Longtemps je me suis interrogée sur
l'engouement des blogueurs pour les enquêtes d'Agatha Raisin.
Longtemps j'ai lu leurs impressions de lecture, longtemps j'ai tourné
autour de la série presque complète de la médiathèque où je me
rends, tous les quinze jours, avec mes petits élèves.
Puis un vendredi j'en ai emprunté un,
le premier de la série « La quiche fatale », lecture que
je n'ai pas chroniqué alors qu'elle m'avait beaucoup plu.
J'ai laissé passer un peu de temps et
plusieurs romans avant de récidiver avec le tome suivant « Un
remède de cheval » : je crains toujours l'usure du
plaisir de lire dans l'enchaînement des lectures d'une même série.
J'ai retrouvé avec joie l'héroïne
originale, Agatha Raisin, toujours aux prises de son attirance pour
son séduisant voisin James Lacey, colonel à la retraite, venu,
comme elle, se mettre au vert à Carsely, dans la campagne des
Costwolds au sud de l'Angleterre, après une vie bien remplie.
Agatha en pince toujours pour son
voisin et se trouve toujours en concurrence avec les veuves et
vieilles filles du village pour obtenir une once de son attention.
Les dames patronnesses de la paroisse
se réunissent toujours chaque semaine chez la femme du pasteur et
Agatha fait toujours mine de s'ennuyer à mourir dans ce trou perdu
qu'est Carsely.
Jusqu'au jour où un nouveau
vétérinaire s'installe dans le village attirant, tel le pot de
confiture les mouches, toutes les quinquagénaires du coin.
Le lecteur est amusé en observant le
ballet en salle d'attente qui avec son chat, qui avec son petit
chien, oscillant entre le trop plein de curiosité et le trop plein
de phéromones dégagé par ces charmantes dames « comme il
faut ».
Rapidement Agatha repère sa rivale qui
n'est autre qu'une nouvelle arrivante, veuve sémillante et charmante, Freda.
Cette dernière semble avoir les faveurs du nouveau vétérinaire car
elle quitte la salle d'auscultation béate de satisfaction.
Bien entendu arrive ce qui devait
arriver : un mystère autour de la mort du fameux véto
charmeur, victime d'une dose de tranquillisant destiné au cheval de
Lord Pendlebury. Agatha flaire immédiatement un meurtre et s'en
ouvre à James Lacey qui lui donne raison et accepte de l'aider, lui
ordinairement distant.
Commence alors une enquête riche en
péripéties pour nos deux apprentis détectives.
Un point essentiel pour apprécier la
lecture des aventures d'Agatha Raisin : oublier le monde réel
des enquêtes sinon l'alchimie ne se fait pas.
Le texte peut être déroutant et
l'héroïne pas très smart avec son humour un peu lourd et son
vocabulaire un tantinet grossier. Agatha est « brut de
fonderie » et par cela même attachante. Au final, l'enquête
est secondaire tant il est plaisant de côtoyer les personnages
volontairement stéréotypés, souvent agaçants car prévisibles et
pourtant délicieux par leurs défauts.
Agatha est une jeune retraitée
loufoque à laquelle l'identification ne pose pas de souci (à partir
du moment où le postulat de l'invraisemblance du monde dans lequel
les personnages évoluent est accepté).
On aime son éternelle envie de plaire
à la limite du pathétique, son besoin de combler son absence de
culture par des vêtements onéreux et des cosmétiques coûteux.
On s'amuse devant ses râleries au
sujet de la monotonie de la vie à Carsely car on pressent qu'elle
s'intégrera dans son nouvel environnement auquel elle s'attache au
fil du temps.
On rit devant ses tentatives de drague
avortées à peine mises en place parce que le trait de la vraie vie
est à peine forcé. Ou devant la comique danse entre Agatha et
James : j'avance, tu recules, je t'ignore et tu t'éloignes
moins.
On sourit quand on constate au fil de
la lecture que l'anti-héroïne qu'est Agatha commence à se remettre
en question quand elle comprend que James est mieux intégré
qu'elle : il connaît quasiment tout le monde car il s'intéresse
aux autres, contrairement à elle qui est obnubilée par sa petite
personne (et, accessoirement, par lui). Un frémissement qui se
retrouvera, sans aucun doute, dans l'enquête suivante. Ce qui augure
une évolution intéressante et positive pour le personnage et les
suites de ses aventures.
C'est pourquoi on se laisse porter par
les rebondissements inattendus et les gags éculés.
Cependant, en filigrane, un portrait
acidulé de la société moderne est établi lors de scènes brèves
telle que l'arnaque financière dont a failli faire les frais
l'héroïne ou la rencontre avec le couple américain, marchandant un
bouquet chez la vendeuse de fleurs séchées. D'ailleurs, elle m'a
émue car de ce côté de l'Atlantique, on pense que les Américains
en vacances en Europe ont tous un porte-monnaie rebondi ce qui est
loin d'être le cas : pour beaucoup le voyage dans le Vieux
Monde représente une vie d'économie.
Ces saynètes donnent de la profondeur
au décor de l'intrigue et à l'enquête d'Agatha et de James.
Je prends donc rendez-vous pour la
prochaine enquête d'Agatha Raisin.
Quelques avis: