mercredi 22 juillet 2020

La soif, le pouvoir et la connaissance


La sortie prochaine du film « Dune » a motivé mes vacances littéraires sur Arrakis. J'étais restée sur le film de David Lynch ainsi que sur le premier tome du cycle imaginé par Frank Herbert. Il était temps de reprendre la saga depuis le début aussi l'été est-elle la saison propice aux longues lectures.

J'ai lu les trois premiers tomes, « Dune », « Le messie de Dune » et « Les enfants de Dune », une plongée dans un monde où intrigues, jeux de pouvoir, violence, philosophie, prophétie et prescience rythment la vie sur Arrakis et l'Impérium, issu du jihad butlerien, mouvement qui détruisit les ordinateurs afin que l'humanité reprenne le pouvoir de penser, de retenir, de réfléchir.
Nous sommes dans un monde où les humains ont quitté la planète mère depuis si longtemps qu'ils l'ont oubliée. Le monde, ou plus exactement les mondes sont sous la domination de l'Empire et la dépendance à l'Epice, denrée rare que l'on ne trouve que sur une seule planète : Arrakis. Celui qui saura en prendre le monopole deviendra le maître des mondes de l'Imperium.

« Dune », premier tome de ce space opéra, est le roman où les personnages principaux et leurs motivations sont installés par l'auteur et prennent corps sous les yeux du lecteur.
Les Harkonnens, les Atréides, l'ordre du Bene Gesserit, les Mentats, les Fremens, la CHOM et sa Guide des navigateurs, l'Empereur, l'ordre de Bene Tleilax qui maîtrise la génétique, les Ixiens, concepteurs et fabricants de machines de haute techonologie, les Maisons majeures et les Maisons mineures orchestrent une course au pouvoir des plus retorses et ce au beau milieu du Plan imaginé par les Soeurs Bene Gesserites. Ces dernières manipulent pour unir leurs élèves aux chefs des Maisons. Leur but ? Réussir à donner naissance à celui qui sera le Kwisatz Haderach, celui qui pourra voir le passé et le futur.

Paul, l'unique fils de Leto Atréides, éduqué par sa mère, Jessica, Soeur Bene Gesserite, pourrait être le Kwistz Haderah en raison de ses facultés exceptionnelles. Il devient l'objet de toutes les convoitises. C'est sans compter la rivalité entre Harkonnens et Atréides qui provoquera la mort du Duc Leto et la fuite de sa concubine, Jessica, et de son fils Paul.
Les tribus Fremens les recueilleront et les accepteront comme leurs après le rite de l'Epice. Jessica, enceinte de sa fille Alia, deviendra la Révérende Mère des Fremens. Paul accroît ses perceptions et ses capacités jusqu'à la prescience et deviendra le chef de la rébellion. Il comprend également combien est dangereux le rêve de rendre Arrakis verdoyante : c'est le désert et les vers qui produisent l'Epice. Sans elle et sans le Mélange, les humains ne peuvent développer leurs capacités mentales leur permettant de ne plus utiliser la haute technologie. Saura-t-il le faire comprendre et accepter à ceux qui rêvent de ne plus subir la dure existence dans le désert ?
Saura-t-il endiguer les effets du rite de l'Epice sur sa sœur qui le subit in-utero ? C'est l'enjeu du deuxième tome.

« Le messie de Dune » est l'opus qui montre combien le pouvoir peut être dangereux même pour les hommes de bien souhaitant améliorer le sort de leurs semblables.
La bataille d'Arakeen a vu les cohortes Fremens remporter une incroyable victoire que les forces impériales. Paul est reconnu Duc d'Arrakis, sa puissance politique et religieuse rayonne dans tout l'Imperium au point de supplanter l'Empereur Padishah Shaddam IV, de la Maison Corrino.
Une croisade furieuse et violente met à feu et à sang l'Empire, Paul constate le danger de devenir une déité sans qu'il puisse faire quoi que ce soit. Alia, sa sœur devient de plus en plus étrange au point de sembler être l'Abomination : saura-t-elle se sortir du joug des millions d'existences en elle, la pré-née ? Saura-t-elle faire les bons choix ? Et Paul, le « Madhi », trouvera-t-il sa voie ?

Frank Herbert joue avec délectation sur la gamme universelle des luttes de pouvoir, des ambitions, de la veulerie, du courage, de la fidélité, des compromissions qui font la grandeur et la petitesse de la nature humaine. Quand Paul constate qu'il est parvenu au bout de ce qu'il peut supporter, quand le poids de ses visions fait qu'il ne sait plus quelle voie choisir pour atteindre un futur acceptable pour tous, une seule issue s'offre à lui : la fuite du « Madhi » dans le désert pour s'y fondre et disparaître à jamais.
Peut-on maîtriser le Temps ? Connaître le futur est-il une voie pour façonner le présent, le maintenant ? Guider les peuples peut-il se faire sans perdre une partie de soi ? Qu'est-ce que guider les peuples ? Vouloir leur bien, leur bien-être ? Gommer les différences et abattre les murs ?
Quand Paul « Madhi » choisit de se perdre, devenu aveugle, dans le désert pour qu'un ver géant se repaisse de son eau et de sa chair, il laisse en héritage à ses jumeaux et à sa sœur un bien lourd fardeau. Les premiers parviendront à apprivoiser et dompter leurs pouvoirs de pré-nés tandis que la seconde sombrera dans l'obscurité des siens.

« Les enfants de Dune » est l'opus du rééquilibrage des forces.
L'Epice est devenue rare car la végétalisation de Dune provoque un déséquilibre écologique : l'humidité trop importante provoque la mort des vers et fissure leur symbiose avec les truites de sable. Certains expérimentent l'élévage des vers à des fins peu scrupuleuses. Or il n'y a que sur Arrakis que l'Epice peut être produite car tant qu'il reste du vrai désert la symbiose ver/truite des sables peut permettre l'existence de l'Epice.
Alia, devenue Régente, se perd dans les intrigues et l'absolutisme de son pouvoir. Peu à peu, la réalité la fuit et elle se laisse submerger par une de ses vies intérieures... et par n'importe laquelle : l'affreux et odieux Baron Vladimir Harkonnen. Ce dernier prend possession du libre-arbitre d'Alia et l'amène jusqu'à la folie destructrice.
Et les jumeaux dans tout cela ? Et « Madhi » ? Paul a-t-il réellement disparu ? Cet étrange Prêcheur pourrait-il être un avatar de Madhi/Paul ?
Les jumeaux ont grandi, leur âme vieille de millions d'années et de vies, a du mal à coïncider avec leur corps de jeunes adolescents. Leurs capacités prennent de l'ampleur au point d'inquiéter leur tante Alia. La raison d'Etat ne dicterait-elle pas leur disparition ? En effet, « on » tente de les annihiler sauf qu'ils mettent en échec le commanditaire : le jeune Leto est porté disparu, du moins le fait-on croire, tandis que sa sœur Ghanima le pleure grâce au pouvoir d'auto-suggestion qui saura la faire sortir gagnante d'une confrontation avec un Diseur de Vérité.
Les trahisons, les complots vont bon train tant à Arakeen, la capitale, qu'au fin fond des sietchs, villages troglodytes des Fremens.
Dame Jessica revient sur Arrakis pour mieux en partir, fausse captive, pour éduquer l'héritier de la Maison Corrino, le jeune Farad'n, dans l'art Bene Gesserit.
Leto affronte des innombrables vies dans un combat mortel dont il triomphera. Il accède alors à l'infini, à la compréhension de la complexité des fils du Temps. Il franchit un cap supérieur à celui franchi par son père.
Leto comprend l'équilibre écologique d'Arrakis, il sait ce qui créé l'Epice, il sait que le rêve de verdure et d'eau tombant du ciel ne peut être viable et qu'il doit être détruit.

Le lecteur se régale avec la pérégrinations, joyeuses, mystiques et tragiques des personnages. Les situations font frémir, espérer, pleurer ou sourire, elles rythment les pages, scandent le tempo du récit.
L'absolutisme du pouvoir politique ou religieux est voué à être combattu et abattu depuis que le monde est monde. Le cycle de « Dune » est une manière extraordinaire d'en explorer toutes les facettes grâce à un personnage à part entière qu'est la planète Arrakis.
« Dune » est protéiforme et pourrait être considéré comme le premier space opera. Toujours est-il que ce cycle est un incontournable pour le lecteur de SF et un plaisir de lecture sans cesse renouvelé.
Le cycle de « Dune », on peut le dire, est une saga culte ! Une pierre sur laquelle se sont appuyés bons nombres de romans. D'ailleurs, « Game of Thrones » a du se nourrir abondamment, et intelligemment, de « Dune ».

Pour en savoir plus c'est ici Wikipédia




jeudi 16 juillet 2020

En attendant ... le Mois Américain 2020

Je l'attendais avec impatience afin de prévoir mes lectures aoûtiennes. Martine a levé le voile sur les diverses thématiques abordées au cours du prochain mois de septembre qui sera américain.
Cela me rappellera mon séjour en Californie, chez mon beau-frère d'Amérique!

Le programme proposé pour l'opus 2020 est le suivant:

-4 septembre : ladies first (auteure américaine, livre féministe, héroïne marquante): "Un livre de martyrs américains" de l'incontournable Joyce Carol Oates m'attend depuis plusieurs mois dans ma PAL. 
-8 septembre : la figure du cow-boy: Occasion m'est donnée de continuer le cycle de "The big sky" de A.B Guthrie "La route de l'ouest" (tome 2) 
-10 septembre : séries tv. Une excellente occasion de découvrir une saga SF The Expanse de James S.A Corey
-12 septembre: roman du 19ème siècle ou se déroulant au 19ème siècle. On exhume des romans dormants depuis des années sur les étagères de la bibliothèque: "Le destin de Mr Crump" de Ludwig Lewisohn.
-15 septembre : le désir. La revue "America" devrait me donner des pistes de lecture puisque son dernier numéro "Sex in the USA" est consacré à ce domaine! J'ai choisi "Venus Erotica" d'Anaïs Nin, un recueil de nouvelles érotiques.
-17 septembre : polar/roman noir/thriller. Je n'avais que l'embarras du choix et ce sera "La chambre des curiosités" de Douglas Perston et Lincold Child.
-19 septembre : un roman jeunesse/young adult. Depuis le temps que je devais lire cet auteur classique américain! "Les aventures de Tom Sawyer" de Mark Twain.
-22 septembre : black lives matter. "Beloved" de Toni Morrisson.
-24 septembre : la guerre. J'hésite...."L'adieu aux armes" d'Hemingway (une relecture) ou "La marche" de E.L Doctorow (une découverte)
-26 septembre : la famille. "Pastorale américaine" de Philip Roth.
Comme les organisatrices sont adorables, elles laissent entière liberté de suivre scrupuleusement ou pas le programme! 
Enjoy!
    
(Juillet 2017 en route pour le Grand Canyon! Crédit photo: Moi
Cliquez sur la photo pour la voir en grand)

mardi 14 juillet 2020

Rencontre avec Stephen King


Il y a cinq ans j'ai lu mon premier Stephen King « 22/11/63 » , roman de SF où la part du fantastique est omniprésente. Je m'étais régalée de bout en bout.
Cet été, la médiathèque de Guingamp a de nouveau proposé aux adhérents les sacs mystères dont le principe est le suivant « Chaque sac contient un livre, un CD ainsi qu'un DVD ayant un point commun. Un seul indice est donné à l'emprunteur, la surprise de la découverte a lieu une fois arrivé à la maison ! », le seul indice étant l'appellation dudit sac. Celui que j'ai emprunté, il y a quinze jours, avait pour indice « Etranges hôtels ». J'aurais du me méfier : hôtel … étrange … quand j'ai ouvert le sac en question, j'ai sorti le DVD « The grand Budapest Hotel » de Wes Anderson accompagné du CD audio de la BO. Jusque là tout allait bien. Quand je sortis le roman, j'ai cru à une mauvaise plaisanterie, une erreur de casting : « Shining » de Stephen King, roman mis en images par Stanley Kubrik. Je n'ai jamais pu regarder plus de vingt minutes du film tant l'angoisse me tétanisait.
Que faire ? Retourner illico à la médiathèque pour changer le sac ? C'est que le DVD me plaisait bien. Regarder le DVD, écouter le CD et laisser tomber le roman ? C'était une solution.
Sauf que.... je me suis dit qu'après tout je pouvais prendre le risque de lire « Shining » sachant qu'à tout moment le geste simple de fermer le livre mettrait fin à d'éventuels tourments.

Abandonnant le cycle de « Dune » pour « Shining », j'ai quitté l'aride Arrakis afin de me rendre dans le Colorado pour y passer un hiver pas comme les autres.
Autant vous dire que je n'étais pas très fière en m'attaquant au premier chapitre car en compulsant divers articles « Shining, l'enfant lumière est un roman d'horreur écrit par Stephen King et publié en 1977. Cet ouvrage, le troisième qu’il publie, l’établit comme une figure importante du genre fantastique. » (source Wikipedia) ce qui ne me disait rien de bon : horreur pour moi c'est éprouver une peur sans nom, une terreur éprouvante pour les nerfs.

J'ai donc pris mon courage à deux mains et entrepris de suivre le parcours de Jack Torrance, sa femme Wendy et son fils, « l'enfant lumière » Danny dont le don de médium provoquera la convoitise de ce qui se terre dans la mémoire de l'hôtel Overlook au cœur du Colorado.
D'emblée, King, instaure une ambiance particulière à laquelle le lecteur ne peut échapper : la mise en place des personnages, de leurs caractères, de ce qu'ils sont, est tellement bien réalisée qu'on ne lâche pas le récit car on veut savoir ce qui se passe après.
L'Overlook Hotel devient un lieu d'isolement dans lequel est confinée une famille dont les parents sont au bord du divorce en raison de l'alcoolisme du père.
L'immense bâtisse au passé sulfureux de règlements de comptes mafieux, de crimes passionnels, devient un personnage à part entière dès que …. « winter is coming ».
L'auteur place son lecteur face à ses angoisses les plus profondes : comment réagirions-nous si nous étions bloqués un hiver entier dans un hôtel vide, craquant sous le souffle effrayant des tempêtes hivernales ?
Les personnages sont placés dans des situations extrêmement angoissantes, terrifiantes parfois, mais est-ce la présence de forces maléfiques ou l'expression de leur propre délire  d'alcoolique repenti, mais pas tant que cela, pour le père, l'angoisse permanente de la possible violence paternelle pour la mère ou la peur viscérale de perdre ses parents pour le garçonnet hyper sensible ? Le monstre est-il tapi dans le passé d'une bâtisse ou en soi ce qui le rend d'autant plus horrible ?

J'ai sursauté à chaque grincement de porte, à chaque bruit étrange ressemblant à des voix. J'ai regardé avec circonspection l'extincteur d'incendie lorsque Jack ou Danny avaient l'impression qu'il avait bougé. J'ai frémi quand je les ai suivis dans le parc des animaux de buis, j'ai frissonné quand Jack est resté près de la chaudière et s'est pris d'intérêt pour les vieux papiers oubliés. La peur, l'angoisse, le mal-être, le picotement désagréable sur la nuque, tout cela je l'ai ressenti sans pour autant être terrorisée au point d'arrêter brutalement ma lecture.
Bien au contraire, j'ai apprécié l'installation du décor, la construction de l'ambiance fantastique par la seule force d'évocation du langage écrit, simple, juste et épouvantablement efficace.
Stephen King a l'art de mettre son lecteur face à ses peurs intimes, ses angoisses avec des situations du quotidien. Le lecteur est confronté à lui-même et à ce qu'il ressent dans l'ombre des méandres de l'intime. King maîtrise ce qu'il peut avoir de fantastique au sein du réel anodin et il l'exprime avec brio dans ce roman haletant.

Une deuxième rencontre réussie qui en provoquera d'autres à plus ou moins longue échéance.
Merci le sac mystère « Etranges hôtels » pour avoir permis à la lectrice que je suis de franchir un pas important dans la découverte d'un auteur important de la littérature contemporaine.



lundi 13 juillet 2020

Marais et tranquillité


Tout le monde connaît l'horreur subie par la ville de Guernica lors de la Guerre d'Espagne qui verra Franco au pouvoir pour de longues années de dictature sanglante.
Tout le monde connaît le célébrissime tableau de Picasso, éponyme de la ville, présenté au pavillon espagnol lors de l'Exposition internationale des arts et techniques de Paris en 1937.
Tout le monde connaît l'horreur vécue grâce à ce superbe tableau.
Et si Picasso n'avait pas été le seul artiste à s'interroger sur les tragédies de la guerre et l'importance de l'art pour en témoigner ?

C'est ce que nous relate Antoine Choplin dans son roman, touchant et merveilleux, « Le héron de Guernica » où le jeune héros, Basilio, étrange électron libre, s'arc-boute à reproduire, exactement, le portrait d'un héron habitué du marais proche de la ville.
La guerre civile passe à côté de Basilio, du moins a-t-on, au début, cette impression. Or, très vite, le héron devient une métaphore de la ville : la tranquillité du marais est celle d'une petite ville plus attachée à son quotidien de labeur qu'aux affaires du monde. Le marché, les promenades à la brune des jeunes gens, Basilio au cœur du marais, immobile, habituant le héron à sa présence pour mieux le croquer, le dessiner, le peindre, la vie simple de gens simples.
Le souci de Basilio n'est pas la guerre, même s'il a voulu s'engager auprès des républicains, non, son souci est de parvenir à peindre un héron cendré, son héron cendré, sans qu'il donne une impression de nature morte. Il espère rendre sa peinture vivante comme si le héron devait bouger dans la seconde sous les yeux de celui qui regardera la peinture.
Comment peindre la vie sur une toile sans en perdre sa substance ? C'est ce que recherche Basilio : insuffler la vie dans son dessin. On le suit dans le marais, silencieux comme lui ; on s'installe, immobile comme lui, pour apprivoiser le héron. On goûte à la précieuse sérénité du lieu, oasis de paix et d'eau immobile. Une bulle fragile et délicieuse.
Puis le trouble vient du ciel où les messerschmitts allemands dansent tels des insectes malfaisants. L'enfer embrase la ville en quelques minutes.
Basilio a quitté son marais pour revenir auprès de son oncle qu'il ne trouve pas. Il suivra le curé qui lui donnera la mission de prendre des photos pour immortaliser l'horreur et informer le monde de l'ignominie.
Avec un tact d'une légèreté sublime, Choplin met en scène le bombardement et les cadrages de Basilio : une bicyclette abandonnée dans la rue sera plus parlante que l'escadrille dans le ciel, les taurillons rendus fous par les flammes, saisis par le regard de ce jeune homme sensible, formeront une triade tragique et enflammée achevant sa course, consumée et déstructurée. L'horreur est dans quelques scènes anodines.
A la fin du raid, Basilio se rend au marais... son héron semble immobile, il tente de se relever, de battre ses ailes. L'une d'elles est blessée, brisée. Le sang s'écoule du modèle qui sombre dans l'ombre des hautes herbes... la mort est pudique.
Le héron du matin et celui du soir, deux sommes d'une vie qui s'achève brisée. Aussi, quand on voit Basilio prendre son pinceau pour peindre son héron, on voit aussitôt les personnages du tableau de Picasso : le corps et le visage déstructurés pour montrer l'avant et l'après.
Le jeune artiste, on le sent, on le sait, peint « le héron du matin et celui du soir » en un seul...de l'oeil pétillant de vie à la béance mortelle de l'aile meurtrie.

Picasso n'a pas assisté au carnage de Guernica, Basilio, si. Pourtant le ressenti artistique est le même, la transcription graphique du même ordre.
Antoine Choplin rend magnifiques Basilio et son héron, rend extraordinaire le calme d'une journée comme une autre avant le déchainement des bombes et le martyr de la ville. La douceur de vivre et l'horreur de la mort violente et brutale dans l'évocation d'un héron cendré, image de la sérénité du marais.
On ferme alors les yeux et on regarde le tableau de Picasso, comme Basilio au pavillon espagnol. On voit les corps martyrisés et on voit celui du héron dont la toile ne quittera pas le carton à dessin.

Guernica - Pablo Picasso - 1937


vendredi 10 juillet 2020

Mémoire familiale


Quand on s'inscrit pour participer à Masse Critique de Babelio, il ne faut pas être lève tard et encore moins tête-en-l'air sinon les titres les plus alléchants partent avant que l'on ait le temps de dire « ouf ».
J'ai oublié le rendez-vous du mercredi 7 juin et ne m'en suis souvenu qu'en fin d'après-midi. J'ai jeté mon dévolu sur deux titres dont celui que j'ai reçu quelques jours plus tard dans ma BAL.
« Madame, vous allez m'émouvoir » est le récit de l'enquête sur l'histoire de sa famille réalisée par Lucie Tesnière que rien ne prédisposait à fouiller dans les archives familiales.

Tout commence par la lecture des lettres de son arrière-grand-père, Paul Cabouat, médecin dans les tranchées pendant la Grande Guerre, aux siens et à sa fiancée. Une aventure au long cours débute, un chemin parsemé souvent de trouvailles insolites, d'embûches parfois, ardu toujours.
Le lecteur suit les progrès des recherches menées par cette jeune femme qui se prend au jeu au point de solliciter un congé sabbatique. Il les suit avec intérêt et émotion : l'auteure-enquêtrice fait revivre ses aïeux et apporte, à sa manière, un éclairage sur les époques de la Grande Guerre et de la Seconde Guerre mondiale.

L'éclairage n'est pas miraculeux, il est de l'ordre de l'intime. Ce qui le rend d'autant plus émouvant : le lecteur est en compagnie de ces soldats envoyés au front, ces hommes issus de la bourgeoisie qui se rendront aux côtés de leurs frères d'armes dans les antichambres de l'Enfer que furent les tranchées.

Il accompagne les aïeux haut-fonctionnaire ou médecin lors de la « drôle » de guerre suivie de l'armistice et du gouvernement de Vichy. Le premier restera préfet tout en adoucissant le sort de prisonniers ou de familles juives, le second sera résistant. Un membre d'une autre branche familiale sera aussi résistant et ignorant des activités de résistance de son épouse et de son fils.
L'arbre généalogique compte de nombreux destins étonnants comme ceux de nombreuses familles anonymes.

Sous la plume de Lucie Tesnière, prénommée ainsi en hommage à Lucie Aubrac, la France des anonymes prend vie, se découvre et offre sa mémoire, ou plus exactement ses mémoires.
La jeune femme ne s'affiche pas en tant d'écrivaine et encore moins historienne et c'est ce qui donne de la valeur à son récit : elle ne prétend pas découvrir des pans inconnus du quotidien de la Grande Guerre, elle souhaite seulement apporter le témoignage familial dans le cadre des commémorations du centenaire de 1914-1918. Bien sûr ses recherches l'entraîneront dans les méandres plus risqués de la période de Vichy et de l'Occupation allemande, cependant elle parvient à faire son miel de ses découvertes et de renouer avec un lointain cousin en rupture de ban familial. Ce sont ces moments qui provoquent l'émotion du lecteur car cela s'est certainement produit dans moult familles et nombreux doivent être les squelettes dans les placards bien fermés.... jusqu'au jour où le bois joue et la porte s'entrouvre.

Lorsque j'ai achevé la lecture de « Madame, vous allez m'émouvoir », je me suis demandé ce que notre époque, détachée de l'écrit et du temps étiré, laissera à la postérité. Nous n'écrivons plus de lettre à nos proches ou à nos amours hormis des textos ou des courriels. 
Nous ne prenons plus le temps de décrire le quotidien à ceux qui sont au loin puisque nous avons la facilité d'envoyer grâce à nos portables des photos prises à l'instant. 
Nous sommes dans l'immédiateté et dans l'impermanence. Comme le souligne l'auteure, nous n'écrivons plus de lettres d'amour comme a pu en écrire son arrière-grand-père. Ces lettres, magnifiques par leur simplicité, reflets d'une époque dont nous avons la nostalgie, émeuvent car elles touchent à l'éternité puisque nous les lisons encore aujourd'hui.

J'ai été émue lorsque Lucie Tesnière explique que la mère de Paul Cabouat recopiait chacune des lettres écrites par ses fils. C'est grâce à ce geste d'amour maternel que ceux qui viennent après peuvent connaître la vie et les tourments de ceux qui les ont précédés. Ce geste ancestral du moine copiste.... qui l'a aujourd'hui ?
Ou encore lorsqu'elle retrouve des manuscrits du père de Paul, souhaitant garder trace de ce que la famille a pu vivre au cours des quatre années de la Grande Guerre. Il la consigne scrupuleusement et la destine sciemment à sa postérité dont fait partie Lucie. Qui prend encore le temps de relater le quotidien contemporain hormis les écrivains, philosophes ou politiques qui tiennent un journal ?

Le papier qui reçoit pensées, récits du quotidien, observation des petits riens au cœur du temps qui passe, est certainement le support le plus sûr et le plus noble pour transmettre un présent à un futur qu'on a du mal à appréhender.

Je remercie l'équipe de Babelio pour m'avoir mis entre les mains un récit que je n'aurais pas eu, spontanément, envie de lire. Un récit qui est parvenu à m'émouvoir et ce n'était pas gagné !


Lu dans le cadre de l'opération








Les avis de Gregoire de Tours  d'Eva

Le Tag "Spécial Mois Anglais"

Les Tags d'Enna sont charmants et on ne peut s'empêcher d'y participer.
Je me prête volontiers à l'exercice.



QUELS LIEUX ANGLAIS AIMES-TU OU AIMERAIS-TU VISITER? :
Je suis tombée sous le charme de Londres où je suis allée trois fois.
La première fois nous avons marché longtemps pour trouver un B&B sympathique qui s'avéra complet. Nous avons pu boire un thé anglais dans un « bistrot » ancien : l'énorme théière restait au chaud sur une plaque de fonte. Je n'ai plus jamais revu ce genre de « boui-boui ».
La seconde et la dernière fois, j'étais en compagnie d'une copine, en 1998... souvenez-vous, année historique. Nous étions parties trois jours à Londres avec un court séjour, eu retour, à Paris où nous avions programmé la visite d'une exposition au Grand Palais ainsi qu'une visite gratuite au Louvre grâce à notre carte professionnelle d'enseignant.
Nous avions découvert un restau tenu par « Krishna » :ce fut notre cantine, nous y mangions bien pour pas cher.
Nous avions parcouru longuement les rues commerçantes  et je me ruais dans chaque échoppe de cartes postales, papiers à lettre et de chaussettes.
Ma copine doit encore se souvenir de la longue marche à la recherche d'une plaque à muffins. Un calvaire à rapporter en France.
J'aimerais voir Oxford ainsi que visiter le Yorkshire, la campagne du sud de l'Angleterre.

QUELS ALIMENTS/BOISSONS ANGLAIS AIMES-TU? :

Je suis une inconditionnelle du thé.
Je ne refuse pas une pinte de bonne bière ou de cidre.

QUELS AUTEURS ANGLAIS AIMES-TU ? :

Dans le désordre
Tolkien, Austen, les sœurs Bronté, Daphné du Maurier, Agatha Christie, Jonathan Coe, Roald Dhal, David Gemmel, Wilkie Collins, Shakespeare, Thomas Hardy, Joseph Conrad, Aldous Huxley, Doris Lessing, Christopher Priest, Thackeray, Kazuo Ishiguro ….

QUELS FILMS / SÉRIES ANGLAIS AIMES-TU? :

Quatre mariage et un enterrement, le journal de Bridget Jones, Raison et sentiments, Orgueil et préjugé, Jane Eyre,
Black mirror, Chapeau melon et bottes de cuir, Amicalement vôtre, Le prisonnier, Down town Abbay, les films de David Lynch

QUELS ARTISTES ANGLAIS (PEINTRE, SCULPTEUR, PHOTOGRAPHE…) AIMES-TU ? :

Martin Parr (photographe) William Turner (peintre) Purcell (musicien)

QUELS CHANTEURS /CHANTEUSES / GROUPES ANGLAIS AIMES-TU? :
David Bowie, les Beatles, Sting, Paul Mccartney


MONTRE NOUS DES BABIOLES « ANGLAISES » QUE TU POSSÈDES :

Je n'ai pas exposé tous mes mugs!


Il y a le fameux bus rouge londonien qui a contenu des gâteaux anglais. Le mug avec chats, la cuillère pour gaucher, le petit couteau à tartiner les scones, la dosette à thé et l'accessoire indispensable pour garder au chaud la théière.