La sortie prochaine du film « Dune »
a motivé mes vacances littéraires sur Arrakis. J'étais restée sur
le film de David Lynch ainsi que sur le premier tome du cycle imaginé
par Frank Herbert. Il était temps de reprendre la saga depuis le
début aussi l'été est-elle la saison propice aux longues lectures.
J'ai lu les trois premiers tomes,
« Dune », « Le messie de Dune » et « Les
enfants de Dune », une plongée dans un monde où intrigues,
jeux de pouvoir, violence, philosophie, prophétie et prescience
rythment la vie sur Arrakis et l'Impérium, issu du jihad butlerien,
mouvement qui détruisit les ordinateurs afin que l'humanité
reprenne le pouvoir de penser, de retenir, de réfléchir.
Nous sommes dans un monde où les
humains ont quitté la planète mère depuis si longtemps qu'ils
l'ont oubliée. Le monde, ou plus exactement les mondes sont sous la
domination de l'Empire et la dépendance à l'Epice, denrée rare que
l'on ne trouve que sur une seule planète : Arrakis. Celui qui
saura en prendre le monopole deviendra le maître des mondes de
l'Imperium.
« Dune », premier tome de
ce space opéra, est le roman où les personnages principaux et leurs
motivations sont installés par l'auteur et prennent corps sous les
yeux du lecteur.
Les Harkonnens, les Atréides, l'ordre
du Bene Gesserit, les Mentats, les Fremens, la CHOM et sa Guide des
navigateurs, l'Empereur, l'ordre de Bene Tleilax qui maîtrise la
génétique, les Ixiens, concepteurs et fabricants de machines de haute
techonologie, les Maisons majeures et les Maisons mineures
orchestrent une course au pouvoir des plus retorses et ce au beau
milieu du Plan imaginé par les Soeurs Bene Gesserites. Ces
dernières manipulent pour unir leurs élèves aux chefs des Maisons.
Leur but ? Réussir à donner naissance à celui qui sera le
Kwisatz
Haderach, celui qui pourra voir le passé et le futur.
Paul,
l'unique fils de Leto Atréides, éduqué par sa mère, Jessica,
Soeur Bene Gesserite, pourrait être le Kwistz Haderah en raison de
ses facultés exceptionnelles. Il devient l'objet de toutes les
convoitises. C'est sans compter la rivalité entre Harkonnens et
Atréides qui provoquera la mort du Duc Leto et la fuite de sa
concubine, Jessica, et de son fils Paul.
Les
tribus Fremens les recueilleront et les accepteront comme leurs après
le rite de l'Epice. Jessica, enceinte de sa fille Alia, deviendra la
Révérende Mère des Fremens. Paul accroît ses perceptions et ses
capacités jusqu'à la prescience et deviendra le chef de la
rébellion. Il comprend également combien est dangereux le rêve de
rendre Arrakis verdoyante : c'est le désert et les vers qui
produisent l'Epice. Sans elle et sans le Mélange, les humains ne
peuvent développer leurs capacités mentales leur permettant de ne
plus utiliser la haute technologie. Saura-t-il le faire comprendre et
accepter à ceux qui rêvent de ne plus subir la dure existence dans
le désert ?
Saura-t-il
endiguer les effets du rite de l'Epice sur sa sœur qui le subit
in-utero ? C'est l'enjeu du deuxième tome.
« Le
messie de Dune » est l'opus qui montre combien le pouvoir peut
être dangereux même pour les hommes de bien souhaitant améliorer
le sort de leurs semblables.
La
bataille d'Arakeen a vu les cohortes Fremens remporter une incroyable
victoire que les forces impériales. Paul est reconnu Duc d'Arrakis,
sa puissance politique et religieuse rayonne dans tout l'Imperium au
point de supplanter l'Empereur Padishah Shaddam IV, de la Maison
Corrino.
Une
croisade furieuse et violente met à feu et à sang l'Empire, Paul
constate le danger de devenir une déité sans qu'il puisse faire
quoi que ce soit. Alia, sa sœur devient de plus en plus étrange au
point de sembler être l'Abomination : saura-t-elle se sortir du
joug des millions d'existences en elle, la pré-née ?
Saura-t-elle faire les bons choix ? Et Paul, le « Madhi »,
trouvera-t-il sa voie ?
Frank
Herbert joue avec délectation sur la gamme universelle des luttes de
pouvoir, des ambitions, de la veulerie, du courage, de la fidélité,
des compromissions qui font la grandeur et la petitesse de la nature
humaine. Quand Paul constate qu'il est parvenu au bout de ce qu'il
peut supporter, quand le poids de ses visions fait qu'il ne sait plus
quelle voie choisir pour atteindre un futur acceptable pour tous, une
seule issue s'offre à lui : la fuite du « Madhi »
dans le désert pour s'y fondre et disparaître à jamais.
Peut-on
maîtriser le Temps ? Connaître le futur est-il une voie pour
façonner le présent, le maintenant ? Guider les peuples
peut-il se faire sans perdre une partie de soi ? Qu'est-ce que
guider les peuples ? Vouloir leur bien, leur bien-être ?
Gommer les différences et abattre les murs ?
Quand
Paul « Madhi » choisit de se perdre, devenu aveugle, dans
le désert pour qu'un ver géant se repaisse de son eau et de sa
chair, il laisse en héritage à ses jumeaux et à sa sœur un bien
lourd fardeau. Les premiers parviendront à apprivoiser et dompter
leurs pouvoirs de pré-nés tandis que la seconde sombrera dans
l'obscurité des siens.
« Les
enfants de Dune » est l'opus du rééquilibrage des forces.
L'Epice
est devenue rare car la végétalisation de Dune provoque un
déséquilibre écologique : l'humidité trop importante
provoque la mort des vers et fissure leur symbiose avec les truites
de sable. Certains expérimentent l'élévage des vers à des fins
peu scrupuleuses. Or il n'y a que sur Arrakis que l'Epice peut être
produite car tant qu'il reste du vrai désert la symbiose ver/truite
des sables peut permettre l'existence de l'Epice.
Alia,
devenue Régente, se perd dans les intrigues et l'absolutisme de son
pouvoir. Peu à peu, la réalité la fuit et elle se laisse submerger
par une de ses vies intérieures... et par n'importe laquelle :
l'affreux et odieux Baron Vladimir Harkonnen. Ce dernier prend
possession du libre-arbitre d'Alia et l'amène jusqu'à la folie
destructrice.
Et
les jumeaux dans tout cela ? Et « Madhi » ?
Paul a-t-il réellement disparu ? Cet étrange Prêcheur
pourrait-il être un avatar de Madhi/Paul ?
Les
jumeaux ont grandi, leur âme vieille de millions d'années et de
vies, a du mal à coïncider avec leur corps de jeunes adolescents.
Leurs capacités prennent de l'ampleur au point d'inquiéter leur
tante Alia. La raison d'Etat ne dicterait-elle pas leur disparition ?
En effet, « on » tente de les annihiler sauf qu'ils
mettent en échec le commanditaire : le jeune Leto est porté
disparu, du moins le fait-on croire, tandis que sa sœur Ghanima le
pleure grâce au pouvoir d'auto-suggestion qui saura la faire sortir
gagnante d'une confrontation avec un Diseur de Vérité.
Les
trahisons, les complots vont bon train tant à Arakeen, la capitale,
qu'au fin fond des sietchs, villages troglodytes des Fremens.
Dame
Jessica revient sur Arrakis pour mieux en partir, fausse captive,
pour éduquer l'héritier de la Maison Corrino, le jeune Farad'n,
dans l'art Bene Gesserit.
Leto
affronte des innombrables vies dans un combat mortel dont il
triomphera. Il accède alors à l'infini, à la compréhension de la
complexité des fils du Temps. Il franchit un cap supérieur à celui
franchi par son père.
Leto
comprend l'équilibre écologique d'Arrakis, il sait ce qui créé
l'Epice, il sait que le rêve de verdure et d'eau tombant du ciel ne
peut être viable et qu'il doit être détruit.
Le
lecteur se régale avec la pérégrinations, joyeuses, mystiques et
tragiques des personnages. Les situations font frémir, espérer,
pleurer ou sourire, elles rythment les pages, scandent le tempo du
récit.
L'absolutisme
du pouvoir politique ou religieux est voué à être combattu et
abattu depuis que le monde est monde. Le cycle de « Dune »
est une manière extraordinaire d'en explorer toutes les facettes
grâce à un personnage à part entière qu'est la planète Arrakis.
« Dune »
est protéiforme et pourrait être considéré comme le premier space
opera. Toujours est-il que ce cycle est un incontournable pour le
lecteur de SF et un plaisir de lecture sans cesse renouvelé.
Le
cycle de « Dune », on peut le dire, est une saga culte !
Une pierre sur laquelle se sont appuyés bons nombres de romans.
D'ailleurs, « Game of Thrones » a du se nourrir
abondamment, et intelligemment, de « Dune ».
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