samedi 30 avril 2022

Les mémoires d'un chat

 


Satoru
, amoureux des chats depuis toujours, adopte, un jour, Nana, « sept » en japonais, un jeune chat errant qu'il sauve après qu'il ait été renversé par une voiture et ait échoué, épuisé, sur le parking de l'immeuble, une patte cassée.

La vie commune commence entre le jeune homme et son chat. Cela aurait pu durer longtemps si un aléa de la vie n'était pas venu perturber le bel ordonnancement des jours.

Satoru doit se séparer de son chat et recherche, parmi ses anciens camarades de classe, qui pourrait s'en occuper.

Les deux compagnons parcourent le Japon en quête du foyer d'accueil idéal. C'est, à chaque fois, l'occasion de se remémorer les souvenirs de jeunesse, les joyeux comme les malheureux, de Satoru, jeune garçon devenu orphelin, que sa tante prit sous son aile... sans son chat d'alors, « Huit ». Satoru en sera toujours triste.

On parcourt le Japon en voiture et dans le regard du chat, friand de nouvelles découvertes et de belles aventures. Les présentations avec les potentiels adoptants ne se déroulent pas toujours au mieux. Il faut dire que Nana n'y met pas vraiment du sien... et pour cause. Ce que Nana veut, c'est passer le plus de temps possible en compagnie de Satoru car, même si le jeune homme n'en dit rien à ses amis d'enfance, même s'il n'en parle jamais avec Nana, Nana, lui, sait, depuis le début, l'aléa de la vie qui jette Satoru sur les routes japonaises. Il aura recours à toutes les ruses possibles et inimaginables pour gagner du temps précieux.

On le saura, avant les amis d'enfance, en écoutant le constat de la chatte du couple tenant un gîte acceptant les animaux de compagnie, devant l'attitude du chien qui aboie sur Satoru, alors que ce dernier est réputé pour être apprécié par tout animal croisant son chemin. Les animaux perçoivent ce que les hommes ne voient pas : la maladie qui ronge l'organisme de manière irrémédiable.


Le roman est le journal de bord de Nana, ce chat plus que sagace et audacieux, ce chat indépendant et pourtant débordant d'amour et de tendresse pour son maître, celui qu'il s'est choisi : renversé par une voiture, il a pensé, immédiatement, à rejoindre au plus vite le jeune homme de l'immeuble autour duquel il traînait ses pattes de jeune chat libre parce que lui seul pouvait le secourir.

Il y a les regrets des uns et des autres, les joies oubliées, les jalousies, les premiers émois. Il y a ces liens d'amitié, toujours forts malgré la distance et les années.

Chaque étape est une manière pour l'auteure décrit le Japon contemporain, attaché à ses traditions et intégré dans la modernité. Une modernité produisant les « enfants clefs », enfants délaissés par leurs parents trop absorbés par leur travail pour s'en occuper. En lisant ce passage, mon visionnage du manga animé « Kotaro en solo » est entré en résonnance avec « Les mémoires d'un chat », série dont le héros est un garçonnet de quatre ans vivant seul.

J'ai apprécié, également, les passages sur la mémoire envers les disparus : les personnages leur parlent, leur relatent les menus et grands faits de leur quotidien. Ils ne sont plus là physiquement mais toujours présents, invisibles. Ces passages ont établi des passerelles avec « Petites boîtes » d'Ogawa... et j'aime quand mes lectures, mes visionnages font écho entre eux avec pertinence et intelligence.


Hiro Arikawa avec « Les mémoires d'un chat » signe un roman qui donne la part belle à la tendresse, à la bienveillance, à l'humour et aux émotions. On rit, on aime, on se moque gentiment, on rêve, on regarde d'extraordinaires paysages, on s'arrête devant la silhouette majestueuse du Mont Fuji, on écoute le ressac de ma mer, on pleure aussi... on vit pleinement aux côtés de Nana et Satoru.

Le dernier chapitre est d'une intensité indicible et fait naître une gamme d'émotions allant crescendo. J'ai refermé le livre, la gorge serrée sans pouvoir endiguer le flux lacrymal.

Ce fut une lecture très forte en émotions et la belle découverte d'une auteure que je ne connaissais pas du tout.

Traduit du japonais par Jean-Louis De la couronne


Quelques avis:

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mercredi 27 avril 2022

Un mois au Japon: visionnages

 


Ce qui est formidable dans les défis littéraires auxquels je participe, c'est qu'en plus des livres il y a des films et des séries.

En avril, j'ai pu regarder plusieurs séries et deux films d'animation, tout en lisant les romans prévus. Je dois avouer qu'être en vacances de Pâques du 8 avril au soir au 24 au soir, ça aide beaucoup.




Les séries sont au nombre de quatre:




* "Midnight diner: histoires de Tokyo" adaptée du manga "La Cantine de minuit" de Yaro Aba. J'ai tout de suite entrée dans l'histoire de cette gargote, ou izakaya, du quartier de Shinjuku, fondé en même temps que 22 autres arrondissements en remplacement de la municipalité de Tokyo, en 1947. L'ambiance de l'izakaya est chaleureuse et conviviale, les habitués s'y retrouvent autour de soupes miso, de ramens ou autres délices de la cuisine simple et traditionnelle du Japon. Les personnages gravitent autour du patron, appelé "Maître" par les clients. Sur la carte affichée à l'extérieur, peu de plats: le tonjiru, soupe miso au porc, du saké, de la bière et shochu, une liqueur japonaise. Cependant, pourvu qu'il ait les ingrédients en cuisine ou qu'on les lui apporte, le Maître peut tout cuisiner avec calme et sérénité. Le Maître est peu disert, il écoute, cuisine et fume entre deux services. Quand il prend la parole c'est pour dispenser un conseil plein de sagesse et de bon sens.

J'ai aimé que chaque épisode soit centré sur un personnage, sa relation à un plat et un conflit personnel à résoudre: tout est délicat, précis et permet d'approcher l'intimité des personnages et d'apprendre beaucoup de choses sur le quotidien des Tokyoïtes. Cerise sur le gâteau, si j'ose dire, la recette du plat en fin d'épisode suivi du "Bonne nuit" des personnages principaux de l'histoire. Le téléspectateur est impliqué par cet aparté. 

De minuit à 7h du matin, c'est la diversité sociologique extraordinaire du quartier de Shinjuku qui vient se restaurer à la Cantine de minuit. On croise des hommes d'affaires, d'anciens acteurs, des danseurs, des jeunes gens en quête de travail, des marchands du coin et même des drag-queens. L'ambiance est bon enfant, joyeuse souvent, triste parfois. J'ai savouré les deux saisons qui ont un goût évident de "revenez-y".



* "Samouraï gourmet". On fait connaissance avec le héros,Takeshi Kasumi, au premier matin de sa vie de retraité. Il ne sait pas à quoi occuper son temps libre aussi son épouse, femme au foyer fort occupée par ses multiples activités, dont la chorale, lui suggère de faire de la marche. Takeshi découvre peu à peu son quartier qu'il ne faisait que traverser rapidement pour se rendre à son travail.

Le personnage se retrouve toujours dans une gargote ou un restaurant huppé... au Japon, la nourriture est un sujet important. Ainsi, ai-je accompagné Takeshi dans ses nombreuses dégustations qui lui font souvent revivre des moments précieux de sa jeunesse. Comme il est encore timoré face à l'adversité, un ami imaginaire l'accompagne pour lui redonner foi et courage: un samouraï errant. 

On assiste à des situations cocasses et amusantes, on sourit et on salive beaucoup devant les plats appétissants savourés par Takeshi. Il n'y a qu'une seule saison, hélas.



* "The journalist". On change de registre: on suit l'affaire d'un scandale politico-financier dans lequel sont impliqués le Premier Ministre et son épouse. Une journaliste du Toto Newspaper, Anna Matsuda, enquête sans relâche sur l'affaire afin que le peuple japonais prenne conscience du degré de corruption des élites. L'action se déroule quelque temps avant la pandémie liée au COVID-19 qui retarda d'un an les JO de Tokyo.

"Qui servons-nous?" demande un fonctionnaire lorsqu'on contraint une équipe du Bureau des Finances à falsifier les minutes des séances de la Diète et les archives d'un projet immobilier, afin que les archives concordent avec les propos, malheureux, du Premier Ministre assurant que s'il était lié, ou sa femme, au scandale, il démissionnerait immédiatement. Au nom de la stabilité politique, des fonctionnaires doivent faire disparaître des documents sans que le pouvoir prenne en compte leur moralité et leur foi en leur mission. Le drame est inévitable: un fonctionnaire se suicide. Son épouse et sa soeur, aidées par la journaliste Anna Matsuda, décident d'intenter un procès. Ce qui ravit un procureur désireux de mettre fin aux magouilles d'un proche du pouvoir.

La série m'a entraînée dans les sombres et glauques rouages du pouvoir japonais au sein duquel règne la corruption, les conflits d'intérêt et le mensonge. Lorsque les fonctionnaires tiraillés entre les injonctions impossibles de leur hiérarchie et leur sens du devoir, les remises en question foisonnent et libèrent, malgré la peur, la parole. L'image des élites politiques et économiques est malmenée sans vergogne dans ce thriller glaçant, mis en scène avec sobriété apportant une vraie justesse au jeu des acteurs. 



* "Kotaro en solo". Un manga animé, de dix épisodes, mettant en scène un enfant de 4 ans, Kotaro Sato. Il emménage seul dans un studio. Ses voisins sont intrigués et très vite s'attacheront à l'enfant.

Pourquoi est-il seul? Ses parents travaillent-ils tout le temps? Rapidement, on s'aperçoit de l'absence des parents de Kotaro. Le petit garçon s'inscrit  l'école du quartier, se fait des amis et admire un héros de manga animé Tonosaman, d'ailleurs il porte l'épée de Tonosaman sur le côté et parle de manière surannée. Son voisin, Karino, un auteur de manga en manque d'inspiration, s'érige en tuteur du garçonnet et l'accompagne dans ses déplacements quotidiens. Peu à peu, ils tissent des liens d'amitié et on les suit aux bains publics, à la supérette, à l'école, au cinéma ou au parc.

Kotaro reçoit chaque semaine une somme d'argent de la part d'une "gentille personne". L'argent est apporté par un avocat, chaque semaine Kotaro offre collation et chansons ainsi que son journal intime de la semaine. Qui est "la gentille personne"? Kotaro cherche à le savoir, comme le téléspectateur, sans succès. 

Au fil des épisodes, on en apprend plus sur le passé de Kotaro et cela donne lieu à des épisodes émouvants comme celui dans lequel Karino se rend compte que Kotaro mange des mouchoirs en papier, alors qu'il a de quoi acheter de la nourriture convenable, résurgence de l'époque où délaissé par ses parents il ne mange pas à sa faim. Il y a les épisodes au cours desquels il croise trois enfants affamés à la cueillette de plantes comestibles, ou lorsqu'il retrouve d'anciens compagnons d'orphelinat. 

"Kotaro en solo" est un maga animé tendre et cruel à la fois: il aborde un sujet sociétal particulier au Japon, l'abandon d'enfants par des parents débordés par leur travail et complètement dépassés par la tâche éducative qui leur incombe. La scène des gants en caoutchouc est d'une intense émotion car on constate qu'il y a des mères incapables de toucher leur enfant. J'ai ri et versé ma petite larme en visionnant l'unique saison des aventures de Kotaro, je me suis attachée aux personnages qui portent, tous, leurs fêlures et qui vivent leur quotidien en composant avec elles. 

Visionnés dans le cadre:




lundi 25 avril 2022

Choses dont je me souviens

 


Sôseki Natsume
frôle  la mort en 1910 : un ulcère à l'estomac l'oblige à rester alité plusieurs mois, les pronostics ne sont pas des plus optimistes.

Cependant, la chance est du côté de l'écrivain qui dans « Choses dont je me souviens » relate le quotidien de sa maladie et de ses maux.

Revenir, presque, d'entre les morts donne une nouvelle dimension à la vie et à ses joies.

Etre proche de franchir la ligne ténue entre la vie et la mort instaure une envie, impérieuse ?, de noter impressions et réflexions de ces moments heureux, de pleine conscience d'être libéré des contraintes, parfois lourdes, de la vie quotidienne, ce qui apporte une clarté d'esprit.

Sôseki relate ces moments au cours desquels il établit des bilans, il explore toutes les sensations éprouvées en regardant le ciel d'automne, il compose nombre de haïkus et de kanshis, poèmes respectant la métrique, complexe, de la poésie chinoise.

Il est également humble devant l'immensité des possibles ténèbres comme devant les innombrables joies qu'offre le monde des sensations.

Sôseki est dans l'urgence d'où une relative sécheresse de son style, son âme de poète il la glisse dans ses haïkus dans lesquels la joie comme le désespoir sont dits en peu de mots dont la force d'évocation est indéniable et d'une rare beauté.

Il faut se laisser porter par ses redondances, celles d'un homme qui cherche à se souvenir, qui creuse dans sa mémoire et celle de ses proches pour établir une vue d'ensemble de ce qui lui est arrivé, notamment la perte de connaissance, longue et angoissante, qu'il ne peut revivre que par la mémoire d'autrui.

Avec concision, Sôseki parvient à évoquer l'intime sans outrance et avec une grande pudeur. C'est ce qui fait la grande force de son récit. On est dans sa chambre, on palpe la douleur et l'angoisse avec l'empathie que le récit sait générer ce qui ôte tout voyeurisme et exhibitionnisme. Sôseki exprime avec poésie la finitude, le côté trivial de la vie, et la grâce, la spiritualité inhérente à tout homme sensible. Ainsi ai-je savouré ce kanshi, me représentant Sôseki sur son lit de souffrance, l'esprit en éveil prêt à se repaître de chaque beauté du monde :

Renversé sur le dos
Je suis comme un muet
Silencieux je regarde
L'immensité du ciel
Les nuages sont immobiles
Le jour passe
Rien ne se passe

« Choses dont je me souviens » est un récit mélancolique, parfois décousu mais empreint de l'envie d'atteindre l'idéal d'harmonie, d'exprimer le goût pour la poésie, la peinture, le thé, toutes les choses simples loin de toute vulgarité. L'atmosphère est feutrée, on chuchote, on murmure, on écoute les silences de l'angoisse ou de l'extrême joie.

Je me suis installée, près du narrateur, pour vivre et ressentir à son rythme et me dire que la vie est bien trop courte pour laisser obscurcir son horizon par l'impitoyable finitude. Chaque parcelle du Beau est un instant précieux que l'on se remémore à l'envi.

Traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu

Quelques avis :

Babelio  Sens Critique  Textes prétextes

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jeudi 21 avril 2022

Petites boîtes

 


Quatrième de couverture 
:

« La narratrice de ce livre vit dans une ancienne école maternelle. Tout y est petit, au format de ceux qui la fréquentaient autrefois. Cette femme habite seule dans ce jardin d'enfants mais en ces lieux se trouve un auditorium, un endroit précieux où sont recueillies d’étranges petites boîtes... »


Je n'avais pas lu de roman de Yoko Ogawa depuis longtemps, aussi est-ce avec joie que j'ai lu « Petites boîtes ».

La narratrice vit dans une ancienne école maternelle où tout est petit, à la mesure d'enfants de 3 à 5 ans. J'ai aussitôt pensé à Alice, au pays des merveilles, avec une différence importante : elle n'est pas passée de l'autre côté du miroir et ne s'y trouve pas prisonnière.

Elle prend soin de l'école et de ses bâtiments silencieux. Seul l'ancien auditorium connaît une activité régulière car il abrite d'étranges petites boîtes en verre. Que contiennent-elle ? D'où viennent-elles ?

De l'ancien musée de la ville, elles contenaient et protégeaient les vestiges et servent, dorénavant, à recueillir les souvenirs des enfants disparus. Leurs parents leur rendent visite, discutent des petits riens de la vie, changent les décors en fonction des saisons, imaginent la manière dont aurait grandi leur enfant décédé.

On croise des anonymes et des personnes connues de la narratrice.

Monsieur Baryton, l'ancien conservateur du musée. Sa fiancée est en soin dans un hôpital d'où elle lui écrit de nombreuses lettres. Au fil des semaines, son écriture devient de plus en plus illisible au point que Mr Baryton sollicite l'aide de la narratrice pour leur retranscription : plus la vie en elle s'amenuise, plus les caractères de son écriture se réduisent jusqu'à disparaître. Depuis la fermeture de son musée, il ne parle plus mais chante ce qu'il dit, sa voix enchante les auditeurs cependant il préfère se murer dans le silence.

La cousine de la narratrice a perdu son fils et depuis refuse de prendre d'autres chemins que ceux qu'il a parcouru. Elle ne lit que les ouvrages d'auteurs morts, ne sort que très peu hormis pour vendre ses bentos et visiter la boîte dans laquelle reposent les souvenirs de son enfant.

La coiffeuse aime jouer sur les jeux d'extérieur : chaque dimanche elle joue selon un parcours immuable. Elle passe beaucoup de temps à coiffer les poupées représentant les enfants disparus. Elle répare les lyres-pendentifs avec les cheveux, si fins, des jeunes enfants morts.

Le dentiste, que les élèves de l'école maternelle appelaient Mr Carie, utilise ses instruments pour créer des jouets ou de minuscules instruments de musique que les gens porteront en pendentif aux oreilles lors des concerts de soi à soi, sur la colline lorsque le vent est favorable.


« Petites boîtes » aborde le thème essentiel de la conservation du souvenir, de la mémoire. Les parents des enfants morts peuvent devenir résilients au fil de leurs visites. Les anniversaires sont fêtés, les cérémonies de remise de diplômes, un mariage même est célébré, celui du fils de la cousine. Les années passent, le souvenir reste et est magnifié par le soin apporté aux petites boîtes en verre, à la fois fragiles et fortes.

Le roman peut désarçonner et il est possible de ne pas y entrer car, pour un occidental il peut avoir un côté morbide et glauque dans l'installation des rangées de boîtes en verres dans lesquelles des poupées sont disposées, matérialisant les disparus. Les parents sont-ils dans le déni ? Au début, j'étais mal à l'aise car oui, le spectacle de ces boîtes dans l'auditorium et les rituels des adultes sont très dérangeants. Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu'au Japon le rapport avec la mort et les morts n'est pas le même qu'en occident : l'autel des ancêtres dans les maisons où chaque jour une offrande est faite, les visites rituelles au temple, la discussion naturelle avec les disparus montrent que les disparus ne sont jamais loin.

Le malaise ressenti, parfois, lors de la lecture, peut venir, également, du fait que la ville semble avoir été détruite ou abandonnée à partir du moment où les enfants ont disparu. Les enfants ne sont que des souvenirs. Que s'est-il passé ? Liberté est laissée à l'imagination du lecteur.


Il y a des scènes étrangement poétiques, notamment celles des concerts de soi-à-soi au cours desquels, les parents orphelins de leur enfant, portent des pendentifs aux oreilles. Ce qui peut être très macabres est la composition des instruments de musique silencieux pour le public : ils sont faits d'os d'enfant, perpétuant ainsi le lien filial. Tout l'art de Yoko Ogawa est de montrer combien les liens entre le visible et l'invisible, ce que l'on entend et ce que l'on n'entend pas, exercent une force magnifique même si cela vole en éclats lors d'une tempête... purificatrice ?

Ces liens, distendus ou carrément inexistants en occident, sont vivaces au Japon. En les évoquant et en les invoquant, Yoko Ogawa apporte, avec délicatesse et poésie, une dimension fantastique au roman. Quoi de plus proche du fantastique que ces boîtes dans lesquelles grandiront les enfants morts, que ces absences qui sont autant de présences.


« Petites boîtes » est un roman surprenant et fascinant : on se surprend à lire en chuchotant car partout règne le calme et le silence. Parfois, on perçoit une galopade, un éclat de rire enfantin, faisant ressurgir la vie. Cela peut être perçu comme atroce ou émouvant.

Je suis tombée, une fois encore, sous le charme de l'écriture de l'auteure, écriture à la grande force d'évocation. Je l'ai beaucoup apprécié car il n'y a pas de tristesse infinie dans cette manière de construire la mémoire autour des disparus et loin d'être le déni de la mort, c'est un moyen de conserver les souvenirs.

Traduit du japonais par Sophie Rèfle


Quelques avis :

Babelio  Télérama  Marianne

Lu dans le cadre:



 



mardi 19 avril 2022

Ramen, vous avez dit Ramen? Comme c'est Ramen.

 


Après ma première soupe miso maison, j'ai réalisé mes premiers ramens. J'en ai trouvé chez l'épicier asiatique de ma ville ainsi que des champignons Shimeji et des Pak choi.

Pas de bouillon  base de bonite séchée pour moi, végétalisme oblige, je me suis contenté d'un bouillon de légumes enrichi avec du miso blanc.

(crédit photo: moi)






Ingrédients:

- 1,5l de bouillon de légumes

- 1 poireau pas trop gros

- 5 côtes de blette (pas trop grandes)

- quelques fleurs de brocolis

- 1 oignon

- du miso blanc

- des Shitakés

- des Shimejis

- 3 Pak choi

- du tofu nature

- 3cm de gingembre frais (à râper ou couper finement)

- 2 feuilles de nori

- du saké de cuisine

- de la sauce soja

- de la sauce japonaise

- des ramens pour 2 personnes (200g)

Recette:

1) Faire cuire à la vapeur le poireau finement coupé et les côtes de blette puis les réserver au chaud.

2) Faire revenir les Shitakés puis les Shimejis à la poêle, déglacer avec de la sauce soja.

3) Faire revenir les morceaux de tofu nature à la poêle, ajouter du gingembre frais puis réserver au chaud.

4) Faire revenir au wok les Pak choi, l'oignon et les fleurs de brocolis

5) Le bouillon a mijoté pendant la cuisson des légumes, j'y ai versé les ramens pendant 5 mn.

Dressage du bol à ramens:


- mettre au fond: un peu de sauce soja et du saké de cuisine.

- verser un peu de bouillon puis la portion de ramens.

- disposer les parts de légumes puis ajouter un peu de bouillon pour réchauffer le tout.

- terminer par les morceaux de nori découpée en lamelles.

- c'est prêt à déguster, bon appétit!!


Recette réalisé dans le cadre:







Un café maison

 


Tokyo, dans un beau quartier, un couple semble vivre heureux … sauf que les apparences sont trompeuses.

Yoshitaka Mashiba, jeune PDG dynamique et fortuné annonce, sans émotion, à son épouse Ayané qu'il la quitte car elle n'est toujours pas tombée enceinte.

La condition de leur mariage reposait sur un enfantement puisque Yoshitaka ne peut concevoir la vie de couple sans naissance d'enfant. Pas d'enfant, ce sera le divorce.

Ayané s'y attendait-elle ou espérait-elle qu'il oublierait le fameux « sine qua non » ? Elle reçoit la décision de son mari avec stoïcisme et, on peut le dire, froideur. Elle ne lui offrira pas le plaisir de supplier pour l'attendrir. Non... elle lui offrira une vengeance à la hauteur de sa colère.


« Un café maison » est le deuxième roman de Keigo Higashino que je lis et j'apprécie autant cette seconde enquête en compagnie du duo inspecteur bourru et professeur de physique décalé, Kusanagi et Yukawa. La dernière fois, le duo s'était quitté plutôt en froid, dans l'enquête présente, le froid est toujours présent et c'est la coéquipière de Kusanagi, Kaoru qui aura un rôle décisif dans l'enquête.

Quelques jours après l'annonce de Yoshitaka à sa femme, cette dernière part passer quelques jours chez ses parents à Sapporo, située à mille kilomètres de Tokyo. Deux jours plus tard, la police contacte Ayané pour lui annoncer la mort de son époux, empoisonné en buvant du café.

Le lecteur sait, dès les premières pages, que l'auteur du crime est Ayané, c'est la marque de fabrique de la série mettant en scène le professeur Yukawa. Par contre ce que personne ne sait c'est la manière dont elle a pu s'y prendre pour commettre le meurtre en étant absente.

C'est ce qui sera recherché tout au long du roman : comment prouver que l'épouse est la meurtrière ? Kusanagi semble subjugué par la grâce et la beauté d'Ayané, artiste de patchwork renommée, au point qu'il donne l'impression d'occulter les soupçons pesant sur elle tandis que sa jeune collègue, Kaoru la soupçonne d'emblée en raison d'une inadéquation entre l'image de la maîtresse de maison parfaite qui range chaque chose à sa place et le désordre dans le rangement ds flûtes à champagne.

Yukawa n'entre pas en scène immédiatement, il se mêle à l'enquête parce que Kaoru le lui demande : le poison, qui est de l'arsenic, a bien du être introduit quelque part dans la tuyauterie sauf que les données inconnues sont : où ?, dans la tuyauterie, et quand ?

Au fil de l'enquête, on commence à comprendre le mobile principal ainsi que le temps d'organisation du meurtre. On apprend, également, que l'époux avait une maîtresse en la personne d'Hiromi, l'élève préférée de son épouse : l'homme est suffisamment cynique pour préparer en amont sa séparation, d'autant plus qu'Hiromi est enceinte. Nouvel argument pour perpétrer le meurtre.

Petit à petit les pièces du puzzle s'emboîtent parfaitement grâce au collationnement des indices minimes mais déterminants laissés par la suspecte, ses proches et le passé de son mari, mari qui n'est pas des plus sympathiques et pour lequel je n'ai éprouvé aucune compassion.

Le professeur Yukawa pourra pousser un « Eurêka » libérateur : la mise en œuvre du crime était de longue haleine et devait imposer une maîtrise de chaque instant pour son auteure. La clé est à la hauteur du talent de Keigo Higashino : extraordinaire.

« Un café maison » se lit d'une traite : le suspense, sans être intense, est très prenant car on cherche à découvrir les minuscules indices disséminés par l'auteur. Seuls les faits et gestes de la suspecte ainsi que quelques éléments de son passé peuvent mettre la puce à l'oreille. Quant au processus de l'empoisonnement, la réponse sera des plus surprenantes.

Un excellent roman policier sur une vengeance très subtile.

Traduit du japonais par Sophie Rèfle

Quelques avis :

Babelio  Livraddict  Livroscope  Eric Dumais

Lu dans le cadre


  




dimanche 17 avril 2022

Panipat

 


Il aura fallu un abonnement « Netflix » pour que je visionne un film indien (d'Inde) dans le cadre des Etapes Indiennes 2022.

Mon choix s'est porté sur un film historique, et en costumes, « Panipat ».

« L'histoire se déroule dans un contexte de guerre entre l'Inde et l'Afghanistan. En 1761, Sadashiv Rao Bhau est à la tête de l'armée marathe. Il mène ses hommes dans le but de repousser les forces d'invasion de Ahmad Shah Abdali, le roi de l'Afghanistan. » (source : Google)

 

J'ai découvert le cinéma de « Bollywood » qui a la caractéristique d'entrecouper les films de plusieurs séquences chantées et dansées, sur fond de comédie musicale. Contrairement à la danse classique indienne, les séquences dansées sont très rapides demandant une importante coordination dans les mouvements. Les héros sont entourés d'une troupe importante de danseurs ce qui donne un effet de masse impressionnant. D'autant plus impressionnant que tous les mouvements et déplacements sont synchronisés au cordeau.

J'avais un peu peur en remarquant la durée du film : 2heures 50 minutes... tout de même. Pourrai-je regarder sans ennui cette reconstitution historique ?

N'étant une spécialiste de l'histoire de l'Inde, je n'ai pas pu avoir un regard critique sur le respect de l'exactitude historique. Par contre, j'ai été étonnée de ne voir aucune allusion aux présences européennes de l'époque : la France et l'Angleterre avaient déjà posé leurs jalons en Inde. J'en ai déduit que le parti pris du réalisateur était de magnifier le courage, l'abnégation et l'esprit de sacrifice des Marathes dont l'empire s'étendait jusqu'aux confins du Cachemire.

Il n'empêche que j'ai passé un excellent moment et que je me suis laissée prendre par l'histoire : entre trahisons et romance, entre batailles et décors léchés, entre chants dansés et costumes magnifiques, le jeu des acteurs dont certaines mimiques soulignent les moment humoristiques de la narration.

 

La scène de la dernière bataille devant le fort de Panipat est un grand moment : le jeu des ralentis montrent l'intensité du combat et du courage du héros que le spectateur suit dans la furie suicidaire des sabres et des lances. Les duels au milieu des mêlées m'ont rappelé les scènes de batailles au pied des murs de Troie : le temps ralenti pour magnifier l'héroïsme des personnages.

Quant au jeu des acteurs, n'étant pas spécialiste du cinéma de Bollywood, je n'oserai pas m'ériger en juge. Hormis le fait que je n'ai pas vraiment compris l'utilité du rôle de l'épouse du héros lorsqu'elle le suit jusqu'à Panipat.

Toujours est-il que « Panipat », décrié par certains spécialistes du genre, m'a donné envie de regarder d'autres films bollywwodiens et d'autres films du réalisateur Ashutosh Gowariker  Jodhaa Akbar  et Swades  ... quitte à les regarder en deux fois.

 

Pour en savoir plus sur la réalité historique de ce fameux 14 janvier 1761, je vous invite à cliquer ici et 

 

Quelques avis :

Sens Critique Rachel

Visionné dans le cadre:




samedi 16 avril 2022

Un flingue et du chocolat

 


« Ils s'affrontent depuis toujours, Godiva, célèbre voleur, d'un côté. Royce, redoutable détective, de l'autre. le face-à-face est inévitable. On en parle dans toutes les cours de récré. Mais pour le jeune Lindt ce n'est pas un jeu. Car il sait comment aider Royce... » (quatrième de couverture)


Lindt est le souffre-douleur d'un groupe d'enfants mené par Debailleul, raciste notoire, parce que son père est un immigré. Cependant Lindt a des copains, Dean et Deluca, avec qui il vit des aventures de môme.

Le grand sujet de conversation dans toutes les cours de récréation du pays et de la petite ville de Michel, est le jeu du chat et de la souris entre Godiva, ou Goddiva, un voleur de haut vol et Royce le détective à la force de déduction extraordinaire. Tous les enfants misent sur la victoire de Royce et pour cela Lindt sait comment aider ce dernier.

Quelques mois plus tôt, le père de Lindt lui offre une bible achetée à un marchand dépenaillé sur le marché. Son père meurt d'insuffisance respiratoire, Lindt reste seul avec sa mère, sans ressource, plongeant peu à peu dans la misère. Un jour, Lindt fait tomber la bible, de rage, suite au choc, la couverture, déjà abîmée, laisse échapper un feuillet sur lequel un plan est dessiné ainsi que le dessin d'un moulin. Qui a bien pu cacher cela ? Lindt tente de mener l'enquête et apprend, par inadvertance, que la carte de visite que laisse Godiva sur le lieu de son forfait est dotée d'un dessin de moulin à vent. Lindt comprend qu'il a matière pour aider Royce et lui écrit une lettre pour l'informer de sa trouvaille.

Commence alors une aventure trépidante qui amènera Lindt à ouvrir les yeux sur les réelles motivations de Royce, la nature étrange de Debailleul, faire connaissance avec son grand-père paternel et découvrira face cachée de sa mère.


Godiva rappelle un certain gentleman cambrioleur alias Arsène Lupin, Royce un célèbre détective anglais connu sous le nom de Sherlock Holmes. Comme lui, Royce a son Watson en la personne de Brownie, très rondelet mais aussi très craintif. Une bien pâle imitation pour mieux souligner l'allusion humoristique.

Il y a du suspense, des coups bas, des trahisons car Lindt s'aperçoit que les méchants ne sont forcément ceux que l'on croit, des morts, des rebondissements hallucinants, des rencontres émouvantes et une fin bien amenée. Le tout dans un style dynamique qui prépare , avec brio, le basculement de l'intrigue qui change la perception que l'on a de certains protagonistes.


Otsuichi met en scène des personnages attachants, d'autres absolument répugnants ou carrément étonnants. Beaucoup cachent bien leur jeu si bien qu'à la fin de sa quête, Lindt aura mûri et perdu une part de naïveté : l'enfance s'éloigne peu à peu pour laisser place à l'adolescence puis l'âge adulte.


« Un flingue et du chocolat » est un polar jeunesse distrayant et bien mené. Pas de temps mort, on vit à fond l'aventure de Lindt malgré les nombreux périls dont il devra triompher.

C'est également un roman qui aborde les thèmes du racisme et des violences qu'il induit, de la pauvreté subit par une partie de la société vivant d'expédients ou de travail précaires, du courage face à l'adversité. Les gens sont exposés aux fumées des usines, à la malnutrition, à l'exploitation de l'homme par son semblable. Ces violences exercées sur des êtres humains permettent de comprendre pourquoi on peut s'attacher à Debailleul, un sale gosse agaçant, au point de ne pas le détester. S'il est violent et raciste, sans doute y a-t-il une raison invisible, on ne déteste pas tout ce qui ne ressemble pas à soi sans qu'il y ait une explication. C'est abordé, rapidement, dans le récit, et c'est ce qui fait que l'on ne rejette pas d'emblée ce personnage, au final, intriguant.

Un bon roman jeunesse.

Traduit du japonais par Yoshimi Minemori et Patrick Honnoré


Quelques avis :

Babelio  Lirado  Livraddict  Ricochet  Nahé Typhania

Lu dans le cadre:


 
 



jeudi 14 avril 2022

L'expérience de l'arbre


 Quand j'entends dire qu'il n'y a pas de programmation culturelle digne de ce nom à Guingamp, mon sang ne fait qu'un tour.

Ma ville compte à peine 8000 habitants et elle propose une programmation culturelle éclectique et à la portée de tout un chacun. On me rétorquera que non et je répondrai que si!
Cette année, après le désert du au confinement, je me suis lâchée et j'ai réservé 14 spectacles (pour un prix modique grâce au système d'abonnement) dont je verrai le dernier en mai prochain.
J'ai profité pleinement de ces multiples fenêtres ouvertes sur le monde et des mondes si différents et qui se complètent si bien.
Le 5 avril dernier, j'ai pu voir le magnifique spectacle "L'expérience de l'arbre" mis en scène par Simon Gauchet.
Avril est aussi "Un mois au Japon"... le hasard faisait bien les choses. Un instant de grâce que j'ai savouré juste avant le début du spectacle.
Je n'avais pas fini d'être agréablement surprise: l'acteur de théâtre No, japonais, s'exprimait en sa langue et Simon Gauchet traduisait. Entendre la sonorité si particulière de la langue japonaise m'a immédiatement transportée au pays du Soleil levant.
"L'expérience de l'arbre" place l'arbre, symbole du dialogue en le ciel et la terre, au centre de la pièce. On y puise de la sagesse, on rit, on a les larmes aux yeux, on vit un rapprochement inédit entre l'Orient et l'Occident à travers la pratique du théâtre le No expliqué aux néophytes dont je fais partie et le théâtre vu par Antonin Arthaud dont la voix particulière rejoint certains accents du No.
Presque deux heures de spectacle intense, qui m'a captivée et enchantée.
Je suis sortie du théâtre riche d'une nouvelle moisson d'émotions et de savoirs.

Pour avoir un aperçu du spectacle et diverses explications, c'est ici

Vu dans le cadre:





mercredi 13 avril 2022

Azami

 


Depuis la lecture émouvante de la série du « Poids des secrets », je suis devenue une inconditionnelle d'Aki Shimazaki. Lorsque je relis les billets de lecture consacrée à mes lectures de ses romans (du moins ceux que j'ai chroniqués), je constate que les mots poésie, souvenir, intime, intimité, subtil, subtilité, délicatesse, entre autres, reviennent à chaque fois. Ils sont un peu, beaucoup, les marqueurs du style de l'auteure.

Dans le cadre du Challenge « Un Mois au Japon », j'ai commencé le premier volet de la troisième pentalogie écrite par Aki Shimazaki, « L'ombre du chardon », « Azami ».


[ Aparté : fin mai 2022, le dernier tome de « L'ombre du chardon » paraîtra chez Babel-Actes Sud ainsi pourrai-je lire le cycle entier.]


Le héros, Mitsuo Kawano, est un jeune trentenaire, rédacteur pour une publication culturelle connue. Il est marié à Atsuko qui lui a donné deux enfants, une fille et un garçon. Le quotidien s'écoule au rythme des journées de travail, des soirées et des séjours en famille dans la maison de campagne. La routine s'est également installée au sein du couple qui est « sexless » depuis la naissance du petit garçon. Rien ne transparaît dans la vie sociale du couple. Cependant Mitsuo, comme bon nombre de ses pairs, fréquente les salons érotiques pour compenser l'absence de relations conjugales intimes.

Quand on connaît les romans de Shimazaki, on sait que la lisse apparence de la vie sera rapidement bousculée par un élément perturbateur. Ce dernier apparaît rapidement dans le roman, dans les premières pages, en la personne d'un ancien camarade de classe de Mitsuo, Gorô Kida, organisateur zélé de réunions des anciens élèves de l'école. Mitsuo le rencontre, par hasard, mais en est-ce réellement un, alors qu'après avoir regardé la vitrine d'un magasin spécialisé dans les stylos-plumes haut de gamme, il passe devant un magasin de musique d'où sort la mélodie d'une chanson populaire des années 70. L'air lui rappelle la berceuse que lui chantait sa grand-mère, « Azami ». Il en est sorti par quelqu'un qui lui murmure son prénom derrière lui... Gorô, devenu président d'une importante compagnie.

Les retrouvailles, fortuites ou pas, auraient pu s'arrêter à la conversation tenue en pleine rue, or, après l'échange traditionnel des cartes professionnelles, Mitsuo a la surprise d'être invité par Gorô dans un club très chic et onéreux où, s'aperçoit-il, ébahi, travaille comme hôtesse, Mitsuko, belle et mystérieuse camarade de classe qui avait subjugué Mitsuo.

Un étrange sentiment s'empare de lui provoquant le souvenir, lancinant, des paroles de la berceuse de sa grand-mère : « Ce soir encore, ton oreiller est baigné de larmes./A qui rêves-tu ? Viens, viens avec moi./Je m'appelle Azami. Je suis la fleur qui berce la nuit./Pleure, pleure dans mes bras. L'aube est loin encore. »

L'azami sera le fil conducteur du roman, celui de l'enfance, des premiers chagrins, des rêves réaliser, des pleurs nocturnes, l'envie d'indépendance ou de vengeance. Elle signifie également « ne me touche pas », (ne me fais pas de mal?). On apprend également que la fleur de chardon ressemble beaucoup à celle de la bardane dont la signification est « ne me tourmente pas » ou ne m'importune pas. Les relations des personnages entre eux oscilleront entre ces deux symboles car Aki Shimazaki, avec une main de fer dans un gant de velours, les installe d'autorité au carrefour de leurs vies au moment où d'importants choix doivent être faits. Elle les place devant la multiplication des possibles et des éléments inconnus.

Ainsi, Mitsuo est-il placé devant le choix crucial : vivre pleinement une passion amoureuse avec son amie d'enfance, qui fut son premier grand amour secret ? Ou prendre en considération l'existence affirmée des sentiments amoureux envers son épouse et faire en sorte de reconquérir l'espace intime de leur couple ? La réponse est donnée mais... « Tiens ! Il y a une fleur d'azami...fanée. » dernière phrase du roman suggère que des possibles divergents pourraient être en latence...


Une fois encore, Aki Shimazaki aborde un sujet de société, ici le mariage et la durée des sentiments, malmenés par la vie moderne, le manque de temps pour communiquer au sein du couple et l'envie d'explorer le monde des passions. Peut-on se libérer des entraves de la routine sans que l'attirance de l'indépendance, azami, provoque le tourment, gobô, de son partenaire ?


Quelques avis :

Babelio  Nathalie France info Sens Critique  Manou  Libération  Magali

Lu dans le cadre: