samedi 31 juillet 2010

Et si c'était possible?

Un solitaire bourru, vivant dans un coin perdu de montagne, épris de Stendhal et d'alcool, une jeune et jolie mère de famille sans histoire dans la campagne des bords de Loire, un breton peu causeur accroché à ses falaises et à promenade quotidienne par tous les temps; trois êtres, trois vies aussi éloignées l'une de l'autre qu'il est possible d'imaginer; trois étranges accidents qui les ébranlent au plus profond de leur âme. Pourquoi en a-t-on après ces hommes et cette femme ordinaires? Que veut dire cette phrase à chaque fois lâchée "C'est pas du bon roman, ça?" en insistant sur le bon roman? Qu'ont en commun ce vieux savoyard d'adoption, ce breton et cette mère de famille?

Très vite, le point commun liant ces trois personnes apparaît être une librairie parisienne, née d'un idéal d'un homme et d'une femme que rien ne prédestinait à travailler ensemble: le premier, Ivan Georg dit Van, est un libraire bourru, limite ours mal léché, se morfondant dans une librairie d'une station des Alpes, la seconde, Francesca, est une riche héritière, épouse d'un directeur de média célèbre, traînant sa solitude et sa tristesse au gré des romans qu'elle dévore. Tous deux souhaitent offrir aux bibliophages ce qu'il y a de mieux en littérature, de très bons romans, d'excellents romans tant classiques que contemporains. Mais comment choisir ces bons romans? Comment établir une liste exhaustive de plusieurs milliers de titres? En créant un comité de lecture, secret, composé de six membres, six écrivains émérites francophones. C'est ainsi que naît l'idée d'une librairie d'exception au doux nom de "Au bon roman", dans un agréable quartier parisien grâce aux fonds de Francesca. Les débuts de la librairie sont plus que prometteurs: les affamés de lecture, de bonne lecture, se pressent "Au bon roman", fouillent dans les rayons, lisent debout, oublieux du temps qui passe, ravis, en extase devant tant de belles et succulentes nourritures. Bien entendu, ce succès est loin d'enthousiasmer tout le monde, notamment celui de l'édition qui se voit sélectionné, scruté voire refusé par nos libraires-lecteurs sans peur et sans reproche, ces Dom Quichotte d'une vision de la littérature; bien entendu, cela suscite jalousies et rancoeurs...suffisamment pour que pointe, un jour, un pamphlet stigmatisant le côté élitiste et donc totalitaire du principe vital du "Au bon roman".

Entre les agressions écrites et celles, même si elles sont plus destinées à faire plus peur que mal, perpétrées sur trois membres du comité, Van et Francesca décident de s'en remettre à la justice: par le miracle des relations de Francesca, c'est un commissaire, Heffner, féru de littérature qui s'empare de l'enquête, donnant une autre dimension à ce polar qui ne dit pas son nom. Peu à peu, le monde de l'édition, des média et de la librairie dévoilent des dessous parfois peu compatibles avec l'idée de la culture que l'on peut s'en faire: l'équilibre financier est une vraie course à l'échalotte pour beaucoup, une quête du Graal qui en amène plus d'un à céder aux sirènes de la facilité des têtes de gondoles insipides, créées de toutes pièces par les chantres du marketing, ces "spin doctors" des temps modernes qui transforment les biens culturels en marchandises communes.

On ne peut rester insensible, lorsqu'on aime lire, lire de beaux textes, de belles écritures, à cette ambiance où l'amour, que l'on peut décliner au pluriel, est roi: celui des livres, des auteurs; celui qui unit, de manière particulière, Van à Anis, sauvageonne tendre et lointaine; celui qui pèse une tonne de douleur dans le coeur de Francesca depuis la perte de sa fille; ou encore celui qu'entretien chaque auteur autour de son jardin secret, source de son inspiration créatrice.
On ne peut résister à l'appel du carnet à LAL lorsque sont egrennés, au fil de l'intrigue, noms d'auteurs et titres que l'on a envie de lire; d'ailleurs, une blogueuse, Praline, a eu l'idée, subversive, à la limite de la perversité pour la hauteur de nos PAL et LAL, de lancer un challenge "Au bon roman", consistant à lire quelques uns des auteurs et/ou titres cités dans le roman; tandis que Cunéipage a eu l'excellente idée de dresser une liste de titres. L'amour-passion entretenu avec les livres, les styles, les émotions délivrées par la littérature, imprègne le roman de Laurence Cossé, et on laisse bien vite de côté les divers clichés pour se lancer à corps perdu dans cette utopie que l'on souhaiterait avoir en bas de chez soi.

Bien sûr, d'aucun pourrait souligner le côté élististe d'une telle librairie, pourrait gloser sur la notion de bon roman (qu'est-ce qu'un bon roman? Peut-on choisir de ne vendre que de bons romans? Lire des romans "à l'eau de rose", des romans de gare est-il un acte abominable, honteux?...), or, à l'heure où le marketing, les coteries, remplacent le sens critique et jettent parfois aux orties la qualité du style et de l'argument littéraire, on peut s'interroger sur ce que peut être un bon roman, et adhérer à l'utopie du "Au bon roman". Certes, lorsque tout au long du roman, l'auteur explique l'importance du style pour qu'un roman soit bon, on peut s'attendre à ce que le style et l'ossature de son roman tiennent la route: il y a quelques faiblesses dans le récit, notamment la place du personnage d'Anis, essentielle ou pas?, la fin de l'intrigue qui pour certains lecteurs apparaît facile et mal ficelée, montrant ainsi la difficulté qu'a pu rencontrer l'auteur pour achever son histoire, la crédibilité de l'histoire d'amour entre Van et Anis, cette partie de cache-cache, qui j'avoue m'a un tantinet agacée, un peu longuette et téléphonée. Mais, ces faiblesses ne doivent pas entraver le plaisir que l'on ressent à lire cette fable que l'on aimerait voir un jour réalisée....car, j'enrage régulièrement de voir mis en avant le dernier roman pondu (oui, pondu et non écrit) des Musso et autre Levy alors que "Là où les tigres sont chez eux" ou "Démon", par exemple, ne trouvent guère de regard attentif. Ce n'est pas parce qu'une majorité lobbyiste martèle que Coelho, Levy, Musso et autres auteurs du même tonneau, sont à lire, que leur lecture s'impose; la multitude de parutions à chaque rentrée littéraire, noie de petites perles qui ne font surface que difficilement, grâce à quelques huluberlus qui osent les mettre en avant. "L'idée était qu'on ne peut pas opposer littérature populaire et littérature élitiste, qu'il est même sans intérêt de vouloir les distinguer, outre que c'est bien difficile. L'une et l'autre comptant quantité de livres anodins et quelques chefs-d'oeuvre, la seule distinction qui vaille consiste à promouvoir les grands livres, dont certains sont très simples et d'autres difficiles.
- Puisqu'il s'agit de vous défendre, ajouta Delvaux, si vous le permettez j'irai plus loin. Je voudrais écrire qu'à l'inverse, traiter les livres médiocres à l'égal des bons, et tout offrir comme si tout se valait, a beaucoup à voir avec le mépris, car c'est de la démagogie. Et la démagogie postule que le commun sera toujours le commun." (p 291 et 292) Voilà où le bât blesse aujourd'hui dans la spirale du toujours plus de l'édition: on sait qu'il y a les "valeurs sûres" (les romans d'auteurs qui se vendront sans peine, sans que la qualité entre en compte), mises en valeur tant sur le plan visuel que que le plan médiatique (ahhhh, l'éternel "vu à la télé"....donc bien); on sait aussi que même les plus avertis passeront à côté de beaux et bons romans, hélas, pour notre plus grande frustration.

"Au bon roman" est une histoire qui a la beauté d'une fable, la cruauté d'un conte et la folie d'une utopie. Un roman aux allures de bouffée d'oxygène dans un monde qui a les yeux de Chimène pour le matérialisme. Il était depuis longtemps dans ma PAL, les avis divergents lus, au hasard de mes visites dans la blogsphère, m'ont incitée à le lire pour mon plus grand plaisir!




Morceaux choisis:
 
"Mon grand-père m'a laissé bien davantage, la passion de la littérature, et quelque chose en plus, de fondamental, la conviction que la littérature est importante. Il en parlait souvent. La littérature est source de plaisir, disait-il, c'est une des rares joies inépuisables, mais pas seulement. Il ne faut pas la dissocier de la réalité. Tout y est. C'est pourquoi je n'emploie jamais le mot fiction. Toutes les subtilités de la vie sont la matière des livres. Il insistait: Tu notes bien que je parle du roman, Il n'y a que les situations d'exception, dans les romans, les choix de vie ou de mort, les grandes épreuves, il y a aussi les difficultés ordinaires, les tentations, les déceptions banales; et en réponse, toutes les attitudes humaines, tous les comportements, des plus beaux aux plus misérables. Lisant cela, on se demande: Et moi, qu'est-ce que j'aurais fait, Il faut se le demander. Ecoute-moi bien: c'est une façon d'apprendre à vivre. Des adultes vont te dire que non, que la littérature n'est pas la vie, que les romans n'enseignent rien. Ils auront tort. La littérature informe, elle instruit, elle entraîne." (p 176 et 177)

"La vérité était entre les deux. Elle empruntait des éléments à l'une et à l'autre hypothèse. Heffner parlait non pas d'un groupe mais d'une mouvance, qu'il ne pensait pas dirigée par des esprits froids mais animée par un forcené, du moins au début.
- Forcené au sens propre, dit-il. Car l'art, les entreprises culturelles sont le théâtre de violences folles. Tout le monde sait que les passions n'ont pas de bornes dans l'ordre amoureux. On se doute que la scène politique est traversée par des antagonismes extraordinairement durs et voit s'affronter des ambitieux prêts à tout. nul n'ignore que dans l'entreprise on se taille sa place à la machette. On est maintenant informé que le sport n'a plus grand-chose d'un jeu et que sur ce terrain tous les moyens sont bons, le mensonge, la corruption, l'intimidation. Mais on ne sait pas assez, et pour des raisons vaguement idéalistes on soupçonne trop peu que la crétaion artistique, et toutes les structures où elle est produite et vendue, sont eux aussi un champ de force haineuse, dont le ressort le plus commun est l'envie et l'arme habituelle, en France du moins, le discrédit idéologique." (p 456)

"Le Bon Roman donne des boutons à tous les éléments d'un groupe socio-professionnel assez circonscrit. Loin de moi, je le répète, l'idée de penser que ce groupe est le tout de l'édition, le tout de la presse et de la critique, le tout de la librairie. Il s'agit d'un sous-ensemble de personnes qui ont en commun de considérer le livre comme quelque chose qui peut rapporter gros et la littérature comme un formidable filon." (p 459)

Les avis de Clarabel  Cuné  Amanda  NouvelObs   Lilly   Gambadou   BOB 

mercredi 28 juillet 2010

Nouveau challenge

Même en cette période estivale, il y a des blogueuses qui continuent à avoir des idées incroyables. Ainsi, Hérisson, qui, après "Je lis aussi des albums", a concocté un challenge qui devrait surprendre: celui qui, loin de diminuer les PAL, les fait aug-men-ter!!! Il fallait oser, Hérisson l'a formalisé.
Le principe est simple et pour l'étudier de plus près c'est ICI et LA !
Donc, il me faudrait 6 personnes partantes pour cette nouvelle aventure livresque...le risque n'est pas grand. Chaque participant à la chaîne n'envoie qu'un seul livre. Les formats de poche sont privilégiés, les livres doivent être en très bon état (et peuvent être d'occasion) et correspondre aux goûts du destinataire. Il n'y a pas de durée déterminée et il n'est pas exigé de billet sur chaque livre reçu.
Bon alors, qui me suit? (une excellente occasion, dangereuse au plus haut point pour mon ego, de voir qui vient traîner ses guêtres chez moi....)

Edit du 29/07: J'ai un maillon: Martine (Merciiii!!!) Il me reste encore 5 places ;-)
Edit du 28/08: Laëtitia est mon deuxième maillon. Il me reste 10 places!!!!

Chronique villageoise

"J'ai reçu un beau jour une carte postale tout à fait inattendue.
Elle était glissée dans une enveloppe en même temps qu'un pétale de fleur.
Je pouvais sentir sur la feuille blanche de l'enveloppe l'odeur du vent qui a frôlé le feuillage des peupliers.
Elle venait du village de yahwari, dans le canton d'imha.
Le village de yahwari n'existe pas sur une carte.
Mais ses habitants dégagent un parfum d'herbe.
Les rides qui creusent leur visage sont encore plus profondes que les sillons de leurs champs.
Ils ont un regard qui rappelle des fleurs sauvages.
Ils donnent envie de s'asseoir avec eux près d'un foyer de feu pour bavarder jusque tard dans la nuit.
Ce village a pris forme sur une feuille blanche à partir de leurs histoires.
Il ressemble à un patchwork cousu avec patience.
En tendant l'oreille, on peut entendre le sifflement du facteur qui fait sa tournée sur sa bicyclette rouge." (Kim Dong Hwa)

Cette exergue est le prélude à un ravissement qui, malgré les quatre tomes de "La bicyclette rouge", ne dure pas assez longtemps pour le lecteur conquis par la délicatesse poétique du dessin de Kim Dong Hwa. Ce dernier happe son lecteur avec son facteur, fil conducteur d'une chronique villageoise qui se décline au gré des saisons, au gré d'une vie quotidienne en harmonie avec la terre et la nature. Chronique d'un temps qui semble perdu dans ce siècle de modernité; chronique d'une génération qui se retrouve seule, loin de l'agitation des villes, solidement rivée au sol qui l'a fait vivre et prospérer au fil du temps. Certes, les habitants ne sont pas de toute première jeunesse, les rides sillonnent leur visage, leur peau est burinée par les années de labeur tant sous la chaleur de plomb d'un soleil estival que sous la morsure d'un vent hivernal.

On suit avec un bonheur, sans cesse renouvelé, la tournée du jeune facteur, suivant les chemins creux d'une campagne coréenne, sans doute idéale, mais si réelle dans son irréalité de temps suspendu: chaque histoire est un haïku en image....la prosodie du pinceau scande une philosophie de vie, celle du partage avec autrui, de la solidarité et surtout de la communion, simple et naturelle, avec les éléments, la faune et la flore; le tout servi par un texte poétique doté d'une pointe d'humour, chute essentielle pour un haïku réussi.

On est séduit par la beauté d'une vieillesse qui s'assume sans perdre une once du romantisme des jeunes années: les papis et mamies du village sont autant de joyaux ciselés par une vie qui ne les a pas épargnés. La vieillesse est souvent synonyme de solitude: les enfants ont grandi et ont cédé aux sirènes de la ville, lieu de tous les possibles et de toutes les ambitions, les petits enfants reviennent en vacances, égayant quelques semaines un foyer endormi; or, ces petits vieux, adorables malgré leur caractère trempé et virulent, apparaissent tout sauf solitaires...le village raisonne de leurs attentions pour les uns et les autres, rythmant les jours d'une musique particulière, celle des chamailleries, des tendres ironies et des douces disputes entre époux qui s'aiment toujours d'amour tendre. Derrière la rusticité d'une vie simple et difficile, s'épanouit une poésie et une tendresse sans fard et d'une beauté à couper le souffle....la vie, tout simplement la vie, est à cette image: lente, ardue, lâchant ses beautés au moment où on s'y attend le moins, pour créer une dentelle ajourée que l'on conserve tout au long d'une vie. J'ai beaucoup aimé la description du vieux couple de paysans, seuls depuis le départ de leurs enfants, qui se redécouvrent, tout en se chamaillant joyeusement, et s'aiment toujours autant. A-do-ra-bles...une vieillesse qui ne refuse pas d'être ce qu'elle est, magnifiée par la poésie philosophique d'une vie paisible et enracinée dans la terre qui la fait vivre. Le fil rouge du facteur, témoin tendre et joyeux de la solitude d'un village perdu en campagne, est tout simplement beau.

Le temps s'écoule à son rythme et n'est pas violenté par une vitesse que la modernité a inventé, nouvelle aliénation pour détourner le regard de l'essentiel. "La bicyclette rouge" est un hymne à la beauté du monde, celle qui conjugue, avec subtilité et bonheur, la joliesse (seulement oubliée, hélas, aujourd'hui) d'une humanité et la délicatesse d'une Nature toujours prête à se donner à celui qui sait lui parler. Ces histoires courtes, pleines de douceur, de saveurs d'enfance oubliées, de souvenirs enfouis depuis trop longtemps, sont autant de poèmes volant au vent des sensations ineffables que l'on aime retrouver, comme lors d'une méditation, pour reprendre des forces et continuer son chemin. Oui, l'essentiel est là, tapi au creux d'un arbre, caché dans un sillon, prêt à s'épanouir à la moindre chaleur du souvenir. Un art de vivre, qui n'est pas du tout un chant pour "C'était mieux avant", que l'on oublie trop souvent alors qu'il est à portée de regard et de main. "Empruntez les nombreux chemins de campagne à la rencontre des habitants de Yahwari. Vous croiserez sûrement cette bicyclette rouge, celle du facteur, qui circule doucement en harmonie avec la nature."....et des chemins de campagne il y en a beaucoup dans le monde à parcourir au rythme de la bicyclette ou de la marche.

Manhwas traduits du coréen par Kette Amoruso




Les avis de Laure  Cathe  Sylvie   Chimère  Emmyne   Kathel   Papillon   Jean-François   Joëlle 

mardi 27 juillet 2010

Le complot des salines

1788, le jeune Pierre Castilhon, revient à Cete (Sète) après l'obtention de son diplôme en droit. Son rêve de devenir un ténor du barreau parisien titille son imagination et stimule son ambition, mais, en cette veille de grand chamboulement d'une société qui lentement se meurt, les honneurs et les places en vue ne sont guère pour les roturiers, fussent-ils issus de la riche bourgeoisie. Lorsque Pierre retrouve les siens, Cete est perturbée par les sabotages des salines et la découverte du corps d'un des édiles de la cité. Qui peut bien en vouloir à ce point au commerce du sel, essentiel à l'économie de la région? Par hasard, un soir, Pierre est témoin, invisible, d'un échange entre deux hommes, dont un jeune noble, au sujet d'une conspiration orléaniste afin de mettre à mal l'autorité, déjà bien vacillante, du roi. Grâce à l'entregent de son père, Pierre est introduit dans les allées du pouvoir languedocien et rejoint le cabinet d'un grand avocat de Montpellier, Bonnier d'Alco, place qui lui permet d'entrer en contact avec l'Intendant du roi et participer aux Etats Généraux du Languedoc.
Pierre Castilhon se trouve propulsé dans un rôle, bien éloigné de ses aspirations et décalé: il devient, sous l'autorité de l'Intendant, commissaire royal chargé d'enquêter sur les sabotages, les meurtres qui y semblent liés et pourquoi pas démasquer les comploteurs. A sa suite, le lecteur, regarde les derniers feux d'une société qui n'a que quelques mois à vivre: entre les nobles qui ne veulent pas céder une once de leurs privilèges, le haut-clergé arc-bouté sur ses prérogatives et un pouvoir outrancier, et un Tiers-Etat qui n'en peut plus de courber l'échine sous les impôts, le labeur, qui ne supporte plus de ne pas pouvoir accéder aux postes décisionnels; le climat dans cette région languedocienne est lourd de menaces, de rancoeurs et de violence qui ne demandent qu'à exploser.
J'avoue ne pas avoir été transportée par l'écriture de François Kuss qui, malgré un énorme travail de documentation, de qualité, n'a pas réussi à me faire voyager, réellement, au coeur d'une région et d'une époque qu'il aime (c'est évident dans ses descriptions). Il y a du potentiel, on le sent au fil de la lecture, lorsque, enfin!!!, il se lâche un peu et s'extirpe du didactisme historique....c'est à dire dans le dernier quart du roman. Dommage qu'il ait fallu tout ce temps pour que l'intrigue, l'action, s'emballent un peu, qu'il y ait un rythme de narration et que les personnages prennent un tantinet de consistance romanesque. Du coup, "Le complot des salines" rejoint, hélas, la cohorte des romans régionaux qui se lisent peut-être facilement mais ennuient un peu le lecteur. L'ambiance est en latence, la psychologie des personnages succinte; aussi, la lectrice que je suis, a-t-elle eu la désagréable impression d'une écriture de surface, de premières gammes longuettes, alors que son appétit était aiguisé par la quatrième de couverture faisant espérer une enquête ébouriffante dans le dédale iodé des salines. Il y a bien eu quelques coups tordus, un groupe de pirates patibulaires, une poignées de ribaudes sosies des grandes dames de la Cour, des officiers véreux, des bourgeois ambitieux et cupides, des nobles sans foi ni loi...mais pas vraiment assemblés en une intrigue jouant avec les ambiances, les senteurs d'un Languedoc maritime, ou en virevoltant sur les gammes du "Cape et d'épée" qui aurait eu toute sa place au coeur de l'enquête.
Une question me taraude: pourquoi ai-je toujours l'impression que certains auteurs pensent que le lecteur potentiel est vierge de toute connaissance historique? Pourquoi tomber dans une pédagogie lourdingue dont ne peut que pâtir l'intrigue? En un mot comme en mille, n'est pas Jean-François Parot, père de l'incomparable commissaire Nicolas Le Floc'h, qui veut.




Lecture dans le cadre de la chaîne de lecture proposée par Prise de Bec

Les avis de Nathouc  Yakinfo 
Le blog de l'auteur ICI 

dimanche 25 juillet 2010

Dimanche en photo 5

Sibylline se demandait ce que devenaient mes poulettes, Picoti et Picota: je profite de ce dimanche en photo pour vous proposer un duo Black&White de gallinacés.
Picoti et Picota coulent des heures tranquilles et heureuses dans le jardin, vont se coucher, à la nuit tombée, dans leur dortoir, pondent leur oeuf quotidien, courent après les moustiques et autres petites bestioles volantes, avalent les malheureux vers de terre, limaçons et autres cloportes qui ont la malchance de tomber sous leur bec, et se vautrent dans de joyeux bains de poussière, sous les tuyas (côté ensoleillé, bien entendu)! Bref, le bonheur est dans le jardin.

La lecture et les hommes

Je relaie un clin d'oeil de Sylire qui est tombée sur un article très intéressant traitant d'un sujet de société: les hommes et les livres.
Si, si, les hommes aiment lire et ce n'est pas, pour eux, une activité de "femmelette" (pour ne pas utiliser un mot vulgaire). D'ailleurs, j'ai épousé un homme qui adore lire et qui a apporté dans son trousseau de marié quelques centaines de bouquins. Il tient, aussi, un blog consacré à ses lectures. Quant à mon père, je l'ai toujours vu lire, en plus de son journal et de son "Canard enchaîné", des romans et/ou des essais politiques.
Pour en savoir plus, c'est ICI .

NB: photo de Jorge M.Trevino, 2004

jeudi 22 juillet 2010

América, América bis

Une partie de ce qui nous attend demain soir, dans l'adorable petite église de Loc Envel (Belle-Isle-en-Terre), au concert d'ouverture du Festival de Lady Mond....frissons d'émotion pure garantis. J'ai préparé mes mouchoirs car je suis certaine de me mettre à pleurer.
Ecoutez, appréciez cet intense moment musical "Adagio for String" de Samuel Barber...ce fut le thème pour des monuments cinématographiques tels que "Elephant man" et "Platoon".

mardi 20 juillet 2010

América, América

Chaque année, l'association Taxila propose un beau festival de musique classique contemporaine: Le Printemps de Lady Mond (nom d'une native de Belle-Isle-en-Terre devenue mécène). Chaque année, un thème est à l'honneur: il y a deux ans, la musique sud-américaine était célébrée, l'an passé la musique russe et cette année, la musique américaine.
Le show-case, mise en bouche musicale, aura lieu demain, à la médiathèque de Guingamp, à 17h. 30 minutes de musique jouée avec brio par les musiciens biélorusse de Taxila, 30 minutes de magie et d'évasion.
Pour en savoir plus sur le programme des festivités clic!
NB: le plein tarif est plus qu'abordable...12€/concert c'est rien pour un spectacle de qualité.

lundi 19 juillet 2010

Quand le passé rattrappe le présent

Le commissaire Brahim Llob est un homme atypique: il brave les foudres de son supérieur, il ignore les dents longues d'un collègue, regarde d'un oeil goguenard sa secrétaire, éternelle célibataire, essayer tous les styles pour attirer les regards masculins, et surtout, il soutient jusqu'au bout son lieutenant, Lino, embarqué dans une histoire de coeur qui lentement mais sûrement le mène au bord du gouffre. Pour couronner le tout, Llob reçoit un appel d'un psychiatre effrayé d'apprendre la grâce d'un de ses patients, auteur d'épouvantables meurtres en série.
De fil en aiguille, notre commissaire se retrouve emberlificoté dans une histoire des plus troublantes où l'ombre des hommes de pouvoir plane, menaçante, sur une enquête banale. Entre pressions, arrestation musclée et accusation rapide du lieutenant, arrivée d'une jeune femme universitaire et retour vers un passé que tout le monde souhaiterait oublier, Llob creuse sous la chappe de plomb d'une société encore marquée par les combats pour l'indépendance, et nous emmène au coeur d'une Alger tortueuse et dans un arrière-pays muet et secret, secret au point de taire une iniquité monstrueuse. Llob et son combat, à la Don Quichotte, contre les moulins à vent que sont les riches potentats, ceux qui manipulent et décident dans l'ombre, sont une épine au coeur d'un système qui tourne autour du non-dit, d'une omerta et des luttes intestines pour la moindre petite parcelle de pouvoir.
Avec "La part du mort", Yasmina Khadra dresse le portrait d'une Algérie qui a encore des comptes à régler avec son passé, avec les drames d'un certain mois d'août 1962 qui vit la colère et la violence s'abattre sur ceux qui avaient choisi le mauvais camp. C'est avec la complicité du regard d'un commissaire qui lui ressemble, que Khadra pointe, avec une amère ironie, les incohérences, les injustices et les compromissions d'un pouvoir politique soumis à la loi du pouvoir de l'argent; un pouvoir reniant un peu trop vite les idéaux des années soixante, pour mieux céder aux sirènes financières, celles qui n'ont pas de frontières et encore moins de lois.
Khadra montre, à travers cette enquête particulièrement dérangeante du commissaire Llob, policier en froid avec sa hiérarchie et les hommes de pouvoir, comment s'installe, insidieusement, la montée de l'islamisme en Algérie: les ingrédients sont réunis (trahisons, compromissions, argent sale, corruption et autres petitesses humaines) pour que le peuple, lassé des mensonges et de la misère, se jette dans les bras de ceux qui lui promettent des lendemains plus justes et plus chantants. Sous son regard acerbe, la décolonisation est comme un écho à la Libération en France en 44: la pagaille ambiante permit à certains de régler des comptes douteux et d'effacer des ardoises peu glorieuses, compromettant une aura politique....le massacre des harkis par un FLN victorieux est une vilaine tâche indélibile, plombant la société algérienne qui n'ose encore faire son devoir de mémoire.
Yasmina Khadra, avec brio, fait exploser avec jubilation une langue alliant la gouaille à la force romanesque où la beauté des paysages algériens, tant urbains que ruraux, est à couper le souffle. Llob a parfois des accents de San Antonio, ce qui participe au plaisir de lire, et son impertinence salvatrice, épine qui titille la bienséance et remet à leur place les donneurs de leçon....un personnage que le lecteur n'est pas prêt d'oublier.
On comprend que Khadra puisse agacer au plus haut point les autorités algériennes: ses romans sont autant de coups de pieds dans une fourmilière qui n'aspire qu'à continuer ses menus et gros trafics.

Morceaux choisis:
 
"De mémoire d'Algérien, jamais nous n'avons réellement envisagé de nous réconcilier avec notre vérité. Et quel salut peut-on prescrire à une nation lorsque la crème de ses fils, celle censée éveiller les consciences, commence d'abord par travestir la sienne?" (p 17)
"Le colon parti, on s'est perdu de vue. A force de chercher coûte que coûte à croquer la lune, nous avons renoncé à l'essentiel: la générosité. Les hommes, Brahim, c'est comme les éléphants. Un pas en dehors du groupe, et déjà ils courent à leur perte. Nous sommes devenus égoïstes. Et nous avons rompu les amarres. Nous croyons prendre nos distances vis à vis des autres; en vérité, nous dérivons. En nous isolant, nous avons dégarni nos flancs, si bien que la moindre taloche nous traverse de part en part comme une estocade. Parce que nous avons choisi de manoeuvrer en solo, nous nous décomposons. Nous nous égosillerions jusqu'àn extinction des voix que personne ne viendrait à notre rescousse, puisque chacun n'écoute que son propre chant de sirène." (p 102 et 103)
" - Il est grand temps de faire le deuil de cette guerre, dit Soria. La seule façon d'y parvenir est de la regarder droit dans les yeux. Le mal a été fait. Pour le conjurer, il faut l'admettre d'abord. Mon collègue et moi en sommes persuadés. Nous avons un devoir de mémoire à accomplir; rien ne nous fera dévier de la voie pour laquelle nous avons opté, ni anathème ni bûcher.(...)...Certains silences sont insupportables. A l'usure, on essaie de faire avec. Cela ne suffit pas. A force de se mentir, on cesse d'être soi-même et l'on devient son propre inconnu." (p 244)
"Deux hommes ont déjà été éliminés, cette semaine, à Sidi Ba, pour moins que ça. Leur assassin oublie - à l'instar des autres assassins - qu'on peut tuer des témoins par milliers, jamais on ne tue tout à fait la vérité." (p 319)
" - Alors, où est-elle, cetet foutue sainte Vérité, commissaire? Dans la leçon que les hommes n'ont jamais su assimiler? Dans la banalisation des tragédies au point que les générations miraculées s'estiment lésées et réclament leur part de damnation? Dans la piété qui attende des étoiles ce que la terre lui propose en vain tous les jours? Si la Vérité venait à se joindre à nous un matin, nous en crèverion d'ennui avant la tombée de la nuit. C'est le mensonge qui nous aide à tenir le coup. Il n'y a que lui qui nous comprend, qui a pitié de nous...Le Mensonge est notre salut. Qu'est-ce que l'espoir, la tolérance, le rêve; qu'est-ce que la fraternité, l'équité, la fidélité; qu'est-ce que le pardon, la justice, le repentir sinon ce mensonge exquis qui nous fait passer plusieurs fois devant la même déconfiture sans que ça fasse tilt! dans notre esprit?" (p 408 et 409)
"Il n'est pire tranchée qu'une bouche qui veut mordre, il n'est pire imprudence que de lui prêter l'oreille." (p 414)

Les avis de polarnoir  maghress   nath    seth   


dimanche 18 juillet 2010

Dimanche poétique # 23

Un haïku du cher Bashô pour ce dimanche poétique, dernier rendez-vous avant la reprise de septembre.

Le pont suspendu
aux plantes grimpantes
s'accrochent nos vies.

Les compagnons troubadours de Celsmoon peuvent être lus ici .

Dimanche en photo 4

Dimanche dernier, j'ai loupé le coche pour l'édition de la photo dominicale. Lundi n'étant pas le jour le plus adapté, je me suis dit qu'il valait mieux attendre le dimanche suivant.
Aujourd'hui, je vous emmène sur les bords de Loire, près de Turquant dans le Saumurois, où l'été dernier une incroyable installation de "mariages" ornait les placettes, ruelles et rives d'un très joli village, Candes Saint-Martin. L'artiste sculpteur Guy Lorgeret y exposait ses créations insolites aux accents africains pour le plus grand plaisir des yeux.
"A l'image des photos de mariage du siècle dernier où poser était de mise, la sculpture de Guy Lorgeret répond à cet instant solennel qui rivalise entre élégance et apparence. Souvent controversé ou adulé, ce symbole de l'union amoureuse est aussi le lieu de tractations. Terrain de stratégie et de réconciliation provoquant, par là même, la fusion de deux communautés, il rassemble tous les espoirs dans une vieille idée d'engagement. Comme si un couple, dans son union, pouvait redéfinir les stratégies de deux parties provoquant des métissages improbables ou des alliances de raison. Après, être ou ne pas être sur la photo..." (Guy Lorgeret/ Guy.lorgeret@wanadoo.fr)

(photographe: moi)

Les prises de vue dominicales sont chez Liyah, instigatrice de cette déambulation en image...clic .

samedi 17 juillet 2010

Morceau choisi "Au bon roman"

Je ne résiste pas à l'envie de partager ce long passage extrait de "Au bon roman" de Laurence Cossé. Il est très long, j'ai hésité à amputer quelques lignes pour finalement me dire que cela valait le coup de le lire in extenso.

"Depuis qu'existe la littérature, la souffrance, la joie, l'horreur, la grâce, tout ce qu'il y a de grand en l'homme a produit de grands romans. Ces livres d'exception sont souvent méconnus, ils risquent en permanence d'être oubliés, et, aujourd'hui où le nombre des publications est considérable, la puissance du marketing et le cynisme du commerce s'emploient à les rendre indistincts des millions de livres anodins, pour ne pas dire vains.
"Or ces romans magistraux sont bienfaisants. Ils enchantent. Ils aident à vivre. Ils instruisent. Il est devenu nécessaire de les défendre et de les promouvoir sans relâche, car c'est une illusion de penser qu'à eux seuls ils auraient le pouvoir de rayonner. Nous n'avons pas d'autre ambition.
"Nous voulons des livres nécessaires, des livres qu'on puisse lire le lendemain d'un enterrement, quand on n'a plus de larme stant on a pleuré, qu'on ne tient plus debout, calciné que l'on est par la souffrance; des livres qui soient là comme des proches quand on a rangé la chambre de l'enfant mort, recopié ses notes intimes pour les avoir toujours sur soi, respiré mille fois ses habits dans la penderie, et que l'on n'a plus rien à faire; des livres pour les nuits où, malgré l'épuisement, on ne peut pas dormir, et où l'on voudrait simplement s'arracher à des visions obsessionnelles; des livres qui fassent le poids et qu'on ne lâche pas quand on n'en finit pas d'entendre le policier dire doucement: Vous ne reverrez pas votre fille vivante; quand on n'en peut plus de se voir chercher le petit Jean follement dans toute la maison, puis follement dans le jardin, quand quinze fois par nuit on le découvre dans le petit bassin, à plat ventre dans trente centimètres d'eau; des livres qu'on peut apporter à cette amie dont le fils s'est pendu, dans sa chambre, il y a deux mois qui semblent une heure; à ce frère malade que la maladie rend méconnaissable.
"Chaque jour Adrien s'ouvre les veines, Maria se saoule, Anand est renversé par un camion, une Tchéchène (Turkmène, Four) de douze ans est violée. Chaque jour Véronique essuie les yeux d'un condamné, une vieille femme tient la main d'un mourant affreusement défiguré, un homme recueille un petit enfant hébété parmi les cadavres.
"Nous n'avons que faire des livres insignifiants, des livres creux, des livres faits pour plaire.
"Nous ne voulons pas  de ces livres bâclés, écrits à la va-vite, allez, finissez-moi ça pour juillet, en septembre je vous le lance comme il faut et on en vend cent mille, c'est plié.
"Nous voulons des livres écrits pour nous qui doutons de tout, qui pleurons pour un rien, qui sursautons au moindre bruit derrière nous.
"Nous voulons des livres qui aient coûté beaucoup à leur auteur, des livres où se soient déposés ses années de travail, son mal de dos, ses pannes, son affolement quelques fois à l'idée de se perdre, son découragement, son courage, son angoisse, son opiniâtreté, le risque q"il a pris de rater.
"Nous voulons des livres splendides qui nous plongent dans la splendeur du réel et qui nous y tiennent; des livres qui nous prouvent que l'amour est à l'oeuvre dans le monde à côté du mal, tout contre, parfois indistinctement, et le sera toujours comme toujours la souffrance déchirera les coeurs. Nous voulons des romans bons.
"Nous voulons des livres qui n'éludent rien du tragique humain, rien des merveilles quotidiennes, des livres qui nous fassent revenir l'air dans les poumons.
"Et quand il n'y en aurait qu'un par décennie, quand il ne paraîtrait qu'un Vies minuscules tous les dix ans, cela nous suffirait. Nous ne voulons rien d'autre."
(p 332, 333 et 334 in "Au bon roman")

jeudi 15 juillet 2010

Marathoniens de la lecture, préparez-vous!

L'an dernier, j'ai raté le coche pour le fameux RAT (ReadAThon), aussi, lorsque ce matin, sur FB, j'ai vu l'annonce de l'ouverture des inscriptions, ni une, ni deux, je me suis dit: "Katell, ma fille, cette fois, tu plonges!". Je me suis inscrite pour le mini RAT...histoire de ne pas avoir les yeux plus grands que le ventre.
Pour plus de renseignements cliquez ICI .
Alors, les 9/10 Octobre 2010, vous en serez aussi?

mardi 13 juillet 2010

Epine noire et police

Le commissariat de Panteuil, en banlieue parisienne, est à l'image de la "nouvelle politique de sécurité" mise en place par le gouvernement: pas de concession vis à vis des délinquants, des équipes "couillues" pour faire régner l'ordre et respecter la loi. C'est dans cette atmopshère oscillant entre franche camaraderie et petites piques empoisonnées entre amis (la guerre des polices est toujours vivace) que deux jeunes recrues, Sébastien Doche et Isabelle Lefèvre, débarquent, fraîchement émoulue d'un concours et d'une rapide instruction. Chacun est entré dans la police pour reconstruire sa vie: Sébastien pour oublier les virées dangereuses avec son pote Khaled, Isabelle pour sortir d'un drame intime, chacun a d'excellentes raisons pour tenter de représenter la loi et l'ordre. Las, c'est sans compter avec un quotidien plus sordide, plus délétère car passé sous le silence d'une omerta policière, qui très vite les plonge dans une réalité qu'ils étaient bien loin d'imaginer: ce que relate les articles et les reportages des médias est la partie émergée d'un iceberg que l'on aimerait voir se perdre dans le brouillard de l'irréel. En effet, les gars de la BAC (brigade anti criminelle), tout comme le scribouillard au dépôt de plaintes, flirtent avec la ligne jaune dont ils dépassent, impudents et légers, la limite chaque jour: les uns protègent un groupe de jeunes protituées en empochant argent et faveurs, l'autre éconduit en fonction d'un regard un tantinet raciste les citoyens venant porter plainte pour le vol d'une voiture ou un tabassage conjugal en règle. Le tout sous l'oeil hagard d'incompréhension d'un Sébastien qui se demande ce qu'il est venu faire dans cette galère. D'autant que la commissaire, Mme Le Muir, est bien en cour auprès du chef de l'état, lui-même ancien ministre de l'Intérieur; il paraîtrait même qu'elle aurait esquissé, lors de la campagne présidentielle, les plans de cette fameuse "nouvelle politique de sécurité", que son chauffeur, l'énigmatique Pasquini, aurait eu des accointances avec l'OAS. Les ingrédients sont réunis pour attirer l'oeil suspicieux des RG en la personne, inattendue, du commandant Noria Ghozali, une jeune femme beur. Elle observe les faits et gestes de la vie au commissariat, les liens contre-nature de certains policiers avec le grand banditisme, les sombres magouilles orchestrées par une BAC qui aime avoir du "jeune" à casser (et hop, un incendie bien étrange, dans un tranquille squat d'immigrés maliens, pour se mettre en jambe), ombre garde-fou d'une police qui peut très rapidement déraper lorsqu'on lui laisse un peu trop les coudées franches.
"Bien connu des services de police" est un polar qui désarçonne car plus proche du récit journalistique que de l'intrigue policière à laquelle tout lecteur de policier s'attend à lire. En effet, Dominique Manotti, tel un reporter underground, dresse un portrait inquiétant d'une police qui lentement dérive vers des pratiques mafieuses où les compromissions et l'oubli de toute morale et de toute déontologie gangrènent la légitime attente d'une protection des citoyens et des principes républicains. Bien entendu, ce pointage, cruel et dérangeant, n'est pas généralité; cependant, ce récit souligne, sans concession, les manquements multiples d'une profession balottée entre les réformes qui se suivent et se contredisent, entre les réactions épidermiques d'une société alimentées par des politiques à la limite du populisme: trop de lois au cas par cas tuent les principes fondateurs d'une véritable justice. L'intégrité des uns et des autres est soumise à de multiples pressions qui peuvent, un jour, faire franchir la "border line" de l'éthique. Après avoir fustigé les "années fric" de Mitterand, Dominique Manotti s'en prend, avec force, au système Sarkozy qui entraîne un délitement des institutions sensées protéger du mal (terme peut-être outrancier mais tellement parlant) une société que la perte des repères a rendue individualiste, tendue à l'extrême et peu confiante vis à vis des cadres qui lui garantissent, normalement, un mode de vie civilisé. Ce début de XXIè siècle est vécu comme une perte d'une partie de civilisation que l'histoire avait eu bien du mal à construire. L'espace urbain est devenu un espace de violence, de tension et d'affrontement, plus proche de la barbarie que d'un monde policé, respectueux de soi et des autres; l'implacable regard de Dominique Manotti sur une actualité qui, hélas, laisse beaucoup de gens indifférents, rappelle combien la démocratie, la justice et la civilisation sont fragiles...et pour se faire, le manichéisme est parfois un auxiliaire bienvenu. Un seul bémol: une sensation désagréable d'inachevé en raison d'une chute abrupte du récit. Dommage, mais après avoir "digéré" ces images fortes et cruelles, on garde un souvenir prenant du roman de ce petit commissariat de banlieue pris dans la tourmente d'une époque où tout vole en éclats, où les ambitions des uns sonnent le glas des idéaux des autres et où l'intimité entre politique et justice devient mortifère pour la société.




une interview de Télérama ici
pour connaître un peu plus l'auteure, une autre interview
le site de l'auteure clic!   

lundi 12 juillet 2010

La course au Trésor

Johny s'ennuie sur la plage de la station balnéaire où il passe ses vacances en famille: il n'a pas de copain pour jouer, sa petite soeur lui tape sur les nerfs et ses parents préfèrent bronzer plustôt que de bouger. Bref, c'est la morne plaine, c'est l'ennui mortel pour un garçon qui ne demande qu'une seule chose: découvrir et agir, partir en quête d'aventure et autres choses extravagantes. Pour le moment, l'aventure qui se profile est celle de prendre quelques sous dans le porte-monnaie de sa mère pour s'acheter une bonne glace, histoire de bouger et de se rafraîchir. Voilà notre Johny bravant les ruelles surchauffées par le soleil pour une glace. C'est alors qu'un jeune garçon dépenaillé le heurte et lui dérobe les quelques pièces de la glace: ni une ni deux, notre jeune héros se lance à sa poursuite sous un ciel de plomb, une poursuite qui l'entraînera au-delà de ce qu'il imaginait! En effet, quel petit garçon n'a pas rêvé un jour de devenir pirate?
Notre Johny, au terme de sa poursuite, reçoit un coup sur la tête, admire mille et une chandelles avant de sombrer dans l'inconscience. Il se réveille, la tête endolorie, dans une étrange maison située dans une bien étrange campagne...voguant sur les flots, emmenée au gré d'un bateau-village conduit par une figure de proue, une sirène potelée, hableuse à la langue bien pendue et à la descente de rhum forçant le respect. Cette sirène, hors du commun répondant au doux nom de Clarice, est dans une fâcheuse situation: son équipage a été enlevé par un concurrent d'une chasse au trésor et pour continuer cette course, elle n'a eu d'autre ressource que de kidnapper Johny.
Commence alors une extraordinaire aventure pour Johny et ses amis, plus invraisemblables les uns que les autres: entre Clarice, la figure de proue, les Kamina, immenses girafes rompues à l'art d'entretenir jardins, vergers et moteurs, Jazzie, la fillette aux mains palmées, Cub, le garçon-koala, le Cardinal Arachnal, capitaine d'un équipage perdu, les Titanes, version maritime des Amazones, et les animaux sortis d'un imaginaire exentrique (les chèvres -échasses, les vaches d'eau, les pommes d'eau, les raies et les orques volant hors de l'eau, ...), le lecteur croise des personnages hauts en couleurs, parfois inquiétants ou amusants. La course au trésor entraîne nos héros dans une série d'épreuves au cours desquelles l'astuce malicieuse et l'aide inespérée des platas de Cub ne seront jamais de trop.
"Les aventures de Johny Jane" est un conte moderne dans lequel Johny Parker, jeune garçon désoeuvré sur une plage écrasée par le soleil, renoue avec un héros célèbre, Peter Pan, sans sa fée Clochette mais avec sa sirène Clarice et une ribambelle d'enfants malmenés par l'infortune d'un monde souvent âpre qui exploite la faiblesse des uns pour avantager les autres. L'espace d'une sieste sous le parasol, un jeune garçon réalise un rêve que chaque petit garçon a sans doute fait un jour: courir l'aventure sur les mers du Sud, combattre les méchants et en sortir vainqueur, se faire des amis auxquels on ne s'attend pas, et prendre les commandes d'un bateau de pirate! Johny Parker, au terme de sa quête, sait combien sont importantes les valeurs de fidélité, de tolérance, d'amitié et d'entraide...des valeurs qui forgent un être en devenir pour en faire un homme de bien.
Une agréable lecture où l'évasion est de mise, au rythme rondement mené des épreuves et de la quête du héros.




L'avis de Plume-libre 

Je remercie l'auteur, Cyril Deydier pour cette lecture divertissante.

jeudi 8 juillet 2010

Colis de l'été

Après bien des inquiétudes au sujet de ma commande passée auprès de ma libraire, j'ai pu envoyer, une bonne semaine après la date fixée par Bladelor, à ma délicieuse swappée Mirontaine son colis estival. Pourquoi éditer si tard mon billet (qui aurait dû être en ligne le 21 Juin comme les autres)? Entre les retards de livraison (comme je suis fidèle à ma libraire guingampaise, je m'expose à certains désagréments), la poste fermée 5 minutes avant l'heure puis mon départ en Congrès de l'AGEEM à Annecy, le temps a manqué pour mettre en ligne les photos du colis de Mirontaine.
Nous avions opté, d'un commun accord, pour une découverte d'un pays par le biais de sa poésie. Depuis la découverte des poèmes d'Emily Dickinson, je souhaitais connaître un peu plus la poésie étasunienne. Mirontaine s'est plongée dans ce monde particulier de la poésie américaine pour me concocter un superbe colis où la génération Beatnick côtoie Emily Dickinson.


Le contenu du colis dans son ensemble
(Les papiers cadeau ont atteri dans ma classe pour être utilisés en graphisme et découpage)

La tasse à thé est splendide (je n'avais pas cette déco: ma collection de tasses "chat" s'est agrandie), quant au thé, japonais, je me le réserve pour une dégustation estivale, sur ma terrasse, à l'ombre de mon mérisier, vautrée, en compagnie des chats et d'un bouquin, sur mon sundesk.



Voici ce que contient la mystérieuse pochette rouge, douce et chaleureuse (j'adore ce concept de pochette pour transporter les livres): Un recueil de poèmes de ma chère Emily Dickinson, un adorable carnet et un MP craquant.



Le contenu des paquets est dévoilé: la Beatnick génération!!! Un Kerouac que je n'avais pas et une découverte prometteuse: la poésie d'Allen Ginsberg.
Notez l'accompagnement chocolaté (j'en ai déjà goûté quelques uns: une tuerie!!!)

Encore mille et un mercis, chère Mirontaine, pour ce colis riches de mots et de leurs saveurs accompagnatrices! Et chapeau à Bladelor, précieux chef d'orchestre de ce swap au long cours.

mardi 6 juillet 2010

La colère de la montagne

Antoine est parti avec Séraphin sur les alpages de Derborence pour la longue saison estivale. Il se languit de Thérèse, sa jeune épouse, la jeune fille qu'il a pu épouser grâce au plaidoyer de Séraphin. Thérèse, si belle, qu'il lui tarde de retrouver. D'ailleurs, Séraphin lui a permis d'aller la retrouver, le temps d'une escapade de quelques jours, bientôt, très bientôt. La montagne est impressionnante tant par son étrange silence nocturne qui magnifie le pétillement et les craquements du feu que par son immensité grandiose, géant endormi ou diable attendant son heure. Derborence, son nom sonne comme un espoir ténu ou une tristesse subtile; Derborence, combe au pied d'un glacier, celui des Diablerets, qui résonne, de temps à autre, de roulements sourds, comme si les diablotins de ses entrailles jouaient au palet, histoire de faire frémir et frissonner les pâtres des estives. Le ciel nocture, d'une intense pureté, poudroie de son lent ballet d'étoiles, petites veilleuses au coeur d'une nuit aux bruits cristallins venant danser contre les parois de la montagne, enchantements qui fascinent et engendrent la sensation d'être tellement insignifiant que cela en devient angoissant.
Antoine s'endort, après le chant du feu, ses pensées volant auprès de sa Thérèse que bientôt il étreindra....le sommeil étouffe le roulement d'un palet perdu par ces diablotins moqueurs, le grondement s'amplifie, la montagne tremble pour doucement, ironiquement, se détacher pour sombrer sur les estives endormies: la combe se remplit de rocs, de roches, de moraines disloquées,devenant un implacable linceul minéral. En bas, on a cru à un orage sec, on s'est réveillé puis recouché, l'esprit préoccupé, la peur au ventre: comment cela se passe-t-il pour ceux de là-haut? Le lendemain, un silence envahit le village, des hommes, les rares valides restés en bas, montent vers Derborence, aux nouvelles: ils croisent un jeune garçon courant comme s'il avait le diable à ses trousses, l'inquiétude monte d'un cran tandis que l'espoir lentement se lézarde lorsqu'un groupuscule de rescapés descend, chargé d'une civière. Au bout du chemin menant à Derborence, un chaos minéral accueille les éclaireurs: ceux de là-haut sont ensevelis sous des tonnes de blocs montagneux, ceux de là-haut ne sont plus que des âmes errantes, ceux de là-haut ne rentreront jamais, fantômes blancs hantant une montagne qui n'est plus.
Sept semaines plus tard, alors que Thérèse découvre qu'elle est enceinte, une silhouette perturbe le deuil du village, rallumant l'inquiétude de tous. Cette silhouette s'avère être celle, amaigrie, pâle, d'Antoine, survivant inespéré du chaos minéral, rescapé grâce à un miracle, du pain et des fromages, pauvre hère à la rage de vivre qui rampa sous l'amas de rocs jusqu'à l'air libre, une évasion lente et pugnace...comme la vie, comme l'appel de la liberté. Commence alors le lent retour à la vie et à la douceur de l'amour d'un Antoine qui ne peut accepter que Séraphin n'ait pas eu la même chance que lui. Il part vers le lieu du drame pour chercher Séraphin, suivi d'une Thérèse espérant le ramener à elle, à l'enfant qu'elle porte, à la vie.
Cette chronique villageoise est un vrai délice à lire, à déguster lentement, au rythme de la marche en montagne, au rythme du règne minéral dans lequel l'homme ou l'animal ne sont qu'un point anecdotique, des virgules que l'on peut, très vite, oublier. Ramuz raconte les montagnards, leurs croyances, leurs coutumes, tantôt avec drôlerie, où une pointe de burlesque apparaît (la "chasse" au fantôme avec une pétoire antédiluvienne est vraiment comique), tantôt avec gravité lorsque la catastrophe apporte désespérance due au drame qui s'est abattu sur le village. Le tragique côtoie le cocasse, deux aspects de la vie rude d'un monde rural, fermé sur lui-même, entouré d'une verticalité, celle des montagnes, inquiétante, oppressante comme peut l'être la sensation d'une présence maléfique: la montagne est, certes; majestueuse, sublime, généreuse, mais aussi inquiétante, sournoise, inhospitalière et dangereuse. Cette montagne, personnage centrale de "Derborence", personnage muet mais actif, silencieux mais cependant bruyant par le fracas des moraines qui s'écroulent et deviennent linceul, personnage ambivalent offrant des pâturages riches aux bêtes et une subsistance aux hommes, apportant mort et superstition alimentant contes, légendes et peurs. Ces aspects antagonistes sont d'autant plus forts que le style de Ramuz est simple, même si ses descriptions sont longues, riches d'adjectifs et d'adverbes alourdissant la prose (à l'image d'une minéralité dense et étouffante), se calquant sur la langue quotidienne des montagnards (la syntaxe est souvent malmenée...pour notre plus grand plaisir). Au gré des descriptions, des courts dialogues, Ramuz tricote une histoire (inspirée d'un fait réel, l'éboulement de 1714 qui ravagea Derborence) où la tension monte au fil des pages, essoufflant le lecteur d'appréhension, organisant son récit en utilisant l'imprévisibilité de la montagne comme moteur d'une narration qui happe ce dernier dans un tourbillon de sensations et d'émotions...brutes, sauvages et d'une grande beauté, replaçant l'homme à une juste place: celle d'un être minuscule devant la grandeur d'une nature verticale, déroutante, indomptable et imprévisible.
"Derborence" est aussi une très belle histoire d'amour, un étrange requiem pour la vie, celle qui fait battre le coeur, celle qui grandit dans un ventre maternel, celle qui, au final, est toujours en lice dans la grande course des cycles de la nature. "C'est un homme avec une femme./ Les cinq qui étaient là avaient en face d'eux la montagne avec ses murailles et ses tours; et elle est méchante, elle est toute-puissante, mais voilà qu'une faible femme s'est levée contre elle et qu'elle l'a vaincue, parce qu'elle aimait, parce qu'elle a osé.
Elle aura trouvé les mots qu'il fallait dire, elle sera venue avec son secret; ayant la vie en elle, elle a été là où il n'y avait plus la vie; elle ramène ce qui est vivant du milieu de ce qui est mort." (p 228)

Les avis de Lecture/Ecriture   Esther  




Morceaux choisis

"Ce fut tout ; il s'était tu. Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable : le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement : alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. C'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide ; une cessation totale de l'être, comme si le monde n'était pas créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse se loge dans votre poitrine où il y a comme une main qui se referme autour du cœur." (p 17)

"Heureusement que le feu recommence à pétiller ou c'est une goutte d'eau qui tombe, ou c'est un peu de vent qui traîne sur le toit. Et le moindre petit bruit est comme un immense bruit. La goutte tombe en retentissant. La branche mordue par la flamme claque comme un coup de fusil ; le frottement du vent remplit à lui seul la capacité de l'espace. Toute espèce de petits bruits qui sont grands, et ils reviennent ; on redevient vivant soi-même parce qu'eux-mêmes sont vivants." ( p17 et 18)

"Derborence, le mot chante triste et doux dans la tête pendant qu'on se penche sur le vide, où il n'y a plus rien, et où on voit qu'il n'y a plus rien.
C'est l'hiver au-dessous de vous, c'est la morte-saison tout au long de l'année. Et si loin que le regard porte, il n'y a plus que des pierres et des pierres et toujours des pierres.
Depuis deux cents ans à peu près.
Seul, quelquefois, un troupeau de mouton se montre dans ces solitudes, à cause d'un peu d'herbe qui y pousse, là où la roche lui laisse la place de percer; il y erre longuement comme l'ombre d'un nuage.
Il fait un bruit comme celui d'une grosse averse quand il se déplace.
Il fait, quand il broute, un bruit comme celui des toutes petites vagues qui viennent, les soirs de beau temps, à coups rapides et rapprochés, heurter la rive.
la mousse, d'un pinceau lent et minutieux, a peint en jaune vif, en gris sur gris, en toute sorte de verts, les plus gros des quartiers de roc; ils nourrissent dans leurs fissures plusieurs espèces de plantes et de buissons, airelle, myrtille, épine-vinette, aux feuilles dures, aux fruits ligneux, qui tintent dans le vent doucement comme des clochettes." (p 230 et 231)