Je continue d'explorer le « Cosy
mystery » , après les deux premières aventures d'Agatha
Raisin l'an dernier, la première enquête du duo Loveday et Ryder,
l'approche des mystères de Honey Church puis la découverte de
l'incroyable Lady Gorgiana alias Son Espionne Royale, je suis partie
en Ecosse faire la connaissance d'un certain Hamish Macbeth, policier
municipal de son état dans une bourgade au cœur des Highlands,
Lochdubh.
Une école de pêche à la mouche qui
organise régulièrement des stages de pêche au saumon pour les
mordus de la canne à pêche, des stagiaires plus étonnants les uns
que les autres et une ambiance tendue entre eux devient le
terreau idéal pour une intrigue mordante.
Hamish, gaillard rouquin, est dépourvu
d'ambition professionnelle tout en étant doté d'une intuition
naturelle, il aime déambuler dans le village, vaguement sermonner
les braconniers dont le terrain de jeu est le domaine d'un riche
propriétaire foncier du coin, Sir Halburton-Smythe ; il aime
jouer au pique-assiette, l'air de rien, toujours à se faire offrir
un café ou un repas. Il aime aussi, sans peu d'espoir de retour, la
délicieuse Priscilla Halburton-Smythe qui le secondera dans son
enquête. Ne pas oublier son chien baveux, compagnon indéfectible
répondant au nom de Towser.
Chaque lundi le couple John et Heather
Cartwright accueille un groupe de stagiaires pour leur apprendre les
subtilités de la pêche à la mouche et ferrer ainsi saumons et
truites dans les lochs des environs. Certains « moucheurs »
reviennent régulièrement attirés par la beauté des lochs et des
paysages et surtout intéressés par les tarifs très raisonnables
appliqués par l'école.
Fait surprenant, l'ambiance entre les
stagiaires est tout de suite tendue ce qui n'augure rien de bon aux
yeux de John Cartwright : ces derniers se regardent en « chien
de faïence » sans piper mot. La glace sera-t-elle difficile à
briser ?
Le ton est rapidement donné par une
des participantes, une dame à l'allure imposante et à l'air
revêche, Lady Jane Winters, langue de vipère notoire du milieu
journalistique londonien. Que vient-elle faire dans ce coin perdu des
Highlands ? Un reportage incognito ? Toujours est-il
qu'elle met mal à l'aise les participants par ses remarques cruelle
et vipérines, agaçant sans cesse les uns et les autres. Seul est
épargné le benjamin de la bande, le jeune Charlie âgé d'une
douzaine d'années.
Les stagiaires forment une galerie de
portraits hétéroclites : le couple new-yorkais, Jeremy le
jeune homme riche et séduisant, Daphné une jeune femme issue d'un
milieu aisé, un colonel vantard, Alice une jeune femme de milieu modeste, timide et d'une grande naïveté à la recherche du prince
charmant et Lady Jane Winters artiste en matière de saupoudrage de
givre dans les relations humaines.
Tout est réuni pour que la situation
de délite lentement mais sûrement. L'intrigue s'installe doucement,
tisse les liens possibles entre chaque personnage, elle orchestre les
situations qui apporteront, subtilement, le chaos. Ce dernier
survient lorsqu'on découvre le corps de Lady Jane lors d'une leçon
de pêche. Qui a pu perpétrer ce crime épouvantable ? Le
Colonel Moutarde, le Docteur Olive, Mademoiselle Rose, Madame
Pervenche, Madame Leblanc ou le Professeur Violet ?
Quant à l'arme du crime...
Le pauvre Hamish est très vite mis sur
la touche par l'équipe de détectives chevronnés d'Edimbourg et
relégué au rôle de spectateur. Or, c'est sans compter son
caractère bien trempé tapi sous une apparente désinvolture et
oublier l'intuition qui le taraude et l'amène à enquêter de son
côté et à son rythme.
Grâce à sa très grande famille
dispersée aux quatre coins du monde, Hamish réussit à rassembler
divers renseignements sur la victime et les stagiaires qui pourraient
avoir tous une bonne raison de faire taire la très mordante Lady
Jane, terreur des tabloïds et célèbre pour ses portraits au
vitriol des gens rencontrés lors de ses reportages à sensation. Son
domaine ? Découvrir les petits secrets que chacun garde bien
cachés dans ses placards. En quelques coups de plume, Lady Jane peut
ruiner la plus enviable des positions sociales.
Le dénouement aura lieu grâce à la
perspicacité et à la sagacité d'Hamish qui ridiculise l'équipe de
gros bras diligentée au village.
Ce qui fait le charme de ce « Cosy
mystery » est l'art de dentellière de l'auteure, M.C Beaton,
dans les interactions de ses personnages qui se croisent, s'éloignent
pour de nouveau de rapprocher dans des concours de circonstances
dictés par des motivations peu élégantes. Ainsi en est-il avec le
beau gosse Jeremy, séducteur irritant, et ses conquêtes, Daphné
et Alice. La première étant plus aguerrie que la seconde qui ne
voit pas combien le bellâtre – vraiment ce personnage m'a agacée
et je n'ai éprouvé aucune empathie envers lui – la manipule pour
obtenir ce dont il a envie.
M.C Beaton décortique avec humour,
teinté d'ironie, la nature humaine avec ce qu'elle a de pire et de
meilleur en elle. Ainsi Alice comprendra-t-elle que la richesse
appelle la richesse, que le Prince Charmant n'existe que dans les
contes et qu'elle vaut mieux que tout le clinquant qui attire le
misérable bourdon Jeremy.
« Qui prend la mouche » est
un roman dont l'intrigue se déroule un peu à la manière de la
pêche à la mouche : on lance la ligne avec une délicatesse
alliée à une maîtrise du poignet pour effleurer l'eau avec la
mouche et attirer peu à peu sa proie. Le lecteur se laisse attirer
par les petits détails, les trouvailles au bon moment ce qui le fait
avancer et surtout ne pas lâcher le livre.
« Qui prend la mouche » est
aussi ce qui arrive aux personnages : qui prend la mouche peut
perdre beaucoup plus qu'il n'y a à gagner. Aussi est-il plus sage
d'ignorer les piques venimeuses de Lady Jane à moins qu'on ne soit
trop impulsif comme un saumon ne pouvant résister à l'appel
scintillant d'une mouche au ras de l'eau.
J'avoue avoir craqué pour la
nonchalance teintée de fausse désinvolture d'Hamish Macbeth :
il est drôle, il est intuitif, il est amoureux d'une étoile hors
d'atteinte, il aime sa vie et surtout il aime les gens.
Il a un goût de revenez-y auquel je
succomberai avec joie parce que Hamish Macbeth est un peu
l'inspecteur Colombo écossais : il semble un peu niais, lent à
agir et joue avec subtilité sur ce qui paraît et le faux-semblant.
Il joue à être benêt alors qu'il est loin de l'être... comme
Colombo.
Roman traduit de l'anglais par Karine
Guerre
Quelques avis :
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