Frileux vis à vis du mariage s'abstenir.... quoique.
C'est l'histoire de plusieurs couples, des vieux et des plus jeunes. Ils se connaissent, se côtoient, s'apprécient plus ou moins. Il y a aussi un célibataire à graviter autour d'eux, Ralph Cotterman dont l'art consiste à tomber amoureux de femmes mariées. Il y a la campagne anglaise, la ville d'Oxford et son université. Il y a la mer et les aquarelles de Rosie. Il y a la nuit propice à l'observation des blaireaux. Il y a des couples perdus dans leurs habitudes. Il y a la vie qui s'écoule, pas forcément dans le sens que l'on souhaiterait.
Le temps fait des ravages, l'ennui conjugal aussi.
Question primordiale issue du triste constat précédent: quel est le secret, quelle est l'alchimie, pour qu'un couple fonctionne ?
Frances Farthingoe s'ennuie dans son manoir, sombre et isolé, au point que seule l'organisation d'une fête peut la sortir de son désespoir et lui redonner de l'énergie pour combler le vide de sa vie.
Rachel Arkwright, agaçante aux yeux de son mari, Thomas, ne pense qu'à une seule chose, depuis que ses enfants volent de leurs propres ailes, rejoindre le cocon douillet de son lit afin d'y dormir tout son soûl.
Mary Lutchins se torture en imaginant la vie de Bill, son époux, si elle partait la première, elle s'inquiète tant qu'elle porte un fardeau, invisible mais si lourd qu'elle en oublie les petits riens délicieux de la vie.
Ursula Knox, épouse de Thomas, professeur, et chercheur, d'économie à Oxford, déteste une seule chose : la vie à Oxford, ville laide et triste à ses yeux, elle qui ne rêve que d'installation à la campagne, loin de tout.
Frances et son mari Toby n'ont plus rien à se dire depuis longtemps, comme Rachel et Thomas. Alors que Mary et Bill sont unis dans leur amour pour la nature ou qu'Ursula et Martin affichent un bonheur conjugal insolent tant ils paraissent être sur la même longueur d'onde.
Qu'est-ce que le bonheur conjugal ? Partager les mêmes passions ? Apprendre l'un de l'autre tout au long d'une vie ? S'habituer aux petites manies de l'autre au fil du temps ? Etre toujours dans l'exaltation de l'amour ? Ou accepter de renoncer à une complicité remplie de tendresse ?
Chaque personnage, sous la plume d'Angela Huth, est un des mondes mystérieux qui font qu'un couple est un couple, même si la courtoisie et le respect ont pris le relais d'une tendresse amoureuse.
Thomas Arkwright peut paraître, d'emblée, détestable en étant d'une froideur à la limite du mépris envers Rachel. Pourtant, au fil du roman, il est délesté de son horripilante envie de séduire les jeunesses grâce à la rencontre avec Rosie Cotterman, une artiste peintre dont il collectionne les tableaux. Il est face à lui-même, face à son néant, face à son désir contrarié de devenir peintre.
Quant à Toby, il s'est réfugié dans l'étude des blaireaux pour ne plus penser au béguin que son épouse, Frances, éprouve pour Ralph qui ne ressent plus rien pour elle. La nuit, en pleine forêt, seul, il attend la sortie des blaireaux, planches de salut pour continuer à avancer.
Et Ralph ? Il court après l'impossible : Ursula qui ne le trouve que simplement sympathique bien qu'un peu pot de colle.
Angela Hunt peint la vie de ses personnages pendant plusieurs mois, ces mois qui s'écouleront entre la réception de l'invitation à la soirée organisée par Frances et le jour J. Les menus faits sont décortiqués, déroulés, scrutés sans aucune malveillance, sans acrimonie. Ils apportent leur lot de petits bonheurs ou de pénibles déceptions. L'écriture de l'auteure est si joliment ciselée, son observation tellement fine, que l'on ne s'ennuie à aucun moment. On les accompagne, on apprend à les apprécier malgré leurs défauts et on finit par constater que ce que peint la plume de l'auteure est le cœur de la vie ordinaire de gens ordinaires. Vie qui, finalement, n'est pas aussi ennuyeuse que cela. Certainement parce que Angela Hunt sait apporter, avec subtilité, de la poésie dans le quotidien de ses personnages auxquels on peut s'identifier sans difficulté. Ils ne furent pas moi, ils furent quelques parcelles de vie.
« L'invitation à la vie conjugale » est un roman qui montre de manière subtile qu'il est important de rester soi quand on vit à deux : cultiver un jardin secret est essentiel même si on autorise son partenaire à en partager quelques bribes. Etre soi pour pouvoir vivre à deux, une réponse apportée pour mener une vie conjugale harmonieuse.
Traduit de l'anglais par Christiane Armandet et Anne Bruneau
Quelques avis :
Babelio Charlotte Mumu Sens critique Critiques libres
Merci aux éditions de la Table ronde et au Mois anglais 2020 pour cette très belle lecture offerte.
Lu dans le cadre