dimanche 29 juin 2008

Quoi de neuf au Blogoclub de lecture?



C'est officiel depuis hier: "Au sud de la frontière , à l'ouest du soleil" de Haruki Murakami.


Mémo:


Pour la prochaine édition, le thème retenu est celui des Etats-Unis (en raison des prochaines élections étasuniennes). Les organisatrices, Sylire et Lisa, attendent avec impatience les propositions de lecture!

  • 1er Juillet: publication des billets sur "Un été prodigue" de Barbara Kingsolver (je ne rendrais ma "copie" que plus tard dans le mois: le roman est emprunté jusqu'au 7 juillet!).

  • Du 1er Juillet au 28 Juillet: recensement des propositions de lectures sur le thèmes "Les Etats-Unis".

  • Du 1er Août au 25 Août: vote pour le livre de votre choix.

  • Fin Août: annonce du titre élu et annonce du thème suivant.

  • 1er Septembre: publication des billets sur "Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil" de Haruki Murakami.

Pour en savoir plus sur le Club de lecture: lecturecommune@yahoo.fr

Mets de l'huile?


J'ai reçu ceci dans ma boîte à courriel: de quoi ne plus avoir le même regard sur l'huile!

"On roule bien à l'huile végétale...on peut bien bouffer de l'huile de bagnole!

Bref rappel des faits:


- La société Saipol, propriétaire de la marque Lesieur, et grossiste en huile, a acheté à vil prix un lot de 40 000 tonnes d'huile de tournesol ukrainienne.

- Exerçant son métier, cette société a revendu avec profit cette huile à d'autres multinationales de l'agroalimentaire.

- Un contrôle a posteriori a mis en évidence la présence frauduleuse dans ce lot d'huile minérale destinée à la lubrification des moteurs.

- Même s'il n'est pas établi que ce mélange peu ragoûtant soit méchamment toxique, eussions nous eu affaire à des gens responsables que ce lot eût immédiatement rejoint la seule destination qui lui seyait : la poubelle.

- Que croyez-vous qu'il arriva ? Ces empoisonneurs dont l'avidité autant que la veulerie sont sans limite, ont néanmoins décidé d'utiliser sciemment cette huile pour composer leurs produits de "merde".

- Le pire, c'est qu'ils ont eu l'accord des autorités (françaises eteuropéennes) qui ont décrété que tant que les produits n'en contenaient pas plus de 10%, personne ne devait tomber trop malade.

- Ils ont 40000 tonnes à écouler, un peu plus de 5000 pour la seule France. Cela fait eviron 100 grammes de saloperie par habitant à faire ingurgiter !

- La Grèce, dont les autorités semblent moins irresponsables que les nôtres, vient de réagir et d'interdire l'utilisation de tous les lots depuis le 1er janvier. Mais chez nous, dans nos hypermarchés, il y a donc en ce moment des produits contaminés à l'huile de moteur ! C'est le Canard Enchaîné qui a révélé l'affaire, il y a 2 semaines,avec des reprises le jour même dans la presse nationale. Puis plus rien, tout le monde s'en fout?

La semaine dernière, le Canard publie une liste de marques et des types de produits concernés. Aucune réaction cette fois. Enfin hier, le Canard publie des notes internes de l'ANIA (Association Nationale des Industries Alimentaires), qui montrent l'envers du décor, comment les industriels vivent la crise, en "chiant dans leur froc" et priant que l'info ne soit pas reprise et que le temps efface rapidement cette histoire. Morceaux choisis:

"Il a été décidé hier en réunion de crise à l'ANIA de ne pas répondre au Canard enchaîné formellement. Un projet de communiqué de presse, préparé la semaine dernière, a été réactualisé. Le communiqué de presse ne sera pas diffusé en pro actif. Nous attendons la prochaine parution du Canard Enchaîné et les éventuelles reprises par la presse pour réagir."

''Par rapport à l'article de mercredi dernier,cette nouvelle parution n'apporte pas d'éléments clés supplémentaires et n'est pas à la Une du journal. En revanche, de nombreuses marques sont citées, ainsi qu'une liste à la Prévert de nombreux produits incorporant de l'huile de tournesol, ce qui n'était pas le cas la semaine dernière mais que l'on craignait."

Ces gens là sont capables d'importer n'importe quelle denrée alimentaire de l'autre bout du monde, dans le seul but de gagner del'argent. Ils n'ont plus la moindre emprise sur la 'traçabilité' des produits qu'ils achètent ainsi, qui peuvent être trafiqués, bourrés de pesticides ou de n'importe quelle autre merde. Et qu'ils ne viennent pas prétendre le contraire, puisque cette sombre affaire en fournit une preuve éclatante. D'ailleurs un produit importé au prix le plus bas est une quasi certitude de mauvaise qualité doublée d'exploitation des humains qui ont servi à le produire, triplée d'une pression sur l'emploi et le salaire des salariés français. Ce sont les mêmes qui vendent leurs produits au prix fort en geignant sur la hausse des matières premières, et nous gavent de pubs ineptes avec enfants blonds et mamans épanouies qui éprouvent un plaisir intense à bouffer leurs saloperies suremballées dans d'affriolants plastiques aux couleurs vives. Comme on l'a vu, leur plus grande trouille est que le nom des marques s'ébruite, ce qui pourrait occasionner une baisse de leurs ventes et de leurs sacro-saints profits, qui les aveuglent à un point tel qu'ils sont capables pour cela d'empoisonner leurs clients sans remords. Alors dénonçons-les, ces sinistres pleutres !

Et vous camarades lecteurs, relayez l'information ! Selon vos moyens, parlez-en autour devous, dans vos blogs, dans vos journaux, et surtout, CITEZ LES MARQUES, c'est de ça dont ils ont la trouille !

Les marques concernées, à boycotter d'urgence et durablement, sont les suivantes :

Lesieur, bien évidemment, puisque leur avidité est à l'origine du problème et toutes les marques du groupe :

Fruit d'or
Epi d'or
Frial
Isio 4
Oli
Carapelli
Saupiquet

Toutes les marques du groupe Unilever , par exemple:

Amora
Planta Fin
Maille
Knorr
Magnum Miko ...

Les produits les plus susceptibles de contenir de l'huile empoisonnée sont les suivants :

Mayonnaise
Tarama
Sauce Béarnaise
Chips
Vinaigrette allégée
Surimi
Céleri Rémoulade
Soupe de poisson en conserve
Poisson pané
Paupiettes de veau
Thon et sardines à l'huile
Pâtes à tartiner chocolatées
Gaufrettes à la confiture
Barres céréalières et sucrées pour les enfants
Cookies

Merci d'avance, et faites tourner !"

Pour plus d'infos cliquer ICI ou LA ou encore ICI

Moralité: "La vigilance est de rigueur....bon appétit et surtout vive les circuits courts et les consommateurs avertis!"

samedi 28 juin 2008

Le sourire de l'ange


Uchronie:

sous-genre de la SF. Ce terme vient du grec "U", non, et "chronos", temps...le non-temps, le temps qui n'existe pas. L'uchronie apparaît, inventée par Charles Renouvier en 1857 qui la présente comme une "Histoire apocryphe". On part d'un fait historique et on extrapole ce qui aurait pu se passer si....tel ou tel évènement avait eu ou non lieu, avec tel ou tel dénouement et donc conséquence pour la suite.


"Les conjurés de Florence" de McAuley se range dans cette catégorie. Nous sommes à Florence, au début du XVIè siècle. Florence est une cité puissante, vainqueur de Rome à l'issue d'une guerre où les machines extraordinaires du Grand Ingénieur ont fait merveille. Dans ce Florence-là, Léonard de Vinci a préféré les études mathématiques et mécaniques à la peinture, le sourire de Mona Lisa existe mais pas sur la toile. Les artificiers sont les rois du monde tandis que les peintres peinent à trouver une place au soleil de la gloire.
Raphaël et Michel-Ange se livrent une bataille idéologique sans merci, s'accusant mutuellement de se piller l'un et l'autre. Machiavel n'a pas écrit "Le Prince" et est un journaliste compétent et incisif, à la Gazette de Florence.
L'Italie de la Renaissance connaît déjà sa Révolution industrielle: les manufactures tournent à plein régime, les banquiers achètent des années à l'avance les stocks de laine aux Anglais, les évolutions technologiques ne se comptent plus et Copernic n'a pas péri sous la torture de l'Inquisition. Florence, ville des peintres, des fêtes somptueuses et raffinées, des grands architectes et des intrigues plus sophistiquées les unes que les autres, vit follement jusqu'au jour où le corps de l'assistant de Raphaël est retrouvé dans le sémaphore de leur hôte, le Signor Taddei. Qui l'a tué et pourquoi? Un morceau étrange de pierre noire et une maquette de papier vont être l'origine d'une cascade d'évènements des plus mystérieux et des plus sombres.
Machiavel, secondé par Pasquale, jeune apprenti peintre obsédé par la transcription du sourire d'un ange, mène l'enquête dans les méandres des cloaques florentins. L'heure est grave car de la visite du Pape dépend la paix entre Rome et Florence, la rivalité entre l'Italie et l'Espagne est à son paroxysme tandis que les Savonaroliens fomentent une rébellion.
Machiavel, tel un Sherlock Holmes d'avant-garde, suit les traces d'un magicien avide de pouvoir, d'un prélat parent de Laurent de Médicis et de sbires montés sur échasses lanceurs de boules mortelles. Au large, la flotte espagnole commandée par un certain Cortès, qui n'a pu débarquer sur les côtes du Nouveau Monde en raison de l'alliance des Indiens et des Florentins, prépare le blocus de Florence....toile de fond inquiétante des intrigues et rebondissements de cette enquête hautement dangereuse.
McAuley revisite l'Histoire et donne une autre dimension aux personnages historiques, protagonistes d'un roman policier échevelé, en pleine uchronie. Les moindres détails sont soigneusement ciselés, donnant la sensation d'être au coeur de la machination et aux côtés de Niccolo Machiavel et Pasquale: la vie quotidienne, les ruelles, les places, les senteurs et bruits de la cité, les techniques des peintres s'offrent au lecteur.
"Les conjurés de Florence" est aussi un roman d'apprentissage: Pasquale apprend beaucoup avec Machiavel et Le Grand Ingénieur sur la nature humaine et l'organisation du monde (et si la guerre se révélait être la forme la plus sophistiquée de la politique? comme l'affirme Machiavel).
Un roman fourmillant, très bien documenté (ce qui permet de déformer l'Histoire avec brio), à l'intrigue parfois compliquée mais au rythme haletant où les longueurs permettent de respirer et reprendre son souffle. Une uchronie plaisante qui avec les si et les peut-être aborde l'Histoire par des chemins de traverses....l'Histoire et ses hasards sont très ténus.

Roman traduit de l'anglais (GB) par Olivier Deparis et Marie-Catherine Caillava.

jeudi 26 juin 2008

Gourmandises



J'ai retrouvé le tag que j'avais "zappé": celui de grominou , qui devait se demander quand j'allais décider à me lancer, au sujet de la gourmandise.


Le règlement:

Indiquer le lien de la personne qui m'a taguée

Noter le règlement sur mon blog

Taguer 6 personnes à la fin du billet en mettant leur lien.

Avertir directement sur leur blog les personnes taguées.


Un aliment ou un produit que je n'aime pas du tout
Les abats: un véritable cauchemar pour moi!


Mes 3 aliments favoris
tout ce qui est légume, le poisson et les crustacés, les entremets et pâtisseries au chocolat.


Ma recette favorite
Aië, aië, difficile de me déterminer: je suis une gourmande, invétérée! Allez, il faut bien faire un choix: le poisson en papillote.


Ma boisson favorite
Je suis obligée de mettre cet item au pluriel: mes boissons préférées! Le thé (chaud ou glacé) et le champagne.


Le plat que je rêve de réaliser mais que je n'ai toujours pas fait
Le gâteau café-café d'Irina Sasson!


Mon meilleur souvenir culinaire
Là encore, le pluriel serait de mise. Aussi vais-je mettre en avant un repas au restaurant "Diane de Méridor", à Montsoreau, l'été dernier: tout le repas fut succulent et raffiné...un enchantement pour les papilles, l'odorat et les yeux!


Et maintenant, à qui le tour? Pourquoi pas celui d'Alexandra (qui a toujours d'excellentes recettes à partager), Rennette (véritable gourmet!), Nanou, Maijo (si elle n'a pas déjà été taguée...on ne sait jamais), Vanessa (divine passeuse de cuisines d'ailleurs) et Gambadou ....et seulement si vous le souhaitez!!!!

mercredi 25 juin 2008

J'aurais pu être....


L'histoire commence tel un exercice de style auquel les écoliers ont, un jour ou l'autre, joué en classe: "j'aurais pu être....mais je suis....."

J'aurais pu être....qui ou quoi d'ailleurs? Reine d'Angleterre, émir, sorcière, taureau, crocodile, mille autres personnes ou animaux? Tous les possibles ont leurs avantages: le thé accompagné de sa tarte aux pommes, le jardin et l'or dans le désert, le marigot et des touristes appétissants, le pouvoir de transformer son prochain et mille autres avantages amusants et dépaysants!

Seulement, le héros de l'histoire que nous content Clotilde Bernos, avec ses mots drôles, tendres et émouvants, et Nathalie Novi, avec ses crayons, pinceaux et couleurs magiques, est un grand-père chinois, portant fièrement son chapeau de paille tressée, triangle d'ombre sur son crâne, qui chaque matin accompagne sa petite-fille, Nam, à l'école, avant d'aller vendre ses beignets au gingembre.

Nam, aux yeux de Ming est exquise, joyeuse, babillante. Nam et Ming se racontent leur journée, observent les crapauds presque bleus qu'ils rencontrent en chemin, apportent les senteurs de l'école ou du magasin de thé, croisent les fils des petits bonheurs qui tissent la toile de la vie.

Ming est heureux d'être Ming, tout simplement Ming: les Reine d'Angleterre, émir, sorcière, taureau, crocodiles ou milles autres êtres merveilleux n'ont pas dans leur vie de petite Nam, aux tresses dansantes autour desquelles volètent les papillons multicolores des petits bonheurs! Et si tous ces personnages ne rêvaient-ils pas d'être Ming, le grand-père comblé de Nam?

Une fois encore, les éditions Rue-du-Monde offrent aux enfants (et aux adultes aussi!) un album splendide leur permettant d'aller à la découverte des cultures étrangères, de s'ouvrir à l'ailleurs et au différent, et de revenir de leur voyage littéraire riches de mots, d'images et de rêves.

On ne peut qu'être touché par l'émotion des mots de Clotilde Bernos, le lien intergénérationnel essentiel pour grandir et savoir d'où l'on vient et qui on est, le rôle de passeur vers l'âge adulte de l'aïeul, la délicatesse des dessins de Nathalie Novi, la tendresse des traits colorés des paysages, de Nam et de Ming, ce grand-père du bout du monde.

En un mot comme en mille: un album à mettre entre toutes les mains!

1 mariage et une foule d'enterrements


Eric Poindron m'a fait parvenir le message suivant et c'est avec un immense plaisir doublé d'une révolte sans nom, que je m'acquitte de cette tâche.
Le Président de la République, entre son arrivée à L'Elysée et ses épousailles médiatiques n'a de cesse d'enterrer, sans beaucoup de classe, les 35h, les indemnités chômages, le droit de grève, l'école maternelle voire l'école publique tout court et maintenant "Le bateau-livre"! On nage en plein cauchemar....j'ai beau me pincer, la réalité est toujours là: la culture à la télé, la culture dans le quotidien est en passe d'être belle et bien enterrée!


"Dernières nouvelles de Frédéric Ferney...

Eric,Pour info : le communiqué de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimedia) envoyé tous azimuts (je ne leur avais rien demandé).Bises,Fred.*Voici comme convenu le communiqué envoyé hier à l'ensemble de la presse généraliste, TV, Radio (littérature, culture, médias).

Bien cordialement,

Cissé Tamoura*


Ainsi donc, au cœur de la tempête réformatrice qui tente d’engloutir l’audiovisuel public, France télévisions annonce la suppression du Bateau livre , l’émission littéraire de Frédéric Ferney. Après l’avoir programmé le dimanche mati, les dirigeants de France télévision ont beau jeu d’avancer l’argument d’une audience qualifiée de médiocre.Quand comprendra-t-on que les « quelques » centaines de milliers de téléspectateurs qui font le choix de l’intelligence et de la curiosité , sont la légitimité même de la télévision publique ?Comme l’avait d’ailleurs souligné le Président de la république dans sa lettre de mission à Christine Albanel : France télévisions doit affirmer son identité de service public à travers une offre culturelle plus dense, plus créative, plus audacieuse ; une offre qui marque une plus grande différence avec les chaînes privées ; une offre fondée sur des programmes populaires de qualité aux heures de grande écoute. »C’est pourquoi la SCAM, conforté par cette décision du Président de la République, approuve la démarche de Frédéric Ferney l’interpellant. Cette démarche vise, une nouvelle fois, à mettre les responsables politiques devant leurs contradictions au regard des enjeux culturels et à leur demander de respecter leur promesse. Comment d’un côté prôner la défense de la lecture et de l’autre fermer les espaces dédiées à la littérature sur un média de première importance pour sa diffusion La suppression du Bateau livre est le énième épisode des attaques contre la culture à la télévision et contre la littérature en particulier.

*N'hésitez pas, à votre tour, à relayer le message et l'information.

Très cordialement

Eric Poindron"

Sous le soleil créole


"Tim Tim?
Bois sec!
Est-ce que la cour dort?
Non, la cour ne dort pas."

Les tim-tim sont des devinettes créoles que l'on entendait lors des veillées. Posées par les conteurs, c'était des personnes de l'assistance qui cherchaient et donnaient les réponses.
Cambronne Mâcheclair est garde-champêtre et la terreur des contrevenants du village de Père-Labat: il porte haut son képi et son écusson proclamant La Loi! Entre verres de ti punch et travail, Cambronne est respecté de tous et s'acquitte scrupuleusement de sa tâche. Un jour, deux cadavres sont trouvés sur l'Ilet communal: celui d'un riche marchand et celui d'un mort exhumé! Or, en temps ordinaire, cela ne relèverait pas de ses compétences. Mais, ce dimanche, ont lieu des élections dans un autre village, siège des fraudes les plus diverses, et toutes les forces de l'ordre et judiciaires y sont au cas où éclateraient des émeutes.
Cambronne se rend donc sur les lieux du crime: la jeune épousée a pu être réanimée, une étrange mise en scène donne une ambiance de magie noire à l'ensemble. Qui a pu perpétrer un tel acte? Voilà notre garde-champêtre, bon vivant et bon buveur, sur la piste de la vérité.
En chemin, il se heurte au commissaire Glandor (quel beau nom, facétie délicieuse), prétentieux et jaloux de ses prérogatives, un tantinet incapable de mener à bien la moindre enquête à lui être confiée, rencontre l'appui de magistrats, la colère et l'invective du maire de Père-Labat et une mise en congé pour mener une enquête "off". Au gré du déroulement de l'enquête, le lecteur croise un curé alsacien, des gendarmes en short et chaussettes blanches, des marchands syriens à la douteuse honnêteté, des serveuses peu farouches d'une sensualité douce et sauvage à la fois, un sorcier albinos. Békés de fraîche date ou anciens, tous respectent les vieilles croyances (au grand désespoir du curé alsacien qui se coltine sans relâche avec ces dernières) et les supersitions: la sorcellerie est loin d'être une chimère et mieux vaut rester prudent....un personnage officiel n'est jamais à l'abri de trouver, un beau matin, un lézard enfermé dans une bouteille, sur le pas de sa porte! Notre Cambronne Mâcheclair donne de sa personne au cours de cette enquête troublante: les suspectes ne sont guère farouches. Il arrive dans le milieu craint et respecté à la fois des quimboiseurs, les sorciers: en effet, un sortilège réalisé dans les règles de l'art nécessite un cérémonial précis auquel il ne faut en aucun cas déroger (si on veut qu'il réussisse!) et qui forcément.....laisse des traces!
Jypé Carraud s'en donne à coeur joie dans les descriptions des personnages et dans le récit de leurs aventures proches du picaresque. Les Antilles chatoyantes, douces, langoureuses et ensoleillées cachent turpitudes et bassesses dans un décor de carte postale: certains sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins (qui justifient à leurs yeux les moyens mis en oeuvre)....le sordide est, hélas, le même partout.
Le roman offre des scènes amusantes, drôlatiques: la veillée mortuaire, le sermon dominical du curé, la deux-chevaux de ce dernier crapahutant sur les routes, les marchés bondés et bruyants, les verres de rhum assortis de pruneaux et d'eau de Selzt, les chars bondés et hors réglementation, les scènes de ménage de Cambronne....tout un univers coloré, aux senteurs épicées et fruitées, et pas très éloigné le rêve des mers du Sud, Marie-Galante et la Dominique.
Un polar où la géographie, paysagère et humaine, est détaillée, à l'intrigue bien menée et surtout écrit avec un humour débridé! Le petit plus amusant: les chapitres où proverbes créoles, extraits d'oeuvres littéraires, citations et "tim-tim" annoncent leur déroulement de fort belle manière. Un polar qui aère l'esprit et apporte la bonne humeur au lecteur!

lundi 23 juin 2008

La vue au bout des doigts

quatrième de couverture:

A dix-sept ans, Maria-Theresa von Paradis est un être d'exception : fille unique du conseiller de l'impératrice d'Autriche, pianiste virtuose, belle et aveugle. Lorsque son père fait appel au célèbre Mesmer qui soigne par magnétisme, elle découvre la passion et toutes les émotions dont sa cécité la protégeait. Au siècle de Mozart et de Salieri, un roman lumineux où tout est dit des sentiments, du destin et de la liberté.


Le lecteur est transporté au coeur de Vienne, au 18è siècle, celui de Mozart. Maria-Théresa est aveugle, belle à en couper le souffle mais cela, elle ne le sait pas encore. Devenue aveugle, soudainement, à l'aube de ses trois ans, mystère que seul l'esprit, au plus profond de lui-même, peut éclaircir, elle grandit dans l'obscurité, ses autres sens deviennent plus aigus et plus sensibles, ses doigts agiles s'envolent sur le clavier de son piano: Maria-Thérésa est une virtuose qui enchante Vienne et ses salons. Elle, la prunelle des yeux de son père, ne connaît que les émotions de la musique, protégée du monde par son regard coupé de la lumière, et les souffrances des innombrables tentatives de guérison. Elle arrache une promesse à son père: qu'il ne tente plus rien pour la guérir car elle ne peut plus supporter la torture des médecins.
Elle a dix-sept ans et son père lui offre un cadeau qui la blesse plus qu'il ne l'enchante: une parure de bijou qu'elle ne peut voir. Un cadeau d'égoïste de la part de son père: il le fait pour le plaisir d'en voir la beauté de sa fille unique rehaussée. La promesse arrachée de ne plus côtoyer de médecin est un voeu pieu. Le docteur Mesmer, célèbre, coqueluche de la bonne société viennoise, et décrié par une partie des médecins parce qu'il utilise une méthode avant-gardiste pour soigner ses patients, le magnétisme, offre au conseiller de l'impératrice de soigner sa fille. Ce dernier accepte et malgré les réticences de sa fille l'amène à rencontrer Mesmer. Très vite, la personnalité et la douceur du médecin charment Maria-Thérésa qui accepte le traitement proposé. Elle vient donc s'installer dans la maison de Mesmer, dont l'épouse est absente. Les séances de magnétisme portent leurs fruits et le regard aveugle de Maria-Thérésa perçoit peu à peu les formes et la lumière, la sortant de l'obscurité.
La rencontre de ces deux êtres est d'une luminosité touchante: lui, le savant qui est loin de toutes les certitudes de ses confrères, qui dérange les faits établis, qui pourrait être le précurseur de Freud (autre Viennois à dérouter et secouer la science médicale traditionnelle); elle, l'artiste reconnue à qui Mozart dédia un concerto pour piano, sensible, rebelle qui s'ignore, prête à se perdre dans l'intensité des émotions. Ils forment un couple où la passion mènera à des chemins différents....la société a un poids d'une lourdeur difficile à vaincre et à ignorer.
Ce qui est formidable, c'est la personnalité extraordinaire de cette pianiste qui découvre en recouvrant la vue ce à quoi elle tient le plus au monde: le plaisir de jouer, les émotions que ses doigts agiles de virtuose transmettent au clavier du piano qui les laissent s'envoler non seulement vers les autres mais aussi au coeur de son âme. La vue est une expérience douloureuse tant sur le plan physique que psychique pour Maria-Thérésa: les hommes lui apparaissent sous leur véritable jour....mesquins, méchants, avides, cruels et égoïstes. Voir cela est loin d'être un privilège pour Mademoiselle Paradis. Voir est loin d'être un bonheur pour Maria-Thérésa: elle perd ses repères sur le clavier de son piano, elle perd une sensibilité indispensable pour le bonheur de jouer, elle perd sa liberté d'exécution en devenant dépendante de ses yeux qui ne peuvent pas quitter le clavier par peur de ne plus savoir laisser courir ses doigts fuselés.
Michèle Halberstadt, de son écriture claire, limpide et intense en émotions, écrit la biographie d'une femme au destin particulier et à la force de caractère longtemps masquée par une apparente soumission. Mademoiselle Paradis, libérée de ses chaînes familiales et visuelles, s'envole vers la liberté de jouer, de composer et de vivre sa vie, tout simplement, comme elle le souhaite, sans entrave d'aucune sorte. Un destin de femme étonnant et émouvant, raconté sans pathos, sans mièvrerie, où le parfum de bonbonnière viennoise flotte, certes, sans être entêtant ni dominant. Une histoire fraîche, agréable, bien écrite et joliment divertissante. On se laisse porter sur les gammes du piano de la vie avec ses heurts et ses douceurs.

"Elle ne connaît pas la couleur du ciel ni la forme des nuages. Elle ne sait pas ce que signifient, le bleu, le rouge, le pâle ou le foncé. Elle vit dans le noir, c'est le nom qu'ils ont donné à ce qu'elle décrit. De la lumière, elle distingue la chaleur, l'odeur, parfois même le bruit: le souffle de la bougie, le crépitement du feu. Elle sait que le jour palpite d'agitation, que le silence attend la nuit pour se faire entendre. Cela tombe bien. Ecouter, c'est ce qu'elle sait faire de mieux.Elle perçoit les sons auxquels personne ne prête l'oreille: la vitre de la serre qui frémit dans son châssis par vent d'ouest, la langue du chat qui râpe contre son poil quand il fait sa toilette. Elle n'a jamais confondu un dièse avec un bémol, une ramier avec une tourterelle. Ce qui la passionne ce sont les nuances, qu'il s'agisse de l'éventail des sons ou de la gamme des sentiments. Elle distingue la frayeur de la peur, la risée de la brise, la courtoisie de la sincérité, l'allegro de l'allegretto. Elle ressent, elle frémit. Elle vibre, tremble et frissonne.Elle rougit aussi." (p 11 et 12)

Livre lu dans le cadre du Prix Landerneau 2008



Les avis de Cathulu Papillon Florinette Lou Fashion

Une interview de l'auteure ICI

dimanche 22 juin 2008

Méandres de la création

Un écrivain est invité à participer à une rencontre avec ses lecteurs suivie du jeu des questions-réponse: sur l'estrade, devant son auditoire, il écoute la présentation de l'animateur de la soirée, l'intervention d'un conférencier, spécialiste de son oeuvre, et la lecture de passages d'un de ses romans. Son esprit s'envole et se perd dans les méandres de l'ennui, très vite comblé par ses rêveries et ses débuts d'histoires.
Chaque personne croisée au cours de la soirée est une amorce de création de personnages hauts en couleur, jouant sur une large gamme de caractères et de profils: le "parrain" et son sbire, la serveuse sexy sortant d'une histoire d'amour malheureuse, le jeune homme en souffrance qui se lance dans l'écriture comme on s'accroche à une bouée de sauvetage, l'auditrice buvant les paroles de l'auteur, la lectrice dans sa solitude en compagnie de son chat, un rien possessif. Les portraits sont convaincants, on croirait lire la vie de personnes réelles.
Puis, les souvenirs familiaux de l'auteur se superposent aux débuts de vie des personnages: la fiction se mêle à la réalité, les frontières s'évanouissent pour laisser place à une réflexion sur le processus de création littéraire, sur la vie, parfois très ordinaire, des auteurs. L'auteur est un démiurge qui orchestre le quotidien, l'intimité tout comme le destin de ses personnages. Il brouille les pistes tout en se moquant des arguties intellectuelles, joutes verbieuses frôlant l'ennui profond, des commentateurs, des interprètes des romans, ces personnes qui théorisent les écrits des poètes ou des romanciers.
"Vie et mort en quatre rimes" est aussi le roman de l'acte de créer une histoire: les obsessions qui nourrissent la création littéraire, les chemins de l'imaginaire qui mènent aux trames des récits. Mais c'est aussi un regard sur la place de l'écrivain dans la société: ce dernier peut intimider, être admiré sans recul par son lectorat, devenir le modèle de vie ou l'homme idéal ou peut aussi cristalliser les fantasmes de certains lecteurs.
« Ecrire le monde tel qu'il est, tâcher d'emprisonner une nuance, un parfum ou un son dans des mots, c'est un peu comme jouer du Schubert en présence du compositeur qui ricane dans la salle obscure »
"Juste derrière elle, un adolescent, dans les seize ans, s'agite sur son siège, l'air malheureux : c'est peut-être un poète en herbe avec son visage boutonneux et ses cheveux noirs frisés, pareille à de la paille de fer poussiéreuse. Les affres de son âge et les tourments qu'il vit la nuit, dans l'obscurité, retroussent ses lèvres en un rictus proche des larmes, et à travers ses lunettes épaisses comme des chopes de bière, il voue à l'auteur...." (p 28)
Je ne connaissais pas Amos Oz, je le découvre par ce roman drôle, caustique parfois, tendre envers ses personnages. Un univers où l'érotisme furtif (la serveuse et sa culotte que l'on devine, la lectrice solitaire à la voix rauque et sensuelle) côtoie l'ironie envers soi-même, l'auteur se moque de ses atermoiements sentimentaux (monter ou ne pas monter chez Rochale qui sans doute l'attend), offrant une image désacralisée du grand écrivain. Oz met en scène toute une série de pérégrinations érotiques avant que l'auteur parvienne à conquérir la lectrice, à lutter contre son chat et à entrer dans le lit de cette dernière....sans épargner à l'auteur l'échec du à une érection en berne au mauvais moment. Il nous embarque, aussi, dans une rêverie sociale qui façonne des existences, les parcourt et les inventorie au fil de l'imagination créatrice ce qui peut désorienter le lecteur qui ne sait pas vraiment où il est. Les personnages, réels ou fictifs, se croisent et se recroisent tellement que la liste de ces derniers, en fin de roman, est un récapitulatif bienvenu pour renouer tous les fils entre eux. Récapitulation amusante, cocasse qui permet au lecteur de se remémorer avec délice les traits principaux des personnages évoqués, suivis....lecture où le rire est au rendez-vous car les commentaires de l'auteur sont savoureusement désopilants.
Une lecture agréable entre rêve et réalité où la vie des hommes est le sel de la création.

Roman traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen



Une interview de l'auteur, par le journal La Croix, ICI

Les avis de Arsenik Jules Bellesahi (pas très enthousiaste)

Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés


samedi 21 juin 2008

Prix littéraires et Fête de la Musique

Actuellement, je rame pour rédiger mes billets sur mes lectures (vous en avez la preuve dans la rubrique "chroniques en attente". Non pas parce que je suis lasse de blogguer mais parce que depuis mars dernier mon emploi du temps s'est vu devenir plus chargé que d'ordinaire et comme les journées n'ont que vingt-quatre heures et que j'ai besoin de dormir....le rythme ne suit plus!
Le Prix Landerneau (j'espère, le premier d'une longue série) et le 6è Prix des Lecteurs du Télégramme ont été décernés cette semaine: le 16 juin pour Landerneau et hier soir pour le Télégramme.
The winners are....
"La main de Dieu" de Yasmine Char pour le Prix Landerneau
"La femme de l'Allemand" de Marie Sizun pour le Prix des Lecteurs du Télégramme.
Je n'ai pas encore lu le premier (mais Pascal, le Bibliomane, l'a lu et beaucoup aimé), mais j'ai dévoré le second et je suis ravie que Marie Sizun ait obtenu cette reconnaissance des lecteurs bretons (après celle des lectrices de Elle).
Pour fêter la musique.... le fameux air de La Reine de la Nuit (La flûte enchantée) chanté avec brio par Natalie Dessay

jeudi 19 juin 2008

Un matin de printemps


...en me rendant à l'école, je fus charmée par le lever du soleil. Ni une ni deux, je m'arrête sur le bas-côté de la route pour prendre quelques photos dont celle-ci.

J'adore les chemins creux bretons, mystérieux dès potron-minet!

mercredi 18 juin 2008

Besoin d'amour


Un couple mixte, elle est prof de lettres et pédagogue, il est militaire et Libanais. Un enfant naît...c'est une fille et la fêlure apparaît au grand jour: la déception paternelle est muette mais cruellement parlante. Certes, l'enfant aura un nom puisque l'Etat Civil l'exige mais elle ne sera jamais nommée ni appelée. Ses parents ne la voient pas, l'oublient, engoncés dans leur déception, elle d'avoir failli, lui de n'avoir pas eu de garçon. Très vite, le père est l'absence et la violence cruelle et incompréhensible: le monde est meilleur quand il n'est pas là, la lumière même faible éclaire le quotidien; tout s'assombrit et devient amer à chaque retour, plus difficiles les uns après les autres. L'amour maternel est loin d'être au rendez-vous: elle n'aime pas son enfant, sa honte, sa douleur, elle regarde sa petite fille de ses yeux extérieurs de pédagogue, dotés d'une froideur douloureuse tant pour l'enfant que pour le lecteur, en pleine empathie et révolte devant ce manque d'amour manifeste et la volonté de la faire briller en société, exhibée comme un petit singe savant. Le grain de sable survient lorsque, prête à quitter son mari, la mère est tuée par ce dernier qui ensuite se tue, devant la fillette épouvantée par tant de violence et de sang. Elle n'a pas été tuée: pourquoi? par oubli? Parce qu'elle a été mise à part, irrémédiablement, de la vie parentale? Elle est emmenée chez des inconnus, pourtant de la famille, où elle habitera plus que ne vivra. Une totale incompréhension s'instaure entre une fillette, puis une jeune fille et enfin une jeune femme en quête incessante d'amour et de normalité, et une famille sectaire loin de toute capacité à s'ouvrir aux autres et à leur personnalité aussi diverses que leurs horizons d'origine. Ils ne peuvent comprendre son manque d'amour et sa demande d'amour.
Les questions affluent à l'esprit de la fillette: pourquoi ne regrette-t-elle pas ses parents? Pourquoi avoir ressenti comme une délivrance lorsque le sang et la cervelle éclatée de son père l'ont éclaboussée? Pourquoi aime-t-elle tant provoquer ces étrangers de la famille tellement soucieux de leur univers étriqué?
Elle va voir un psy qui s'évertue à lui faire expliquer comment coule le sable dans le sablier de sa vie. Or, elle ne peut vivre ni dans le présent ni dans le futur, prisonnière de son passé, ce passé qui ne la laisse pas vivre sa vie. Elle a épousé un homme qui la fait souffrir, non pas physiquement comme son père, mais affectivement: elle le partage avec d'autres femmes sans pouvoir le quitter car l'amour de la langue et de l'esthétique les unit malgré leur relation chaotique. Le sablier s'est fluidifié mais sans casser le moule parental.
L'écriture de Chloé Delaume est celle des chaos de l'existence: elle est hachée, âpre, douloureuse, inscrite dans l'attente d'une délivrance qui en vient pas. C'est l'attente d'une tendresse, d'une affection qui ne viennent pas, c'est l'attente du passage du temps, l'attente de redevenir une poussière de sable et de réintégrer le sablier du Temps. Mais le sable continue de râper la peau sensible, par les mots du désespoir du à cette attente éternelle, la plume grinçante de Chloé Delaume égratine les hommes, la figure du père, du compagnon, de l'oncle mais aussi les femmes qui auraient du protéger l'enfance de la fillette, son adolescence: la mère et la tante ont failli non seulement à leur rôle de protectrice et de figure aimante mais aussi à leur rôle de passeuse vers l'acceptation et l'épanouissement de la féminité.
Parfois le style de Chloé Delaume est hermétique, profond, entraînant le lecteur dans les abysses du psychisme où la poésie des phrases le désoriente tout en le charmant avec intensité. Le lecteur subit un choc esthétique, littéraire en lisant les phrases inachevées, souvent absconses au départ puis lumineuses quand il tient fermement le fil conducteur de la poésie de l'auteur, parvenant ainsi à la suivre dans le labyrinthe de son écriture et de ses sentiments et de ses souvenirs sombres et étouffants. Le style lapidaire, violent, accèlère la vitesse de la lecture, sans ménager beaucoup d'espaces de respiration pour soulager le lecteur qui a alors envie de détourner son regard, de se voiler la face derrière ses mains, comme s'il redevenait un petit enfant apeuré par un spectacle difficile à regarder.
Il faut passer le choc premier du style de l'auteur pour se sentir pris par le texte et tout ce qu'il véhicule comme interrogations, peurs, angoisses et révoltes. Une lecture que l'on garde longtemps à l'esprit, une atmosphère prenante que l'on ne quitte pas de si tôt.

"Maman se meurt première personne. Elle disait malaxer malaxer la farine avec trois œufs dedans et un yaourt nature. Papa l’a tuée deuxième personne. Infinitif et radical. Chloé se tait troisième personne. Elle ne parlera plus qu’au futur antérieur. Car quand s’exécuta enfin le parricide il fut trop imparfait pour ne pas la marquer." (p.20)

Le site de l'auteur ICI

Ce livre a été lu dans le cadre du Cercle des Parfumés.

lundi 16 juin 2008

Chronique familiale

Monsieur K., écrivain japonais célèbre, est invité en résidence d'artiste dans une université californienne. Pour la première fois sa femme l'accompagne. Ils laissent leurs trois enfants au Japon: , étudiante en lettres, O le cadet qui prépare son examen d'entrée à l'université et Eoyore, le fils aîné, handicapé et musicien, fragile et imprévisible. chronique leur vie quotidienne, loin des parents.
Il apparaît difficile de parler de ce roman-chronique tant l'action diffuse peine à être décrite: le quotidien est file aussi vite que le temps d'une journée. Ce qui reste est l'ambiance oscillant entre tendresse, mélancolie et ironie: regarde ce qui lui reste à faire, ce qu'elle a fait, ce à quoi elle doit penser sans se révolter, sans fatigue apparente. De temps à autre, une pointe subtile, presque invisible, sur les relations avec son père qu'elle ressent distant, froid et peu intéressé par elle. En effet, l'attention paternelle se porte vers Eoyore, l'immense garçon, handicapé mental, le fils qui ne correspond pas à l'image que l'on se faisait de lui avant sa naissance. Une blessure parentale, un sentiment de culpabilité entraînant un regard plus attentif, plus tendre sur celui qui a été mal doté par la Nature. Souffrance réellement vécue par dont le fils est le double de Eoyore.
A la lumière de sa biographie, on constate que Kenzuro Oé n'est pas tendre avec lui-même: le personnage de Monsieur K. (son double?) est tout sauf sympathique aux yeux du lecteur. En effet, K. est égocentrique, centré sur son mal-être et ses angoisses de la feuille blanche: son séjour californien en compagnie de son épouse semble être sa planche de salut et le fait de laisser derrière lui ses enfants (dont Eoyore nécessitant une attention de tous les instants) ne lui pose aucun problème....ce qui peut être surprenant voire choquant.
Au gré de la chronique de , l'auteur aborde des aspects divers de la société japonaise mais aussi des thèmes universels tels que le regard porté sur la différence et le handicap mettant à part celui ou celle qui en est frappé. Il insiste sur le fait qu'un handicap peut s'accompagner d'une grâce particulière: ici, Eoyore est musicien et compositeur de talent. O, le fils cadet, prépare un examen d'entrée d'une excellente université: le système éducatif japonais apparaît comme étant tout sauf un long fleuve tranquille, loin de toute existence tranquille pour celui qui travaille dur pour parvenir à l'excellence. , la fille de la maison, se voit incomber les tâches ménagères quotidiennes et de ce fait mettre entre parenthèses ses études universitaires: la place de la femme dans la société semble rester malgré tout très assujettie à la tradition.
Mais comment rester insensible aux références littéraires (notamment des écrits de Céline) et culturelles nombreuses? Comment résister aux références littéraires, culturelles et socio-politiques polonaises? Comment ne pas sourire, voire rire, en lisant la scène, très amusante, de la distribution des tracts de protestation devant l'ambassade de Pologne? Comment ne pas se laisser emporter par l'écriture d', incisive derrière la nostalgie et l'humour? Le lecteur est vite conquis et s'embarque pour une délicieuse découverte littéraire.
Ce qui est extraordinaire c'est qu'une fois installé dans le rythme du roman et son atmosphère, on ne peut le lâcher! C'est ce qui lui donne toute sa force et sa luminosité.


Roman traduit du japonais par Anne Bayard-Sakai

Les avis de Chiffonnette Lire et Kastor

dimanche 15 juin 2008

Pour tous les Papas

Journée spéciale pour tous les Papas de France....ce matin, un petit cadeau fait main (on s'attend à tout en général mais c'est le geste qui compte!) et le fameux compliment accompagné de sa carte.

Bonne fête Papa!

Quelques informations glanées sur le Net:

"L'idée de créer une fête pour que les enfants honorent leurs pères est née à Spokane, aux états-unis. C'est une femme, qui s'appelait Sonora Smart Dodd, qui a eu cette idée en écoutant un sermon le jour de la fête des mères en 1909. Elle avait été élevée par son père, Henry Jackson Smart, après la mort de sa mère et elle voulait lui faire savoir à quel point elle lui était reconnaissante. Comme son père était né en juin, elle choisit ce mois pour organiser la première fête des pères à Spokane le 19 juin 1910."

C'est en 1924 aux États-Unis que le Président Calvin Coolidge inaugura un jour spécial en l'honneur de tous les pères.En 1966, le Président Johnson décida de célébrer cette fête, tous les ans le troisième dimanche de Juin.

Histoire du père en Occident:

"Chez les romains, c'est le père qui décide si l'enfant qui naît dans la maison (qu'il soit ou pas son enfant biologique) deviendra son enfant. S'il fait le geste de le soulever, il le fait sien. Sinon, l'enfant est placé sur les marches du temple et dévoré par les bêtes sauvages ou recueilli par un passant compatissant. Le pater familias a le droit de vendre ou de tuer son enfant.
Puis, la paternité évolue. Elle se civilise et se rigidifie en même temps. Le droit de tuer son enfant est aboli, puis, la coutume de l'exposition. Puis, le père ne peut plus avoir d'autres enfants que ceux d'une femme avec qui il est marié. Mais le père reste le maître incontesté du destin des enfants.
Petit à petit, ce pouvoir est remis en cause. La religion, puis l'état se mêlent à leur tour du futur des enfants.
Enfin, les guerres mondiales ont appris aux femmes à se débrouiller seules pendant que les maris étaient à la guerre, prisonniers ou morts mais il a fallu attendre mai 68 pour que soit définitivement aboli la toute puissante du père et que la femme soit considérée comme l'égale de l'homme pour décider de l'avenir de leurs enfants..."

En France, il semble que c'est en 1952 que l'on aurait fêté la première fête des Pères officielle.

Les Papas ont-ils été gâtés?

vendredi 13 juin 2008

Jusqu'où iront-ils?


Après "Arrêt sur images", "Le bateau-livre" sera supprimé de la programmation de France 5 à la rentrée prochaine! Les îlots d'intelligence et de culture sont submergés par la loi du taux d'audience, le service public est dépecé....jusqu'où iront-ils dans le non-sens et le sordide? Au secours, Les Lumières, ils sont devenus fous!



Reçu hier cette lettre de Frédéric Ferney animateur du « Bateau–Livre » sur France 5. Je vous laisse juge de réagir et surtout de soutenir cette belle cause....N'hésitez pas à laisser vos commentaires et vos messages de soutien que nous ferons parvenir à Frédéric Ferney.Une émission littéraire qui disparaît, contrairement au train, n'en cache pas forcément une autre. Alors restons vigilants et continuons de soutenir ceux qui donnent envie de lire ailleurs que sur les autoroutes culturelles...

MERCI DE RELAYER L’INFORMATION ET DE LAISSER UN MESSAGE SUR CE BLOG :


Votre dévoué, Eric Poindron


Paris, le 4 juin 2008

Monsieur le Président et cher Nicolas Sarkozy,


La direction de France-Télévisions vient de m’annoncer que « Le Bateau-Livre », l’émission littéraire que j’anime sur France 5 depuis février 1996, est supprimée de la grille de rentrée. Aucune explication ne m’a encore été donnée.

Si j’ose vous écrire, c’est que l’enjeu de cette décision dépasse mon cas personnel. C’est aussi par fidélité à la mémoire d’un ami commun : Jean-Michel Gaillard, qui a été pour moi jusqu’à sa mort un proche conseiller et qui a été aussi le vôtre.

Jean-Michel, qui a entre autres dirigé Antenne 2, était un homme courageux et lucide. Il pensait que le service public faisait fausse route en imitant les modèles de la télévision commerciale et en voulant rivaliser avec eux. Il aimait à citer cette prédiction : « Ils vendront jusqu’à la corde qui servira à les pendre » et s’amusait qu’elle soit si actuelle, étant de Karl Marx. Nous avions en tous cas la même conviction : si l’audience est un résultat, ce n’est pas un objectif. Pas le seul en tous cas, pas à n’importe quel prix. Pas plus que le succès d’un écrivain ne se limite au nombre de livres vendus, ni celui d’un chef d’état aux sondages qui lui sont favorables.La culture qui, en France, forme un lien plus solide que la race ou la religion, est en crise. Le service public doit répondre à cette crise qui menace la démocratie. C’est pourquoi, moi qui n’ai pas voté pour vous, j’ai aimé votre discours radical sur la nécessaire redéfinition des missions du service public, lors de l’installation de la « Commission Copé ».

Avec Jean-Michel Gaillard, nous pensions qu’une émission littéraire ne doit pas être un numéro de cirque : il faut à la fois respecter les auteurs et plaire au public ; il faut informer et instruire, transmettre des plaisirs et des valeurs, sans exclure personne, notamment les plus jeunes. Je le pense toujours. Si la télévision s’adresse à tout le monde, pourquoi faudrait-il renoncer à cette exigence et abandonner les téléspectateurs les plus ardents parce qu’ils sont minoritaires? Mon ambition : faire découvrir de nouveaux auteurs en leur donnant la parole. Notre combat, car c’en est un : ne pas céder à la facilité du divertissement pur et du ''people''. (Un écrivain ne se réduit pas à son personnage). Eviter la parodie et le style guignol qui prolifèrent. Donner l’envie de lire, car rien n’est plus utile à l’accomplissement de l’individu et du citoyen.

Certains m’accusent d’être trop élitaire. J’assume : « Elitaire pour tous ». Une valeur, ce n’est pas ce qui est ; c’est ce qui doit être. Cela signifie qu’on est prêt à se battre pour la défendre sans être sûr de gagner : seul le combat existe. La télévision publique est-elle encore le lieu de ce combat ? Y a-t-il encore une place pour la littérature à l’antenne ? Ou bien sommes-nous condamnés à ces émissions dites « culturelles » où le livre n’est qu’un prétexte et un alibi ? C’est la question qui est posée aujourd’hui et que je vous pose, Monsieur le Président.

Beaucoup de gens pensent que ce combat est désespéré. Peut-être. Ce n’est pas une raison pour ne pas le mener avec courage jusqu’au bout, à rebours de la mode du temps et sans céder à la dictature de l’audimat. Est-ce encore possible sur France-Télévisions ?

En espérant que j’aurai réussi à vous alerter sur une question qui encore une fois excède largement celle de mon avenir personnel, et en sachant que nous sommes à la veille de grands bouleversements, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de mon profond respect.

Frédéric Ferney

P.S. « Le Bateau-Livre » réunit environ 180 000 fidèles qui sont devant leur poste le dimanche matin à 8h45 ( ! ) sur France 5, sans compter les audiences du câble, de l’ADSL et de la TNT ( le jeudi soir) ni celles des rediffusions sur TV5. C’est aussi l’une des émissions les moins chères du PAF.

La lecture et moi



Merci Lamia de penser à moi pour les tags (hum, hum)! Grâce à toi, je m'aperçois que j'ai zappé un autre tag (je ne me rappelle plus venant de qui....la honte!) ce qui me rend très confuse.
Bon, prenons le taureau par les cornes et au travail!


1) Où et quand?
Dès que je le peux, dès que j'ai un moment de libre. Hélas, trop de bruit me coupe toute envie d'ouvrir un livre. Par contre, aucun problème au jardin public ou sur la plage (sauf quand il y a des bruits parasites de radio...une véritable horreur pour moi!)
Le retrait (là où on est sûr d'être seul) est un lieu privilégié. Dans chaque pièce stratégique de la maison, traîne un livre en cours ou un beau livre.

2) Comment je choisis mes lectures?

En me baladant sur les blogs et en fréquentant le forum littéraire "Parfum de livres", véritables boîtes de Pandore, lieux mal famés où les LCA ne peuvent jamais en réchapper! Parfois, une couverture attire mon regard, mon attention et la main sort le porte-monnaie sans que je puisse
réagir. Il m'arrive aussi de choisir un livre en le respirant (ainsi fut fait avec "La rose de Bratislava" en Livre de Poche - version d'il y a plus de 20 ans -).
La médiathèque est une source de débordements irrépressibles et d'allongement inconsidéré de ma PAL.


3) Quel style de lecture?

Je pense être relativement éclectique. Bien sûr j'ai des genres et des auteurs de prédilection mais j'aime aller à l'aventure et bousculer mes habitudes!

4) Qu'est-ce que j'attends de mes lectures?

J'en attends un dépaysement, un voyage, un moment de respiration ou de méditation (je suis alors hors du temps et de l'espace) mais surtout un plaisir de lire et de suivre les pérégrinations des personnages avec l'infini de la gamme des émotions partagées.

5) Mes petites manies?

Je ne sais pas si j'en ai....il faudrait le demander à l'homme de ma vie (grand lecteur lui aussi). En creusant bien, je dirais....lire avant de pouvoir m'endormir, la présence d'un thé bien chaud, celle d'un de mes chats. Euh, je crois que j'ai une fâcheuse tendance (aux yeux de ceux qui aiment l'ordre) à semer, non seulement mes vêtements et mes mouchoirs en papier, mais aussi mes livres en cours de lecture et les signets! J'aime empiler les livres que je souhaite lire au cours d'une période donnée, ce qui peut aussi faire désordre. Comme j'ai un amour de mari, si je suis victime d'une insomnie, je peux actionner la lampe de chevet et chercher le sommeil en lisant parfois jusqu'au bout de la nuit!

Je crois que ce tag a fait le tour de la blogosphère donc si le coeur vous en dit, je ne peux que vous inviter à répondre à ces amusantes questions.

jeudi 12 juin 2008

Randonnée culturelle


Un homme, professeur d'université, voyage à pieds dans les paysages de la côte est de l'Angleterre. Au gré de ses marches, il chemine dans les oeuvres de Thomas Browne, "la leçon d'anatomie" de Rembrandt et pense au destin de Conrad.
"Les anneaux de Saturne" est une oeuvre non romanesque aux accents de roman: le voyage à pieds frise avec l'épopée et l'aventure commence dès l'entrée dans le dédale des chemins creux anglais perdus au milieu de la lande. Une fois le rythme pris, ce rythme particulier de la marche avec le défilement lent et subtil des paysages parcourus, le lecteur entre avec délice dans le récit de voyage et déambule, doucement ballotté, dans les pensées du voyageur. Les souvenirs de lectures et d'études succèdent à l'observation et au commentaire du tableau de Rembrandt, la fameuse "Leçon d'anatomie", dans lequel le lecteur, passager clandestin, se retrouve intégré. Puis, le cheminement des pensées croise le souvenir des déambulations à travers le monde de Joseph Conrad. Une envie soudaine de prendre un gréement en partance vers l'Afrique, de rencontrer Lord Jim ou d'aller "Au coeur des ténèbres", titille le lecteur gentiment installé dans le sac à dos du narrateur. La magie du récit de voyage opère et très vite la côte est de l'Angleterre devient une terra incognita imprévisible, chatoyante, insolite et extraordinaire. Sebald balade son lecteur entre présent et passé, entre histoire humaine et histoire naturelle et l'amène aux rives du rêve et de la réalité grâce à une plume érudite stimulant la curiosité de ce dernier et l'amenant à poursuivre avidement le cheminement du récit.
"Les anneaux de Saturne" n'est pas seulement un roman et décline plusieurs genres littéraires: journal de voyage, autobiographie, encyclopédie, notes de lecture, essai. Sebald explore le monde que l'homme a construit depuis qu'il existe et que trop souvent il s'applique à détruire ou à oublier.
Sebald a écrit un "Objet à Lire Non Identifiable" (expression extrêment juste et joliment trouvée par un blogger, Emmanuel Gaspard) superbement écrit qui emmène son lecteur dans les entrelacs de la mémoire culturelle et scientifique où parfois il s'égare car ne sachant plus demêler le vrai du fantaisiste. Un livre que l'on ne peut absolument pas résumer et que l'on ne peut que conseiller de lire afin d'en éprouver tout le sel, la beauté poétique et la force narrative. Bref, un petit bijou étonnament et jubilatoirement déconcertant.
Une seule chose m'a gênée au cours de ma lecture: les citations et passages en anglais non traduits (certainement une volonté de Sebald) ce qui m'a frustrée car je ne maîtrise absolument pas la langue de Shakespeare! Mais la langue est tellement belle et bien traduite, la narration tellement prenante que ce léger désagrément n'est que vétille!!!!

Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss

dimanche 8 juin 2008

Un nouveau prix littéraire

Arrivée d'un nouveau prix littéraire dans le paysage culturel français: le Prix Landerneau. Je vois vos yeux écarquillés de surprise: Landerneau, ce nom vous rappelle quelque chose mais quoi? Landerneau, petite ville située en Bretagne, dans le Finistère, qui a vu l'ascension fulgurante d'une famille de commerçants devenus célèbres! Ah, mais oui, c'est bien sûr...la famille Leclerc des Centres Leclerc!
Il est de notoriété publique que l'actuel PGD des centres Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, est un homme féru de littérature et qui, fait rarissime dans sa profession, lit beaucoup!

Les Centres Culturels Leclerc ont donc mis en place le Prix Landerneau qui "fait découvrir des écrivains de talent encore peu connus des lecteurs. Son objectif est de faire souffler un vent de nouveauté sur le monde de la littérature, de bousculer un certain conformisme.(...)... se distingue dès la première phase de sélection des oeuvres, choisies par les 140 libraires des Espaces Culturels E.Leclerc, garants de la qualité du roman mais surtout de sa force narrative et de son originalité. Puis, un jury restreint, présidé par Jean Rouaud, prix Goncourt 1990, composé d’écrivains reconnus pour leurs romans atypiques et poignants comme Laurence Tardieu et Joël Egloff ainsi que des libraires des Espaces Culturels E.Leclerc réunis autour de Michel-Edouard Leclerc, désigne le lauréat. Incarnation de la variété culturelle et géographique française et reflet des différents métiers du monde de la littérature, ce jury se distingue ainsi par sa diversité."

Quelques blogs littéraires, dont Chatperlipopette, se sont vus proposer la lecture des 8 romans finalistes. Cette proposition se fait sans contre-partie et à nous de décerner notre Prix Landerneau....concordera-t-il avec le choix du jury?

Une initiative intéressante que l'on ne peut que saluer car comme l'écrit si bien Stéphanie "... les lecteurs occasionnels ne pousseront pas automatiquement la porte d'une libraire, mais ils iront faire leurs courses"!

Les huit finalistes "Prix Landerneau 2008"


Joseph Bialot, Le jour où Albert Einstein s’est échappé, (Métailié, 2008)
Antoni Casas Ros, Le théorème d’Almodovar, (Gallimard, 2008)
Yasmine Char, La Main de Dieu, (Collection Blanche, Gallimard 2008)
Michèle Halberstadt, L’Incroyable Histoire de Mademoiselle Paradis,
(Albin Michel, 2008)
Antoine Laurain, Fume et tue, (Le Passage, 2008)
Véronique Ovaldé, Et mon coeur transparent, (L’Olivier, 2008)
Camille de Peretti, Nous vieillirons ensemble (Stock, 2008)
Claire Wolniewicz, Le temps d’une chute, (Viviane Hamy, 2008)


Participent aussi à cette aventure: Caro[line], Stéphanie, Michel, Anne, Fashion Victim, Pascal, Lily, Laure, Cathulu, Lou et Papillon.

Merci à Elodie pour toute ces lectures.

Le désarroi de Lili


Lili est jeune, Lili sort de prison et vit avec Samuel, l'homme qui l'a sortie de l'enfermement. Lili a eu une enfance très étrange, loin de toute société entre un père appartenant à un parti fasciste et une mère qui de désespoir laissera son corps exprimer sa souffrance en devenant difforme. Son petit frère, lutin survolant cette folie peu ordinaire sur son tricycle, est un élément incongru dans ce décor glauque et sombre. Lili aura un vieil amant qui lui fera découvrir les paradis artificiels, ceux-là même qui la conduiront derrière des barreaux.
Autant Lili est dans les souvenirs, le passé, autant Samuel est ancré dans la réalité, serein et attentif et se projetant dans l'avenir en parlant de la venue d'un bébé dans leur couple. Un soir, alors qu'elle ne dort pas, Lili par la fenêtre voit les animaux du zoo partir: rêve ou réalité? A partir de là, Lili pense de plus en plus à son amant, Yoïm, à sa dépendance envers les pilules qu'il lui fournissait et ce corps énorme qui la fascine.
Peu à peu son univers se fissure, laissant s'échapper les souffrances passées, les trahisons (celles de Yoïm et de son père) et les abandons: son enfance loin d'être rose s'est déroulée dans l'enfermement de la peur de l'extérieur et des autres, devant le spectacle de sa mère qui lentement se détruit à grandes doses de nourritures trop riches. La raison vacille, la folie pointe le bout de son nez à mesure que le passé ressurgit. Lili se bat pour ne pas sombrer dans la dépendance des relations étranges et malsaines qu'elle entretenait avec Yoïm, Yoïm qui réapparaît sans crier gare dans sa vie tranquille, presque équilibrée, avec Samuel. Dès lors, son corps mène les rênes de son esprit: la moiteur sensuelle perle en elle, l'appel du corps de Yoïm l'emmène dans une chambre d'hôtel et lui fait porter à la bouche les dangereuses pilules, celles de la dépendance du corps et de l'esprit. L'anéantissement de Lili semble proche: résistera-t-elle à la tentation de tout gâcher? Elle se souvient de la prison, de son viol à la bouteille de Coca, de l'odeur infernale de l'enfermement et de la folie naissante, du goût amer de la solitude et de la trahison....souvenirs qui peuvent devenir planche de salut, tel le coup de pied salvateur de celui qui se retrouve au fond de l'eau pour recouvrer l'air de la surface.
Véronique Ovaldé entraîne son lecteur dans l'univers toujours très fragile de la folie du désir, de l'amour et de la dépendance, ces hiatus qui font parfois basculer l'esprit et la raison. Lili se souvient parfois à coups de longues phrases, longues comme des paragraphes, de phrases enchaînant le flux de la réalité, des pensées, des rêves, du passé, des espoirs et des tentations de gâchis. On perçoit le monde à travers les yeux de Lili, ses fêlures, ses blessures, ses luttes contre les fantômes d'un passé sombre et glauque, diables harceleurs dès que la volonté flanche. On s'inquiète à l'idée que Lili ne fasse les mauvais choix et on soupire d'angoisse d'un bout à l'autre du récit. La limite entre la réalité et la vérité intérieure de Lili est difficile à cerner et cela jusqu'au dénouement final. Véronique Ovaldé sait orchestrer les atmosphères dérangeantes et angoissantes, poussant son lecteur dans ses derniers retranchements, grâce à son écriture où pointe une poésie persistante. Certes l'omission d'articles et des phrases inachevées peuvent agacer certains lecteurs, mais il n'empêche que cette construction peint avec justesse le monde de la folie qu'aime explorer Ovaldé. Peu à peu, au gré des phrases inachevées, des mots crus étonnants voire incongrus, les personnages prennent corps et le lecteur pénètre dans le monde intérieur de Lili et la comprend parce qu'une telle folie peut être en chacun de nous.
Un roman déconcertant mais percutant où l'émotion et l'angoisse se mêlent à chaque instant.