mercredi 31 mars 2010

Etre quelqu'un ou rien

Depuis deux bonnes semaines, je lis en classe les albums sélectionnés pour le final du Prix des incorruptibles; le premier fut "Bob, Bob le zèbre? Bob le singe...?", une histoire attendrissante au coeur de la savane.
Bob est un adorable éléphant qui a un énooorme problème: il voudrait être quelqu'un, lui qui n'est qu'un pauvre gros éléphant gris sans charisme ni humour, sans grâce ni élégance, sans caractère farouche ni humeur délirante. C'est que la savane regorge d'animaux en vue: la gazelle, ahhhh la gazelle et ses allures de sylphide, la girafe, elle est immense, c'est la plus grande de tous et cerise sur le gâteau, elle est très coquette! Il ne faut pas oublier le zèbre qui ne compte plus ses amis plus fidèles les uns que les autres, le zèbre véritable d'Artagnan de la savane (tous pour un, un pour tous!); ni le singe qui est impayable avec ses allures de grand comique prêt à faire rire toute la savane; et encore moins la hyène, certes méchante comme la gale, ignoble hypocrite à l'affût du moindre mauvais coup mais redoutable par la peur qu'elle engendre chez les autres! Comment voulez-vous que notre Bob ne soit pas rêveur après toutes ces observations: d'ailleurs, chaque soir il s'endort en rêvant d'être soit une hyène, un zèbre, une girafe, un singe ou une gazelle....jusqu'au jour où, n'en pouvant plus, il décide d'aller exposer ses malheurs au roi des animaux, le lion si sage et si posé. Ce dernier est bien embêté car il ne voit guère de solution satisfaisante: avez-vous déjà vu un éléphant au cou de girafe, zébré comme un zèbre, doté d'une tête de singe et juché sur des pattes de gazelle? Non, bien entendu...le lion non plus d'ailleurs. Il conseille donc à Bob d'aller dormir car la nuit est toujours bonne conseillère...ce que fait Bob qui s'endort en rêvant d'être...mais pas le temps d'imaginer quoi que ce soit: un bruit de craquement, une chaleur dense et une rougeur dans la nuit réveillent Bob en sursaut qui constate avec angoisse la progression rapide de l'incendie ravageur. Ni une ni deux, Bob s'occupe de mettre en place un pont de fortune pour permettre aux animaux de traverser le fleuve, puis il pompe, encore et encore jusqu'au bout de la nuit, l'eau avec sa trompe pour combattre le feu et ainsi sauver la savane et sa faune. Aussi, le lion, toujours très sage, a-t-il la ces douces paroles pour les oreilles de Bob: "Bob, tu voulais être quelqu'un? Tu es quelqu'un de bien!". Alors, au diable tous les malices du singe, le charisme du zèbre, l'élégance de la girafe, la grâce de la gazelle ou encore la méchanceté fascinante de la hyène: Bob est un éléphant qui compte dans la savane, il est son combattant du feu!
"Bob? Bob le zèbre? Bob le singe..." est un album qui montre combien l'estime de soi est essentielle pour une vie harmonieuse mais aussi qu'il est fondamental de comprendre que chacun possède l'étincelle qui fait de lui un être à part entière, un être unique, maillon important du vaste monde, même si en apparence on semble être insignifiant au regard de ceux qui se trouvent sous les feux de la rampe. Chaque être a son utilité, apporte quelque chose à l'édifice de la société et participe à l'harmonie de son environnement: l'individualité au service de la collectivité, le don de soi pour le bien-être d'autrui....une bien jolie valeur à faire passer aux jeunes générations pour une société moins individualiste et plus altruiste. En effet, le zèbre, le singe, la hyène, la gazelle et la girafe ne pensent qu'à eux, qu'à leur effet sur les autres et ainsi pensent être importants; or, que reste-t-il de leur arrogance lorsque le feu dévore la savane...fort peu de choses!
Les illustrations sont intéressantes, aux couleurs vives comme l'Afrique, et accompagnent fort à propos le texte. Une très belle histoire à lire sans modération!

L'avis de Ricochet  




(6/24)

mardi 30 mars 2010

Un possible envers des contes

Dans le colis Swapôconte envoyé par ma binômette Praline, il y avait, entre autres alléchants albums, un roman jeunesse, un polar, "Romain Gallo contre Charles Perrault" de Gérard Moncomble. Un titre intriguant dont je n'avais jamais entendu parlé: ma curiosité fut satisfaite ce week-end puisque Praline et moi en avons fait une lecture commune.

L'argument est amusant: comment regarder, avec un autre oeil, l'univers des contes traditionnels qui bercent les oreilles des petits et des grands depuis des générations? Gérard Moncomble a pris le parti d'une série d'enquêtes menées par l'impayable détective, Romain Gallo, un rien gouailleur, un tantinet cabotin, à l'allure d'un Marlowe carburant au pom-coca avec un zeste de nonchalance et d'humour, peut-être de cour de récréation, qui fait mouche et fait sourire! Bien entendu, notre Gallo est la bête noire d'un certain commissaire Charles Perrault, bouffi de son importance et empreint de suffisance alors que l'évidence est invisible pour lui.

C'est ainsi que six figures, légendaires - si j'ose dire -, de contes célèbres sont passées à la moulinette d'une lorgnette bien iconoclaste. Le Petit Chaperon Rouge trempe, à l'insu de son plein gré, dans une sordide histoire de dévoration sanglante pour couvrir une banale escroquerie à l'assurance; tandis que le pauvre loup, loin d'être un méchant loup, est condamné à perpétuité pour un "croquage" en série qu'il n'a pas commis, lui le boucher végétarien! L'appétit du numéraire décuple l'imagination d'un bûcheron sensible aux charmes d'une mère célibataire qui hélas ne sait pas qu'une galette peut saper les plus beaux châteaux en Espagne. Puis vient le tour de Barbe Bleue, accusé, à tort, de se débarasser de ses épouses; pourtant, l'affaire semblait claire: des poils de barbe, bleus, éparpillés sur le lieux des crimes, d'énormes empreintes (pas trop profondes), une jeune et splendide épouse, bref tout accuse le pauvre homme. Heureusement, notre Gallo, n'écoutant que ses intuitions et sachant observer son monde, parvient à éclairer la lanterne du commissaire, prompt à tomber dans le panneau le plus grossier, qui ne voyait pas (venir) que le chevalier servant de Mme Pot-Bouillon, répondant au doux nom de Sir Hanne, était l'amant de cette dernière qui ne pouvait espérer qu'une pauvre pension alimentaire...Mr Pot-Bouillon étant friand de chair fraîche mais au figuré (ah, les malheurs de l'inconstance!). Donc, une seule solution s'imposait à elle: se débarrasser de son encombrant époux volage.
Ensuite, notre Gallo a maille à partir avec un coiffeur très couru, doté d'un chat médium: un industriel soupçonnant son épouse d'adultère confie la filature de cette dernière à notre célèbre détective, sans peur et sans reproche, qui le mène dans un salon de coiffure so fashion où disparaît la belle. Ni une ni deux, Gallo trouve un étrange escalier et tombe en pleine séance d'hypnose. Le virtuose des coupes, Kid Carabas, tient sous sa coupe de belles et grandes fortunes grâce à son chat qui fait de lui le gourou des salons huppés de la ville. Bien entendu, le médium sera évincé et tout rentrera dans l'ordre.
Après, Cendrillon et la Belle au bois dormant ont leur image légèrement écornées: quand l'une est croqueuse de célibataires au bas de laine bien garni, l'autre est victime des ambitions démesurées de son père, scientifique aux principes bien vermoulus.
Pour finir, la cerise sur le gâteau: le Petit Poucet, sous les traits d'un nain psychopathe, parrain sans scrupules et sanguinaire. Un vrai régal cette ultime enquête! Entre les cailloux utilisés non seulement comme repères mais aussi comme boules destressantes, et les six frères obtus et gros bras, le pauvre Gallo se trouve maintes fois en très mauvaise posture. Il fallait y penser: transformer le gentil Petit Poucet en sombre hystérique à la gachette facile.
J'ai pris un immense plaisir à lire ces détournements de contes d'autant plus que l'auteur les implique dans des affaires criminelles modernes: détournement de fonds, danger des sectes et pouvoir des gourous sur les âmes en mal de croyance, marché douteux de drogues, meurtres passionnels, escroqueries à l'assurance. Le personnage du détective est amusant, attachant, joyeusement désabusé sur ses contemporains, comme tout bon détective, et prenant à coeur à regarder au-delà des simples apparences, lui dont l'officine est située en pleine ZUP dans un immeuble bien délabré,, même si cela lui coûte un séjour en prison!

Une très agréable parodie de contes traditionnels, connus et moins connus (Barbe Bleue) que l'on déguste tranquillement accompagné des souenirs de lectures d'enfance, d'après-midi passés en compagnie d'une Mamie (ce fut mon cas) racontant, sans se lasser, à ses petits-enfants l'éternel "Petit Chaperon rouge"!!!
Merci Praline pour cette plongée, aux saveurs contemporaines, dans une littérature qui m'a toujours enchantée.

Les avis de Lalivrophile   Praline  
 

dimanche 28 mars 2010

Dimanche poétique # 15

Je reprends le chemin poétique de ces dimanches si doux et si attendus, organisés par Celsmoon, avec un poète africain francophone (Sénégal), Birago Diop (1906-1989) (Merci Mirontaine pour ce recueil de poèmes africains, connus et inconnus).

Bal

Une volute bleue, une pensée exquise
Montent l'une sur l'autre en un accord secret
Et l'état rose tendre qu'un globe tamise
Noie un parfum de femme dans un lourd regret.

Le lent lamento langoureux du saxophone
Egrène de troubles et indistincts accords
Et son cri rauque, saccadé ou monotone,
Réveille parfois un désir qu'on croyait mort.

Arrête Jazz, tu scandes des sanglots, des larmes
Que les coeurs jaloux veulent garder seuls pour eux.
Arrêt ton bruit de ferraille. Ton vacarme
Semble une immense plainte où naît un aveu.

Les compagnons de voyage poétique de Celsmoon vous offrent ici leurs trouvailles.

Colis du Printemps

Bladelor a reconduit, quel bonheur, l'aventure du Swap au long cours; les contenus devaient être tous révélés le 21 mars dernier, en hommage au Printemps. Je fus la dernière à envoyer son colis en raison des caprices de la météo de février qui conduisirent le Trieux, qui coule au bout de mon jardin, à faire des siennes et à déborder largement hors de son lit (il a dépassé, à l'occasion, d'un bon mètre sa cote d'alerte, c'est dire!). Quel rapport avec le Swap...disons que lorsque sa maison est envahie par 70 cm d'eau, beaucoup de démarches sont à enclencher et mettez une dose de campagne électorales pour les Régionales agrémentée d'un additif "budget municipal" suivi du "budget communautaire" (j'assume les contraintes de mon modeste mandat d'élue), vous obtenez une chronologie qui file comme le vent. J'en profite pour remercier Bladelor et Mirontaine pour leur compréhension et leur patience.
Mais je m'égare et m'éloigne de ce qui est réellement important: le contenu du premier opus du Swap au long cours 2010.
Mirontaine et moi avions décidé de partir à la découverte de l'Afrique et ses milles et une couleurs et cette dernière a jailli, somptueuse, chaleureuse et colorée, du colis: un festival de couleurs, d'odeurs est entré dans la maison, apportant, fort à propos, d'agréables rayons de soleil....un peu de vie normale s'installait dans le salon et cela a fait un bien fou!
Le printemps arborait ses couleurs sur le colis:


Puis ce fut l'explosion colorée des multiples paquets recelant nombre de surprises (encore une fois, Mirontaine a su glaner mes points faibles et créer un bel ensemble):

Inutile de vous dire que les paquets furent ouverts délicatement tant les papiers étaient jolis (Mirontaine, comment sais-tu que j'aime leur offrir une seconde vie en classe lors des ateliers découpages? Mes petits élèves s'exercent donc aux subtilités du découpage en animant leur feuille de travail avec les papiers cadeau que je récupère...j'essaie de les motiver comme je peux pour un travail soigneux et une précision dans le découpage). De plus, faire attention à ne pas saccager les emballages prolonge le plaisir de l'attente (meuhhhh non, je ne suis pas maso!).
Enfin la découverte des attentions subtiles et chaleureuses de Mirontaine:



Entre le Rooibos, l'encens,le sachet de senteurs vanille/chocolat, les petits carnets, la bougie, le porte-photos et les lectures...j'ai de quoi voyager sereinement et en bonne compagnie! Mille et un mercis Mirontaine pour ces morceaux d'Afrique. Et chapeau Bladelor pour cette organisation toujours aussi efficace.

mercredi 24 mars 2010

Des pattes de velours pour sauver le monde

Vous saviez déjà que votre matou pouvait mener une double vie, mais saviez-vous qu'il pouvait avoir un destin extraordinaire, un jumeau sombre ou encore qu'il pouvait rejoindre la fameuse école des chats? C'est que qui arrive à Brin d'Osier, le chat de Minjun et Nayeong! Brin d'Osier a été invité à rejoindre l'école des chats par Boîte aux lettres, le chef de l'Assemblée Nocturne du quartier.
Après une période de jeûne et de solitude afin d'aguerrir son corps et son âme, Brin d'Osier part rejoindre l'école et assumer son destin, laissant derrière lui deux enfants qu'il aime au plus haut point et qui le lui rendent bien. A l'école des chats, il est affecté à la classe de Cristal et se lie d'amitié avec ses compères Mandragore et Mot-d'Amour. Il donne régulièrement de ses nouvelles à ses anciens petits maîtres, bien que cela ne soit pas bien vu à l'école. Une drôle d'école d'ailleurs où les chats qui ne s'amusent pas pendant la classe sont punis!. Les jours s'écoulent paisiblement entre escapades pour découvrir un nouveau territoire et les cours dispensés par des professeurs ronchons mais savants. Cette quiétude est rapidement assombrie par l'approche du jour d'Apophis au cours duquel les chats-ombres comptent bien en profiter pour rendre sa liberté au terrible Chat Noir et se venger des Hommes qui font tant souffrir la Terre par leur égoïsme et leur matérialisme. Dès lors, commence pour nos trois amis félins, secondés par Minjun, Nayeong et Sena (la petite autiste abritant la chatte-déesse de la Terre) une course contre la montre, une aventure des plus périlleuses, un parcours initiatique extraordinaire avec à la clef la sauvegarde du monde de la Lumière.

Les cinq tomes de "L'école des chats" déroulent les mythes et les légendes d'une Corée et d'un monde que l'on ne voudrait surtout pas oublier. Le Royaumes des Morts ouvrent ses portes dangereuses à Brin d'Osier et Minjun qui parcourent des terres désolées, guidés par des aides inattendus tels que le Chevalier Noir et l'Oiseau de Feu, tandis que dans le monde des vivants, les ordures ont un coup de folie et déambulent, anarchiquement, dans toute la ville: l'intensité dramatique atténuée par une dimension comique dont la gravité cachée délivre un message écologique et responsable.

Le lecteur est tenu en haleine par les rebondissements multiples, les moments de poésie, l'approche des légendes des cultures différentes possédant un tronc commun rappelant la grande force et l'immense fragilité de la Nature, par les péripéties amusantes, parfois drôlatiques et les illustrations magnifiant le texte.

J'ai aimé le message d'ouverture d'esprit, de tolérance et de respect envers la nature, mise à mal par les différentes activités humaines au cours des dernières décennies...il y a du Myazaki chez Kim Jin-Kyeong. Même si le dénouement est prévisible, comme dans tout conte initiatique, les personnages félins sont attachants et les enfants des faire-valoir de qualité (le monde de l'enfance est ouvert au merveilleux, à l'extraordinaire et à l'incroyable, ouverture disparue lorsque l'âge adulte donne une autre vision du monde).
Depuis le temps que je voulais lire ces aventures félines, je n'ai pas été déçue et ai vécu, le temps de la lecture, dans un monde où l'esprit des contes chuchotait mille et une histoires merveilleuses au creux de mon oreille. Un agréable retour aux sources du monde enfantin, là où tous les possibles peuvent devenir réels.

Romans traduits du coréen par Lim Yeong-Hee et Françoise Nagel.
Illustrations de Kim Jae-Hong
 
Les avis de Tiphanya    lecture sans frontières 

lundi 22 mars 2010

Histoire de sortir de mon silence...

Comme l'an passé, mes petits élèves, et la classe de GS, participent au fameux Prix des Incorruptibles. Comme l'an passé, la sélection est savoureuse et le choix s'annonce difficile (enfin vu du monde adulte car les enfants ne s'embarrassent pas futilités tortueuses et laissent parler leur spontanéité.)
Nous avons déjà lu deux albums: "Bob? Bob le singe?..." et "Le corbeau et les oisillons". Anecdote amusante et touchante: un des élève de GS (qui était dans ma classe l'en dernier) a repéré depuis le début de la présentation des ouvrages, un album qui lui a tapé dans l'oeil, "L'abécédaire à croquer"; vendredi après-midi, lors du décloisonnement, il a discrètement mis cet album sur le dessus de la pile....le message est passé, jeudi nous lirons "L'abécédaire à croquer"! Comment résister à de tels gestes d'amour envers les livres? Moi, je n'essaie même pas ;-)

Délicat, délicate, délicatesse

Nathalie et François se sont rencontrés dans la rue: le deuxième ayant eu le courage d'aborder la première pour lui offrir un verre. Une rencontre originale qui déroule le tapis d'une union où le bonheur se conjugue au présent et se vit intensément. Le bonheur, ce feu follet que parfois on a du mal à saisir et garder. Nathalie a achevé ses études et trouvé un travail dans une société suédoise, elle s'y plaît, elle y progresse et surtout elle a charmé au plus haut degré, à son insu, son patron qui ne pense plus qu'à elle. Mais lorsque l'on est une jeune mariée heureuse et comblée, on est bien loin de s'occuper des regards admiratifs d'un homme que l'on ne remarque même pas. Le monde de Nathalie tourne autour de sa vie de couple, dans le meilleur des mondes, jusqu'au jour où le drame entre dans son univers: François meurt, renversé par une voiture, alors qu'il faisait son jogging; en quelques secondes la vie de Nathalie bascule dans le sombre de la perte de l'être cher, la spirale de la solitude et de la dépression amorce sa ronde, plus rien n'a de sens, plus rien n'est important hormis la douleur de ne plus toucher celui qu'elle aime tant. Meurtrie dans son âme, Nathalie se traîne de langueur en langueur, épuisant son réservoir de larmes, pour réagir, au bout de plusieurs mois, et reprendre le chemin du bureau. Là, Charles, son chef de service, est à l'affût et tente de la séduire avec plus ou moins (moins que plus d'ailleurs) de délicatesse; entre les regards empreints de compassion des collègues et les regards appuyés de Charles, Nathalie a la sensation d'être une étrange personne. C'est sans compter avec l'employé suédois de service, au physique pas très engageant, à la maladresse touchante et à l'humour scandinave décalé: Markus, venu s'exiler en France puis fuir l'ennui d'Uppsala.

Les ingrédients d'une comédie légère, teintée d'une pointe de gravité, sont en place pour une lecture agréable malgré les clichés, les réactions attendues des uns des autres, les truismes et autres images que l'on a vues mille et une fois. Cependant, l'écriture de David Foenkinos est agréable, sa verve amusante et le sourire, voire le rire, n'est jamais loin. Nathalie et Markus sont des héros modernes et citadins (oserai-je dire très parisiens?) surmontant, très étonnés eux-mêmes par le tour que les évènements prennent, leurs angoisses et les difficultés semées par la vie. Sont-ils crédibles pour autant? Le trop-plein de situations et d'images éculées agace parfois et ternit le côté romanesque de l'histoire: à trop appuyer sur les évidences mène parfois à une narration drôlatique biffant le sérieux des personnages. L'auteur a-t-il construit son histoire sur ce postulat comique?
"La délicatesse" est une lecture distrayante, tombée à point nommé pour égayer mon actualité "inondation".


Les avis de evene   cuné   émeraude   amanda   BOB 

mercredi 10 mars 2010

Un jardin pour reverdir le monde

A chaque fois que je rends visite à ma libraire, elle a sur ses étagères des albums devant lesquels je ne peux passer sans m'arrêter ni résister. Il en fut ainsi cet après-midi. Oh, j'ai eu bonne conscience: la BCD de l'école a toujours besoin d'être alimentée et a à sa disposition trois carrés de jardin! Ni une, ni deux, "Le jardin voyageur" fut embarqué joyeusement.
Il était une fois une ville grise, triste, sans une once verdoyante, où tout le monde restait calfeutré chez soi, où personne ne sortait....sauf un jeune garçon, Liam, qui adore déambuler au grand air, même sous la pluie. Liam aime regarder autour de lui, se promener au gré de ses envies, aussi, un jour, découvre-t-il une entrée, très discrète, sous le pont de l'ancienne voie ferrée. N'écoutant que sa curiosité, il prend l'escalier et arrive au beau milieu des rails rouillés et délaissés: une surprise l'attend..."un îlot de fleurs sauvages", mal en point mais vaillant, dresse fièrement ses feuilles et pétales. Liam ne s'y connaît pas vraiment en jardinage mais il met tout en oeuvre pour faire revivre le petit coin de verdure de la voie ferrée. Chaque jour, les fleurs s'épanouissent jusqu'à ce que l'îlot décide de voyager: il essaime d'abord les fleurs sauvages, aventurières dans l'âme, puis les fleurs plus timides. Au fil des semaines, la voie ferrée se recouvre d'un joli tapis coloré aux vagabondages sautillants jusqu'à ce que l'hiver arrive et dépose son épais manteau de neige sur la ville grise et son ruban, secret, verdoyant. Liam ne peut plus rendre visite à son îlot vagabond et encore moins s'en occuper, qu'à cela ne tienne, il prépare activement le retour du printemps. Quand ce dernier pointe son nez, Liam retrouve son jardin qui sous ses habits d'hiver ne demande qu'à se réveiller et s'épanouir encore et encore.
Le jardin voyageur se prend à coloniser tout ce qu'il rencontre: des vieilles choses rouillées et abandonnées puis les murs et les panneaux de la ville. Liam s'inquiète un peu mais est très vite rassuré: les gens deviennent rapidement des jardiniers, heureux de pouvoir s'occuper des fleurs et arbustes du jardin vagabond à tel point que la ville devient un immense jardin redonnant vie aux murs et aux rues grises et vides.
"Le jardin voyageur" est un album où la poésie est à chaque page, à chaque mot: les illustrations sont très belles, très modernes avec un je ne sais quoi d'imaginaire permettant le voyage inattendu. Liam, aux doigts agiles et créatif, est le fil conducteur d'une renaissance, d'une réappropriation du milieu urbain par la nature, d'un nouveau regard des hommes sur leur environnement quotidien. Peter Brown emmène ses lecteurs dans un voyage au fil des saisons, dans un imaginaire qui réconcilie urbanisation et végétation: la ville ne pourra jamais vaincre la ténacité d'une nature toujours en éveil, toujours prête à reprendre un voyage interrompu par le désintérêt des hommes.
Ce joli récit montre combien l'harmonie et l'équilibre des relations avec la nature sont essentiels dans un monde urbanisé à outrance (Peter Brown vit à New York - à l'ouest de Manhattan se trouve une ancienne voie de chemin de fer aérien qui dès qu'elle fut laissée à l'abandon vit la nature revenir garnir les rails) afin de ne pas perdre ce fil ténu qui nous relie à la vie.

Traduit de l'anglais (USA) par Martine Desbureaux

Les avis de  lael  emmyne  gawou 



(5/24)

dimanche 7 mars 2010

Dimanche poétique # 14

Dimanche dernier ne fut pas poétique, aujourd'hui je me rattrape. N'y voyez aucune métaphore filée mais il y a des jours où le hasard est facétieux et ironique: j'ai choisi un poème de Théophile Gauthier (1811-1872), extrait du recueil "Emaux et Camées" (1852), évoquant le carnaval de Venise.

Carnaval

Venise pour le bal s'habille.
De paillettes tout étoilé,
Scintille, fourmille et babille
Le carnaval bariolé.

Arlequin, nègre par son masque,
Serpent par ses mille couleurs,
Rosse d'une note fantasque
Cassandre son souffre-douleurs.

Battant de l'aile avec sa manche
Comme un pingouin sur un écueil,
Le blanc Pierrot, par une blanche,
Passe la tête et cligne l'oeil.

Le Docteur bolonais rabâche
Avec la basse aux sonx traînés;
Polichinelle, qui se fâche,
Se trouve une croche pour nez.

Heurtant Trivelin qui se mouche
Avec un trille extravagant,
A Colombine Scaramouche
rend son éventail ou son gant.

Sur une cadence se glisse
Un domino ne laissant voir
Qu'un malin regard en coulisse
Aux paupières de satin noir.

Ah! fine barbe de dentelle,
Que fait voler un souffle pur,
Cet arpège m'a dit: C'est elle!
Malgré tes réseaux, j'en suis sûr,

Et j'ai reconnu, rose et fraîche,
Sous l'affreux profil de carton,
Sa lèvre au fin duvet de pêche,
Et la mouche de son menton.


("Arlequin et Colombine"  Edgar Dugas)

Les compagnons de voyage poétique de Celsmoon offrent leurs trouvailles ici 

jeudi 4 mars 2010

Blog un tantinet sinistré

Voici la raison d'un silence inhabituel du blog Chatperlipopette:

Il est environ 19h15, la décrue a commencé vers 12h30, les marques foncées sur les maisons sont les traces de la hauteur de l'inondation
(Photographe: moi)

Le quartier de Ste-Croix (ainsi que deux autres quartiers), à Guingamp, où je réside, s'est retrouvé brutalement, suite aux intempéries du week-end dernier, transformé en piscine géante. Il n'y a que des dégâts matériels (les livres et papiers importants sont à l'étage) mais ce fut un choc pour mon mari de voir 70cm d'eau au RDC (ce spectacle m'a été épargné)....Et dire que la veille, autour d'un repas de famille, nous évoquions notre désir de visiter Venise.

Swapôconte!!!!

Enfin! J'édite mon billet du Swapôconte, organisé de main de maître par Emmyne! Ce qui est formidable avec les swaps, c'est que Noël peut arriver à tout moment dans l'année...et j'aime cela.
Pour le Swapôconte, ce fut Praline ma binômette; et cette dernière m'a honteusement gâtée: le déballage du colis fut un ravissement qui amusa beaucoup mon homme (qui en curieux assista à l'ouverture des paquets).
Une première piste contée par une très jolie sirène....

Puis une avalanche de beaux paquets....Hummm ces princesses Disney m'ont fait craquer, si si!!!

agrémentés de marques-page qui se feront un plaisir de rejoindre mes lectures en cours!

Des contes traditionnels connus et d'autres moins, un "polar" bien alléchant!

Des gourmandises et de quoi noter toutes mes envies de lecture glanées au fil des blogs!!!

Mille et un mercis Praline pour toutes ces petites merveilles: je n'avais pas le conte d'Andersen "La petite sirène" dont les illustrations sont vraiment très belles. Quant aux "Trois petits cochons"...je ne m'en lasse pas (il faut dire que ce fut LE conte préféré de mon petit frère et LE conte qu'aiment mes petits élèves!). De toute manière vous aurez bientôt des nouvelles de ces lectures féériques: la Bibli des P'tits chats ne désemplira pas.
Bien entendu, moult mercis et mille bravos à Emmyne qui m'a permis d'assouvir un de mes vices: farfouiller à la librairie et me plonger dans l'imaginaire et le merveilleux des contes!