jeudi 20 août 2020

Miséricorde

 

Je connaissais les polars suédois, islandais, norvégiens mais pas les polars danois. Je comble cette lacune par la découverte de l'auteur Jussi Adler-Olsen et son « Miséricorde » premier roman d'un cycle policier mettant en avant le département V chargé de donner une ultime chance aux affaires classées.


Carl Mørck, inspecteur brillant au caractère bien trempé, pour ne pas dire épouvantable, revient en poste après un long arrêt maladie dû à une fusillade qui le blessa, tua son premier coéquipier et provoqua la paralysie irrévocable du deuxième.

Carl en a gros sur le cœur, Carl en veut au monde entier, s'en veut surtout des conséquences de la tragique fusillade. Il devient tellement insupportable que son chef est obligé de trouver une solution pour éloigner son inspecteur de ses collègues.

Heureusement, le Parlement danois vient de voter la création d'un département au sein de la police : le département V chargé d'une ultime enquête avant de classer définitivement affaire abandonnée, faute d'indice par les services de police. Carl Mørck se retrouve ainsi à la tête de ce nouveau service qui fait office de placard, pas vraiment, doré et affublé d’un collaborateur sorti d’un bureau de placement de réfugiés politiques répondant – il fallait oser ! – au nom de Hafez el Assad. Un duo insolite pour un service d’enquête de l’ultime recours.

La première enquête de Carl Mørck reprend le déroulé de la disparition, cinq ans plus tôt, d’une jeune femme promise à un bel avenir politique, Merete Lyyngaard, vice-présidente du parti des démocrates. Les deux hommes remontent les différentes pistes et Carl se rend compte que les enquêteurs de police n’ont pas pris, à l’époque, l’entière mesure de certains indices. Ils se plongent dans le passé de la jeune femme, décryptent, rassemblent avant d’interroger, de nouveau, les témoins. C’est ainsi que Mørck retrouve le frère de la victime, Oluf, jeune homme handicapé suite à l’accident de voiture impliquant la famille et une autre voiture dans laquelle se trouvait également une famille. Les conséquences sont dramatiques pour les victimes et leurs ampleurs seront identifiées au fil de l’ultime enquête.

 Le lecteur sait que Merete est retenue prisonnière dans des conditions délirantes : enfermée dans une pièce hermétiquement close avec un minimum pour survivre. Le chapitre d’ouverture montre que la prisonnière a choisi de ne pas se laisser mourir et de se battre jusqu’au bout. « Jamais ils ne réussiraient à lui faire lâcher prise. Ce fut là, alors qu’elle gisait sur le sol, l’épaule taraudée par la douleur, un œil tuméfié et fermé, qu’elle prit cette décision. Un jour ou l’autre, elle sortirait de là. » Elle est parquée dans un espace où elle n’entend rien et ne voit rien, elle est dans l’obscurité la plus totale. De temps à autre elle aperçoit des silhouettes et sait que ses geôliers l’observent. Ils la soumettent à un régime impitoyable : pas de vêtements de rechange, pas de produits d’hygiène, pas de brosse à dent, pas de gant de toilette… rien. Elle a droit à deux seaux quotidiens : l’un est destiné à un usage sanitaire, l’autre lui procure de l’eau et une nourriture insipide. Les jours, les semaines, les mois s’écoulent dans le noir et dans le silence. Le jour de son anniversaire, une voix lui annonce qu’elle a un an de plus et qu’on augmente quelque chose d’un cran, mais de quel genre ?, puis la lumière envahit la pièce. Quelques heures plus tard Merete comprend, au bord de la folie, qu’elle ne sera plus dans le noir absolu avant longtemps.

Pendant cinq ans, la jeune femme vit un calvaire : pourquoi ? Dans quel but ? Qui sont ses tortionnaires ? Que lui veulent-ils ? Qu’a-t-elle fait de mal ?

 

Le suspense est mené de main de maître, les allers-retours entre l’année 2002 pendant laquelle Merete disparaît soudainement, et l’année 2007 au cours de laquelle l’enquête est rouverte, sont autant de fenêtres permettant au lecteur de construire son idée sur le mobile de la disparition, sur les indices récoltés ici et là.

Le duo Carl Mørck / Hafez el Assad fonctionne parfaitement sans sombrer dans la caricature même si le côté « à la ramasse » du premier est un classique du genre. Leurs personnalités se complètent et Assad est un assistant au charisme hallucinant et à la débrouillardise extraordinaire : chaque problème a sa solution quel que soit la trajectoire empruntée, souvent étonnante. Il essuie rebuffades et remarques désagréables de son supérieur avec philosophie.

La construction du roman ne laisse aucun temps mort, l’action tient en haleine le lecteur, lui fait passer des moments de grands frissons horribles et d’autres de rires étouffés. L’auteur nous tient de la première à la dernière ligne, moment où enfin nous respirons, à l’aune du héros. Lorsque nous fermons ce roman policier, nous savons que nous pourrons continuer à suivre les aventures de la paire originale du département V puisque sept autres enquêtes attendent d’être découvertes.


Tout simplement pour le plaisir


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Le premier opus est le célébrissime "Orgueil et préjugés" de Jane Austen

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De quoi craquer.