jeudi 29 octobre 2020

Un Dit de l'esclavage


 « Le 124 était habité de malveillance. Imprégné de la malédiction d'un bébé. Les femmes de la maison le savaient, et les enfants aussi. »

Ainsi débute le roman de Toni Morrison « Beloved ». Ainsi le lecteur sait-il d'emblée que l'histoire ne sera pas joyeuse, qu'il y aura des cris, des larmes et du sang.

Nous sommes en 1870, en Ohio, à Cincinnati au 124 Bluestone Road où la colère d'un esprit tapageur, en quête d'apaisement, fait voler les meubles, où la lumière fait apparaître des flaques de sang sur le sol, où la présence physique d'un bébé marque de son empreinte la porte du four de la cuisine.

Que s'est-il passé pour que le 124 Bluestone Road devienne un lieu hanté et empreint de malheur ? Pourquoi cette solitude suintant la malédiction ? Pourquoi Sethe reste-t-elle au cœur de ce désespoir avec sa fille Denver ? Personne ne leur parle, aucune visite, l'ostracisme les enveloppe dans un voile d'invisibilité.

Le lecteur suit le chemin tracé par l'auteur, sans savoir où cela le mènera... enfin si jusqu'au bout du roman car dès la première phrase il est happé par le tragique qu'il sent être le moteur du récit.

A mesure que les souvenirs de Sethe, puis de Paul D, se déroulent, on chemine au cœur de l'histoire muette de l'esclavage et de ses violences insoutenables.

« C’est vrai, dit Toni Morrison dans une de ses interviewesje voulais que le lecteur se sente kidnappé, sans préparation, sans explication, sans itinéraire préétabli. Exactement comme le furent les esclaves. Je ne cherche pas à séduire, ou à convaincre le lecteur, je veux qu’il se sente emporté là de gré ou de force. » Et c'est ce qui m'est arrivé, j'ai emprunté les chemins désignés par l'auteure, j'ai marché aux côtés de Sethe et de ses cauchemars, de Sethe et de sa faute.

Très vite, le lecteur sait que l'enfant dont l'esprit enferme le 124 et ses habitantes dans une mise au ban de leur communauté, n'a pas eu une mort sereine et que cette dernière lui a été donné par une main qui n'aurait pas du lui ôter la vie. L'infanticide sourd à chaque avancée du récit, on le sait sans se l'avouer car le geste est terrifiant et glaçant.

La Guerre de Sécession est terminée depuis longtemps sans avoir effacé les stigmates des ravages qu'elle a occasionné en son amont puis en son aval.

L'émancipation des esclaves les a précipités sur les routes en quête d'une place dans ce qui aurait pu devenir un nouveau monde. Certains y parviendront, d'autres se perdront.


Sethe a fui le Bon Abri, la plantation à laquelle elle appartenait, pour rejoindre la mère de son mari, Baby Suggs, et ses jeunes enfants. Elle fuit, enceinte, vers l'Ohio, état de l'Union où les esclaves fugitifs peuvent trouver refuge. En chemin, elle rencontre une jeune fille blanche, Amy Denver, qui l'aide à mettre au monde sa dernière-née qu'elle prénommera Denver. Enfin, elle parvient au 124 Bluestone Road et retrouve les siens. Elle se pense tirée d'affaire jusqu'au jour où arrivent le nouveau propriétaire du Bon Abri et ses hommes de main, à la recherche des fuyards. Sethe, affolée, désespérée, ne veut pas qu'elle et ses enfants retombent entre les mains du planteur. Une seule sortie se présente à elle : tuer ses enfants pour qu'ils ne connaissent pas les horreurs de l'esclavage, puis se tuer. Seule la fillette de deux ans n'en réchappe pas. Sethe est arrêtée, emprisonnée puis libérée, hantée par son geste empreint de folie.

Puis, dix-huit ans plus tard, apparaît une une jeune fille, sortie de nulle part, se faisant appeler Beloved... seul mot qu'a pu faire graver Sethe sur la tombe de sa petite fille. Est-elle l'incarnation de cette dernière ? Pourquoi vient-elle ? Cette présence dérangeante puis de plus en plus mortifère, est-elle le moyen pour Sethe de faire la paix avec le fantôme de sa fillette morte ?


Toni Morrison tient son lecteur par un récit où elle enchâsse d'autres récits éclairant le passé des personnages. Il se laisse prendre par les multiples analepses, récits rétrospectifs dans le récit, permettant à l'indicible de devenir, petit à petit, audible : l'indicible de l'infanticide et l'indicible de la réalité de l'esclavage trop souvent lissée dans les manuels historiques.

Il y a des scènes absolument terrifiantes dont celle des esclaves enfermés dans des cages à étage, échouées au fond d'une tranchée, en proie à la violence insane des gardiens. Paul D narre l'horreur petit bout par petit bout tant c'est insoutenable : si le premier de la ligne tombe, tous les autres tombent à sa suite... tenir pour ne pas provoquer des morts en cascade.


« Beloved » est un roman magnifique, écrit avec réalisme tout en n'écartant pas les passages poétiques. Il parle aussi bien de l'horreur de l'esclavage que de l'amour, la force, la culpabilité et de la solidarité. Il est foisonnant de par son style particulier, fourmillant d'allers-et-retours entre le présent et le passé, tiraillant parfois le lecteur qui n'a pas toujours le choix du chemin à emprunter. Et ma foi... c'est plaisant d'être embarqué sans connaître de balisage : c'est que nous devons raccorder les blancs du récit en rebondissant d'ellipses en analepses et ce pour notre plus grande joie.

Une très belle découverte littéraire.

Quelques avis

Lettres & caractères  Sens critique  Le dévorateur  

Un regard de critique sur le personnage de Beloved

Approche critique de la fiction afro-américaine

Lu dans le cadre du 



mercredi 28 octobre 2020

En attendant le Mois Celte

 


J'ai pris goût à ces mois à thème même si pour le dernier opus, consacré à la littérature américaine, je suis à la traîne.

Au revoir les States, bonjour Irlande, Pays de Galles et Ecosse!



Les dates à retenir:

- 08 novembre: journée irlandaise

"Assez de bleu dans le ciel" de Maggie O'Farrell

- 11 novembre: Peter May

L'île des chasseurs d'oiseaux"  de Peter May

- 13 novembre: journée "classique"

"L'île au trésor" de Robert Louis Stevenson

- 16 novembre: journée galloise

"Délivrez-moi!" de Jasper Fforde 

- 18 novembre: un roman social.

J'ai jeté l'éponge faute de temps pour chiner un roman à la médiathèque.

- 20 novembre: journée polar

"La maison des mensonges" (bientôt en ligne)

- 25 novembre: Val McDermid

Jai choisi "lignes de fuite" (en cours de lecture) 

- 27 novembre: Paul Lynch

- 30 novembre : journée écossaise

J'ai choisi "Nuage de cendres" de Dominic Cooper, auteur écossais.

Enjoy!




(crédit photo: moi -  Irlande Pâques 2012)

mardi 20 octobre 2020

Voyage au bout d'une marche


 1864, après avoir incendié Atlanta, le général Sherman commence une longue marche à la tête d'une armée de soixante mille hommes pour rejoindre la Caroline. En chemin il écrase les troupes confédérées exsangues et cependant combattives.

A sa suite une autre armée, celle des esclaves libérés dont il ne ne sait que faire, des groupes de déserteurs, des blancs profiteurs du chaos, des voleurs, des familles dispersées …. et un photographe.

Au milieu du désastre, Pearl, une jeune « négresse blanche » fruit des amours du maître de la plantation avec une de ses esclaves. Elle croisera une galerie de personnages hauts en couleurs traînant avec eux les effluves épiques ou sordides, le tout mêlé d'un certain érotisme et d'un évident macabre. Pearl, noire à la peau blanche, déguisée garçon pour se protéger des assiduités soldatesques, porte en elle l'ambiguité de ce que le Sud vit : une force dévastée qui lentement se relèvera après la paix.

« La marche » est un peu une Cour des miracles ambulante : la grandeur d'âme côtoie le glauque et la violence au nom de la survie. Pearl est un personnage lumineux dans le sens où si elle conserve un peu de naïveté, elle sait à quoi s'en tenir et surtout elle comprend, très vite, qu'aider et soigner sont des actes d'amour, de compassion et de tendresse. Elle apporte tout cela à ceux dont elle croise la route, leur offrant le soleil de son sourire, de son rire, la douceur de ses mains et de ses bras, sa foi dans l'avenir malgré l'adversité.

On peut lire un peu partout que « La marche » commence où s'achève « Autant en emporte le vent », en effet, c'est le point de départ : où s'arrêtera la folie guerrière de Sherman ? Raser le Sud, le mettre à genou au point de l'humilier est-ce la solution et le clef de la paix ?

Les personnages qui défilent dans la galerie hétéroclite de E.L Doctorow, ont chacun leur interprétation et tentent de tirer leur épingle du jeu. La toile de fond politique et morale a des accents Tolstoïens tout en étant moins ambitieuse sans pour autant être fade.

J'ai retrouvé en Sherman, personnage central, ma lecture de « Je suis fille de rage » de Jean-Laurent del Socorro : il est maniaco-dépressif, à la limite de la psychose. Il est ambitieux, cruel et compatissant, un paradoxe vivant, pas plus abolitionniste que cela puisqu'il n'hésite pas à abandonner à leur triste sort les esclaves libérés. Sherman est la figure du guerrier inspiré, craint, subtil dans ses analyses, colérique, poussant au bout d'eux-mêmes ses soldats au bord de la rupture nerveuse et physique. Les scènes d'assaut sont horribles, horrifiques et épouvantables. C'est qu'à la guerre, pour un général tel que Sherman, on ne compte pas les larmes ni le sang versé.

Comment ne pas s'arrêter sur le chirurgien autrichien, d'une froideur absolument glaçante, Wrede Sartorius, pour qui la guerre est une aubaine : elle lui fournit des blessés « défis chirurgicaux » en puissance, lui permettant de peaufiner ses hypothèses et de les expérimenter. Praticien dénué de compassion et d'empathie, il est d'une dextérité incroyable, il est un puits de sciences médicales, il est dans la découverte pour faire progresser la médecine et rien d'autre ne l'émeut.

Quant aux joyeux déserteurs confédérés, Will et Arly, d'une jeunesse confondante, le lecteur ne peut rester indifférent à leur sens pratique de la survie : il suffit de changer d'uniforme au bon moment. Ce qui les amène à vivre des situations dramatiques teintées de cocasserie.

Puis il y a Emily, la jeune fille de bonne famille qui jette aux orties convenances et statut social : elle suit la cohorte protéiforme de l'armée « Sherman » et devient infirmière, assistante de Wrede Sartorius dont elle tombera amoureuse. Elle y gagnera un chagrin d'amour et surtout une liberté de penser et d'agir : elle prend conscience de sa force intérieure et de sa capacité à survivre.

On ne peut oublier le colonel, un tantinet original, qui a décidé d'emmener avec lui son jeune neveu à qui il passe tous ses caprices. Ce gradé répondant au doux sobriquet de Kil Kilpatrick, à la tête d'un corps de cavalerie, jouisseur invétéré est gluant de lubricité et de cruauté.

Au fil des kilomètres rythmés par les bottes usées des soldats, un monde nouveau se dessine dans le Sud des Etats-Unis. Un monde où les frontières s'estompent dans les marécages pour renaître au pied d'un escarpement ou d'une montagne. Un monde entre ombre et lumière, entre joie et désespoir.

L'Amérique qui émergera de la Guerre de Sécession, sera celle de la dispersion, à l'aune des billets de la banque centrale Confédérée, à Milledgeville qui virevoltent , tourbillonnent avant de s'éparpiller au gré de leur danse. La transformation sauvage, à la hussarde, du Sud, est en filigrane dans le texte de E.L Doctorow : un art de vivre et une société s'envolent au cœur des brasiers dévoreurs de tout ce qui a été et ne sera plus.

La blessure profonde a-t-elle été réduite ? Rien n'est moins sûr quand on y regarde de plus près. La blessure est de celles qui ne cicatrisent que lentement ce qui rend la guérison si fragile. Pearl est un peu le symbole de tout ce drame : le présent défait avec violence le passé et trace un avenir qui pourra être ensoleillé si on sait suivre avec délicatesse son tracé ténu.

« La marche » est un roman sans concession et une peinture subtile et élégante d'une trance d'Histoire américaine écrite dans les larmes et le sang.

Quelques avis :

Critiques libres   Wodka  Lecture écriture

Lu dans le cadre du :



dimanche 11 octobre 2020

Voltige, bouts de tissus et goût du risque


 « A Vladivostok, dans l’enceinte désertée d’un cirque entre deux saisons, un trio s’entraîne à la barre russe. Nino pourrait être le fils d’Anton, à eux deux, ils font voler Anna. Ils se préparent au concours international d’Oulan-Oude, visent quatre triples sauts périlleux sans descendre de la barre. Si Anna ne fait pas confiance aux porteurs, elle tombe au risque de ne plus jamais se relever.

Dans l’odeur tenace d’animaux pourtant absents, la lumière se fait toujours plus pâle, et les distances s’amenuisent à mesure que le récit accélère. »


Il est des rencontres étranges et cela a commencé avec celle de la couverture, du titre et de mon regard. Je suis très sensible aux couvertures des romans, peut-être à tort mais qu'importe, aussi mon regard a-t-il été attiré par celle de « Vladivostok circus ».... sans doute le portrait du félin sauvage en costume très digne.

Elle s'est poursuivie par la lecture du roman et s'est achevée par la rencontre, en vrai, avec l'auteure invitée par la librairie guingampaise « Mots et images ». Ah... j'oubliais, lors de la reprise des goûters littéraires « Mots et Compagnie » chez « Sidonie et Cie », autre lieu incontournable de Guingamp, Gilbert a appâté la lectrice que je suis par un avis très élogieux de ce roman. L'affaire était donc entendue.


Nous sommes à Vladivostok, au moment des deux dernières représentations de la saison avant que le cirque ne ferme ses portes.

Nathalie, jeune costumière tout juste diplômée, arrive pour honorer un contrat de quelques semaines auprès d'un trio spécialisé dans l'exercice très difficile de la barre russe.

La barre russe : deux porteurs, un ou une voltigeur(se), une confiance vitale entre chacun des membres .

La jeune femme revient dans la ville où elle a passé quelques années avec son père, professeur d'université. Elle a l'impression d'être un chien dans un jeu de quilles car elle n'est pas attendue si tôt, accueillie par Léon, le metteur en scène et vérificateur des attaches. Le trio n'a qu'un mois pour peaufiner le numéro qu'il présentera à un important festival international des arts du cirque, à Oulan-Oude : l'enjeu est immense et le défi grandiose, réalisation par Anna, la voltigeuse, d'un quadruple saut périlleux avant de retomber sur la barre.

Nathalie prend à cœur sa mission qui est de réaliser les costumes du trio pour leur numéro à Oulan-Oude. Elle observe les artistes, elle les respire, elle les suit, elle les apprivoise afin de réussir à les habiller de lumière. Ils sont en Sibérie, la taïga, les bouleaux, les branches souples, Anna est une liane, une panthère des neiges, Anton et Nino des tronc solides, du tissu « camouflage », une queue serpentine et des oreilles, des casques ornés de branches. Belle idée sauf que les tissus sont rêches et peu souples, les casques encombrants, la queue inadaptée pour la voltige. Belle idée mais dangereuse.

Du dépit puis le défi est à nouveau relevé pour aboutir au sublime habit de lumière pour une voltigeuse défiant l'immensité étoilée. Le velours épouse les mouvements des corps, les souligne sans les entraver, la piste aux étoiles peut recevoir le numéro du trio.

« Vladivostok circus » est un roman d'ombre et de lumière : l'ombre des secrets des personnages, celle de leurs blessures intimes, la lumière du dépassement de soi, celle de l'espoir, celle de la joie procurée par ce que l'on fait, celle qu'on éprouve quand on touche à l'absolue beauté.

Par touches subtiles, le quotidien d'un entraînement au sein d'un cirque désert, est magnifié sous la plume délicate d'Elisa Shua Dusapin. Le cirque sans représentations, sans artistes, sans public, devient un lieu où le fantastique peut surgir à tout moment. D'ailleurs ne sent-on pas l'odeur prégnante des écuries et des cages des animaux disparus depuis des années ? Elle hante les lieux, plane lorsque la nuit tombe. La magie des exploits sportifs des hommes a remplacé celle des numéros animaliers, issus d'une époque révolue.

L'auteure joue avec la tension du récit : les personnages parviendront-ils à s'accepter, à se comprendre au-delà de leurs blessures, de leurs regrets ? La confiance est si difficile à installer que parfois le lecteur est tourmenté par les menus dérapages lorsque Anna se rebiffe, lorsque Anton a un geste malheureux envers le chat étique de Léon, lorsque le premier essayage est une catastrophe, lorsque Nathalie engluée dans sa peur de la chute mortelle l'essaime jusqu'au trio.

En quelques mots bien pesés, Elisa Shua Dusapin rend tangible l'atmosphère d'un lieu peu commun voire insolite. Elle joue, avec brio, avec le pouvoir d'évocation des mots et réussit à montrer combien le poids des responsabilités de chacun est lourd d'enjeux vitaux : une inattention, un matériel défectueux et la mort peut s'inviter.

Ce court roman est un long fleuve tumultueux à l'apparence calme : comme dans un roman japonais la surface des mots et des phrases dissimule un tumulte intérieur et une multitude de dangers. Faut-il apprendre à lâcher prise quand il est encore temps ? La réponse réside dans l'épilogue ainsi que dans les passages de la lettre qu'écrit Nathalie, la narratrice, à son père.

Un joli roman servi par une très belle écriture incisive et poétique.

Quelques avis:

Babelio Bibliosurf   En attendant Nadeau  Collection de livres   

mercredi 7 octobre 2020

Les doux rivages de l'enfance

 


Tom Sawyer est un jeune orphelin recueilli, avec son frère, par sa tante. Nous sommes dans les années 1844, dans le Missouri, avant la Guerre de Sécession.

Mark Twain nous conte les aventures de ce jeune garçon débordant de vie, de facéties et plein de gentille malice. Tom a à peine mis un point d'orgue à une frasque qu'il en fomente une autre en compagnie de son ami Huckleberry Finn, jeune vagabond en marge de sa famille biologique et en retrait de la société.

Quel jeune garçon, ou fillette, n'a pas rêvé un jour de devenir pirate féroce au grand cœur ? Ou encore chevalier, héros militaire ou découvreur de trésor ? Les enfants en ont rêvé.... Tom l'a fait.

C'est ainsi que le lecteur est entraîné dans une aventure extraordinaire mise en œuvre par Tom : la recherche, sur une île du Missouri, non loin de la petite ville imaginaire de Saint-Peterburg, d'un trésor de pirate. Chacun sait que les pirates enfouissent leur trésor dans un coffre sur une île déserte.

Bien entendu, les garçons n'en découvrent pas malgré tous leurs efforts. Bien entendu, ils n'avaient informé personne de leur escapade, et pour cause – la traversée est dangereuse et nécessite l' « emprunt » d'une barque – ce qui provoque la panique en ville quand leur absence prolongé est découverte. Bien entendu, Tom quittera l'île discrètement et apprendra que tout le monde les croient morts, bien entendu il se fera une joie de revenir discrètement avec ses compagnons d'aventure en ville afin d'assister, bien cachés, à leurs funérailles. Bien entendu, les loustics ne peuvent résister aux moments de grande émotion lors du service funèbre et se jettent dans les bras de leurs parents. Ils éviteront les fessées tant les familles sont heureuses de les retrouver sains et saufs.


Twain écrit, et c'est lui qui le souligne, une « épopée de l'enfance », « un hymne en prose » dont Tom est le personnage principal et est le petit garçon qu'il a pu être.

Tom déteste l'école du dimanche et l'école tout court : dès qu'il peut faire l'école buissonnière il ne rate pas l'occasion car les chemins aux alentours de la ville sont tellement plus attirants et intéressants que les leçons mornes du vieil instituteur.

Twain met à profit les frasques de son héros pour égratigner de bon cœur les méthodes d'enseignement, les modalités d'éducation de l'époque, la morale ou la médecine, les médicamentations de la tante de Tom sont joyeusement inappropriées en raison de sa crédulité face aux boniments qu'on peut lui servir.


« Tom Sawyer » c'est aussi le regard rempli de tendresse que l'on pose sur l'enfance, sa magie de l'insouciance, ses premiers émois amoureux, sa soif de découverte et de savoirs et sa tendance aux superstitions enfantines  comme venir au cimetière à minuit avec un cadavre de chat. D'ailleurs, lors de cette escapade nocturne en compagnie d'Huckleberry Finn, il aura à braver la justice expéditive (aux yeux de l'auteur) des hommes pour sauver un innocent accusé de meurtre. Joe l'indien, ombre dangereuse et terrifiante, planera sur le récit et il sera un « deus ex machina » lors de l'aventure périlleuse de la grotte.


Le lecteur se régale à chaque page, à chaque facétie du vaillant et inventif loustic qu'est Tom Sawyer. J'ai ri lors de l'épisode de la remise en peinture de la barrière au cours duquel Tom parvient à contourner la punition en faisant faire le travail par les autres gamins. Il comprend très vite que la nature humaine est un tantinet envieuse : il fait passer sa punition pour une mission hautement importante puisque Tante Polly lui a confié ces travaux de peinture au lieu d'en charger Jim son esclave ou Sid le petit frère de Tom. Forcément repeindre la palissade devient un travail remarquable : Tom échange les mètres à peindre contre diverses précieuses reliques tels que les billes, les tickets de l'école du dimanche à collectionner afin de recevoir un exemplaire de la Bible, des cerfs-volants et autres hameçons et bâtons de réglisse.


En un mot comme en mille …. ce ne fut que du bonheur à lire.

Quelques avis:

A la lettre  Takaliresa  Babelio


Lu dans le cadre du Mois Américain