En août, « Les classiques, c'est fantastique » embarquait les participants en Amérique Latine. J'ai choisi de repartir à la rencontre de Jorge Luis Borges en relisant, plus de 25 ans après, « Fictions » un recueil de nouvelles extraordinaire.
Claude Mauriac écrivait « Jorge Luis Borges est un des dix, peut-être des cinq, auteurs modernes qu'il est essentiel d'avoir lus. Après l'avoir approché, nous ne sommes plus les mêmes. Notre vision des êtres et des choses a changé. Nous sommes plus intelligents. Sans doute même avons-nous plus de cœur. »
J'avais cela en tête lorsque j'ai commencé ma relecture de « Fictions ».
Que dire de ce petit bijou littéraire qui, de tautologie en pur imaginaire délirant, m'a ouvert un monde littéraire d'une incroyable richesse, sinon que ce fut un réel régal à lire !
Composé de deux parties « Le jardin aux sentiers qui bifurquent » et « Artifices », le recueil appartient à la littérature fantastique avec des récits d'abord ordinaires glissant rapidement, avec une subtilité brillante, dans le fantastique. Quelques mots, quelques images et les héros franchissent la ligne ténue menant de l'autre côté du miroir.
J'ai adoré la première nouvelle « Tlön Uqbar Orbis Tertius », celle dans laquelle le narrateur relate la découverte d'une contrée imaginaire à la seule aide d'une encyclopédie et d'un miroir. Avec l'auteur, j'ai joué à traverser le miroir de la réalité pour entrer dans un monde plausible grâce à l'usage qu'a l'auteur de la tautologie. Ce qui a fait que j'ai été « bluffée » (en mauvais français) par « La bibliothèque de Babel » : Borges pousse à l'extrême le stratagème tautologique pour créer, en quelque sorte, une philosophie-fiction. Cette dernière provoque étonnement puis enchantement devant l'immensité, le dédale des pistes de réflexions. On peut choisir de se perdre dans le labyrinthe sans fin des couloirs et des classements et trouver, enfin, la source tant cherchée pour apaiser sa soif d'apprendre, d'imaginer, de rêver.
Borges offre à son lecteur le privilège de choisir, au cœur de son jardin imaginaire, les innombrables bifurcations de ses sentiers, pour reprendre l'idée de la nouvelle éponyme.
Sous la plume de Borges, l'humanité se peint sous ses multiples spectres, des plus vils aux plus éblouissants, avec l'élégance de la langue et l'intelligence de ses regards.
« Fictions » est également le vivier des thèmes récurrents de l'auteur : les références littéraires, la métaphysique et la théologie (« Les trois versions de Judas » sont saisissantes), les labyrinthes avec « Le jardin aux sentiers qui bifurquent », que j'ai apprécié au plus haut point, et cet infini du monde, provoquant moult questions, que rend si bien « La bibliothèque de Babel ». C'est époustouflant et effrayant, telle une phalène attirée inexorablement vers la brûlure de la lumière.
Mais au final …. quelle aventure monumentale ! J'ai plus apprécié le recueil que lors de ma première lecture, j'avais alors eu la frustrante impression d'être complètement passée à côté... la maturité intellectuelle, nourrie par mes nombreuses lectures et leur partage avec autrui , en serait-elle la cause ?
Traduit de l'espagnol par P. Verdevoye, Ibarra et Roger Caillois
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