tonnes de viandes. Est-ce que j'ai répondu à votre question?....On ne peut pas compter sur un contrôle sanitaire pour détecter la présence éventuelle de drogue, d'accord. » (p 137-138)


« Deluc laisse négligemment traîner le texte sur la table, à côté de l'assiette de Daquin, tandis qu'il joint le secrétaire général de l'Elysée. Il revient s'asseoir, gonflé, heureux. Tout ce dîner, ici, à l'Elysée, une mise en scène un peu pitoyable. Ce type, on lui enlève son bureau, sa voiture de fonction, et il ne sait plus qui il est. » (p 204-205)

mercredi 20 juin 2007

Encore une histoire de chat!


"Un ami m'a offert récemment un ouvrage sur les chats. Je ne suis pas arrivé à déterminer exactement à quelle race appartenait le mien." Une quatrième de couverture très originale et très intrigante aussi mystérieuse que la couverture!


La géniale idée de cet album est d'avoir opté pour l'inadéquation du texte à l'image: le texte parle d'un chat et de ses diverses activités, plus ou moins louables et acceptables, tandis que l'image met en scène une adorable bestiole pas du tout encombrante pour deux sous! Quelle est cette petite bête adorable et mignonne? Un éléphant! Tout le sel se trouve là et l'on rit en lisant les illustrations sur lesquelles un éléphant adopte les postures félines! L'illustration mettant en image la phrase "Exceptionnellement, mon chat s'accorde quelques minutes d'exercice" est d'un humour ravageur: c'est l'éléphant qui saute partout dans la maison à la poursuite d'une pelote de laine et on imagine, en frissonnant, le bruit monstrueux et les tremblements que cette séance de gym tonic provoque. Mais, y a-t-il beaucoup de différence entre un chat en plein "quart d'heure américain" dans une maison et un éléphant dans un magasin de porcelaine? Les propriétaires de chat diraient que la différence est minime, non?!


Il y a aussi le succulent dessin concernant "Mon chat oublie toujours de s'essuyer les pattes avant de piétiner mon travail.": une belle lettre à un éditeur ornée de splendides traces éléphantesques! On sent le vécu dans ces mots!!!!


Au fil des pages et des illustrations, les mimiques des chats sont croquées avec humour et beaucoup d'amour: les amoureux, comme les allergiques, des chats y trouveront leur compte et dégusteront cet album plein de fraîcheur aux belles illustrations pastels.

mardi 19 juin 2007

Voyage en Amérique

C'est le premier livre de Jim Harrison que je lis...lacune que j'ai comblée il y a quelques mois et diantre que je me suis régalée en dévorant ces 3 portraits d'hommes !! La vengeance amoureuse qui n'assouvit rien et qui ne conduit qu'au désert immense de la solitude ou fait plonger dans le désespoir de la perte d'un être cher. Le décor est celui du Mexique, de ces espaces arides, difficiles, blanchis par le soleil, de ces hommes puissants, trafiquants de tout poil à la gachette facile. L'inanité du pouvoir de l'argent, social de la réussite. L'homme ayant réussi sa carrière dans une grande entreprise capitaliste et qui se rend compte que tout cela n'est que vent. Une porte de sortie : la danse, exutoire du mal être. La danse qui fait oublier qui on est, qui fait oublier son nom et qui libère l'esprit. Le Montana et ses grands espaces qui emplissent le coeur d'un homme, Tristan, qui après avoir combattu dans les tranchées, se retrouve à apprendre à conduire un navire. Celui de son grand-père. Après les paysages du Montana, les paysages océaniques... Deux versions de la liberté d'aimer, de vivre, de grandir, de devenir homme avec ses joies et ses douleurs.Un point commun chez ces 3 hommes : leur solitude viscérale et leur originalité perdue dans le monde de l'uniformité. La liberté serait-elle synonyme de solitude ? Une écriture forte, sensible que l'on a du mal à lâcher après la lecture.

Roman traduit de l'anglais (USA) par Serge Lentz

lundi 18 juin 2007

Taggée, vous avez dit taggée?


Voilà, c'est moi le chat...chatperlipopette alors! Un nouveau jeu rien que pour moi? Non, mais disons qu'il me va bien. Il me sied si bien que Véronique m'a taggée et miaou, je me retrouve à vous dévoiler 7 choses, nouvelles, à mon sujet.

Tout d'abord, la règle du jeu:

la personne taggée livre 7 choses personnelles la concernant sur son blog, ainsi que le règlement. Elle doit ensuite tagger 7 autres bloggeurs, et leur laisser un message pour les prévenir : "C'est toi le chat !"


Mes 7 petites révélations:


1) Je suis l'aînée d'une fratrie de 3 :1 soeur et 1 frère après moi. J'ai été frustrée par cette place, pas si bien que cela quand on est jeune, de première née et de n'avoir ni grand frère ou grande soeur....maintenant j'assume ma place de prem's!


2) J'ai fait des études littéraires qui m'ont menée au métier d'institutrice en maternelle. A ce propos, lors de l'entretien, pour devenir dirlo, passé devant un jury composé d'un conseiller pédagogique, d'un maître formateur et de l'Inspecteur d'Académie Adjoint, de l'époque, une question "vache" m'avait été posée: "Pensez-vous qu'il soit nécessaire d'avoir une maîtrise de lettres sur Kundera pour enseigner en maternelle (NB: déjà, l'EN recrutait à Bac+3...cherchez l'erreur!)? Pourquoi avez-vous continué vos études universitaires?" J'étais estomaquée par ces questions déroutantes à souhait. Je me rappelle avoir été troublée puis avoir répondu que les elèves de maternelle pouvaient prétendre, au même titre que les autres, à entrer en littérature et que j'avais poursuivi mes études pour mon plaisir et ma passion de la littérature. Plaisir, passion: de bien vilains gros mots aux yeux de mon administration!


3) Je suis née au mois de Mai, le mois des chats (et accessoirement celui des élections présidentielles): comme quoi, on n'échappe pas à son animal fétiche!


4) Bien entendu, j'ai adoré jouer à "Chat Perché" lorsque j'étais petite! Le plus drôle est que je joue, de temps à autre, à "Chat Perché" avec mes loupiots à l'école! Finalement, il est chat-crément chouette mon job!


5) J'ai des rêves un peu fous: une croisière sur le Nil à la rencontre des pyramides et de Bastet, aller à la découverte du Japon où les chats porte-bonheur, Maneki Neko, sont omniprésents!


6) "Les contes du chat perché" ont été une lecture tardive....je me demande toujours encore pourquoi. Les aventures des chats siamois Koko et Yom Yom écrites par Lilian Jackson Braun m'ont toujours fait rire car j'y retrouvais, immanquablement, les délicieux travers de ma siamoise Isatis, dite Zouzou.


7) Je possède une jolie collection de mugs déclinant le thème du chat en de multiples variantes. J'ai également beaucoup de bibelots-chat. En fait, tous les objets-chat trouvent un foyer accueillant chez moi (sous l'oeil vigilant de Mr.Chatperlipopette!).


Maintenant qui vais-je tagger? A qui vais-je dire "C'est toi le chat!"? Il me faut 7 chats virtuels: Turquoise, Michel, Mirontaine, Allie, Moustafette, Kalistina et Yvon!!!

Blessés


John Hunt a décidé, un jour, de s'installer dans l'Ouest, d'acquérir un ranch, d'y élever du bétail et des chevaux. Très vite, il préfère se séparer du bétail et se consacrer à l'élevage des chevaux. Son épouse, Susie, meurt suite à une grave chute de cheval, son oncle Gus vient vivre avec lui. Une vie calme au rythme des travaux agricoles, des bouchonnages et des entraînements scande le quotidien de John et Gus. Leurs plus proches voisins sont des Indiens, Morgan et sa mère Emilie, femmes émancipées, peu conventionnelles (Morgan et John se plaisent et s'aiment) et dynamiques. John et Gus sont noirs. Ils sont cultivés, instruits, possèdent deux toiles de maîtres: John a étudié l'histoire de l'art à l'université. Nous sommes loin des clichés hollywoodiens des westerns américains. Nous sommes à mille lieues de l'Amérique de Georges W. Bush.
Un jour, Wallace, un ouvrier travaillant avec John et Gus, est arrêté et accusé de meurtre: un jeune homosexuel a été retrouvé assassiné. Wallace clame son innocence, en vain, et est retrouvé pendu dans sa cellule. John apprend par le frère de Wallace que ce dernier était homosexuel...Qui a pu commettre un acte aussi horrible? Peu à peu, une peur transpire: des rednecks traînent dans le coin. Un redneck est un plouc, grossier, inculte et viscéralement raciste aux Etats-Unis. Bref, un redneck est un indécrottable beauf obtus et borné.
Le shériff est loin d'être à l'aise devant cette affaire sordide: il ne semble pas vraiment désapprouver certaines idées rétrogrades notamment vis à vis des homosexuels. L'Amérique profonde est tout sauf ouverte sur la différence....comme toutes les campagnes profondes du monde.
Percival Everett distille, patiemment et subtilement, des bouffées d'angoisse dans son récit. John recueille une portée de coyotes mal en point après l'incendie de leur terrier et la mort de leur mère, brûlée vive. Un acte de violence et de haine gratuit car il n'y aucun troupeau de moutons à protéger aux alentours. Un des petits ne s'en sort pas. Le deuxième perd une de ses pattes: le retour à la vie sauvage est compromis et le dressage s'impose. Puis vient l'abattage successif de deux vaches appartenant au voisin indien Daniel Bison Blanc: les bêtes sont laissées à pourrir (énorme gâchis aux yeux des indiens qui détestent que l'on massacre, pour le simple plaisir pervers, le bétail) et l'inscription « nègre rouge » avec le sang de la bête est en évidence. Là encore, le shériff ne semble pas désirer mettre en branle la machine judiciaire pour retrouver les coupables. Pourtant, le shériff apparaît comme une personne tolérante et amicale. Tout le monde voit-il d'un bon oeil des ranchers indiens ou noirs sur les terres de l'Ouest?
Everett instaure une atmosphère encore plus inquiétante lorsque arrivent David, le fils d'un ami de John, et Robert son petit ami. Au cours d'une manifestation de soutien au mouvement gay qui tourne court, des rednecks viennent provoquer David et Robert. Le shériff éloigne avec fermeté mais sans animosité les fauteurs de trouble.
L'équilibre que John est parvenu à construire dans sa vie, dans son rapport en symbiose avec la nature, les saisons, les animaux, se fissure peu à peu par ces incidents plus déstabilisants les uns que les autres. Cet équilibre s'avère d'autant plus fragile lorsque David vient vivre, quelque temps, avec John, Morgan et Gus.
Un soir, David en colère contre son père qui n'accepte pas son homsexualité, s'enfuit dans le froid hivernal. John part à sa recherche, le retrouve transi de froid, proche de l'hipothermie: une solution, se réfugier dans la grotte toute proche et tenter de le réchauffer. Pas de bois sec, uniquement la chaleur du corps: John réchauffe avec son corps celui de David. Ce dernier embrasse fougueusement John....un malaise naît de cette expérience insolite. Percival Everett, dans cette scène, provoque interrogations et images confuses dans l'esprit de John. John auquel le lecteur hétérosexuel peut s'identifier et par son truchement s'interroger sur ses propres réactions dans une situation similaire. Et il apparaît que la frontière est bien mince entre la tolérance et le racisme envers la différence.
La tension atteint son paroxysme lorsque, pour la seconde fois, David disparaît. A t-il été victime d'un acte raciste? A-t-il simplement fugué? Au final, David succombe sous les coups des rednecks, David est supplicié par ces hommes frustres et violents. Un acte de racisme ordinaire qui gangrène une société multiraciale aux infinies intolérances. La chute n'est pas si inattendue que cela mais elle ne porte en rien préjudice au déroulement de l'intrigue excellement menée par Percival Everett.
Je ne connaissais absolument pas cet auteur américain et j'ai été subjuguée par son écriture dynamique, elle souligne l'action sans temps mort, qui utilise avec brio les ressources extraordinaires des non-dits, des sous-entendus, des « entre les lignes ». Il suit son chemin narratif en épousant les décors sublimes qu'il a mis en place et dénonce, sans utiliser de grossiers et inutiles artifices, toutes ces haines sordides et stériles de l'Amérique d'aujourd'hui.
Et au lecteur de se demander pourquoi la vision que le reste du monde a des Etats-Unis est celle d'un pays intolérant, jaloux de sa suprématie et gangréné par la violence, alors que l'image donnée par sa foisonnante littérature sans concession est celle d'un pays qui ne se voile pas la face devant les manquements de sa société et de sa politique. « C'est la frontière ici, cow-boy...Partout, c'est la frontière. » entre l'acceptable et l'intolérable, entre l'acceptation et la dénonciation d'odieux comportements. La condition humaine est fragile, friable, sur un fil ténu qui peut la faire basculer dans l'inadmissible.
Une belle leçon d'humanisme que l'on dévore au fil des 271 pages de ce très, très beau roman!

Incoldblog l'a lu ainsi que Papillon et Eontos.




Roman traduit de l'anglais (USA) par Marie-Laure Tissut



dimanche 17 juin 2007

Pour mon Papa


C'est la chanson que j'ai fait apprendre à mes loupiots pour qu'ils la chantent aujourd'hui à leur papa:


"Bonne fête Papa chéri

Oui je t'aime, oui je t'aime!

Bonne fête Papa chéri

Oui je t'aime à la folie!"


En même temps, si mon papa vient visiter le blog de sa fifille aujourd'hui....j'espère que cela lui fera plaisir.

Double vie


La première phrase met en situation le lecteur: « Pas de vie sans double vie. »: tiens, même le plus insignifiant d'entre nous, a une double vie? La double vie peut-elle être tous les non-dits jalonnant une vie? Est-elle la vie ou la fin d'une vie?
Le juge nouvellement nommé, Daniel Savage retrouve une vie sereine auprès de son épouse Hilary: ils vont quitter leur appartement pour une jolie villa avec jardin...le bonheur est presque palpable. Tout est bien dans le meilleur des mondes, même si la fille aînée du juge Savage est en pleine crise d'adolescence. Rien de plus banal. Jusqu'à ce qu'une des anciennes maîtresses du juge, Minnie, reprenne contact et solliciter son aide. Le hic vient du fait que la jeune femme est devenue sa maîtresse au cours d'un procès, lorsqu'il était avocat, dans lequel il plaidait et dans lequel elle siégeait en tant que jurée...ce qui est peu déontologique et illégal!
La double vie de Daniel Savage le rattrape et l'englue dans des situations plus inextricables les unes que les autres. Entre violent passage à tabac, procès collectif de jeunes gens accusés d'hominicide involontaire après jeté une pierre sur le périphérique, la crise d'adolescence à la limite de la perversité de sa fille (cette dernière lui fait des avances outrancières!), le léger chantage exercé par un policier au courant de ses diverses petites turpitudes, Daniel Savage renoue avec son frère adoptif (le juge est un enfant adopté d'origine brésilienne), rompt définitivement avec son meilleur ami et décide enfin de se libérer de tous ces poids qui lui pourrissent la vie.
On pourrait détester le juge Savage parce que l'on se dit qu'il a bien mérité qu'un jour, après une vie de mensonges, on lui demande des comptes. Ce serait trop simpliste car Daniel Savage est tout sauf un homme méprisable et vil. Non, c'est un homme qui ne sait pas résister aux charmes féminins car c'est un homme qui aime passionnément les femmes, toutes les femmes. Daniel Savage est un homme qui a réussit socialement et qui devenu juge, certainement parce qu'il est compétent mais parce qu'il est noir, se rend compte que cette tâche est tout sauf facile: présider un procès en laissant les différentes parties s'affronter et faire le point des débats en toute impartialité de façon à ce que le jury puisse délibérer en son âme et conscience, est un exercice épuisant où même la plus belle des rhétorique n'apporte aucun secours.
L'écriture de Tim Parks est déroutante, au début, par le choix des points de vue, des voix, s'imbriquant les uns dans les autres: l'auteur mêle les pensées intimes de son personnages (ses souvenirs, ses digressions, ses sentimenst, ses jugements...) avec l'action du récit (les procès, les moments en famille, les disputes, les rencontres...). Une confusion qui semble rebutante au premier abord mais qui, au final, donne une force et une intensité dramatique au roman.
Tim Parks brosse un portrait peu flatteur de la société britannique qui stigmatise les différences de classes sociales par des détails subtilement dévastateurs tels que l'accent (Oxford, Cockney) ou le style d'ameublement d'une maison. Il dénonce l'hypocrisie de la « bonne société » qui cache les déviances de certains de ses membres, qui cache des doubles vies peu recommandables, des doubles vies qui peuvent mener sur les routes infinies de la folie et de la perversité. Ainsi le personnage extravagant et irritant de Christine, l'épouse insatisfaite de son meilleur ami. Ou encore celui, plus trouble et plus dérangeant, de Martin, brillant avocat sombrant dans une profonde dépression et un dégoût du monde, Martin, ami dévoué qui semble-t-il a eu une double vie bien sombre (des photos à caractère pédophile sont retrouvées cachée dans un vieux meuble).
Le juge Daniel Savage explore donc, à son corps défendant, les forces contradictoires qui gouvernent les rapports humains: les attirances, les répulsions, les fascinations, les perversités, les diverses petites méchancetés et grandes gentillesses, les grands mensonges et les petites vérités qui font mal.
Daniel Savage peut croire qu'il va pouvoir s'émanciper de ses maladresses et de ses mensonges du passé et vivre autrement sa vie. Mais, un soir Minnie le rejoint, elle a été battue avec violence et s'effondre dans sa chambre d'hôtel: la goutte d'eau qui fait déborder le vase....le juge se retrouve face à lui-même, à une décision qu'on ne lui a pas laisser prendre et à ses manquements « On m'a tout enlevé. Il répète inlassablement ces mots. Tout enlevé. Je n'ai pas agi. Son regard est à nouveau attiré par l'écran. Ne vous en faites pas. Les mots ont une sorte de reflet bleu. ».
Daniel Savage est un personnage attachant: il porte un regard réaliste sur le cours des choses, il essaie de se racheter une conduite car il a, enfin, compris que l'essence de son bonheur est dans la stabilité de son couple, il cumule les maladresses qui l'éloigneront, inexorablement, du bonheur familial et conjugal. Il perçoit, au fil de ses mésaventures, que les dés sont pipés parce qu'il est un symbole idéal d'intégration et de réussite sociale. Sa rédemption semble lui échapper à mesure que ses menus délits ne seront pas sanctionnés: le lecteur sera libre de la lui accorder ou non selon le chemin de compréhension qu'il aura envie de prendre à la fin du roman.
La fin est frustrante mais elle ne peut pas être autre sans quoi le roman deviendrait plat.
Une belle découverte littéraire, au hasard de l'exploration des rayonnages de la bibliothèque!


Roman traduit de l'anglais (GB) par Jean-Yves Le Disez

samedi 16 juin 2007

Lecture Passion







Quand on aime quelque chose passionnément, on aime en parler, on aime faire partager l'objet de sa passion avec autrui.


Si vous êtes un LCA, un mordu de la lecture mais aussi du partage des idées, des impressions de lectures, venez faire une petite visite à Parfum de livre....parfum d'ailleurs et cliquez ici.

L'instant Thé!!!

Les jours passent et ne se ressemblent pas...heureusement!
Hier soir, m'attendait un énoooorme colis venant du comptoir du Thé de Long-Ying, une nouvelle antre de perdition dont Moustafette a fait l'éloge! J'ai soulevé le couvercle qu'elle proposait et j'ai commandé ceci:






Leurs pots à thé sont très beaux! Quant aux thés....je déguste "Secret Tibétain" cet après-midi.

jeudi 14 juin 2007

En attendant....



Non pas Godot mais mon billet sur "Double vie" de Tim Parks, un moment de "zénitude" bien mérité après une journée que je pourrais qualifier d'"horribilis".


Posez-vous quelques instants, plongez dans le calme de cette belle photo de jardin zen en écoutant ce morceau:





Normalement, après on se sent reposé et nettement mieux !!!

mercredi 13 juin 2007

Histoire de chenille


En ce moment, les chenilles cherchent des coins tranquilles pour tisser leur cocon. Dans ma classe, deux chenilles "dorment" en attendant leur transformation. Nous comptons les "dodos" chaque matin et nous collons un carré de papier couleur pour matérialiser ce temps qui passe.

C'est pourquoi je ne résiste pas à parler de cet album d'Eric Carle, célèbre dans les classes maternelles de France et de Navarre: "La chenille qui fait des trous".

Une chenille grignote, grignote chaque jour des morceaux de fruits et de légumes et y laisse des trous! Jusqu'au jour où elle n'a plus faim du tout et où elle se fabrique un cocon. Et que devient-elle alors? Un spendide papillon aux couleurs des "bouts" que la chenille avait mangés!!! L'histoire peut sembler banale mais les couleurs sont superbes et les trous aménagés dans l'album ravissent les tout-petits!

mardi 12 juin 2007

Un aperçu de mon jardin citadin





N'ayant pas encore terminé "Double vie" de Tim Parks, je vous livre quelques vues de mon jardin. Tout au bout, après les arbres, coule Le Trieux qui nous donne des sueurs froides les jours de grandes pluies!
Et à la demande de Bellesahi, le poème qui m'a le plus émue (il a été cité plusieurs fois lors de la ronde des poètes):
"Demain dès l'aube" de Victor Hugo (Les Contemplations)
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Je l'ai appris en CM2 et j'avais eu un mal fou à le retenir: dès les premiers vers, j'éclatais en sanglots!!!

lundi 11 juin 2007

Mme Butterfly

Je ne résiste pas à l'envie de partager un de mes airs favoris: un passage très émouvant de l'opéra de Puccini, "Madame Butterfly", "Un bel di vedremo".


dimanche 10 juin 2007

Le cercle des philosophes disparus


Je désirais découvrir Pascal Quignard depuis quelques temps et Moustafette a exaucé mon souhait (encore merci au swap!).
J'avoue avoir été déconcertée par la teneur du roman, teneur très pointue, philosophique et souvent ardue à saisir. Peu à peu, le rythme prenant le dessus, je suis parvenue à « entrer » dans le récit et la lecture devint plaisir!
Comment parler de ce roman atypique?
Un groupe d'amis, intellectuels parisiens, se réunit, régulièrement, autour d'un excellent repas au cours duquel ils philosophent, discourent, disputent, vilipendent, crient et rient. Après le dessert, ils forment quatuors et trios pour jouer Mozart, Hayden, Fauré...Le narrateur, dont le lecteur ne connaîtra pas le nom, rapporte au fil des jours, les menus faits et grands discours avec plus ou moins de distance selon son humeur. La partie de l'histoire de ce groupe d'amis relatée se déroule sur une année et commence avec la dépression traversée par l'un d'entre eux: A. En effet, les personnages, les protagonistes sont de temps en temps désignés par leur patronyme mais plus souvent par leur initiale. Ce qui donne l'impression au lecteur de lire une partie du journal d'un homme du passé: lui connait les personnes et donc ne les désigne pas plus que cela tandis que le lecteur est en position d'observateur mis à distance. Il suit les déboires, les heurs et malheurs des uns et des autres, s'agace de leurs manies parfois ridicules, rit de leurs dissertations et de leurs joutes oratoires aussi futiles que pleines d'enseignements et s'ennuie de temps en temps lorsqu'ils s'écoutent parler.
Il m'a semblé que Pascal Quignard mélangeait avec subtilité plusieurs types d'écritures dans son roman: la forme la plus évidente est celle du journal, l'écriture diariste puisque le récit s'effectue au jour le jour. La durée est déterminée: une année ce qui permet de mettre en relation le contenu et la couverture (extrait des « Riches heures du duc de Berry, l'hiver »). Le narrateur indique au lecteur chaque changement de saison et parsème ses notes d'allusion saisonnière.
Il apparaît évident que Pascal Quignard fait sans cesse référence au « Banquet » de Platon: les réunions autour d'une table bien garnie où les discussions philosophiques fleurissent entre les convives en sont ses successeures. Chaque repas, souvent de poissons aux saveurs subtiles et goûteuses, annonce un discours sur la nature de l'amitié (sa source, son contenu), les différentes possibilités de combattre la dépression en faisant référence aux courants de la psychanalyse, la langue et ses subtilités arides et sévères (les disputes entre le grammairien puriste voire extrémiste et les autres sont édifiantes et relatées avec beaucoup d'humour et d'ironie), la peur de la mort et du vide, la naissance, la maternité et la paternité...
A certains moments, le lecteur a l'impression de lire un roman japonais: les riens de l'existence sont exhumés sous la plume tels des non-dits éclairant le récit. La narrateur ne manque jamais de souligner ce qu'il y a dans le vase posé dans l'entrée de chez A. et E. :


« Dans l'entrée, près du corridor, une bruyère un peu sèche, usée, que je n'avais pas remarquée la veille »


« Je passais rue du Bac. Dans le coin le plus obscur, à gauche du corridor, des fleurs mises à sécher, la tête en bas, aux hautes tiges et aux pétales blancs, dont j'ignorais le nom. »


« Dimanche 22 avril. Je passais rue du Bac vers quinze heures. Dans l'entrée, sur la commode proche du corridor, trois tulipes ochracées, acrimonieuses, raides. »
etc... Ces infimes remarques donnant le ton à la visite, à l'état d'esprit des personnages. Les petits riens qui disent beaucoup en restant muets. Ils permettent au lecteur peu habitué aux notions de philosophie de rester dans le rythme du récit, de ne pas en perdre trop le fil. Quignard distille aussi, au beau milieu des ergoties des convives, quelques détails sur les plats présentés à ces derniers. Et il est amusant de noter que l'ambiance est révélée par le choix des adjectifs ou des adverbes autour des mets dégustés.
Un roman étrange, complexe, qui entraîne le lecteur dans l'exploration d'un désarroi que l'on parvient à surmonter en étant entouré d'amis querelleurs, ergoteurs, pinailleurs, parfois insupportables mais soudés et tendant la main au bon moment. Les plaisirs de la table, de la chère, de la musique et des lettres, les plaisirs des belles choses de la vie, embellissent une vie minée par l'angoisse de n'être que vide, néant et proche de la mort. Une belle réflexion littéraire sur la vie, sur les êtres sociaux que nous sommes, où les références culturelles sont denses et exhaustives.
Un régal qu'il faut mériter car, parfois, l'envie de fermer le livre prend le lecteur fatigué des disputes intellectuelles tournant en rond.

samedi 9 juin 2007

Une belle surprise!

Hier soir, en rentrant de l'école fatiguée et "assommée" par la chaleur enfin revenue, j'ai eu la joie de découvrir une enveloppe apportée pour moi par le facteur! C'était Bellesahi qui m'adressait ceci:
Deux beaux marque(s)-page (je ne sais jamais où mettre la marque du pluriel dans ses satanés mots composés: Eric Orsenna au secours!!!!) et une très jolie carte ! Il est adorable ce monsieur à bacchantes sortant les bras chargés de la librairie, non? Moi, il me plaît énormément!!
Mille mercis à Bellesahi pour ces "roudoudous" qui ensoleillent une fin de journée.
J'ai quasiment achevé la lecture de "Carus" de Pascal Quignard...le billet sera pour très bientôt.

jeudi 7 juin 2007

Grammaire ? vous avez dit grammaire ?


Quel sujet rébarbatif !!! Il faut être fou pour écrire sur la grammaire ! Oui, il faut être fou de la langue française comme Orsenna pour écrire un roman sur la grammaire.Cette chanson douce se lit d'une traite, l'île des naufragés des mots est extraordinaire, la ville des mots sublimes et le clou de l'histoire, la rencontre avec St-Ex, Proust et La Fontaine : les mots ne meurent que si on ne les écrit pas.La rencontre avec "Je t'aime" est attendrissante, pleine d'émotion. De même que la rencontre avec la doyenne de l'île qui dit les mots les plus rares pour qu'ils ne meurent pas.Le pittoresque du stage "grammaire" orchestré par l'Inspectrice de français qui nous fait comprendre qu'à trop ergoter sur la langue on la dessèche et on la fait mourir.

Un roman à lire avec ses enfants lorsqu'ils sont dégoûtés par les exos de grammaire ou de conjugaison : l'image de l'usine à phrases est extraordinairement lumineuse et la structure de la langue devient limpide !!!Les mots sont tendres et aimants... il suffit de les apprivoiser avec amour et respect.

Il ne me reste plus qu'à lire maintenant la suite "Les chevaliers du subjonctif"!

mercredi 6 juin 2007

Il y a 63 ans, à l'aube....

Des soldats sont venus libérer la France, puis l'Europe de l'occupation nazie.
D'habitude, à la télé, on ne coupait pas au "Jour le plus long", film à la gloire des armées de la Libération. Les temps changent. Sur la page d'accueil d'Orange, j'ai pu lire ce matin, en guise de commémoration, "D.Day, que faisait votre famille le 6 juin 1944?". Mes grands-parents ont entendu un étrange grondement: au début, ils pensaient que c'était le tonnerre...Ils étaient en Bretagne pourtant.
Il ne faut pas oublier les anonymes, dont a fait partie mon grand-père paternel, qui clandestinement ont permis ce Jour le plus long. Alors, souvenons-nous....

Dans le cochon tout est-il bon?


On dit souvent que: "Dans le cochon tout est bon", mais il arrive que parfois cela ne se vérifie pas, mais alors pas du tout! C'est un peu le clin d'oeil de cet album haut en couleur et parfois incorrect.

"C'est l'histoire d'une petite ferme nichée dans la verdure, mais affligée d'un énorme problème de couleur rose." A la lecture de la phrase d'ouverture, on sent que l'on va avoir des frissons.

Quel est ce "problème de couleur rose"? On le devine très vite. Il s'appelle Bernard et ce Bernard est la terreur de la ferme: tout le monde tremble devant lui. Jusqu'au jour où....

Je vous livre la quatrième de couverture, que je trouve excellente: "Ne soyez pas une tête de lard sinon...attendez-vous à une mauvaise surprise..." Il y a un encart amusant "attention danger" dans une bulle. Entre la couverture et la 4è, on ne peut pas dire que le lecteur n'ait pas été prévenu: ça va être certainement sanglant!

Les dessins sont très agréables tout en ayant un côté original, notamment les points de vue aériens, les textes intéressants grâce aux expressions faciles à retenir et à "mettre en bouche"( "c'est une montagne de graisse", "il est fou, hargneux, teigneux, rouspéteur et crâneur." "ça suffit", "ça complote, ça complote"), le vocabulaire peu usité ("catapulté", "vautré").

Un livre à lire lorsque les loulous deviennent insupportables afin qu'ils prennent conscience des risques encourus en dépassant les bornes. Cette lecture peut permettre de poser avec humour des limites à certains débordements...

mardi 5 juin 2007

Le peintre de batailles

C'est le premier roman d'Arturo Perez-Reverte que je lis et je suis tombée sur son dernier titre qui est une spendeur littéraire. La lecture est succulente du début jusqu'à la fin, elle est haletante, virevoltante, foisonnante de références picturales: un enchantement permanent.
Comment parler de ce roman sans rien dévoiler? J'ai été transportée par la beauté et la luxuriance du texte, de la langue, de sa traduction très réussie. J'ai eu l'impression d'être dans l'antre d'un artiste et d'avoir le bonheur d'observer un peintre en pleine création: les pinceaux, palette, couleurs, mélanges, chiffons, térébenthine se mouvaient au fil des phrases, la fresque prenanit forme devant moi au gré des mots.
Un photographe de guerre, Faulques, s'est retiré dans une ancienne tour pour réaliser l'oeuvre de sa vie: une fresque racontant l'intemporalité des batailles. Une course contre le temps sublime la fresque: une fissure est apparue devient menaçante telle un mauvais augure.
Un ancien soldat croate, Ivo Markovic, arrive et accentue la menace sur l'achèvement de l'oeuvre. Pourquoi est-il là? Que veut-il? Que cherche-t-il?
Commence alors un affrontement entre l'ancien soldat et l'ancien photographe du guerre, couronné de nombreux prix, commence une conversation philosophique entre les deux hommes qu'une photo rapproche et éloigne irrémédiablement. Cette photo a comblé Faulques de notoriété et a détruit la vie de Markovic qui vient réclamer une dette de sang.
Le premier fut le témoin d'une guerre sauvage, le second la victime: qui est responsable? Le photographe qui « shoote » pour informer le monde des horreurs perpétrées sans cesse ou le soldat qui est un élément de l'engrenage infernal de la guerre? Et si dans le chaos, se cachaient des règles géométriques immuables et implacables? Peut-on se libérer de ces logiques terribles? Peut-on les comprendre grâce à la science et à l'art?
Faulques tente de trouver un sens à sa vie, enfuie en perdant la femme qu'il aimait, en peignant sa fresque, en créant l'oeuvre de sa vie: celle qu'il n'a pu relater en regardant par l'objectif de son appareil photo. La peinture voit au-delà de la photographie: la main du peintre dans les couleurs et les gestes ajoute ce petit quelque chose, irremplaçable, que sont la conscience de l'âme et les sentiments éprouvés: une chaleur venue du plus profond de l'être que ne pourra jamais reproduire la froideur d'une focale. Le regard subjectif de l'homme, l'objectif de l'appareil photo: deux bouts d'une lorgnette sur le monde.
Markovic essaie de se reconstruire et d'oublier en se vengeant, tel un personnage de tragédie grecque.
Le roman est à l'image d'une tragédie grecque: une rencontre, du sang, des souffrances, une quête, un duel sublime tout en éloquence, le choeur est celui des vagues de souvenirs accompagnées du ressac de la mer ou du chant des cigales ou des grillons.
Les souvenirs tuent lentement, les souvenirs lacèrent l'âme, les souvenirs conservent les images, les ombres qui peuvent aider à meiux voir, à enfin comprendre la vie, à enfin donner un sens, du sens à la vie. La tour de Faulques est comme la caverne de Platon, sa fresque le fruit de la libération de ses chaînes: la fresque est l'accès à la connaissance. Cette connaissance enfin acquise leur permettra-t-elle, aussi bien à Faulques qu'à Markovic, d'assumer le fait que nul n'est innocent?
Un roman à tiroirs, aux ramifications littéraires et artistiques innombrables: un roman qui dérange parfois (les photographies de guerre ne font-elles pas pire que mieux?) mais qui toujours enchante.
J'ai aimé particulièrement les scènes où l'on voit Faulques manier ses pinceaux, ses outils, ses couleurs. La beauté de ses gestes frénétiques lors de l'achèvement de la fresque m'a émue au plus haut point: il utilise ses doigts et ne réalise plus que des lignes, des traits, des traces, mouvements ultimes d'un art achevé. Le collage final est absolument sublime et poignant.


On en parle ici, encore ici et enfin .

L'ouverture du roman:
" Comme chaque matin, il fit cent cinquante brasses vers le large et autant pour revenir à la plage en continuant de nager jusqu’à ce qu’il sente les galets ronds sous ses pieds. Il se sécha avec la serviette qui était accrochée à un tronc d’arbre roulé là par la mer, passa sa chemise, mit ses espadrilles et gravit le sentier étroit qui menait de la calanque à la tour de guet. Là, il se fit un café et se mit au travail, ajoutant des bleus et des gris pour parvenir à l’atmosphère adéquate. Pendant la nuit — il dormait de moins en moins, et son sommeil n’était qu’une torpeur incertaine —, il avait décidé qu’il aurait besoin de tons froids pour définir la ligne mélancolique de l’horizon où, dans une trouble clarté, se découpaient les silhouettes des guerriers qui marchaient près de la mer. Cela les nimberait de la lumière réfléchie depuis quatre jours par les ondulations de l’eau sur la plage grâce à de légères touches de blanc de titane très pur. Il mélangea donc dans un flacon du blanc, du bleu et une très faible quantité de terre de Sienne, jusqu’à ce qu’il obtienne un bleu lumineux. Après quoi, il fit quelques essais sur la plaque de four qui lui servait de palette, ajouta un peu de jaune et travailla sans s’arrêter le reste de la matinée. À la fin, serrant le manche du pinceau entre ses dents, il recula pour juger de l’effet. Ciel et mer combinaient maintenant des harmoniques sur la fresque qui couvrait le mur intérieur de la tour; et même si beaucoup restait encore à faire, l’horizon était marqué par une ligne douce, légèrement brumeuse, destinée à accentuer la solitude des hommes — traits noirs semés d’éclats métalliques — qui s’éloignaient, épars sous la pluie.Il nettoya les pinceaux à l’eau et au savon, et les mit à sécher. D’en bas, au pied de la falaise, montait le bruit des moteurs et de la musique du bateau de touristes qui, chaque jour à la même heure, parcourait la côte. Sans avoir besoin de consulter sa montre, Andrés Faulques sut qu’il était une heure. La voix féminine retentissait comme d’habitude, amplifiée par un mégaphone; et elle parut encore plus forte et plus claire quand l’embarcation entra dans la petite crique car, alors, le son parvint à la tour sans autre obstacle que les quelques pins et arbustes qui, malgré l’érosion et les éboulements, restaient accrochés aux flancs des rochers.« Cet endroit s’appelle la crique d’Arraez et a servi de refuge aux corsaires barbaresques. En haut, vous pouvez voir une ancienne tour de guet construite au début du XVIIe siècle pour défendre la côte en prévenant les villages voisins des incursions des Sarrasins... »C’était toujours la même voix: agréable, détachant bien les mots. Faulques imaginait que sa propriétaire était jeune, sans doute une guide locale accompagnant les touristes pendant les trois heures de la promenade du bateau — une vedette bleue et blanche de vingt mètres de long, basée à Puerto Umbria — entre l’île des Pendus et Cabo Malo. Ces deux derniers mois, du haut de son promontoire, Faulques l’avait vu passer régulièrement, le pont couvert de passagers munis d’appareils photo et de caméras vidéo, ses haut-parleurs diffusant la musique estivale avec une telle force que les interruptions de la voix féminine constituaient un soulagement.« Dans cette tour de garde, longtemps abandonnée, vit un peintre connu qui en décore l’intérieur d’une grande fresque. Il s’agit malheureusement d’une propriété privée, et les visites ne sont pas admises... »Ce jour-là elle s’exprimait en espagnol, mais il arrivait qu’elle le fasse en anglais, en italien ou en allemand. C’était seulement quand les passagers étaient français — quatre ou cinq fois, cet été-là — qu’une voix masculine prenait la relève dans cette langue. De toute manière, pensa Faulques, la saison était sur le point de s’achever, la vedette promenait de moins en moins de passagers; bientôt les visites quotidiennes deviendraient hebdomadaires, et elles finiraient par cesser tout à fait quand les grands vents d’hiver durs et gris qui soufflaient des bouches du Ponant viendraient noircir le ciel et la mer.Il reporta son attention sur la peinture, où de nouvelles fissures étaient apparues. Le grand panorama circulaire n’en était encore qu’au stade de segments discontinus. Le reste était tracé au fusain, simples lignes noires esquissées sur l’apprêt blanc du mur. L’ensemble formait un paysage démesuré et inquiétant, sans titre, sans époque, où le bouclier à demi enterré dans le sable, le heaume médiéval éclaboussé de sang, l’ombre d’un fusil d’assaut sur une forêt de croix de bois, les murailles de la ville ancienne et les tours de béton et de verre de la ville moderne se conjuguaient moins comme des anachronismes que comme des évidences.Faulques continua de peindre, minutieux et patient. Même si l’exécution était techniquement correcte, ce n’était nullement une oeuvre majeure, et il le savait."
Roman traduit de l'espagnol par François Maspero


Ci-dessous, une mosaïque composée d'oeuvres ayant inspiré Faulques!