mercredi 29 avril 2009
Carnet intime de voyage
samedi 25 avril 2009
Pour les mordu(e)s des swaps
Itinéraire d'une enfant (pas du tout) gâtée
Ce récit autobiographique qui a connu un grand succès lors de sa parution a été réédité en février dernier. Moi qui ne suis guère friande de ce type de littérature, j'ai été emballée très rapidement par la fraîcheur de l'écriture, le regard très éloigné de toute mièvrerie et surtout par l'authenticité des émotions, des situations et des différentes atmopshères de l'histoire de la jeune Marie-Claire.
Sans avoir l'air d'y toucher, Marguerite Audoux retrace le parcours de la petite orpheline qu'elle a été, l'ambiance feutrée et bruyante à la fois de ces grandes maisons où échouaient les petites filles dont on ne savait quoi faire, ces maisons où régnaient les mères supérieures et les soeurs. Des soeurs plus ou moins bienveillantes, plus ou moins maternelles, plus ou moins douces. Le lecteur est au coeur du dortoir, aux côtés des pensionnaires au réfectoire, caché lors des menus bêtises des fillettes ou des jeunes filles, assis sagement au fond d'une classe où rêverie et assiduité se mêlent. Puis vient le jour où les fillettes deviennent presque des demoiselles et doivent aller de par le monde lorsqu'elles n'optent pas pour la clôture voilée.
La vie paysanne avec ses peurs du loup, ses forêts aussi somptueuses, romantiques qu'inquiétantes, sa vie rude et cependant riche de tendresses muettes comme la vie ouvrière avec ses rythmes usants, ses patrons qui peuvent être autant humains que méprisants, ses petites mains gouailleuses, virevoltantes, s'écoule sous la plume sans fard, sans effets superflus, de Marguerite Audoux. Cette dernière, avec une simplicité extrême d'une grande richesse (une simplicité savoureuse bien éloignée de certaines littératures trônant en tête de gondole), emmène son lecteur au coeur du monde des petites gens, ces petites gens cheville ouvrière d'une société qui trop souvent les ignore. Le monde ouvrier ou paysan n'est pas édulcoré, il est relaté, sans rhétorique pesante, sans effet de style superfétatoire: il est, il naît sous les mots simples mais d'une justesse qui pourrait faire pâlir d'envie plus d'un Musso! Les sentiments y sont vrais et la vie des humbles encore plus réelle: le lecteur suit les angoisses d'une Marie-Claire qui ne sait plus ce qu'est l'amour depuis son immense déconvenue (tellement banale à cette époque et tellement poignante) et qui se demande si elle doit ou non céder au désir du neveu de ses patrons....elle pourrait être ainsi à l'abri du besoin, accéder à la respectabilité mais est-ce vraiment l'essentiel d'une vie pleinement réussie?
Surtout, ne vous fiez pas à la couverture où une beau paysage de terroir s'épanouit...."Marie-Claire" suivie de "L'atelier de Marie-Claire" est tout sauf un roman du terroir: le folklore ne s'y trouve pas, seulement le quotidien dans sa douceur comme dans sa rudesse, dans ses petits bonheurs comme dans ses indicibles désespérances. "Marie-Claire" réconcilie la lectrice que je suis avec la littérature populaire dans son sens le plus noble: les petites gens sont mis à l'honneur et en valeur, l'écriture simple donne une grande force au récit par son économie de moyen qui écarte toute indigence de style et d'argumentaire, les émotions sont intenses derrière une réalité parfois très crue.
Marguerite Audoux reçut le Prix Femina, en 1910, pour son roman "Marie-Claire".
Je n'aurais certainement pas lu ce roman si les éditions De Borée ne me l'avaient pas proposé!
vendredi 24 avril 2009
Fin de semaine
As-tu déjà reçu un livre en cadeau? oui, très souvent!!!
Lis-tu dans ton bain? ça va pas non!
As-tu déjà pensé à écrire un livre? c'était il y a très longtemps, j'étais jeune ado et j'avais la tête pleine de jolis rêves....mais je n'ai pas du assez souffrir pour avoir le talent permettant d'écrire quelque chose de correct: mes premiers jets étaient très cartlandiens!
Que penses-tu des séries de plusieurs tomes? un régal lorsque qu'elles sont bien faites. Je me suis délectée avec Le seigneur des anneaux Les Thibaut de Martin du Gard Les guerriers du silence de Bordage
As-tu un livre culte? La trilogie du Seigneur des anneaux et Autant en emporte le vent .
Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu’on a aimé ? Je suis tellement timide et impressionnable que je deviens une vraie courge lorsque j'en rencontre un.
Aimes-tu parler de tes lectures ? Oui! sinon je ne tiendrais pas de blog.
Comment choisis-tu tes livres ? Parfois à la couverture ou à l'odeur (mais le risque peut s'avérer grand), le plus souvent grâce aux conseils glanés sur les blogs et sur le forum parfum de livres.
Une lecture inavouable .....Une partie de la série des SAS, un été alors que j'étais sensée réviser deux UV pour la session de rattrapage de Septembre (ah le joyeux temps estudiantin!!)
Des endroits préférés pour lire ? Le banc sur la terrasse, au soleil après le repas de midi, mon lit, le canapé de la bibliothèque et le voltaire près de la cheminée en hiver.
Un livre idéal pour toi serait : Celui que j'emporterai sur une île déserte.
Lire par dessus l’épaule ? Je déteste qu'on lise par-dessus mon épaule donc je ne suis pas une adepte de cette mauvaise habitude.
Télé, jeux vidéos ou livre ? Livre!
Lire et manger ? Oui, mais pas les deux en même temps!
Lecture en musique, en silence, peu importe .. musique classique ou le silence (parfois, je mets des bouchons dans les oreilles pour m'isoler encore plus! J'ai beaucoup de mal à supporter le bruit en dehors de mon travail...les loupiots de 3/4 ans ne savent pas parler doucement....mille et une fois hélas pour mes pauvres petites oreilles!).
Lire un livre électronique ? Beurk!
Livres empruntés ou livres achetés ? Les deux!
Quel est le livre que tu lis actuellement et quel sera le prochain ? J'en lis 4 en même temps (je sais, je suis complètement cinglée!) "La marche de Mina" de Yoko Ogawa "Terra nostra" de Carlos Fuentes "Berlin Alexanderplatz" d'Alfred Döblin et "Les amants de la Mer Rouge" d'Addonia Sulaiman Smy .
As-tu déjà abandonné la lecture d'un livre? cela ne m'est pas arrivé depuis bien longtemps....je dois avoir un côté masochiste!
Quel est le premier livre que vous avez adooooooré d'amour ? Toufou et Pouquette puis La princesse de Clèves .
mercredi 22 avril 2009
Valse de la mémoire
Très vite, le spectateur se rend compte que cette scène est celle d'un rêve récurrent qui devient obsessionnel chez Ari, le narrateur. Ce dernier effectuait son service militaire au Liban, en plein conflit israëlo-arabe et depuis sa vie n'est plus un long fleuve tranquille. Le cauchemar revient lancinant et il décide de retrouver ses anciens compagnons d'armes pour éclaircir quelques points et chercher une explication à son malaise incessant: il ne souvient plus d'un intense moment de son passage à Beyrouth.
"J'ai été enrôlé dans l'armée avant mes 17 ans. En Septembre 1982, j'arrivais à Beyrouth ouest avec l'armée israëlienne, après l'assassinat du président Bachir Gemayel, le jour de sa nomination. Je quittais Beyrouth Ouest trois jours plus tard, j'étais une toute autre personne...Cette histoire est mon histoire que j'ai décidé de raconter après plus de vingt ans." "Le film retrace ce qui s'est passé en moi à partir du jour où j'ai réalisé que certaines parties de ma vie s'étaient complètement effacées de ma mémoire." Une histoire qui est celle du réalisateur, une histoire qu'il exorcise avec ce film d'animation. Peu à peu Ari se replonge dans ce passé douloureux, celui de cette guerre au Liban, le Vietnam de l'armée d'Israël: lentement, l'histoire se retrace, les patrouilles, la peur au ventre, les permissions un peu folles où l'alcool coule à flot, les embuscades dans les plantations, le bateau dans lequel une jeunesse armée danse, hurle, se soule, pour oublier la peur, pour se donner un courage toujours fuyant. Une scène, clef, revient tel un leitmotiv: il fait nuit, le narrateur et son groupe se baignent, sur la plage déserte leurs vêtements sont en tas. Soudain, ils sortent, nus, de l'eau, prennent leurs armes et se mettent à marcher.... Cette scène est une sorte de refrain dans le récit, une répétition émotionnelle d'un vécu lourd à porter.
Le parti pris du cinéma d'animation est plus qu'intéressant pour relater un pan d'histoire contemporaine, une tragédie humaine et politique: cela aide à entrer dans un récit difficile, oppressant et douloureux, cela permet une distanciation qui n'est que provisoire: les dernières images laissent le spectateur littéralement scotché dans son canapé...un coup de poing qui réveille et qui oblige à regarder la réalité en face, non ce n'est pas de la fiction, oui cela s'est réellement passé!
Le spectateur assiste à une valse, une valse étrange, sombre, où le tempo se répète (la scène de la baignade nocturne) jusqu'à ce que le déclic salvateur délivre le narrateur de son oubli, libérant le cerveau de ses souvenirs enfouis, libérant le corps de ses chaînes invisibles.
Le réalisateur truffe son animation de références historiques et politiques, un clin d'oeil, à la fin du film, juste avant les ultimes images choc, empreint d'un parti pris idéologique qui tranche avec ce que l'on peut lire ou voir, habituellement, aux informations, au sujet d'Israël et de sa politique: des hommes, femmes et enfants palestiniens qui sortent les bras levés rappellent la sortie d'un certain ghetto de Varsovie...une mise en abyme très parlante, très émouvante et très glaçante. Une voix israëlienne discordante s'élève pour mettre le doigt sur des actes qui ne font pas forcément l'unanimité au sein du pays. Peu à peu, certains intellectuels osent dire leur différence et faire entendre, subtilement,sur un autre diapason: l'expression, presque iconoclaste, du sentiment de culpabilité qui ronge ceux qui ont participé à des conflits qui ne font pas l'unanimité. Certains s'expriment par le roman comme Ron Barkaï, d'autres, comme Ari Folman, par le cinéma, un cinéma d'animation dans lequel la tension est toujours en filigrane.
"Valse avec Bachir" est à placer dans le sillage de "Persépolis" de Marjane Satrapi: du cinéma d'animation pour mettre de la distance entre le vécu difficile et la relation de ce dernier, une distance qui ne masque pas l'horreur de ce qui se déroule, en vrai.
On sort de ce film dans un état bizarre: on frissonne, on a perdu ses mots pour verbaliser les émotions intenses éprouvées pendant le film, on flotte encore dans cette recherche d'une vérité enfouie dans l'inconscient, lui qui "oublie" lorsqu'il ne veut plus voir ce qui est traumatisant, on a envie d'en parler et en même temps on ne peut dire un seul mot.
J'ai trouvé ce film d'une force extraordinaire, osant exposer les doutes, certes a postériori mais présents malgré tout, de soldats, tout jeunes, embarqués dans un conflit qui les dépasse, qu'ils ne saisissent pas parce qu'on ne leur en a pas expliqué la raison: Vous y allez, vous obéissez, c'est tout. "Valse avec Bachir" montre combien les séquelles d'une situation traumatisante sont présentes dans l'esprit de ces vétérans qui ont honte de ce qu'a fait leur armée (là il s'agit de Sabra et Chatila, camps de réfugiés palestiniens)....et que la parole, la quête du souvenir sont nécessaires pour tuer les fantômes qui les hantent.
Un film à voir et à revoir....pour ne jamais oublier que toute guerre est une horreur absolue aux innombrables dégâts invisibles.
mardi 21 avril 2009
La tendresse d'une belle mère
Lucien et Armand ne se parlent que rarement, Eudoxie tente d'apprivoiser le second et de prendre ses marques dans un univers où se ressent toujours la présence de la disparue. Le chat Nonotte promène son corps souple et délié au milieu de ce petit monde où les non-dits sont nombreux.
La guerre arrive, l'exode jette sur la route Armand et Eudoxie qui tentent de rejoindre la famille à la campagne pour fuir les troubles de l'invasion du pays...Armand est victime des avions allemands, Eudoxie est sauvée grâce à une paire de chaussures oubliées lors de la dernière halte.
Pour la deuxième fois veuve, Eudoxie apprend à vivre avec Lucien....deux êtres qui se voient contraints par les circonstances de vivre ensemble, sans s'être choisis. Peu à peu, au fil des années, des liens se tissent entre eux deux, Eudoxie apprend à aimer ce jeune homme étrange devenu un homme toujours aussi imprévisible, Lucien à accepter une présence féminine autre que celle de sa mère.
Dans une atmosphère feutrée, aux contours floutés par le souvenir et le temps qui passe, inexorable, Claude Pujade-Renaud, offre une histoire d'amour, presque incestueuse, entre deux êtres que tout sépare. La tendresse de l'écriture de l'auteure caresse ses personnages que le lecteur accompagne, au rythme lent de la vie, dans leur voyage au long cours allant jusqu'au bout de leur chemin. Une route sinueuse, faite de tours et de détours, d'attirance et de répulsion, de jalousie et de douce aigreur, de séduction larvée au coeur d'une tarte maison ou d'un pique-nique estival. Une histoire d'amour pas comme les autres, simple en apparence, où se croisent la simplicité et l'authenticité des "petites gens", autour d'un jardin et de locataires qui scandent le quotidien.
J'ai aimé les deux voix narratrices, celles d'Eudoxie et celle de Lucien, deux notes discordantes telles la lumière et l'ombre d'une histoire où le drame pourrait survenir à tout instant. Deux voix, deux univers qui s'éloignent pour mieux se retrouver, deux mondes qui n'aiment pas tellement les incursions extérieures, hormis celles des chats, les nombreux Nonotte qui peuplent la vie de ces amants qui ne le sont pas.
"Belle mère" est aussi un roman sur la vieillesse et ses aspirations, cet âge de la vie qui efface les aspérités des caractères, en adoucit les contours pour devenir plus tolérante envers la différence de l'autre.
Merci Florinette pour cette jolie découverte et d'en avoir fait un livre voyageur.
"Belle mère" continue son voyage en voguant vers Lucy .
jeudi 16 avril 2009
Bienvenue chez les Ch'tis!
Je vous laisse aux bons soins du gardien de blog!
Tokyo by night
En arpentant le quartier de plaisir de Shinjuku, Kenji va peu à peu prendre conscience que Frank est tout sauf un touriste normal: ses propos sont déroutants, ses souvenirs se contredisent, ne se recoupent pas, les mensonges défilent au cours de trois nuits angoissantes. Un jeu terrifiant se met en place entre les deux hommes: Frank est le chat, sadique, qui joue avec la souris Kenji. En effet, Frank est un tueur en série maniant aussi bien l'hypnose que le couteau effilé qu'il cache dans une jambière. De bars à hôtesses en "peep-shows" en passant par une esplanade à base-ball, Kenji et Frank visitent les lieux parfois glauques du Tokyo by night: la jeunesse japonaise, perdue, sans repère, se prostitue pour pouvori s'offrir les derniers vêtements ou les derniers gadgets à la mode. L'industrie du sexe est d'une prodigalité incroyable en spectacles de tout genre et en compagnie du narrateur, angoissé et inquiet, le lecteur arpente les lieux interlopes du Kabukichô où la prostitution est autant un moyen d'accéder aux produits derniers cris qu'un moyen vital de subsistance pour les immigrées.
Ryu Murakami décrit le mal être d'une société moderne, ses perversions et ses folies de manière froide et distante tout en maîtrisant au plus haut point la montée en puissance de l'angoisse et de la terreur. L'ambiance, chaque nuit qui passe, devient plus lourde, plus oppressante et atteint son point culminant lors de la tuerie, gratuite et sanglante, dans un bar où des naufragés de la vie prennent un verre, sans conviction. Le pire est l'indifférence des passants qui ne s'émeuvent pas de voir un bar fermé....cela arrive tellement souvent, les lieux de plaisirs ouvrente t ferment à une telle cadence que plus rien ne se remarque. Les victimes baignent dans leur sang derrière la devanture fermée, à l'insu de tous et à deux pas d'un commissariat. Murakami souligne les lézardes dans la société moderne japonaise: la surconsommation entraîne une vision individualiste du monde ainsi qu'un vide existentiel terrifiant, rien n'interesse personne. Ce qui permet à des meurtriers de se laisser libre cours à leurs pires penchants en toute impunité.
Frank, le "gaijin" yankee, souffle le chaud et le froid avec une perversion acidulée sur le pauvre Kenji qui se demande s'il survivra à son ultime nuit de travail. Le lecteur passe par toute la gamme des émotions fortes et des sueurs froides sans pouvoir se détacher du pouvoir de la narration; narration qui oscille entre policier et fable. En effet, on peut se poser la question suivante: pour avoir l'impression d'être libre et pouvoir crier sa révolte du système, doit-on obligatoirement passer par le crime comme Frank? Toujours est-il que le lecteur est confronté à un monde sordide dans lequel les égoûts de la nature humaine semble s'être donné rendez-vous. D'ailleurs dans sa postface, Murakami explique: «En écrivant ce roman, je me suis senti dans la position de celui qui se voit confier le soin de traiter seul les ordures. Une dégénérescence terrible est en cours, et elle ne contient pas la moindre graine d'épanouissement. J'ai l'impression d'observer des organismes vivants en train de mourir lentement dans une pièce aseptisée.» Exiger un travail sans relâche, de la part de ses citoyens, enseigner à ses enfants de mener une vie laborieuse, ne dispense pas l'état d'apprendre aux citoyens ce que peut être une vie ordinaire «les parents, les professeurs, l'Etat, tout le monde nous enseigne comment mener une vie fastidieuse d'esclave, mais ils ne nous apprennent jamais ce que c'est qu'une vie normale». Murakami a une vision sombre, et certainement peu objective, du Japon moderne et nous le décrit, dans un style brillant, comme un pays mort-vivant qui depuis les atrocités de la guerre ne parvient pas à se reconstruire et à se regarder en face ....à vous glacer les sangs!
Roman traduit du japonais par Corinne Atlan
mercredi 15 avril 2009
Comment amadouer un ogre?
mardi 14 avril 2009
Défi, vous avez dit défi?
Le swapounet est arrivé!
lundi 13 avril 2009
Des vérités qui dérangent
Fabrizio Gatti, reporter au journal L'Espresso, est parti sur la piste africaine qui mène les candidats à l'immigration clandestine jusqu'en Europe....lorsqu'ils ont la chance, l'immense chance d'y parvenir sans y avoir perdu de multiples morceaux d'âme.
Les clandestins du XXIè siècle empruntent la route des esclaves, celle qui reliait l'Afrique noire aux pays du Magreb et se retrouvent confrontés aux mêmes marchands de chair humaine. L'humanisme n'est plus de mise dans cet enfer de chaleur, de détresse, de violence et de désespoir. La vie tient à deux bidons de vingt litres d'eau, quelques vivres, quelques dollars pour survivre, ceux que l'on a réussi à soustraire à l'avidité des policiers, des passeurs ou des militaires. La vie, quelques lettres pouvant s'effacer dans les méandres sahariens, égarées au coeur du Ténéré, au coeur des sillons de sable. La vie, jeu de roulette russe, pour tenter l'espoir d'un avenir meilleur que celui qui lentement s'est détruit derrière soi. parfois, le destin s'arrête dans une oasis, aux verts palmiers trompeurs, celle de Dirkou "....c'est la route de Dirkou qui est dangereuse. Il y a les militaires. Et à Madama aussi il y a les militaires. Et militaires, c'est synonyme de coups et de vol. Si tu avais vu ce qu'ils ont fait ici. Ils les ont frappés avec les bâtons et les tubes de caoutchouc." Les clandestins ne sont plus des êtres humains, seulement un exutoire à la violence, à la rancoeur (s'ils partent vers l'Europe c'est qu'ils sont riches et il faut qu'ils paient pour ceux qui restent, qui ne peuvent partir), au pire défaut de l'homme, le pouvoir absolu sur autrui, sur celui qui est plus bas que soi et que l'on peut humilier sans risque! Oui, militaires signifient coups et vol et pas seulement sur la route africaine des esclaves: Lampedusa, île forteresse italienne, où un camp de rétention est implanté et géré par une société privée et les militaires! Là non plus les hommes qui détiennent le pouvoir sur l'autre ne sont pas avares de violence!
Fabrizio Gatti s'est infiltré sur cette route pour comprendre la mécanique inexorable et impitoyable de cette machine à broyer l'être humain et de ce commerce florissant, résultats d'innombrables mensonges et d'immenses lâchetés. Il relate, avec émotion et aussi recul, les scènes hallucinantes du monde du désert: les puits sont autant d'endroits où les fauves humains se retrouvent sans s'entretuer, les puits, haltes vitales pour les caravanes qui se croisent sous le regard complice des autorités libyennes ou nigériennes. C'est ainsi que Gatti et son guide frôlent la catastrophe lorsqu'ils croisent, près d'un puits, non seulement les trafiquants de drogue mais aussi un groupe apparenté à Al Quaïda: la vie est encore plus ténue d'un fil.
Une question est latente au récit: pourquoi ces hommes et ces femmes ne font-ils pas demi-tour après être confrontés à toutes les vexations et humiliations possibles lors de leur dangereux périple? Pourquoi préfèrent-ils affronter ces risques majeurs? Pourquoi se lancent-ils à corps perdu dans une aventure des plus dramatiques? La pauvreté est-elle un risque plus grand que la mort? Le désir d'un meilleur avenir plus fort que les tortures des hommes et du désert? Dans une langue qui fait resplendir le reportage, Gatti dresse le portrait tragique d'une humanité qui brave les pires dangers pour un espoir de survie tout en décrivant les paysages somptueux d'un désert d'une ineffable grandeur et d'une poésie grandiose. Le désert apparaît alors comme un monde féérique qui fait tout oublier l'espace d'un instant: le désert prend un lourd tribu mais offre des merveilles, certes éphémères, d'une cruelle beauté.
Gatti relate le voyage au bout de l'enfer de ces immigrants, qui déjà n'ont plus rien hormis leur vie, avec dignité et respect: pas de voyeurisme sordide dans les descriptions des faits, des témoignages, il redonne la parole à ces hommes du bout du monde et leur permet de redevenir des personnes tout simplement. Il décrit également un étrange "effet papillon": les relations euro-libyennes, sous les sourires des chefs d'états impatients de recevoir la Libye au sein des nations convenables afin de l'aider à moderniser, entre autres, ses infrastructures pétrolières, provoquent des dégâts collatéraux d'une extrême violence: la déportation vers le désert de milliers de clandestins raflés dans les rues de Tripoli et renvoyés, avec le minimum requis pour survivre, manu militari sur les fameux camions, vaisseaux modernes du désert, qui les avaient amenés sur les bords de la Méditerranée.
samedi 11 avril 2009
Mini pause
- Pâques est une fête mobile, elle ne tombe jamais à date fixe. Pâques se fête entre le 22 mars et le 25 avril de chaque année.
- Pâques, dans la religion chrétienne, commémore la résurrection de Jésus Christ.
- Mais, c'est aussi la fête du printemps et du renouveau: la religion chrétienne s'est calquée sur beaucoup de fêtes païennes, dont Pâques. Cette fête avait lieu lors de la pleine lune du printemps, peut-être depuis la préhistoire: les hommes fêtaient le retour des beaux jours.
Il existe plusieurs traditions de cette fête religieuse (source: momes.net):
Pâque, selon la tradition juive
La vraie Pâque (sans "s") est une fête juive célébrée le 14ème jour du premier mois du calendrier juif. Les ancêtres du peuple juif étaient esclaves des pharaons d’Égypte. Sous l’influence de Moïse, ils s’organisèrent et s’enfuirent. Cette libération, appelée l’Exode, est depuis lors célébrée par les Juifs chaque printemps. Les Juifs ne disent pas pâques mais "Pessah".
Pâques, selon la religion chrétienne
La fête chrétienne de Pâques est destinée à rappeler le souvenir de la résurrection de Jésus-Christ. Durant les premiers temps de la chrétienté, le calendrier utilisé pour fixer la date de Pâques était le calendrier juif ou babylonien. Les Églises d'orient célébraient Pâques le dernier jour avant la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps (14 Nissan) commémorant ainsi la mort de Jésus. La résurrection de Jésus survint le 16 Nissan, en même temps que Pessah, la Pâques juive. Voilà tout simplement pourquoi le jour de la résurrection du Christ est appelé Pâques.
La tradition de Pâques dans le monde
La fête de Pâques est célébrée différemment selon les coutumes des pays du monde.
En France, et dans la plupart des pays européens, les cloches des églises, véritables symboles de Pâques ne sonnent pas du Vendredi Saint au Dimanche de Pâques, car l’histoire raconte qu’elles se rendent à Rome où elles se chargent d’oeufs. À leur retour, elles survolent les jardins et lancent tous ces oeufs… pour le plus grand plaisir des enfants !
Dans les pays anglo-saxons, c'est le lapin, ou le lièvre de Pâques qui est le messager.
Pourquoi un lapin en chocolat? Une vieille tradition dit qu'au moment de Pâques c'est au tour des lapins de couver les oeufs!
Et les oeufs de Pâques? Pâques est l'époque de l'éclosion de la Nature dans toute sa diversité et sa richesse. D'ailleurs, il y a 5000 ans, les Perses offraient déjà des oeufs de poules pour fêter l'arrivée du printemps. Au XIIIè siècle, les oeufs peints apparaissent. En général, on s'offrait des oeufs en fin de carême, oeufs symboles de la fin des privations dus aux jours sombres et froids. Ce n'est qu'au XIXè siècle que les oeufs en chocolats firent leur apparition....pour la plus grande joie des gourmands!
Il paraîtrait que les oeufs de Pâques auraient des pouvoirs magiques: si on enterre un oeuf à Pâques, au bout de cent ans son jaune se serait transformé en diamant!
En attendant, je vous souhaite de belles fêtes de Pâques en famille, entre amis! Attention, l'abus de chocolat peut s'avérer dangereux pour le foie...
vendredi 10 avril 2009
Le cocu se rebiffe
Le pauvre Louis-Henri ne peut que s'incliner et rester seul au logis pendant que son épouse, dont il est éperdument amoureux, volette joyeusement au coeur de la faune versaillaise.
Plus le temps passe, plus Athénaïs s'échappe et s'éloigne dans les mirages dangereux de cette cage dorée qu'est Versailles....et plus elle plaît au monarque. Arrive ce qui doit arriver: Françoise/Athénaïs devient la maîtresse en titre de Louis XIV et notre Montespan se voit doté de la plus belle paire de cornes du royaume. Las, mille et une fois las, Louis-Henri ne se rend pas: il aime toujours passionnément son épouse et décide un beau jour de porter grand deuil et d'orner son carosse et ses armes de cornes de cerf. Le Montespan devient le cocu le plus célèbre du royaume et la tête de pioche la plus dure que le Languedoc ait porté. Bien entendu, cette forme ostentatoire de résistance lui vaut les foudres du Roi et l'indifférence dépitée d'Athénaïs. C'est pourquoi, fuyant les représailles royales (après avoir tâté de la geôle), ses enfants sous le bras (en plus d'être un mari fidèle et aimant, Louis-Henri est un excellent père), il se réfugie au château familial où il laisse sa fille avant de passer les Pyrénées en compagnie de son fils (un enfant odieux, imbu de sa personne, méprisant et déjà mûr pour un avenir brillant de veule courtisan) et demander asile au roi d'Espagne.
Après avoir revisité, d'une plume très personnelle, la biographie du poète François Villon et embarqué ses lecteurs au coeur d'un Moyen-Age sordide, brutal et d'une cruauté sans nom, Jean Teulé s'attaque à l'univers faussement chatoyant du règne d'un Roi Soleil, despote s'il en est, jaloux de tout et de tous.
Diantre! que cette cour versaillaise pue tant au propre qu'au figuré: entre le manque d'hygiène hallucinant (dont est exempt notre héros cornu), les immondices ignobles éparpillés aux quatre coins du château et la sordide veulerie des courtisans, rampant dans la fange pour une once du regard royal, il y a de quoi frémir et avoir la nausée. La musique sensuelle des soieries et du ruissellement des pierres précieuses cachent une triste forêt: la soumission pour une obole, le reniement pour une minable place dans le poulailler doré versaillais, un miroir aux alouettes lentement étouffées par les souffles et effluves putrides d'une société qui n'a pas plus le respect d'elle-même que des autres.
Le Montespan apparaît comme celui qui refuse de profiter (au grand désespoir de ses pairs) des largesses du souverain, destinées à acheter son silence et son acceptation des faits, et de s'agenouiller, prémice d'une révolte qui mettra plus d'un siècle à éclater! Louis-Henri nie le pouvoir royal et passe son temps à se demander ce que peut bien trouver de plus Françoise à son royal amant hormis le fait qu'il soit royal, au pouvoir absolu divin! D'autant que ce dernier lui donnera des bâtards aussi difformes que fous....ah! les belles races princières recèlent de sombres rejetons! "Nez trop long et busqué, gras du cou, ses joues sont flasques. Sa cuirasse drapée à la romaine est ridicule. Je n'aime pas du tout sa perruque! Paraît qu'il aurait un charme....exotique. ça ne me saute pas aux yeux, à moi." (p 211)
C'est au fil des anecdotes, plus croutillantes et amusantes les unes que les autres, que le lecteur déambule dans un monde où la féérie le dispute à la noirceur, où la raison recule devant la foi envers l'occultisme (on se souviendra de la fameuse affaire des poisons, affaire qui sonnera le glas de la belle Marquise de Montespan) et où la véracité historique balance plus souvent qu'à son tour avec l'imagination déroutante et rocambolesque du récit. Maniant de manière étrange le style moderne aux tournures désuètes, Jean Teulé offre un roman qui amusera ou énervera son lecteur, mais qui offrira un agréable moment dépaysant et drôle. On ne peut qu'être aux côtés de Louis-Henri de Pardaillan de Gontrin et le soutenir dans toutes les vicissitudes d'une vie maritale pas comme les autres: elle émeut autant qu'elle fait rire!
(Mme de Montespan et ses enfants)
jeudi 9 avril 2009
Oust! les odieux farfadets!
Quelques instants avant, Luke Devereaux, auteur de SF isolé en plein désert afin de recouvrer l'inspiration, avait touché du doigt l'ombre d'une idée pour son prochain roman: "Et si les ..." C'est alors qu'il entendit frapper à sa porte. En plein désert, la nuit, qui peut bien lui rendre visite? Luke ouvre la porte et ce qu'il voit pourrait être une absolue hallucination si l'apparition ne l'avait salué d'un "Salut Toto!". Un petit homme vert, vêtu entièrement de vert, se tient devant lui et commence à l'observer presque impoliment.
Très vite, le Martien, à l'image de ses congénères, se montre de fort désagréable compagnie: rien d'intime ne lui échappe, ne leur échappe, les secrets les mieux gardés sont battus en brèche, les mensonges révélés et les vérités en deviennent plus que dérangeantes! Les Martiens semblent posséder la désagréable manie de semer la zizanie autour d'eux et d'y prendre un immense plaisir. Les êtres humains, comme les animaux (cependant en moindre proportion ) se retrouvent confrontés à des humanoïdes exaspérants au possible, hâbleurs, cyniques, graveleux, outranciers, moqueurs, d'une folle arrogance, tenant des propos plus égrillards les uns que les autres, se repaissant inlassablement des craintes, des mines offusquées, des blocages et des désespoirs humains. Seuls les chats parviennent, après une période agitée, à les ignorer superbement!
Qu'il est difficile de les ignorer, ces abominables petits hommes verts: ils "couiment" sans cesse, tels des mouches du coche, pour attiser les divergences, mettre en furie les hommes, déballer le linge sale en public et transformer les sociétés humaines, mêmes les plus primitives, en bazars désespérants.
L'arrivée des Martiens est le déclencheur de l'effondrement économique et financier de la planète: les places boursières sombrent dans les limbes des pires banqueroutes, les états ne savent plus que faire du nombre croissant des chômeurs, les armées n'ont plus de raison d'être puisque les secrets militaires sont éventés joyeusement par la bande d'affreux garnements que sont les Martiens! D'autant qu'avec le rapport d'1 Martien pour 3 humains, personne ne peut échapper à leur acuité visuelle ni à leur langue acerbe! Pire: plus on veut être gentil avec eux, plus ils deviennent ignobles et d'une méchanceté dépassant l'imaginable!
Les Martiens provoquent donc la pire des crises économiques que le monde ait connu: depuis la perte de vitesse des romans de SF à l'écroulement du système économiques en passant par le démantèlement de l'industrie des loisirs (cinéma, théâtre...les Martiens adorent semer la panique dans les lieux très fréquentés) et celui de l'automobile, rien ne semble pouvoir résister aux petits sapeurs verts. Certains pensent que Dieu, lassés des frasques des humains, a ouvert la porte des Enfers aux diablotins verts afin de punir l'Homme, d'autres que les martiens sont en fait des lutins, korrigans et autres elfes venus chahuter le monde des humains.
Derrière le contexte désopilant du roman, se cache non seulement une réflexion sur le pouvoir de l'imagination de l'écriture, la force de l'imaginaire alimentée par les mots et leurs images, mais aussi une réflexion philosophique sur la conception de notre société et la perception du monde. La force de l'imaginaire que fait peser l'auteur sur ses lecteurs, un pouvoir qui permet à ces derniers de donner une consistance réelle à l'histoire qu'ils lisent. La force psychologique créée par l'auteur sur ses personnages, même ces affreux gnomes désagréables et agaçants que sont les martiens, les rends quasiment palpables aux lecteurs. Mais aussi, la force d'une vision sociétale (nous sommes, en 1964, en pleine guerre froide) où l'ingérence du pouvoir dans la sphère privée est légitimée par l'inquiétude vis à vis de l'autre système politico-social. Aujourd'hui cette vision est toujours d'actualité: ce n'est plus l'URSS le grand méchant loup dont il faut juguler les appétits, mais la nébuleuse terroriste qui a secoué les consciences lors d'un triste 11 septembre. Notre perception du monde peut préférer ne plus voir ce qui est outrancier, dérangeant à l'extrême: comme Luke Devereau, on peut choisir de ne voir, percevoir, que sa femme, sa famille, et ignorer les petits êtres, farfadets cyniques, qui s'agitent autour de soi. Quelle est la réalité? Où commence et où finit la folie due à une hallucination, collective ou non? Le pouvoir imaginaire qui a la capacité de créer, a-t-il aussi celui de défaire ce qu'il a tricoté?
Autant de questions et de considérations que "Martiens, go home" déroule au gré du récit burlesque de la visite des habitants de Mars!
Un roman, que d'aucuns pourraient voir comme vieilli, aux accents terriblement d'actualité malgré sa date de parution (1954 aux Etats-Unis, 1957 pour la traduction française)! Je me demande si les scénaristes de "Mars Attacks" n'ont pas été de fervents lecteurs de Fredric Brown....
mercredi 8 avril 2009
Bientôt Pâques
(L'ancienne couverture de l'édition précédente...c'est celle que je possède et je trouve plus intéressante)
lundi 6 avril 2009
A l'ombre du zakuro
Tsuyoshi Toda n'a plus vu son père depuis que ce dernier est parti en Mandchourie, en 1942, travailler pour la gloire du Japon. Les dernières nouvelles reçues fut celle de sa déportation, après sa capture par l'armée russe, en Sibérie où semble-t-il il a perdu la vie. cependant, malgré les années, sa mère est toujours dans l'attente d'un retour, de plus en plus improbable, de l'homme qu'elle épousa malgré la désapprobation de sa famille.
Un jour, un de ses amis lors d'un séjour en Californie, lui rapporte avoir vu son père dans un restaurant. Renseignement pris, son père serait propriétaire d'un restaurant au Japon, à Yokohama. Tsuyoshi est bouleversé et après mûre réflexion décide de prendre contact avec son père. C'est alors qu'il apprend la raison de ce silence, qu'il découvre le secret douloureux de l'homme qui fut son père et que ce dernier offrira le plus beau des présents à sa mère.
Aki Shimazaki, avec son art habituel, explore à nouveau le douloureux passé japonais, ce passé que l'Histoire japonaise tente d'effacer de la mémoire collective, comme si cela était un poids trop lourd, trop honteux, à porter. Subtilement, joliment, poétiquement, sans avoir l'air d'y toucher, Shimazaki retrace le désarroi de l'absence inexpliquée, la douleur de l'attente d'un corps qui ne revient pas, la souffrance provoquée par les demi-mensonges et semi-vérités que les diverses administrations peuvent avancer pour tenter de répondre à ceux qui sont restés au Japon.
Le fil conducteur est le zakuro, le grenadier qui parcourt le texte tel un ikebana de mots et d'images plus poétiques les unes que les autres. Entre les feuilles du grenadier, ses fleurs et ses fruits, se déroulent les conditions de retour des prisonniers japonais vers leur patrie après les multiples tractations entre le Japon et l'URSS: le bateau qui les éloigne à jamais de l'enfer peut se révéler être un passage vers un autre enfer, celui de la culpabilité du sang versé...dans les camps, il se trouve toujours des hommes pour faire souffrir leurs semblables, leurs compatriotes. La vengeance est un plat à l'amère saveur lorsque l'on est un japonais au sens de l'honneur bien ancré, au sentiment de honte exacerbé.
Le zakuro, fruit préféré du père de Tsuyoshi, image de l'intime recherche de la vérité bouleversant la vie d'une famille comme la neige recouvre de ses flocons, subtile et douce, les branches du grenadier: peu à peu la douceur légère des flocons d'une pure blancheur pèse sur les branches pour les alourdir d'une eau cotonneuse étoilée. "Je regarde le jardin, où il est tombé quelques centimètres de neige. L'arbre du zakuro en est légèrement couvert. Je me demande si ma mère aussi regarde la neige par la fenêtre de sa chambre. Je ferme les yeux et je vois l'image de mes parents qui dansent, tout vêtus de blanc." (p 149). Le zakuro est aussi le symbole de l'amour (le grenadier du jardin est honoré par la mère de Tsuyoshi toujours unie à son mari disparu par un amour indéfectible), de la fécondité et de la sottise (dans le langage des fleurs, celle du grenadier est l'image de la fatuité, de la suffisance)...sottise de l'absurde culpabilité du père qui ne peut reprendre le cours normal de son histoire intime, sottise de l'esprit rationnel qui refuse de croire aux espoirs de la mère qui se perd dans les méandres de la sénélité, sottise d'un passé qui refuse de se dire et de s'assumer?
Avec Zakuro, Aki Shimazaki offre à ses lecteurs une nouvelle page de poésie, de beauté tout en retenue, de narration subtile de la douleur et du passé inavoué de son pays d'origine, le Japon. L'ensemble est (je plagie Sérial lecteur qui a trouvé la juste formule) "Tout simplement beau".