« Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la
Suède » roman écrit par l’auteure suédoise Selma Lagerlöf a pour origine
une commande de l’Association nationale des enseignants afin qu’en lisant les
aventures du jeune Nils, les petits Suédois,
l’école publique, apprennent à mieux connaître leur géographie ainsi que
les contes et coutumes des régions composant la Suède. Selma Lagerlöf parcourra
le pays pour l’observer, le comprendre et récolter toutes anecdotes locales ou
contes pour utiliser cette matière dans son récit.
Le premier tome est paru en 1906 et le second l’année suivante.
Nils Holgersson est un jeune garçon qui ne pense qu’à dormir,
manger, faire des bêtises – ce n’est pas anormal non plus, il faut bien que
jeunesse se passe – jouer et surtout concocter de méchants tours. Il peut être
un tantinet cruel avec les animaux, qu’il aime persécuter, de la ferme de ses
parents, en Scanie, les oies en font souvent les frais.
Un dimanche, notre Nils fait des pieds et des mains pour
éviter d’accompagner ses parents au temple. Alors qu’il lit les passages de la
Bible imposés par son père, il pique un peu du nez et rencontre un tomte, celui qui vit dans leur
maison. Il le raille, il se rengorge et finit par être puni de sa méchanceté en
se retrouvant rétréci à la taille d’un tomte et pouvant parler avec les
animaux. Nils est paniqué, apeuré et surtout désespéré, il ne lui reste qu’une
seule échappatoire : quitter la ferme pour éviter à ses parents la honte
d’avoir un fils transformé en lutin. Au même moment, le jeune jars Martin
entend le vol des oies sauvages Akka de Kebnekaise et leurs moqueries
ironiques. Il décide de leur prouver qu’une oie domestique est capable de voler
et veut les rejoindre. Nils, en partance pour un ailleurs loin de sa famille,
tente de le retenir ce à quoi il échoue et s’envole avec lui.
Commence alors pour Nils et Martin un voyage fantastique à
travers la Suède pour rejoindre les régions polaires où elles nichent.
Chaque région sera décrite par chacune de ses particularités
naturelles, paysagères, économiques, géologiques, agrémentée par le récit de
contes et légendes qui lui sont spécifiques. Le récit aurait pu être fastidieux
à lire s’il n’y avait pas eu une quête cachée : la rédemption de Nils et la
levée de la malédiction du tomte.
Peu à peu Nils met de côté le méchant garnement qu’il peut
être pour apprendre, sous la houlette bienveillante et énergique d’Akka, la
vieille oie sage et avisée, à comprendre les beautés de la nature ou la joie de
contribuer au bien d’autrui en étant solidaire et bon.
Avec ses amies les oies sauvages, Nils déjouera les plans de
leur ennemi juré qu’est Smirre le renard, tellement entêté et obnubilé par la
vengeance qu’il les poursuit sans cesse. On assiste à un « Roman de renart »
à l’envers : le leurré de l’histoire est à chaque fois Smirre.
Nils croise et recroise la route de deux jeunes enfants, un
frère, Mats et une sœur, Asa, qui avaient gardé les oies avec lui l’été
précédent, qu’il a tourmentés. Ces derniers ont dû partir sur les chemins pour
gagner leur vie suite au décès de leur mère et de leurs frères et sœurs. Ils
veulent retrouver leur père qui a fui devant le chagrin de la perte d’une
partie de sa famille. Selma Lagerlöf en profite pour édifier ses jeunes
lecteurs en expliquant les ravages de la tuberculose quand la population est
sous-alimentée, vit dans la misère et ne sait pas qu’il faut laver et
désinfecter la maison et les vêtements. A plusieurs reprises, l’auteure fera
allusion à la pauvreté généralisée du pays au XIXè siècle due aux famines et
provoquant un exode massif suédois en Amérique.
Nils, au fil des rencontres et des épreuves, tisse des liens
d’amitié avec Martin le jars qu’il malmenait et méprisait, Nils s’améliore et
laisse s’exprimer la bonté qu’il a au fond de lui. Chaque bonne action le
rapproche de la rédemption et fait de lui un être humain meilleur et
tolérant : chaque être vivant a droit à son espace de liberté et de
tranquillité pour grandir et se reproduire, les animaux qu’ils soient à poils
ou à plumes, qu’ils aient deux ou quatre pattes, qu’ils volent, courent ou
rampent, font partie d’un tout et sont essentiels au cycle de la vie, comme les
plantes, et les hommes doivent accepter de partager le monde avec eux.
J’ai lu avec bonheur ce classique de la littérature jeunesse
dont je n’avais lu que quelques épisodes. J’ai trouvé lumineuse la relation,
imagée certes mais tellement ludique et pédagogique, de la création géologique
du parcours d’un fleuve de sa source à son embouchure, là où il rejoint la mer.
Le chapitre est magnifique tant par la justesse de l’explication que par la
poésie de l’écriture, la splendeur des images mentales créées par le style de
l’auteure. On est au cœur du processus géologique, on suit le filet d’eau qui
grossit et enfle au point de bousculer les chaos rocheux afin de poursuivre son
cheminement. On sait que le temps se compte en millions d’années par le rythme
de la narration.
Autre moment fort du roman, moment d’humour et
d’émotion : la rencontre de Nils, le tomte, et de Selma revenant sur les
lieux de son enfance… ou comment extérioriser les difficultés rencontrées au
cours de l’écriture du roman et indiquer au lecteur sagace quelle astuce
littéraire lui permettra de rendre possible le récit : son héros sera réduit
à la taille d’un tomte et pourra ainsi voyager sur le dos d’une oie.
L’écriture porte joyeusement le roman, les descriptions sont
loin d’être ennuyeuses, elles apportent des couleurs, du relief comme dans un
immense tableau paysager peint avec une délicatesse énergique.
Nils agace au début et peu à peu on s’attache à lui, on veut
qu’il réussisse à vaincre la malédiction et à rentrer chez lui, en Scanie.
« Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la
Suède » est un voyage initiatique dans lequel la pédagogie se glisse sans
heurt grâce à la plume poétique et délicate de l’auteure, conteuse hors pair
aménageant les rythmes du récit pour ne pas lasser son lecteur. Cinq cent pages
de bonheur.
Traduit du suédois par Marc de Gouvenain et Léna Grümbach
Quelques avis :
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