quatrième de couverture:
"Ces 14 histoires anglo-sxonnes dont quelques unes sont particulièrement célèbres comme celle de Lovecraft, Saki et Le Fanu, les autres étant inédites - proposent effectivement une vision énigmatique, imprévisible et parfois sauvage de ce petit félin, prouvant que sa domesticité dissimule une âme de lion sous des yeux de velours et une intelligence de renard derrière un sourire vertical. Le titre de cette anthologie donne d'évidence l'orientation de l'ouvrage. Chaque auteur a installé son histoire dans un monde contemporain, banal où la trivialité du quotidien d'efface devant l'apparition du chat..."
Que dire au sujet de ce recueil, bien fait au demeurant, de nouvelles consacrées aux félins que j'aime par-dessus tout? Que dire, sinon que beaucoup de nouvelles m'ont agacée par l'entrée choisie: celle du côté obscur de la gente féline, celle de son appartenance au folklore cabalistique et au monde de la sorcellerie. Pourquoi associer le chat à la noirceur et à la duplicité? J'avoue que ce bout de la lorgnette m'a énervé au plus haut point, d'ailleurs, bien que je sois allée au bout de la lecture de chaque nouvelle (l'écriture est agréable malgré tout), j'ai pu compter les héros félins positifs sur les doigts d'une seule main! Pourtant, je suis quelqu'un que l'on peut étiquetter "bon public"...donc quand je rouspète c'est que la coupe est pleine!
D'accord, nous sommes dans un univers fantastique donc un peu étrange et trouble, d'accord les images traditionnelles ont la vie dure, d'accord c'est bien écrit, d'accord mais flûte, zut et cr..., je n'en puis plus de lire des histoires où les chats sont mis à mal.
Il y a quelques nouvelles qui ont eu l'heur de me plaire, malgré certaines connotations peu glorieuses (mais je ne vais pas passer mon temps à chipoter).
"Le roi des chats" est une nouvelle "clin d'oeil" à une histoire relatée par Nodier et G.de Nerval et j'ai bien aimé l'idée de vie antérieure féline pour les deux héros de l'histoire. D'emblée les doutes sont permis sur la nature véritable du chef d'orchestre à l'appendice caudal étrange et la princesse Vivrakanarda: "Elle se mouvait avec une grâce aisée, féline; sa peau semblait saupoudrée d'imperceptibles grains d'or, et ses yeux légèrement bridés avaient les reflets du flot des profondeurs. Ses cheveux lui tombaient aux genoux (...). Descendant en vagues sur ses épaules comme une cascade sur de bruns rochers, ils répandaient un doux parfum de santal et d'épices, et leurs ondes paraissaient avoir capturé quelques rayons du soleil. Elle parlait peu - à quoi bon parler? Mais sa voix contenait une sorte d'âpreté mélodieuse, étrange, inoubliable. Elle vivait seule. On lui faisait la réputation d'être nonchalante; elle dormait, disait-on, presque toute la journée. Mais le soir, elle s'épanouissait comme une belle de nuit et ses yeux brillaient d'un bleu plus profond." (p 10)
Un amoureux transi de la belle princesse doute de l'appartenance du chef d'orchestre à l'espèce humaine et sur les conseils d'un ami l'histoire fatidique, confondant l'imposteur qui crie "Mais alors, je suis le roi des chats!" et disparaît dans un nuage de fumée âcre.
Si la jalousie permet de confondre des impostures, permet-elle pour autant de séduire la femme convoitée? Rien n'est moins sûr!
"Le Chat Blanc de Drumgunniol" inspiré du fond traditionnel anglo-saxon, histoire où l'apparition d'un chat blanc est signe de malheur prochain pour la personne qui croise son chemin. Une malédiction qui accable une famille depuis qu'un de ses aïeux abandonna une jeune fille après l'avoir séduite. Ce chat blanc ne serait-il pas l'expression de la culpabilité et en même temps l'instrument de la vengeance? Une histoire étrange, belle et émouvante à la fois.
"L'homme à la table voisine" est un texte drôle et à atmosphère fantastique, à la limite de la Science-Fiction. On y parle de tranmigration des âmes, de voyages éclairs dans l'espace, de diamant célèbre et de valériane attirante. Et si parfois, la mission de certaines personnes était de faire aimer les chats par des proches qui ne les aiment pas? Que se passe-t-il quand on a une tante, amoureuse de la gente féline, qui vient de décéder, et dont le diamant a disparu, que l'on rencontre un père et sa fille, personnages hauts en couleurs et farfelus appartenant à l'étrange société des chercheurs pythagoriciens et de paradoxes abstrus? Tout d'abord, on est désarçonné et incrédule, puis on tombe amoureux de la jeune fille et enfin on accepte de voir en la chatte blanche d'Anvers une réincarnation de sa chère tantine....
Les situtaions sont cocasses, amusantes et rythmées. Les personnages sont attachants et bien croqués....bref un joyeux moment de lecture!
"Sortilèges et Métamorphoses", la dernière nouvelle à me plaire, se déroule dans un étrange village du Nord de la France, en Flandres, réputé pour avoir été le lieu de nombreux bûchers où périrent sorciers et sorcières. Un homme, retournant chez lui à Londres, s'y arrête. Il y rencontre des habitants qui semblent faire mine de vivre une vie humaine. Il s'avère qu'il existe un Mont des Cats dans la région de Bailleul ("cats" = chats en chtimi; en néerlandais ce mont est appelé "Katzberg"), est-ce une allusion à cette région?
Au fil des jours, le narrateur a le sentiment d'avoir déjà vécu ce style de vie, d'avoir des accointances avec les lieux et les gens. A-t-il été chat, attribut du sorcier, dans une autre vie? Ou est-ce une hallucination due à un psychisme un peu fragile?
Toujours est-il que l'ambiance est inquiétante à mesure que le narrateur perçoit la véritable nature des habitants qui à ses yeux ont tous des attitudes plus félines les unes que les autres, et le lecteur attend, en haleine, une chute aussi étrange qu'irréelle, et, ma foi, il n'est pas déçu!
Un traitement particulier pour la nouvelle "Les chats d'Ulthar" de Lovecraft: un texte poétique et sombre avec juste ce qu'il faut de suspense et d'angoisse. Ulthar, un village où il est interdit de tuer les chats...chat fait rêver, n'est-ce pas!
"On dit qu'à Ulthar, qui se trouve au-delà de la rivière Skai, nul n'a le droit de tuer un chat; ce que je comprends, en vérité, quand j'en observe un qui ronronne, couché devant le feu. Car le chat est un animal mystérieux, familier de choses étranges que les hommes ne peuvent pas voir. Il est l'âme de l'ancienne Egypte, le détenteur de récits venus des cités perdues d'Ophir et de Méroé; le parent des seigneurs de la jungle, l'héritier des secrets de la séculaire et sinistre Afrique, et le cousin du Sphinx, dont il parle la langue; mais, plus vieux que lui, il se souvient de choses que le Sphinx a oubliées." (p 343).
A Ulthar, vivait un couple qui détestait les chats et qui était soupçonné de faire disparaître les minets qui avait la mauvaise idée de venir miauler sous leurs fenêtres. Un jour, s'installe pour peu de temps une caravane de nomades. Parmi eux, un jeune garçon, orphelin, n'a qu'un chaton noir comme ami proche. Or, ce dernier disparaît. Les cieux accompagnent le désespoir du jeune garçon et tous les chats du village disparaissent. Bien entendu, on accuse les nomades d'avoir emmené les chats pour se venger bien que le couple ennemi des chats soit aussi soupçonné. Mais, prodige, le lendemain matin, tous les chats du village réintègrent leur foyer, repus, se léchant les babines et refusant plusieurs jours de rang toute pâtée! Pendant ce temps, on s'aperçoit qu'il n'y a plus de lumière à briller chez le couple....que l'on découvre bien mal en point. Depuis ce jour, à Ulthar, les chats sont protégés: "Et pour finir les notables édictèrent cette loi dont parlent les marchands d'Hatheg et qu'évoquent les voyageurs de Nir, à savoir qu'à Ulthar nul n'a le droit de tuer un chat." (p 346)
Nouvelles traduites de l'anglais (GB et USA) par Pierre Javet, Norbert Gaulard, Annick Le Goyat, Anne-Sylvie Homassel, Jean-Daniel Brèque, Jean Rosenthal, Jean-Louis Degaudenzi, Jacques Parsons et Jean-Paul Mourlon