Les aventures de Sugarawa
Akitada, jeune
fonctionnaire japonais sont dans la même veine que celles du Juge
Ti : savoureuses et dépaysantes.
Je n'ai lu que trois romans et encore
pas dans le bon ordre ce qui ne gêne en rien la lecture.
Akitada Sugarawa est issu d'une famille
de l'aristocratie qui fut, autrefois, bien en cour et qui se retrouva
à sa lisière suite à un revers de fortune. Il termine major de sa
promotion et est promis à un brillant avenir de fonctionnaire. Sauf
que....
Il a un défaut, et non des moindres :
il aime résoudre les mystères et autres affaires criminelles ainsi
que les rencontres improbables avec des personnages hauts en couleur
dont il acquiert respect et amitié au point d'en faire des alliés
précieux lors des enquêtes.
L'énigme du dragon tempête
Les trois derniers convois d'impôts de
la province de Karzusa disparaissent corps et bien avant de rejoindre
la capitale impériale. Aucun indice, aucune trace.
Une jeune femme aristocrate est
retrouvée, assassinée, dans un quartier de la capitale : pour
quelle raison ? Peu de temps après, un ami proche d'Akitada
prend la décision de devenir moine bouddhiste.
Akitada s'ennuie au ministère de la
Justice, aussi accueille-t-il avec enthousiasme la mission qu'on lui
confie : retrouver les convois volatilisés.
Il prend la route en compagnie de son
fidèle intendant Seimei, bien décidé à éclaircir le mystère.
Lors d'une étape, il rencontre un jeune homme, dénué du sens du
protocole. Il se nomme Tora et est ancien soldat de l'empire. Notre
jeune fonctionnaire le tire d'un mauvais pas : en effet, Tora
est accusé du meurtre d'une jeune femme. Sa cicatrice au visage l'a
fait confondre avec l'assassin qui court toujours.
Quand le trio entre en ville,
l'atmosphère est bien étrange : le gouverneur sur le départ
est le principal suspect, le supérieur du monastère bouddhiste
semble bien mystérieux et inquiétant avec sa horde de jeunes moines
aux allures de soldats, le chef de la police apparaît peu efficace
puisque les crimes ne sont que rarement élucidés et le tribunal
désert. Quant à l'ancien gouverneur, vieil homme érudit, il trouve
la mort dans son bureau alors qu'il souhaitait discuter avec Akitada.
Notre héros sera mis sur la voie par
deux concours de circonstance : l'achat d'une belle épingle
sertie auprès d'un colporteur puis celui d'une peinture sur rouleau
représentant le « Dragon tempête » malmenant un navire
non loin de la côte. Le visage du « capitaine » laisse
perplexe Akitada surtout lorsqu'il apprend que des moines ont molesté
la jeune artiste auteure de la peinture.
Le jeune fonctionnaire tire lentement
le fil des événements tout en affrontant des politiciens véreux,
des moines peu recommandables et une veuve manipulatrice derrière
son apparence de femme-enfant.
L'auteure nous fait approcher le monde
particulier de l'administration impériale japonaise qui propose des
missions impossibles à un jeune fonctionnaire afin d'enterrer un vol
bien gênant. Un monde retors, sans état d'âme au service d'un
système féodal souvent violent.
L'énigme de la flèche noire
J'ai commencé par cette enquête.
Akitada, jeune marié, est envoyé aux confins de l'empire,dans la
province d'Echigo, pour remplacer un gouverneur défaillant. Le nord
est soumis aux attaques incessantes des Aïnous et l'empire ne tient
que par la hargne des seigneurs de guerre.
Seulement, parfois ces derniers
deviennent tellement puissants qu'ils en deviennent dangereux pour le
pouvoir impérial.
La région est loin d'être un havre de
paix malgré le sublime des paysages enneigés porteurs d'une poésie
à la subtile beauté. Les greniers sont vides, le tribunal est en
ruine, la garnison en piteux état. La ville est soumise au bon
vouloir d'un seigneur de guerre tyrannique qui fait et défait les
fortunes.
Cette tyrannie a mis à mal la confiance
de la population envers l'administration impériale provoquant
l'accueil très froid du jeune gouverneur.
Il y a un pesant secret familial, une
communauté d'intouchables, ces hommes et femmes réduits à exercer
les plus basses et viles besognes du quotidien, les pêcheurs qui se
confinent pour supporter le long hiver qui isolera du monde la
province.
Le meurtre d'un aubergiste avare, marié
à une jeune et belle femme, conduira à l'arrestation de trois
suspects, les derniers clients de l'auberge dont un paysan simplet,
un acteur sur le retour. Leur vie ne tient qu'à un fil, celui de
l'enquête menée par Akitada.
L'auteure utilise avec art les ficelles
d'une intrigue à plusieurs entrées ce qui permet au lecteur de
rester en alerte et de découvrir un peuple étrange, les Aïnous.
L'énigme du second prince
Dans cette enquête, suite
chronologique de celle de la flèche noire, notre jeune Akitada est
envoyé incognito sur l'île de Sado où sont envoyés en exil les
criminels et les traîtres.
Il coud son ordre de mission prouvant
qu'il est un envoyé de l'empereur dans la doublure de son vêtement
et s'embarque sous un nom d'emprunt, celui d'un disgracié, pour
rejoindre Sado et découvrir qui a assassiné le frère de
l'empereur.
Après les seigneurs de la guerre, le
lecteur découvre l'univers clos d'une île où les condamnés
peuvent vivre une autre vie une fois leur peine purgée s'ils n'ont
pas rendu l'âme dans l'une des mines d'argent.
Akitada devra déjouer un complot,
confondre un ancien noble, réhabiliter le fils du gouverneur, le
tout avec l'aide de son inénarrable Tora, joyeux drille
irrévérencieux, et d'une nonne mystérieuse.
Le lecteur apprendra ou ré-apprendra
qu'il est nécessaire d'acquérir le savoir-faire indispensable pour
préparer le fugu, poisson à la chair délicate hautement
dangereuse. Il découvrira comment le pouvoir impérial se débarrasse
des gêneurs en les exilant, comment d'exilé on peut s'enraciner sur
une terre.
Le personnage d'Akitada Sugarawa est
attachant : on sait qu'il est loin d'être bien en cour malgré
son intelligence et brillantes compétences. C'est qu'il a l'art de
se trouver au cœur d'affaires qui ne le regardent pas vraiment.
Comme il est tenace et mène jusqu'au bout ses raisonnements pour
éclairer les situations les plus inextricables, il agace en haut
lieu.
Il a ce supplément d'âme en le sens
où derrière un naturel froid se cachent une humanité et une grande
tolérance pour l'irrévérence quand elle est de bon aloi. Il est un
homme juste au service de son empereur et ce sans dévier un instant
de sa ligne de conduite.
Les romans de I.J Parker sont plaisants
à lire entre deux lectures plus ardues ou sombres. C'est du bon
policier historique 10/18.
La force de ces intrigues ? Le
lecteur est pris par les chemins de traverses et veut absolument
connaître la manière dont les divers personnages se sortent de
leurs (més)aventures. La chute est à chaque fois surprenante.