mercredi 29 décembre 2021

Lumikko

 

Je ne savais pas trop dans quoi je m'engageais en ouvrant le roman d'un auteur finlandais, Pasi Ilmari Jääskeläinen, que je ne connaissais pas du tout bien qu'ayant vu passer sur les blogs et autres réseaux sociaux la sublime couverture de son roman « Lumikko ».

Décembre étant le mois consacré à la lecture de romans dits nordiques, ni une ni deux je me suis lancée dans la découverte d'une histoire des plus étranges. Elle se déroule dans une petite ville finlandaise prospère, Jäniksenselkä, siège d'une célèbre société littéraire regroupant neuf sociétaires, tous devenus de célèbres écrivains, autour de leur figure tutélaire, Laura Lumikko, auteure jeunesse vénérée des romans du Bourg aux monstres.

Ella, jeune professeure de finnois aux ovaires déficients, à Jäniksenselkä, s'aperçoit, en relisant « Crime et châtiment » de Dostoïeski qu'il y a des scènes étranges, des scènes légèrement modifiées comme si un typographe en mal de mauvaises blagues avait changé des mots.

Elle se rend à la bibliothèque, tenue par un des membres de la Société littéraire de Jäniksenselkä, pour en avoir le cœur net. Le comportement étrange de cette dernière intrigue Ella qui se met en quête de découvrir le mal dont souffre certains livres.


L'auteur entraîne son lecteur dans une histoire oscillant sans cesse entre enquête policière et récit fantastique. Ella découvre, peu à peu, que la Société littéraire est toujours à la recherche d'un dixième membre, que Laura Lumikko reste encore une femme mystérieuse, que huit des neuf membres vivent à Jäniksenselkä, que Laura Lumikko est à l'affût de tout talent caché au point que l'école de la ville lui envoie les rédactions des élèves.

Quelques temps plus tard, Ella saute le pas en envoyant au journal local une de ses nouvelles, elle n'a pas le loisir de regretter son geste et d'informer la rédaction de ne pas publier son texte qu'il paraît et attire l'attention de la grande Laura Lumikko. Une telle attention que Ella devient le dixième membre tant attendu.

Le soir de son intronisation au sein de la Société littéraire, une réception est donnée chez Laura. Alors que la célèbre écrivaine est attendue pour officialiser l'entrée d'Ella, Laura apparaît enfin pour disparaître soudain dans une bourrasque de neige envahissant le hall.

Ella a juste eu le temps de recevoir un petit livre expliquant les règles du Jeu et de s'interroger sur les circonstances de la disparition inexpliquée et inexplicable de Laura Lumikko.


En s'appuyant sur ses qualités de chercheuse, Ella se lance dans une aventure aussi loufoque que déroutante : on croise des statues inspirées par les personnages du Bourg aux monstres, des chiens errants ou fugueurs se regroupant sans relâche au portail de la maison de Martti Talvimaa, membre de la fameuse Société littéraire, une étrange peste affectant les livres de la bibliothèque, des fantômes et le souvenir enfoui du premier dixième membre décédé dans un accident de voiture alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années. Une omerta plane lourdement autour de lui.

En effet, les neuf membres appartiennent à la Société littéraire depuis leur plus jeune âge, ils avaient entre 8 et 9 ans et vivaient tous à Jäniksenselkä. Laura Lumikko avait repéré leur talent d'écriture et pris sous son aile.

Ella découvre les arcanes du Jeu : des défis que se lancent les membres, défis auxquels aucun d'eux ne peut se dérober. Ella utilisera le Jeu pour enquêter et connaître les dessous mystérieux de la Société. Chacun déversera, Ella en fera de même.

Le Jeu est une source d'inspiration pour les membres, une source douloureuse et fascinante.

Laura Lumikko fut-elle le Pygmalion des neufs jeunes membres ? Le Jeu met-il en place un processus de création littérataire ? « Déverser » ce qu'on tait au fond de soi est-ce une sorte de catharsis ? Ella approche-t-elle ainsi l'essence même de la création d'une œuvre d'art ? Toujours est-il qu'il y a toujours une part de violence dans le procédé et le processus. Il y a également une réflexion sur la place de l'écrivain dans la société et la nature de l'inspiration.


« Lumikko » promène le lecteur comme dans un polar, le perd sur des sentiers fleurant bon le fantastique des contes traditionnels, le réoriente par l'art de l'illusion, comme dans le roman de Donna Tart « Le maître des illusions », en moins sordide tout de même. Chaque éclaircissement provoque un autre questionnement, tels les mystères de Twin Peaks au point que l'on se demande comment tout cela prendra fin : drame, horreur ou pirouette amusante ?


« Lumikko » est une pépite surprenante, la fantaisie n'est jamais bien loin, l'humour très présent et la lecture jubilatoire.

A découvrir sans hésitation.

Traduit du finnois par Martin Carayol


Quelques avis :

Babelio Antigone On a lu Nadeau Sens critique  Textualités  Zoé  Livraddict  Chronicroqueuse  Carolivre

Lu dans le cadre




  
  


lundi 27 décembre 2021

Ör ou le kintsugi islandais

 


Un homme d'une cinquantaine d'année s'interroge sur le sens de la vie, sur le sens de sa vie. Depuis huit ans il n'a pas touché une femme, depuis son divorce. Trois femmes comptent dans sa vie, trois Gudrun, sa mère, son ex-femme et sa fille.

Jonas Ebeneser a pourtant une passion : celle de restaurer, réparer et retaper les meubles, les pièces ou les objets qui ne se portent pas bien. Bientôt, il ne trouve plus de réconfort à réparer les choses, la crise existentielle de la cinquantaine frappe à la porte de son âme.

Il décide d'en finir puisque les trois femmes de sa vie ne semblent faire que peu de cas de lui et de ses questionnements. Il liquide son entreprise, prend un minimum d'affaires, ses outils les plus utiles, dont sa perceuse, et un billet d'avion pour un pays en guerre pour mettre fin à ses jours, disparaître sans laisser de trace.

Sauf que...


Le pays ravagé par la guerre connaît une trêve, l'hôtel « Silence » où il a réservé une chambre pour quelques jours, renaît doucement de ses cendres grâce à l'opiniâtreté des neveu et nièce, Fifi et May, de la propriétaire.

La ville balnéaire panse ses plaies comme elle peut, tente de vivre normalement depuis que les démineurs ont rendu sûrs quelques quartiers, Jonas est un des trois touristes accueillis par l'Hôtel Silence, annonceur d'une possible embellie sur un pays en ruines.


Jonas prend peu à peu conscience que tout est à réparer, retaper ou restaurer dans la ville et surtout dans l'hôtel.

Il commence par rendre fonctionnelle la douche de sa chambre ce qui n'échappe pas à May. Un lien s'instaure entre Jonas et les jeunes gens au point qu'il cède à leur demande d'aide pour remettre en état les chambres de l'hôtel.

Puis ce sera le pont, fragile, jeté entre lui et Adam, le jeune fils de May, orphelin de père et muet. Un jour, Jonas, dans la réserve de l'hôtel, trouve un cahier de coloriage et ses crayons de couleur. Adam couvre des pages entières de rouge et de noir jusqu'à ce que les crayons s'amenuisent. Ses dessins deviennent plus organisés et colorés, comme s'il reprenait goût à la vie et à ses couleurs. L'embellie après avoir exorcisé ses peurs par ses gribouillages violents.


Ainsi Jonas parti loin de chez lui pour disparaître à jamais, se remet à exercer sa passion, qui là devient nécessité, de restaurateur, de réparateur d'objets brisés. A chaque fois qu'il remet en fonctionnement quelque chose, qu'il répare un meuble, qu'il réhabilite les pièces d'une maison qui accueillera des femmes qui ont tout perdu, c'est un être humain qu'il reconstruit, c'est une vie brisée qu'il remet debout … et c'est un peu des morceaux de lui-même qu'il recolle.


« Ör » est un roman, non pas initiatique, de la réparation, du retour sur soi et de la reconstruction de soi. On se perd pour mieux se retrouver dans un endroit perdu, laminé et brisé par les horreurs d'une guerre civile qui rendit ennemis les voisins, les amis.

Audur Ava Olafsdottir relate, avec une délicatesse empreinte de poésie, le cheminement d'un homme à la recherche d'un sens à sa vie. Il pense l'avoir perdu et en pratiquant, à sa manière, l'art du kintsugi, art ancestral japonais de réparation des « blessures » des objets avec de la poudre d'or, les mettant en valeur pour les magnifier, approche au plus près la quintessence de la vie en soulignant les blessures reçues. Ör en islandais est un terme neutre qui veut dire cicatrice, toute sorte de cicatrices, ce qui renforce encore plus l'histoire du personnage principal.

Le nymphea tatoué sur la poitrine de Jonas en sublime la blessure, les réparations discrètes, mais ô combien vitales, des objets du quotidien, soulignent que ce qui a été détruit peut reprendre « vie » et que mourir n'est jamais urgent.


J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteure dont je n'avais encore rien lu. La poésie est toujours présente, dans la plus banale description, dans le détail infime, ce qui apporte une intensité sublime au roman.

« Ör » est un roman très beau et envoûtant.

Traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson


Quelques avis :

Babelio  Hélène  Virginie Neufville  On a lu  Actualitté  Télérama  Sens critique  Nordic zone livres  France Inter

Lu dans le cadre




  

dimanche 26 décembre 2021

Le mystère de Noël

 


Je pensais avoir emprunté un roman policier anglais et …. erreur, « Le mystère de Noël » est un roman américain de Mary Higgings Clark dont j'avais lu, il y a bien longtemps quelques romans policiers qui ne m'ont guère laissé de souvenir.


« 160 millions de dollars! Un cadeau de Noël inespéré pour les employés du supermarché de Branscombe qui ont décroché le billet gagnant. De quoi bouleverser la vie de la petite ville et exciter la convoitise d'escrocs prêts à tout pour détrousser les gens trop crédules...
Heureusement, en vacances dans ce coin pittoresque du New Hampshire, Alvirah Meehan et le détective Regan Reilly, les héroïnes préférées de Mary et Carol Higgins Clark, vont prendre l'affaire en main.
Disparitions mystérieuses, suspense, humour... une délicieuse fantaisie pour passer les Fêtes avec le sourire. »


Que dire ?

Je ne peux pas dire que l'histoire m'a déplu.

Je ne peux pas dire qu'elle est enthousiasmante.

Je ne peux pas dire que je me suis mise à suivre les personnages.

Je ne peux pas dire que l'enquête m'a fait frémir.


Par contre...

Je peux dire que j'ai passé un moment amusant, en regrettant Hercule Poirot et les Noël anglais.

Je peux dire que tout est tellement téléphoné que cela en devient comique.

Je peux dire que ce roman n'est pas pire que les comédies romantiques de Noël et que l'auteur n'a pas la prétention d'avoir écrit un chef d'oeuvre (j'espère).

Je peux dire que la fantaisie est malgré tout réussie.


Après tout, après les comédies nunuches de Noël, les pulls moches de Noël (qui deviennent tendance) pourquoi pas les « cosy mystéries » nunuches de Noël à la mode américaine !

Quand on lit « Le mystère de Noël » au deuxième ou troisième degré, on s'amuse beaucoup en listant les poncifs afférents à la « nunucherie ».

Traduit de l'américain par Anne Damour

Quelques avis:

Babelio


mercredi 22 décembre 2021

Le Noël d'Hercule Poirot

 




Simon Lee décide de réunir ses enfants pour fêter Noël dans la demeure familiale. Il vit reclus dans sa chambre, servi par un valet, aussi silencieux qu'un chat, mettant mal à l'aise Alfred et sa femme Lydia, seuls à vivre sous le même toit que le patriarche autoritaire.

Le vieil homme souhaite-t-il apaiser les tensions familiales à la fin de sa vie ? Souhaite-t-il renouer les fils des liens familiaux distendus par ses aventures extra-conjugales qui ont consumé, à petit feu, son épouse morte de chagrin et de désespoir ?

Sous l'esprit de Noël se cache, à coup sûr, des intentions moins affables.

Comment réconcilier ce qui ne peut l'être ? Comment Alfred Lee, qui supporte le vieil homme sans oser se libérer de sa coupe, accueillera-t-il le fils prodigue, Harry disparu depuis des années, son frère politicien, son autre frère David, toujours pas remis de la mort de leur mère, une nièce tombée du ciel et un jeune inconnu d'Afrique du Sud ?

 

Agatha Christie déroule le portrait de chaque protagoniste, mettant en avant leur caractère, ce qui les rapproche ou les éloigne de Simon Lee, leurs ressentiments envers lui ou d’autres membres de la famille, leurs préférences, leur choix de vie.

C’est dans les menus détails que se cacheront les éventuels mobiles du crime qui sera perpétré à la veille de Noël. Bien entendu, chacun d’entre eux a au moins une raison d’avoir tué le vieil homme sarcastique, horripilant et acariâtre.

Notre Hercule Poirot a bien de la chance de vivre un Noël de cette ampleur ! Et quelle ironie dans le titre : rien dans le récit montre une ambiance festive, joyeuse et chaleureuse, nous sommes loin du traditionnel Noël anglais.

Rien n’arrête le célèbre détective belge qui prend grand plaisir à faire fonctionner ses cellules grises tant la manière dont le crime a été organisé et réalisé lui semble être un écheveau complexe.

Franchement, la galerie de personnages qu’est la famille Lee n’est absolument pas enthousiasmante, elle est même déprimante et agaçante. On a envie d’en enfermer plus d’un.

 

Au fil de l’enquête qui mène par le bout du nez la lectrice que je suis, Hercule Poirot glane des indices improbables et des confidences qui mettront en lumière la piste à suivre.

Il joue serré et en finesse, tressant un faisceau d’indices convergents autour du coupable.

La scène dans laquelle tout le monde, enquêteurs et membres de la famille, est rassemblé pour assister à la résolution de l’affaire est à l’apogée du sens de déduction de Poirot : un vrai régal qui fait toujours dire « Ah … mais… bien sûr ! »

 

« Le Noël d’Hercule Poirot » fut une agréable manière de renouer avec les classiques du roman policier. Et puis, je suis une fan de ce personnage de fiction irrésistible tant il sait allier un certain humour « british » à la facétie belge.

Sans compter que je ne me lasse pas de l’écriture, très moderne, d’Agatha Christie.

Traduit de l’anglais par Françoise Bouillot


Quelques avis :

Babelio  France culture  Sens critique  Charlotte  RLS  Takalirsa


Lu dans le cadre




  


lundi 13 décembre 2021

Christmas pudding

 


Hercule Poirot
reçoit chez lui, à Londres, un jeune prince d'un état du Commonwealth qui entretient de nombreuses maîtresses là où il voyage. Il doit se marier bientôt et le rubis qu'il devait faire sertir pour sa fiancée lui a été dérobé par sa maîtresse londonienne. La situation est plus qu'embarrassante ce qui amène le jeune homme et son conseiller, Mr Jesmond, à solliciter l'aide de notre célébrissime détective belge.

Après quelques tergiversations, il se décide à accepter l'enquête car il lui a été assuré que le château dans lequel il passera un vrai Noël traditionnel anglais a été pourvu en installations modernes assurant une température acceptable.

C'est ainsi que Poirot se retrouve chez les Lacey sous le prétexte de vivre un Noël anglais. Les Lacey accueillent leurs petits-enfants Sarah et Colin ainsi que leurs amis dont un soupirant de la jeune fille, sous leur tutelle depuis la disparition tragique de ses parents, Desmond Lee-Wortley. Ce dernier, peu apprécié du couple, est venu accompagné de sa sœur souffrante qui ne quitte guère sa chambre.

La neige est au rendez-vous ce qui ne peut que sublimer Noël. Le repas est chaleureux et délicieux bien qu'un étrange billet ait été déposé sur l'oreiller de Poirot lui recommandant de ne point manger de Christmas pudding. Cependant, il passe outre et a la surprise de « tomber » sur une pierre d'un beau rouge : est-ce un rubis ? Est-ce celui qui a été volé ? Poirot se garde bien de montrer quoi que ce soit tout en observant avec finesse l'assemblée.

Plus tard, Colin et ses amis décident de jouer un tour au célèbre détective en simulant un meurtre le lendemain de Noël, effet sublime garanti grâce à la neige tombée. Le complot avance jusqu'au jour J.

Bridget est étendue dans la neige, vêtue de son pyjama rouge, comme morte. Colin et ses amis courent alerter Poirot qui découvre la scène et explique que la jeune fille est vraiment morte. Qui a pu commettre un tel crime ?

Des traces de pas mettent la puce à l'oreille de Poirot qui confie à Desmond le fameux rubis ainsi que la mission d'informer la police de Sa Majesté.

Reverra-t-on Desmond ? La sœur alitée a-t-elle été abandonnée par son frère ? Bridget est-elle vraiment morte ?


Bien entendu il y aura un coup de théâtre magistral même si.... mais chut, je n'en dévoile pas plus.


« Christmas pudding » est une nouvelle délicieuse et savoureuse. Tous les ingrédients du suspense sont présents ainsi que le déroulé habituel de l'enquête.

Les personnages sont anglais jusqu'au bout des ongles, Mrs Lacey est adorablement finaude et a compris depuis bien longtemps que pour anéantir un obstacle gênant point n'est besoin de s'y attaquer bille en tête, le louvoiement est autrement plus payant... notamment avec une jeune fille amoureuse d'un coureur de dot. Ah, la délectable remarque de la Granny à propos des pantalons masculins à la mode qui galbent les jambes de ces jeunes messieurs et font ressortir les genoux cagneux. Sarah l'entend et regarde d'un autre œil son galant.

Les adolescents sont à la hauteur de leur rôle : remuants, regorgeant d'idées et ne prenant pas garde aux fenêtres entrouvertes quand ils mettent au point leur facétieux meurtre.

Sans compter que j'ai appris que traditionnellement étaient dissimulés dans le Christmas pudding des objets : une pièce de monnaie, une ancre (symbolise le retour au port en sécurité), un dé à coudre en argent (pour la fortune) ou encore un os de bréchet de poulet en forme de V (en porte-bonheur).


Cette lecture, courte, ne fut que du bonheur.


Traduit de l’anglais par Jean-Michel Alamagny


Quelques avis :

Babelio   France Inter  Sens critique  Lecture parent enfant

Lu dans le cadre

  


vendredi 10 décembre 2021

Les deux gredins

 


Les deux gredins forment un couple de vieux grincheux, bêtes, sales et surtout méchants. Ils ne cessent de se jouer de mauvais tours, de s'asticoter, de se moquer ou de se gruger.

Compère Gredin aime déposer son œil de verre dans la boisson de Commère Gredin qui compose en représailles un plat de spaghettis aux asticots.

La barbe de Compère Gredin est dans un état de crasse insoutenable : on y trouve l'amoncellement des reliefs de ses repas depuis Mathusalem.

Mais le plus épouvantable est qu'ils maintiennent en captivité quatre singes qu'ils maltraitent et obligent à vivre la tête en bas et que chaque mercredi Compère Gredin dépose de la glu sur l'arbre du jardin pour capturer des volatiles pour les cuisiner en tourte aux oiseaux. Cet affreux les « cueille » avant de les occire.

Franchement, voudriez-vous de tels voisins ?


Avec humour, Roald Dahl écrit un conte dans lequel l'ogre barbu est un Compère Gredin qui aura la monnaie de sa pièce lorsque les singes se révolteront. Un conte dans lequel Commère Gredin est une Dame Tartine qui n'aime pas grand monde.

Le style de l'auteur est toujours aussi dynamique et imagé au point que certaines scènes sont à hurler de rire lorsqu'on les lit avec un regard d'enfant.

La morale de l'histoire punit les méchants et on lit la punition avec d'autant plus de délectation qu'ils sont, également, très crétins.


Une lecture savoureuse et divertissante agréablement illustrée par Quentin Blake.


Traduit de l'anglais par Marie Saint-Dizier.


Quelques avis :

Babelio  Sens critique Livraddict  

Lu dans le cadre



mercredi 8 décembre 2021

Le testament caché

 


« Le docteur Grene doit décider si la centenaire Roseanne Clear McNulty est apte à réintégrer la société alors qu'elle a passé la moitié de son existence dans l'hôpital psychiatrique de Roscommon. A force d'entretiens avec sa patiente et d'investigations dans les archives de la ville de Sligo, il prend conscience avec horreur des intrications de son passé avec celui de l'Irlande. »


L'histoire de Roseanne Clear McNulty est à l'image de la place des femmes dans une société patriarcale assujettie à la domination des dogmes de l'église catholique. Une femme qui dérange est nécessairement folle et doit être enfermée loin de la vie civile.

La guerre civile a accouché, après la Grande Guerre et un conflit de près de trois ans (1919-1921) d'une Irlande coupée en deux : celle du sud, l'Eire, et celle du Nord, Irlande du Nord, qui choisit de rester dans le giron anglais, dotée de son propre parlement.

Roseanne verra l'impact de l'Histoire de son pays, l'Irlande, bouleverser sa propre vie : un fait banal, la rencontre inopinée des années après l'événement du cimetière, dont son père est le gardien, alors qu'elle est encore une enfant, avec le frère du blessé qui arriva, avec ses compagnons d'armes, à bout de force, pour trouver asile.

La rencontre banale lors d'une promenade en solitaire de Roseanne devenue une belle jeune femme, mariée, provoque l'ire de son époux puis sa mise au ban de la société : elle est accusée de l'avoir trompé et comme un des « témoins » est un prêtre catholique, le Père Gaunt, la présomption d'innocence n'aura pas cours.

Roseanne ne comprend pas tout de suite la gravité de ce qui se trame autour d'elle, elle est innocente du crime qu'on lui incombe, elle la jeune femme protestante qui a épousé un musicien amteur catholique.

Elle sera installée loin de la ville, dans une cabane misérable, le temps que les démarches d'annulation du mariage aboutissent. L'isolement est supportable jusqu'au jour où elle croise le jeune frère de son mari, isolé également de sa famille. Ils se plaisent et s'abandonnent l'un à l'autre.

Roseanne se retrouve enceinte et de nouveau seule au monde. Elle vit la fin de sa grossesse dans l'angoisse et lorsque cette dernière n'est plus tenable, elle brave la distance entre sa cahute et la ville pour demander de l'aide à sa belle-mère, en tant que femme, et à son beau-père au nom de la charité chrétienne. Ce sera une fin de non recevoir et un retour douloureux chez elle. Le destin se joue, une fois de plus, d'elle quand elle perd les eaux et que le travail de l'enfantement l'oblige à s'arrêter près d'un môle en bord de mer. Quand elle revient à elle après avoir accouché, seule, son bébé a disparu.

Que s'est-il passé ? D'aucuns avanceront, notamment le prêtre catholique, que dans sa folie elle a tué son fils.

Roseanne est enfermée dans un asile psychiatrique de Roscommon : il n'est pas bon pour une femme irlandaise d'être enceinte hors mariage.

Plusieurs décennies ont passé, l'hôpital de Roscommon, dirigé par le docteur Grene, doit être détruit car insalubre. Grene doit décider qui de ses patients est apte à réintégré la vie hors les murs. Il enquête alors sur les circonstances qui ont amené à l'enfermement de Roseanne. Parallèlement, Roseanne écrit ses « mémoires » pour laisser une trace d'elle. Elle tente de reconstruire le déroulé de sa vie, de comprendre ce qu'elle a subi.


Sebastian Barry donne la parole aux deux personnages principaux, chacun portant un regard particulier sur l'autre.

Roseanne relie ses souvenirs plus ou moins fiables dans un cahier qu'elle cache sous une latte du plancher, Grene compulse les divers rapports concernant sa patiente. Ce dernier comprend, au fil de son enquête, combien sa propre vie est imbriquée dans l'histoire douloureuse irlandaise, qu'il y a des veilleurs autour de l'étrange et fascinante Roseanne.

« Le testament caché » est une plongée dans une Irlande déchirée capable d'être d'une monstruosité sans nom avec les destins individuels dont la marche de l'Histoire n'a cure.

Le pourquoi de l'internement de Roseanne est rapidement clair mais le qui, qui est à l'origine de cette ignominie, demeure mystérieux jusqu'au dénouement.

Un excellent roman qui m'a beaucoup touchée tant l'emprise de l'église catholique, par ses pratiques et son pouvoir, peut être dévastatrice et broyeuse de destin.


Traduit de l'anglais par Florence Levy-Paoloni


Quelques avis :

Babelio  Sens critique  Le Monde  Charlotte  Maeve  Les 2 bouquineuses

Lu dans le cadre