lundi 30 mars 2009

Book save the Queen!


Un mercredi, Elisabeth II partie à la suite de ses affreux toutous, se retrouve du côté des cuisines du palais et tombe sur le bibliobus municipal. Elle y rencontre un des employés des cuisines, Norman, grand lecteur autodidacte et gay. Par politesse la souveraine emprunte un roman, réputé ennuyeux, et s'en retourne vers son monde. La semaine passe, Norman dévore ses romans tandis que la reine lit son emprunt par devoir tellement la lecture du livre lui semble fastidieuse (on lui a toujours appris à terminer ce qu'elle avait commencé que ce soit son assiette de soupe ou sa lecture!); le mercredi suivant, cette dernière se rend à l'endroit où se gare le bibliobus pour remettre le roman sur son rayonnage, bien décidée à ne plus rien emprunter. A nouveau, elle se retrouve en tête à tête avec Norman et le bibliothécaire. En regardant les rayonnages, elle tombe sur un titre attrayant "La poursuite de l'amour"....un heureux choix car si elle était tombé sur un roman d'Henry James, elle aurait définitivement raccroché!
C'est ainsi que commence l'incroyable histoire d'une reine dévoreuse de livres, LCA pas du tout anonyme mais vorace tout de même, ayant toujours un livre à portée de main et d'yeux! L'itinéraire d'une LCA qui emprunte des routes détournées avant de se perdre dans les méandres de "La recherche du temps perdu", les oeuvres de Jean Genet, d'Henry James, des soeurs Brontë ou encore les poèmes de Hardy. Norman devient le tabellion personnel de la reine au grand dam de sir Kevin qui grince des dents à chaque fois qu'il la voit absorbée non pas par les affaires du royaume mais par ses lectures! La reine serait-elle en train de devenir gâteuse? La reine pourrait-elle être atteinte de sénilité comme le commun des mortels, elle qui est hors du commun? Toujours est-il que ses ministres et officiers de la garde ne savent plus à quel saint se vouer surtout lorsque Sa Majesté rechigne à inaugurer ça ou là un salon ou un édifice quelconque, ou quand elle ne pose plus les questions passe partout habituelles mais demande à ses sujets quelles sont leurs lectures! Une déstabilisation du quotidien de Buckingham palace est en train de s'installer durablement: toutes les manifestations qui plaisaient à Sa Majesté deviennent un fardeau voire pire: une perte de temps....il y a tant de bons livres à lire surtout lorsque le virus vous terrasse sur le tard!
Alan Bennett avec un humour, typiquement britannique, porte un regard goguenard sur la place de la lecture dans notre société moderne qui ne prend plus le temps de s'asseoir et lire tranquillement un bon roman. La lecture plaisir, la lecture bulle gratuite d'absolue tranquillité, tranquillité qui dérange plus qu'à son tour: Sa Majesté se retrouve confrontée au regard, lourd de reproche, des autres, ceux qui ne peuvent comprendre combien il est plus intéressant de terminer un chapitre que de répondre à ses devoirs!
Le LCA devient peu à peu plus exigeant dans ses lectures à mesure que sa sagacité, sa complicité avec la littérature s'affinent: le regard porté sur le monde change, imperceptiblement mais sûrement, avec une acuité désarçonnante pour l'entourage. La passion de la lecture dérange car est perçue parfois comme une menace: la lecture est une source inépuisable d'enrichissement personnel, fait découvrir d'innombrables côtés de la nature humaine et rend palpable le domaine sacré de la création. Ainsi, notre souveraine d'Outre-Manche promène-t-elle dans son sillage un délicieux parfum subversif: celui des pages des livres que l'on tourne insatiablement!
La chute du roman est d'une drôlerie toute anglaise...et un vent de liberté souffle sur cette reine pince sans rire!
"La reine des lectrices" est un roman qui se lit avec le sourire aux lèvres et le rire toujours proche: une bouffée de drôlerie dont on ne se lasse pas!

"Je conçois que Votre Majesté ait besoin d'un passe-temps.
Un passe-temps? dit la reine. Les livres sont tout sauf un passe-temps. Ils sont là pour vous parler d'autres vies, d'autres mondes. Loin de vouloir passer le temps, sir Kevin, j'aimerais au contraire en avoir davantage à ma disposition. Si j'avais envie de passer le temps, j'irais en Nouvelle-Zélande."
(p 44 et 45)

"Cet attrait pour la lecture, songeait-elle, tenait au caractère altier et presque indifférent de la littérature. Les livres ne se souciaient pas de leurs lecteurs, ni même de savoir s'ils étaient lus. Tout le monde est égal devant eux, y compris elle. La littérature est une communauté, les lettres sont une république. Elle avait déjà entendu cette formule, lors de remise de médailles et de cérémonies diverses, sans savoir au juste ce qu'elle signifiait. A cette époque, elle considérait que la moindre allusion à quelque république que ce soit avait en sa présence quelque chose de déplacé et de vaguement insultant, pour ne pas dire plus. Aujourd'hui seulement elle en comprenait le sens. Les livres ne varient pas. Tous les lecteurs sont égaux (...) La lecture procurait un sentiment du même ordre. Il y avait en elle quelque chose d'anonyme, de partagé, de commun. Ayant mené une existence à part, elle se rendait compte à présent qu'elle désirait ardemment éprouver un tel sentiment: elle pouvait parcourir toutes ces pages, l'espace contenu entre les couvertures de tous ces livres, sans qu'on la reconnaisse." (p 47 et 48)

Roman traduit de l'anglais (GB) par Pierre Ménard
Les avis de lunedepluie émeraude yspadden clarabel cuné amanda armande praline jules eontos chiffonnette keisha et je dois en oublier bien d'autres!

dimanche 29 mars 2009

Histoire d'eau

(photos prises dans le parc du château de La Roche Jagu, sur le parcours de l'eau)

"Quand je suis assis là , l'idée patriarcale autour de moi prend vie: je les revois, tous les Anciens qui font connaissance et déclarent leur amour auprès de la fontaine, je sens les esprits bienfaisants planer autour des fontaines et des sources."

Johann Wolfgang von Goethe in Les souffrances du jeune Werther (1774)
Bon dimanche à tous!

vendredi 27 mars 2009

Masques Gèlèdé


Il arrive parfois que dans de petites villes de province de belles choses se passent. Guingamp accueille une exposition sur les masques Gélédés du 21 mars 2009 au 25 avril 2009...pendant un bon mois, les passants curieux désirant être étonnés et happés par la beauté mystérieuse des masques, pourront pousser la porte de l'espace François Mitterand, près de la mairie, et plonger dans l'univers africain de ces figures colorées qui relatent le quotidien d'un peuple.


Je copie/colle l'article qui présente l'exposition:


"Masques Gèlèdé,magie et pouvoir des Mères au Bénin


Ce thème constitue le fil conducteur du parcours initiatique proposé à l’espace François-Mitterrand (mairie de Guingamp)sous la forme d’une exposition d’Art africain du 21 mars au 25 avril 2009. Pour la première fois en France, un ensemble unique de masques et d’objets de la société Gèlèdé puisant ses racines dans la religion animiste teintée de culte Vaudou, entre Nigeria, Bénin et Togo, sera présenté au public. L’occasion de pénétrer les multiples facettes d’une société secrète qui voue un culte aux« Mères » sur fond de mascarades rythmant les saisons de récoltes comme les aléas de la vie.

Des collectionneurs passionnés d’Art africain ont accepté de prêter leurs oeuvres au guingampais Jean-Yves Augel qui partage son temps entre la France et sa terre d’adoption, l’Afrique de l’Ouest. En partenariat avec le service culturel municipal, ce collectionneur, cheville ouvrière de l’exposition, associe à sa démarche ses amis Pierre Amrouche, expert spécialisé en Art africain, et Guénaël Fassier, doctorant en anthropologie à l’EHESS de Paris. La qualité comme l’originalité de l’événement n’ont pas échappé aux instances du musée du Quai Branly.

Un foyer d’art

La société féminine Gèlèdé puise ses origines au sein de l’ethnie Yoruba. Forts de 16 millions d’habitants, majoritaires au sud-ouest du Nigeria, les Yoruba sont également présents chez les Nago et les Fon au sud du Bénin, ainsi qu’à l’est du Togo. Le pays Yoruba s’affirme comme l’un des foyers d’art les plus prolifiques, les plus aboutis, les plus extraordinaires d’Afrique, et ce depuis les grandes civilisations Nok (500 avant J.-C.-300 après J.-C.) et d’Ifé (11e-14e siècle).Le culte Gèlèdé naît dans la deuxième partie du 18e siècle, selon toute vraisemblance à Kétu (aujourd’hui à l’est du Bénin), prestigieux royaume Yoruba, réputé pour la dextérité de sessculpteurs.

L’origine mythique du Gèlèdé reflète le passage d’une société matriarcale à un système patriarcal. Ayant dérobé le pouvoir aux femmes, les hommes décidèrent de consacrer un culte à la toute puissance de la mère ancestrale Iya Nla, la « Grande Mère » qui, dans la culture Yoruba, assure l’ordre du monde tout en menaçant sa stabilité. Pour apaiser la colère des femmes âgées dénommées awoniya wa (« nos Mères »), les communautés rurales des Yoruba-Nago et des Fon organisent des mascarades rituelles après les moissons, mais aussi lors de sécheresses ou d’épidémies.La société est dirigée au plus haut niveau par une femme, Iyalashé, la grande prêtresse présente dans chaque couvent Gèlèdé.

Le pouvoir de la femme

En adorant les « Mères », le Gèlèdé célèbre le pouvoir de la femme. En donnant la vie, elle maîtrise ses mystères, insondables pour les hommes. En devenant sorcière, elle peut aussi semer le désordre, reprendre la vie.

Le pouvoir mystique des « Mères » tient de l’ambivalence, partagé entre l’Ajé rere et l’Ajé buruku: le bien et le mal. Rendre hommage au pouvoir spirituel des femmes, les apaiser, les divertir, conjurer leurs forces négatives…Les cérémonies religieuses Gèlèdé, dansées et chantées aux rythmes des percussions, mettent en scène nuitament des danseurs masculins, parés d’attributs et de vêtements féminins.Véritables oeuvres d’art aux multiples symboles, les masques cimiers (portés sur le haut du crâne), polychromes et en bois sculptés, affichent les traits caractéristiques de l’esthétique Yoruba, tels les yeux en amande, les scarifications…

Au patrimoine de l’UNESCO

Au fil des décennies, le rituel s’est adapté. Les masques se sont sophistiqués, prenant la forme de superstructures souvent articulées. Au milieu du 20e siècle, les cérémonies de jour sont apparues, mêlant messages sociaux ou satiriques. Les mascarades diurnes, en marge de la magie rituelle de la nuit, se présentent comme une « magie médiatique » très populaire au Bénin dans les zones rurales Nago et Fon.Le patrimoine oral Gèlèdé, toujours bien vivant dans les régions de Kétu, Cové ou encore Savé, à l’est du Bénin, a été proclamé chef-d’oeuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO en mai 2001. Appuyée par des photographies et un documentaire sur les cérémonies réalisés par Guénaël Fassier et Jean-Yves Augel, l’exposition présentera 125 pièces. Les masques cimiers et ventraux, représentatifs d’un siècle de tradition Gèlèdé, côtoieront tambours, chassemouches, gongs, calebasses musicales et autres sonnailles de chevilles. Les organisateurs entendent ainsi mettre en lumière un art populaire qui puise sa créativité contemporaine dans sa tradition religieuse.


OBJETS EXPOSÉS

96 masques cimiers.

5 masques ventraux.

4 tambours.

3 chasse-mouches.

16 sonnailles de chevilles.

2 gongs.

3 calebasses musicales + perles.

1 clochette.

2 parures.+ photos in situ.+ ouvrages sur le Gèlèdé.


THÉMATIQUES

Religion.

Pouvoir et respect.

Vie quotidienne et réflexion.

Prévention et morale

.Oiseaux.Animaux.

Maternité.

Fables et Atêtchitchi (rivalité entre couvents)."


....Qui a dit que Guingamp ne connaissait que le football?


Osez, osons explorer l'univers des masques Gèlèdé et regarder le monde autrement!

mercredi 25 mars 2009

Par une nuit d'hiver...


Une très longue nuit d'hiver, deux ours, Igor et Samson, se rencontrent, s'apprécient et brisent leur solitude en jouant, pêchant, dansant, se perdant et se retrouvant!

Le temps passe vite en ayant des occupations d'ours! C'est alors que le matin, enfin se lève, et là une interrogation se fait jour: qui est Igor et qui est Samson....qui est blanc, qui est marron?

La nuit polaire est la toile de fond de cette histoire où les rimes sonnent joyeusement aux oreilles du lecteur, où les illustrations en positif/négatif noir et blanc sont de belles invitations à imaginer. Le texte est très simple, peut-être trop d'ailleurs mais cette absence de détails est comblée par le jeu des rimes très dynamique qui permet d'ouvrir les oreilles des enfants et de les emmener sur le terrain riche en imaginaire de la mise en rime des phrases.

Igor et Samson, les deux ours, tissent une solide amitié, celle qui naît de vrais sentiments, celle qui est issue de la tolérance et de l'ouverture d'esprit, sous la nuit étoilée: les jeux et les chasses, les gambades et les rêves se succèdent. Grâce à la technique des ombres chinoises, le moindre détail prend de l'importance et apporte une force à l'histoire.

Un album attachant malgré tout, surtout par son graphisme, qui fait partie de la sélection du Prix des Incorruptibles.


dimanche 22 mars 2009

Seventies


Je n'ai pas lu "Testament à l'anglaise" avant de me lancer dans cette première lecture d'un roman de Jonathan Coe et j'ai été très vite embarquée dans le rythme soutenu de cette fresque des années soixante-dix. L'Angleterre pittoresque fleure bon les écoles privées, les uniformes, les actions syndicalistes et les débuts d'une longue guerre civile avec l'IRA. La toile de fond politico-socio-économique de cette période sert de décor aux jeunes héros de l'histoire, élèves à King William, un collège privé de Birmingham: Benjamin, Philip, Doug et leurs camarades de classe ont bien d'autres chats à fouetter et sont loin des musiques planantes et de l'ère providentielle du thatchérisme. En effet, ils souhaitent s'intégrer aux groupes et aux divers clubs archaïques du collège, ils cherchent le courage d'adresser la parole aux filles, ces êtres intimidants qui rient sous cape en lançant leurs regards remplis de promesses vers ces pauvres adolescents torturés par leurs hormones. Ils espèrent devenir un jour artistes et fuir Birmingham et ses langueurs, ses plages d'ennui, ses maisons qui donnent le blues. Benjamin est un artiste en herbe, il est rêveur, a l'impression d'être toujours à côté voire en dehors du monde, il est timide, fan de musique et compose inlassablement des symphonies plus improbables les unes que les autres, Doug espère intégrer un jour un grand journal et Philip le sérieux du groupe. Puis il y a Paul, le petit frère de Benjamin, un môme chafouin, toujours prêt à tirer son épingle du jeu quitte à marcher sur autrui et jeter aux orties les principes et la morale. Autant Benjamin est rêveur, empoté avec les filles et doux, autant Paul est cynique et très thatchérien avant l'heure. Il a compris que l'avenir était dans l'ironie, le matérialisme et l'opportunisme, il s'avère être un personnage horripilant car précurseur d'une époque dont on souffre encore: individualisme, dénigrement de la culture inutile et contre productive. On a envie de lui donner des claques mais il réussit à faire sourire.
Richards, Steve de son prénom, le seul noir du collège, le brillantissime Steve qui provoque la jalousie et l'animosité exacerbée de Culpepper à toujours le surclasser en tout! Jusqu'à ce qu'un après-midi une étrange chose arrive et provoque une défaillance de Steve qui verra non seulement ses espoirs universitaires tombés à l'eau mais surtout la réalité ethno-sociale le rattraper.
"Bienvenue au club" ne serait plus acidulé à souhait si j'omettais de parler de Cicely, la belle et irréelle Cicely, cachant sous sa blondeur et son apparente liberté une blessure que Benjamin découvrira un jour d'été, lors de vacances familiales au Pays de Galles. Cicely, éreintée par Philip à l'issue de la représentation d'Othello, Cicely qui fait tourner la tête des jouvanceaux aux hormones en ébullition, amour absolu de Benjamin qui lui dédie, en un inlassable secret, ses symphonies.
Les années soixante-dix sont aussi les années des grèves et des manifestations, démonstrations de force des syndicats. Ce sont aussi celles des attentats meurtriers perpétrés par l'IRA, Loïs la soeur de Benjamin et Paul perdra son fiancé et gagnera une longue et douloureuse dépression, bouleversant sa vie et celle de la famille....rien ne sera jamais plus comme avant; les haines envers les étrangers commencent à se dire plus ouvertement, l'extrême droite retrouve de la voix et propage un discours raciste dans le monde ouvrier, l'autre, l'étranger est celui qui menace les emplois des ouvriers britannique; enfin, une époque bénie s'achève, laissant un voile flou sur un passé, les babas cool ne sont plus de mise, la musique planante s'efface devant la rudesse d'une musique de la révolte. La cohésion sociale lentement se fissure avant de sombrer dans les années violentes du thatcherisme.
Jonathan Coe, l'oeil goguenard, fait perdre à un de ses héros, Doug, fils d'un responsable syndical, ses illusions sur le comportement de la hight society anglaise....sa rencontre londonienne avec une jeune femme de la haute bourgeoisie est une révélation érotique et sociale. Il n'aura de cesse de parvenir à intégrer ce club très fermé de ceux qui se fichent comme d'une guigne de tous et de tout et prennent leur plaisir selon leur bon plaisir!
"Bienvenue au club" est un roman foisonnant, multiple où le lecteur aime se perdre et se retrouver au rythme de ses souvenirs d'enfance et d'adolescence: les rêves entrevus qui ne deviennent pas forcément réalité, les envies d'ailleurs, les moments d'ennui étirés par un temps qui se moque de coller à la vitesse de la jeunesse. Les années collège et lycée avec son cortège de doutes, de réussites et d'espoirs amoureux, la découverte des sentiments, la douce brûlure de la passion naissante et le mystère du monde adulte qui peu à peu se révèle. Un voyage bien sympathique dans un passé pas si lointain, un passé que l'on n'oublie jamais et que l'on regarde toujours avec une tendresse particulière...celui de nos seize, dix-huit ans, juste avant de partir en fac.

Roman traduit de l'anglais (Royaume Uni) par Jamila et Serge Chauvin



samedi 21 mars 2009

Gladiateurs


J'en connais qui vont ricaner à la lecture de ce billet! Quoi! Katell se lance dans la lecture de polar, pardon de thriller, sur le foot alors qu'elle peste chaque semaine lorsqu'il y a match (de D2 je précise) à Guingamp parce que la vie s'arrête à cause du ballon rond! On aura tout vu sur cette terre, c'est limite un rêve surréaliste! Et bien non! Je me suis lancée dans cette lecture, proposée par un service de presse, parce que la couverture et le titre m'ont intriguée et attirée. Voilà, je vois vos yeux s'arrondir d'étonnement incrédule, votre bouche s'ouvrir d'incompréhension puis s'étirer en un sourire limite sardonique.
Pour tout vous dire, j'ai baigné pendant ma jeunesse et mon adolescence dans le football: avec un père qui a pratiqué et qui est supporter invétéré de Rennes et un frère qui a tapé pas mal dans le ballon, forcément il est difficile d'y échapper. Je sais, ce n'est pas une excuse....d'autant que j'ai suivi avec ferveur l'épopée des Verts (Platini, Rocheteau, Curcovic et les autres....ah ce match de finale aller-retour en Coupe de l'UEFA qui a coûté le trophée aux Verts!!!), je me suis levée à 4h du matin pour voir en famille (sauf ma mère restée au lit...pas folle, elle!!!) les matches de la Coupe du Monde en Argentine, j'ai eu des suées terribles lors de la finale de Coupe d'Europe remportée par les Bleus en 1984 face à l'Espagne. J'avoue aussi avoir regardé la Coupe du Monde 1998 avec les yeux de Chimène pour les Bleus (depuis les chauves ne sont plus regardés de la même manière...d'ailleurs j'en ai épousé un!). Euh...je crois que je suis en train d'écrire un coming-out, non?
Mais revenons à nos moutons ou plus excatement à nos crampons.
"Tu ne marcheras jamais seul" est l'histoire terrible et sordide des gladiateurs modernes que sont devenus les joueurs de foot professionnels. D'ailleurs, la scène d'ouverture est saisissante de surréalisme (pour une LCA accro aux livres mais aussi à la culture): une immense star du foot français vient de mourir et ses cendres sont acheminées, sous les yeux émerveillés de la France, au Panthéon avec à la clé un discours larmoyant du Président de la République en exercice (un qui aime le clinquant et qui n'a pas lu La Princesse de Clèves). J'aurai pu fermer le roman à l'issue de cette scène grotesque et provocatrice en me disant que les auteurs ont fumé la moquette car il faut oser penser la venue des cendres du Capitaine (suivez mon regard vers ces yeux verts à tomber au sourire énigmatique) aux côtés de Jean Moulin! De qui se moque-t-on! Finalement, j'ai continué la lecture car je voulais savoir si le récit tombait de Charybde en Scylla.
L'argument du polar est qu'il y aurait quelque chose de pourri dans le monde du football professionnel: des joueurs sont assassinés sauvagement, leur tête réduite en bouillie comme si elle avait servi de ballon au tueur. Qui peut en vouloir à ce point aux joueurs? Est-ce l'oeuvre d'un déséquilibré? Une orchestration savamment dirigée? D'autant qu'un groupe d'investissement étranger, dirigé par un Russe, vient de racheter le Stade de France, épine financière dans le pied du gouvernement! Cette opération titille la curiosité d'un reporter, Alexis Santangelo, footballeur amateur, et celle plus technique d'une ex- juge de la brigade financière, Eve Delesterre, diligentée par son cabinet de renseignement économique que la FFF emploie pour vérifier la probité de l'acheteur. Alexis est d'autant plus soupçonneux que son meilleur ami, agent de joueurs, angoissé a demandé à le rencontrer à Londres....où Alexis le retrouve agonisant, portant la marque du tueur fou. A partir de là, tout s'accélère: entre Londres, Paris, St-Pétersbourg et Moscou, le lecteur va suivre les pérégrinations sanglantes de nos enquêteurs, louvoyant parmi le luxe, le stupre et la luxure, découvrant les sordides addictions des stars du ballon rond soignées dans une clinique londonienne pas vraiment catholique, se retrouvant en plein coeur d'une manipulation allant au-delà du sordide et dans un monde où tous les coups sont permis pourvu que cela rapporte des milliards!
Oui, quelque chose est pourri dans le royaume du ballon rond: les stades sont devenus autant de Colisées modernes, les équipes autant de gladiateurs prêts à tout pour survivre. Bien entendu, le chemin de nos héros croise celui d'une passionaria anti-corruption russe en lutte à mort contre la nomenclatura post-soviétique aux mains et à la botte de la mafia. Bien entendu les mafieux sont d'une cruauté inhumaine, digne des pires stalags ou goulags, la vie humaine est méprisée, la morale inexistante. Et bien entendu, le lecteur se trouve confronté à la mégalomanie terrifiante d'un homme, avide de pouvoir, qui utilise les technologies biologiques les plus modernes et un savant fou pour créer une armée de guerriers à crampons.
"Tu ne marcheras jamais seul" est un roman qui se lit certes bien, qui m'a fait passer, sans plus, un bon moment mais qui m'a cependant gênée: non seulement le monde de luxe et de dépravation dans lequel se roule avec délectation tout ce petit monde (même notre Alexis vit dans un luxe étonnant) est vraiment dérangeant mais encore le manque de moralité de la fin est, à mon avis, profondément immoral! Les héros quittent une soirée orchestrée par la passionaria où les travers dénoncés tout au long de l'enquête sont toujours en place sans que cela les émeuve outre mesure. Ce n'est pas un happy end que j'aurais souhaité voir mais j'aurais aimé moins de fatalisme....mais peut-être n'ai-je rien compris au film!
Le plus terrifiant et le plus dérangeant est de se dire que le trait est à peine forcé, que le monde du football professionnel est surtout celui des pires requins, est un opium pour faire oublier tout ce qui ne fonctionne pas dans la société, un immense Colisée où l'on distribue du pain et des jeux pour maintenir la cécité des foules. Car aujourd'hui, alors que les plus grands clubs sont côté en bourse, on peut être en droit de s'interroger sur les valeurs humaines et sportives véhiculées par le football professionnel.

NB: pour les profanes "Tu ne marcheras jamais seul" est une des phrases de l'hymne chanté par le supporters de Liverpool lors des rencontres..."You'll never walk alone" .

vendredi 20 mars 2009

Aujourd'hui


"L'aubépine en fleur fut mon premier alphabet" (René Char)

C'est le premier jour du Printemps. Le jour et la nuit ont la même durée.

La blanche aubépine pointe le bout de ses pétales blancs....les beaux jours arrivent à grands pas même si un vent frais rappelle que l'hiver n'est pas tout à fait parti.

Bon vendredi et surtout bon début de week-end.

jeudi 19 mars 2009

Le fil d'Ariane


Véronique est psychothérapeute dans un hôpital de jour, Orion est un garçon psychotique de 13 ans (au début de l'histoire). Leurs chemins se croisent pour devenir un sentier commun à la recherche d'une île Paradis, porte ouverte sur un monde dans lequel Orion pourra enfin vivre.
"L'enfant bleu" est le récit d'une cure, est l'histoire d'un enfant et de son thérapeute et est la métamorphose d'un garçon psychotique en un artiste reconnu. Le long chemin vers la création et la vie quotidienne avec le handicap est celui que les deux héros romanesques vont vivre, expérimenter souvent dans la douleur, parfois dans le bonheur d'un pas de plus franchi vers une liberté.
Véronique en apportant des couleurs, des feuilles blanches et du temps intime à Orion lui offre un fil d'Ariane pour sortir de son labyrinthe, pour maintenir le démon le plus loin possible, ce démon de Paris qui peut lui sauter dessus au moment le plus inattendu.
Orion , un beau prénom porté par un chasseur d'une folle beauté, demi-dieu grec, poursuivi par un scorpion comme le jeune Orion est poursuivi par un démon qui provoque chez lui des gestes de violence. Seuls les trois cents chevaux blancs peuvent le faire fuir et libérer Orion de son emprise, comme si les chevaux de l'aurore dissipaient les nuages sombres de sa nuit.
Au fil des séances, le labyrinthe emprisonnant le Minotaure prend une dimension particulière: Orion dessine souvent un Thésée triste, un Minotaure au regard doux, comme s'il se voyait dans chacun d'eux...Orion n'est pas réjoui de la fin du Minotaure, du monstre du labyrinthe, car ce dernier n'est pas monstre de son plein gré, le regard d'autrui a construit son image de monstre et
l'a enfermé dans une catégorie, une boîte d'où on ne peut s'évader sans mourir un peu.
Lorsque le labyrinthe n'a plus lieu d'être, l'île Paradis reprend ses droits, ses couleurs, ses paysages, ses personnages, même si un requin rôde de temps à autre....le démon de Paris n'est pas vaincu, il reste tapi longtemps avant de ressurgir et de faire danser "La danse de St-Guy"! L'île ponctuée des dictées d'angoisse lors desquelles les rôles sont inversés: Véronique écrit et Orion valide ou non l'orthographe, éloignant peu à peu le terrible "Que de fautes! Que de fautes!" antienne maternelle qui scande une réalité difficile à appréhender par Orion. La normalité ne passe pas forcément par la belle orthographe, la grammaire des couleurs, des traits de crayons, pastels, pinceaux est aussi importante et essentielle au monde.
A l'image d'une thérapie, l'histoire commence lentement, le temps d'une mise en confiance, le temps de mieux s'appréhender, se connaître: le lecteur apprend à regarder autrement les personnages, à aller au-delà du miroir. Puis, le rythme prend de l'ampleur, le souffle s'accélère, malmené par les douleurs dues aux transferts, aux désordres incontrôlables d'Orion qui se démène dans ses souffrances, désespérant d'en trouver l'issue. Véronique, son passé et ses doutes sont autant de chaos subtils pouvant faire basculer l'orientation d'Orion: la ligne est tellement ténue, fragile, entre la folie créatrice et la folie destructrice que chaque fêlure peut entraîner une catastrophe, le chaos d'un monde en perpétuel équilibre.
Henry Bauchau avec "L'enfant bleu" explore une partie de l'âme humaine que l'on aimerait ne pas voir, ne pas saisir parfois parce qu'elle dérange: le handicap qui ampute une vie de ses possibilités les plus élementaires...une vie sociale, une vie amoureuse, une vie professionnelle, une autonomie, un chemin de liberté. Avec subtilité, simplicité et une écriture tout en poésie, l'auteur montre combien la route vers la dignité est âpre, amère parfois, mais aussi radieuse lorsque Orion peut enfin dire "On veut rester avec toi, Madame, mais je dois partir...tu comprends? (...) Faut pas, Madame, aujourd'hui, je peux payer moi-même." Il n'y a pas le miracle de la guérison, seulement une victoire sur soi-même, existante malgré sa fragilité certaine. Et c'est ce qui donne une intensité émotionnelle et littéraire à ce roman déroutant mais d'une beauté indicible que le lecteur, qui a été patient, vit intensément. Un roman dont on se souvient longtemps après sa lecture!



mercredi 18 mars 2009

Voyage en Corée


Nous sommes en automne, en ville les familles se préparent activement à rejoindre leur village natal. La famille de Sori, une petite coréenne, se lève de bonne heure pour prendre le bus qui la conduira chez les grands-parents à la campagne.

Comme tout le monde profite de Chu-sok la fête de la (pleine) lune d'automne pour se retrouver en famille, les embouteillages vont bon train et ce n'est que tard dans la journée que Sori peut enfin crier joyeusement "Mamie!".

Les uns et les autres ont mille et une choses à se raconter depuis la dernière fois et la nuit tombe sans que l'on s'en rende compte. Le lendemain matin après le culte rendu aux ancêtres et la visite à leur tombeau, la famille de Sori retrouve les villageois sur la place où musiciens et animateurs de dragons font danser les gens.

Les meilleures choses ont une fin et il faut retourner en ville reprendre le train-train quotidien: Sori fatiguée s'est endormie sur le dos de son papa, rêvant de sa mamie dont elle s'ennuie déjà. La ville dort, fatiguée de ces jours de fête.

"Sori et la lune d'automne" est un des albums concourrant pour le prix des Incorruptibles 2009. Il a la particularité d'être un récit plutôt linéaire où l'illustration tient la place la plus importante: le texte n'existe que pour amorcer le récit des images d'un foisonnement de détails hallucinants. L'enfant, comme l'adulte, prennent plaisir à scruter les dessins où les tranches de la vie quotidienne sont multiples et parlants. Ainsi, les jeunes lecteurs partent-ils à la rencontre d'une culture étrangère fascinante, découvrent-ils une ville et un village qui malgré quelques références communes sont loin de ressembler à ce qu'ils peuvent connaître. Les minuscules détails n'échappent pas au regard aiguisé des enfants: une affiche collée sur la porte d'un magasin est ôtée en fin de récit...pourquoi? Par qui?

Autant de détails qui amènent à s'interroger sur le sens de l'histoire, la présence utile ou non des images, en quoi l'image apporte-t-elle une autre dimension au texte ou remplace-t-elle ce dernier. C'est cette richesse iconographique qui donne une force à l'histoire et une place, malgré tout importante, à la petite Sori que l'enfant peut suivre à chaque page.

Une très belle découverte et une riche ouverture sur une autre culture: l'enfant découvre que la mémoire envers les disparus n'est pas la même partout, que la nature est encore très présente dans les rites festifs de certains pays, qu'en Asie il y a un arbre protecteur à l'entrée de chaque village, esprit tutélaire et bon!


Album traduit par Noëlla Kim


Chuseok Bonus:

Chuseok (fête de la moisson) se célebre dans toute la Corée et est une des fêtes les plus importantes avec Solnal (nouvel an lunaire). Un éxode massif, tout le monde retourne dans son village d'origine pour retrouver sa famille (en général chez le doyen) et ainsi remercier les anciens de l'abondance des récoltes.Les autoroutes de Seoul sont saturées, environ 1.5 Millions de voitures ont circulés hors de la capitale.On y goute des plats typiques pour cette occasion, les Tteoks (patisseries coréennes), Songpyeon (petits pain fourré aux haricots, chataignes, soja...).


Chuseok est également connu sous le nom de "Hangawi" qui signifie "la moitié du mois d'août" (15 août), selon le calendrier lunaire. Chuseok fait partie des trois jours fériés majeurs en Corée avec Seollal et Dano. Reflet du passé agraire de la société coréenne, Hangawi marquait le jour pendant lequel les Coréens remerciaient leurs ancêtres pour la récolte et en partageaient les fruits avec leur famille et amis.
Bien que l'origine exacte de Chuseok soit inconnue, Chuseok serait né d'un ancien culte voué à la lune. La présence du soleil était jugée naturelle mais celle de la pleine lune, une fois par mois, était perçue comme un bon présage. Le 15 août était le jour où la pleine lune était la plus impressionnante, ce jour devint donc une des fêtes les plus importantes du pays.


L'avis de Ricochet

lundi 16 mars 2009

Pour clore la quinzaine poétique


LES PREMIÈRES FLEURS

(« Die ersten Blumen »)


Là-bas, près du ruisseau,
Où les saules rouges vers l’eau
Penchent leur front, en abondance
Des fleurs d’or ont ouvert les yeux.
Pour moi qui dès longtemps ai perdu l’innocence,
Se peut-il qu’en ces lieux
Dans le regard des fleurs le souvenir renaisse?
J’y vois le reflet d’or de ma jeune saison.
J’étais venu cueillir des fleurs, mais je les laisse
Et, vieil homme à présent, je rentre à la maison.


Hermann Hesse

(Poèmes choisis, José Corti, 1994)
NB: J'ai pris cette photo hier après-midi lors d'une promenade ensoleillée dans la campagne où se parent les saules sur les talus d'un bocage qui survit!

dimanche 15 mars 2009

Hymne à l'amitié


Hélène, jeune femme de 41 ans, a été emportée par un cancer. Une immense amitié liait l'auteur à cette dernière, commencée autour d'un verre sur la terrasse d'un bar très connu de Rennes (le Picadilly), devenue chaque jour un peu plus profonde pour se développer en une relation indéfectible où respect, admiration et érudition se mêlent et s'enchevêtrent.
La première partie du récit est celle de la rencontre, de la naissance de leur amitié, de leur passion intellectuelle commune pour un auteur (elle Proust, lui Gracq), les racines brestoises, les sorties, les soirées à refaire le monde et à disserter sur la littérature, les lectures, les films, les musiques. C'est le temps des études, d'un rêve qui se réalise à Venise, en robe du soir, la vie mordue à pleines dents, la certitude d'exister, de sentir les parfums les plus subtils d'une vie qui sans cesse s'échappe devant soi. Les rues de Venise mènent aussi aux rues de Paris, celles que l'on ne peut apprécier et découvrir vraiment qu'à pieds, piéton de l'histoire, piéton de la mémoire, piéton du cours du temps. Hélène, jeune femme entière, sans concession, passionnément fidèle, insubmersible amie, indéfectible petite branche d'un solide rameau familial, Hélène qui vaillamment apportera le savoir (son savoir, les savoirs) à ses élèves, leur offrant les plus belles pages de la littérature française sans les faire sombrer dans le mortel ennui des cours.
La seconde partie est la plus sombre car sur elle pèse la maladie, la souffrance et la douleur d'être un jour séparé de ceux que l'on aime. Hélène a rencontré un marin et est retournée sur Brest pour vivre avec lui et construire une vie à deux. Tout est splendide face à la rade ou du pont de Recouvrance d'autant qu'un cadeau du ciel est annoncé pour novembre....l'enfant tant espéré. Pourquoi la tragédie s'abat-elle sur le bonheur à peine entamé? Hélène connaît peu à peu l'enfer de la chimio, l'horreur de la perte des cheveux, ses cheveux masse magnifique souple, quasi vivante, puis l'angoisse de la perte d'une partie de sa féminité. Le narrateur conte les jours heureux, les jours où Hélène ne souffre pas, où elle se lance dans des projets, où elle pense pouvoir reprendre le chemin du lycée. La gaieté et le sourire d'Hélène sont autant de poignards dans le coeur de ceux qui resteront.
Philippe Le Guillou emmène dans son sillage un lecteur touché, bouleversé par la subtilité poétique du récit d'un départ annoncé: très vite, il sait que l'histoire ne s'achève pas bien, que l'histoire est douloureuse et profondément triste. La maladie, terrible, insaisissable et désespérement présente, n'est pas déclinée à la manière sirupeuse d'un récit voyeuriste. Loin de là se situe le récit du narrateur: la poésie est à fleur de mot et de page, elle virevolte, beauté radieuse d'une langue travaillée de la manière la plus exquise, ciselée et ornée sans lourdeur, et transcende la douleur des faits. Ecrire sur une longue et lente maladie incurable n'est pas un exercice facile et Philippe Le Guillou offre non seulement la plus belle des déclarations d'amitié à l'amie qu'il n'a plus mais encore il écrit une très belle page de littérature où la langue est aimée, choyée, dansante, chantante, lancinante de beauté et devient un chant dont l'auteur aimerait "qu'il n'eut pas la froideur mallarméenne". D'ailleurs, son récit est un ultime cadeau pour celle qui ne pouvait être allongée que dans "un lit de lumière, une nef enchantée qui l'emmène loin, dans la tradition ophélienne des dérives celtiques.". Ce chant est tout sauf d'un froid mallarméen, il est une ode aux mythes celtiques, chers à Hélène mais aussi chers à l'auteur: les promenades dans les légendes de la forêt de Brocéliande, les balades étranges sur les landes mystérieuses d'une côte déchiquetée et sauvage, accompagnent le dernier voyage d'une jeune femme et d'une jeune mère partie trop tôt.
"Fleurs de tempête" est un roman, certes poignant, d'une subtile poésie qui évite au récit de sombrer dans le pathos et surtout qui offre la part belle à une exquise langue française dont on ne se lasse pas!...Et Philippe Le Guillou, un auteur qui mérite plus qu'un détour!




vendredi 13 mars 2009

Il n'y a pas d'âge pour apprendre



Demain, presqu'aux aurores, je rassemble mes ingrédients et mon matériel pour aller préparer ma pâte à crêpes et ma pâte à galette de blé noir en compagnie de plusieurs "stagiaires" à St-Agathon, sous la houlette de Marcelline, spécialiste de la bilig.


Préparer la pâte...pas de problème, fastoche, je sais faire. Mais étaler la pâte, sans faire d'affreux pâtés, sur la bilig....voilà une autre histoire. Histoire qui se déroulera l'après-midi autour des biligs (ou krampouz), dans le cadre d'un atelier cuisine organisé par l'association "En bout de table".



Vu comme ça, tout paraît facile, n'est-ce pas! Réponse demain...
Bon début de week-end à tous!

jeudi 12 mars 2009

Rires et rimes


Encore quelques jours pour savourer ce Printemps des Poètes!

Ce soir, je vous offre un poème de Raymond Queneau:


Pour un art poétique


Prenez un mot prenez en deux

faites les cuir' comme des oeufs

prenez un petit bout de sens

puis un grand morceau d'innocence

faites chauffer à petit feu

au petit feu de la technique

versez la sauce énigmatique

saupoudrez de quelques étoiles

poivrez et mettez les voiles

Où voulez vous donc en venir ?

A écrire Vraiment ? A écrire ?

mercredi 11 mars 2009

Album chanté


Je suis une adepte des éditions Didier Jeunesse depuis bien longtemps. J'aime particulièrement la collection Pirouette qui met en scène et donc en images les comptines et chansons immémoriales. Ainsi ai-je déjà fait goûter à mes élèves le plaisir de "Dans la nuit d'Halloween" (qui met à la sauce courge la ronde dansée de "Tous les légumes..."), "J'aime la galette", "Le roi Dagobert" et "Le loup et la mésange".

Bientôt, ils auront la joie de découvrir "A la volette"!

Le texte est connu et archi connu mais les illustrations de Cécile Bonbon changent complètement de ce que l'on l'habitude de voir sur cette chanson. Elles sont réalisées à partir de photos où les animaux, la nature, les personnages secondaires, sont faits avec des tissus de différentes matières offrant la vision très agréable de relief voire de volume. Le petit oiseau est un patchwork de tissus, l'arbre en toile de jute et ses feuilles en tissu fin peint, les chenilles sont en "macarons" au tricot (les différentes laines sont autant d'effets divers...on n'a qu'une seule envie: toucher!!), le voile de la mariée en tulle blanc et plumeties blancs, les coccinelles sont à croquer, les champignons plus que trognons...bref un sublime "raconte-tapis" de haute volée dont on tourne les pages!

"A la volette" est un album plaisir, bonheur, d'une richesse et d'une beauté merveilleuses: les détails sont réalisés avec le plus grand soin (l'aile cassée est légèrement décousue) et permettent un enrichissement lexical certain...sans compter le voyage dans l'imaginaire des textures!

A lire et à chanter, sur le canapé, dans un rayon de soleil, un bel après-midi de printemps. Et lorsqu'en plus le Beau et le Poétique sont là, il ne faut surtout pas s'en priver!
Le site de Cécile Bonbon ici (merci Armande!!)
L'avis de Emmyne

La solitude du coureur de fond


Emil sort tout juste de l'adolescence lorsque la Tchécoslovaquie est envahie par les armées du IIIè Reich. Il travaille dans une des usines de chaussures Bata, il n'aime pas vraiment le sport et encore moins courir. La guerre passe, lointaine pour Emil. Les chars russes libèrent son pays, une nouvelle époque commence: le communisme apporte joie et bonheur au peuple. Emil, toujours souriant et discret, travaille chez Bata et malgré son manque d'attirance pour le sport, se lance afin de ne pas déplaire et parce qu'il est discipliné, à participer à une course à pied. Ce sera le début d'une aventure hors du commun pour Emil qui ne s'appelle pas encore Zatopek. En effet, Jean Echenoz fait du mythique coureur de fond tchèque, le héros de son dernier roman.
Emil Zatopek, une légende, la légende de la course de fond, au style hallucinant tout en faux rythme, en déhanchement et en désordre: comment parvient-il à atteindre cette puissance de jambes, de coffre, tout en étant que souffrance sur le visage et arriver à peine essoufflé après une course sans concession? Il court et nous courons avec lui, nous souffrons, nous suons derrière lui, en compagnie de tous les sportifs qu'il laisse sur place. Nous regardons cette formidable machine à courir, sereine, souriante, d'un incroyable calme et d'une immense modestie, cette locomotive tchèque aux 18 reccords, héros improbable des JO d'Helsinski en 1952!
"Courir" est le récit du parcours d'un homme d'exception, étendard d'un système, modèle d'un idéal de combativité qui chutera lorsque l'envie de courir aura disparu, lorsque trop d'utilisation de son image, de son talent, l'aura usé, érodé et amoindri. Zatopek a été un étonnant outil de communication pour le régime communiste, une porte ouverte pour prôner l'avènement d'un monde nouveau. La légende, établie d'abord à l'intérieur des frontières tchèques avant d'éclater sous la pâleur d'un jour scandinave, a été instrumentalisée et derrière l'uniforme du lieutenant Zatopek, homme mélancolique au regard parfois lointain, se cache sans doute une individualité qui inquiète: peu à peu, Emil a du mal à courir ailleurs que dans le bloc de l'Est. Jusqu'au fameux printemps 1968, Emil vit une vie tranquille de sportif de l'Est mais la venue de Dubcek à la présidence de la République socialiste tchèque va bouleverser son existence! Le souffle d'un vent de liberté allège ses foulées et illumine son regard mélancolique. Las, le rêve prend vite fin et Zatopek est envoyé travailler dans une mine d'uranium après avoir été radié et de l'armée et du parti communiste. De retour à Prague en qualité d'éboueur, il est contraint de rédiger son auto-critique ce qui lui permet d'accéder à un petit pardon de l'Etat et d'obtenir un poste d'archiviste, au fin fond obscur du Centre d'information des sports...lui qui illumina le sport tchèque! La réalité est parfois d'un étrange cynisme.
Jean Echenoz, avec une immense tendresse et admiration pour son héros, dresse le portrait, ni blanc, ni noir, sans doute un peu gris, d'un homme ordinaire, sans qualité extraordinaire, qui connut un destin unique: la maîtrise parfaite, malgré un style déplorable, inesthétique et a priori peu performant, de la course de fond qui en fit une légende.
Un roman agréable à lire dont le personnage principal, figure sportive épique s'il en est, est des plus attachants!

Je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager ces images, belles et poignantes à la fois, d'un Zatopek sans détour (même sous l'uniforme) grâce à Youtube ICI .







dimanche 8 mars 2009

Bush australien


Deuxième incursion dans le monde du polar australien et j'en sors ravie! Je découvre l'écriture de Upfield et ses descriptions saisissantes de la brousse australienne, toile de fond tremblant de chaleur d'une succession de disparitions dans un élevage extensif de moutons.
L'inspecteur Bonarparte, dit Bony, est diligenté dans le bush australien pour enquêter sur la disparition d'un homme, Ray Gillen, au cours d'une baignade nocturne dans le lac Otway. Ce lac est particulier: il se forme tous les vingt ans et a une durée de vie de trois, quatre ans...un phénomène étrange et presque sacré. Bony a une couverture: il est dresseur de chevaux, recruté par le grand propriétaire de l'élevage. Bony a une particularité: il est métis, ses ancêtres maternels sont aborigènes et il a reçu en héritage la patience, l'envie de courir la brousse et un regard empreint d'une rare humanité sur les êtres et les choses.
D'emblée, Bony saisit l'intensité du malaise qui règne sur le domaine: tout le monde se guette, tout le monde est sur le qui-vive, tout le monde attend avec impatience et angoisse la disparition inexorable du lac. L'attente, à la limite du supportable, de voir s'évaporer les ultimes gouttes d'eau pour enfin retrouver les restes de Gillen et faire main basse sur son magot.
Une partie incroyable de pocker-menteur se construit autour des protagonistes: les deux femmes, la mère et sa fille adolescente, éléments déstabilisateurs de l'harmonie d'avant leur arrivée, avides de pouvoir et d'argent, rivalisant de séduction jusqu'à se détester; les "cow-boys" des moutons, l'homme à tout faire, le régisseur et le trappeur anglais, note étonnante et amusante du tableau. Qui a profité de la mort, accidentelle?, de Gillen pour embarquer et cacher le magot de ce dernier? Qu'attendent-ils, tels des charognards, autour de ce lac en partance?
Bony, observe, note, sourit, discret mais incisif, sous le soleil insoutenable des grandes chaleurs australiennes. La fournaise devient chaque jour plus torride, l'eau du lac s'évapore inexorablement, les oiseaux migrateurs préparent leur dernier vol dans une cacophonie nocturne des plus criardes et la nature est en attente d'un long sommeil.
Le huit-clos à ciel ouvert, sous la chaleur meurtrière, se déroule entre évaporation du lac, piégeage des lapins, effrayants par leur multitude, et tâches quotidiennes auprès des chevaux et des moutons. Upfield baigne son lecteur dans le voile opaque et irritant de la poussière des chemins et des routes, l'entraîne dans l'immensité du bush qui isole l'humanité parmi les moutons, les lapins, les kangourous et les oiseaux. On vit la sécheresse, on transpire et on halète à l'ombre des poivriers, on se rue dans le réservoir pour trouver une once d'eau fraîche, on est collé aux éléments et à l'atmopshère extrêmement bien rendue de cette brousse sèche et tentaculaire, dans une Australie des années vingt.
Un roman policier comme je les aime: fouillé, bien construit avec le deus ex machina final qui éclaire les souspçons que le lecteur a pu avoir en cours de lecture!


Roman traduit de l'anglais (Australie) par Michèle Valencia


Roman policier lu dans le cadre du défi Littérature policière sur les 5 continents


Les avis de Allie petitepom sophie




Art postal et créativité



(Réalisation de Michèle Guillemin)

Samedi dernier au cours du dîner, Jean-Pierre, notre hôte, nous a parlé de son projet d'exposition sur l'art postal et nous a montré les belles réalisations qu'il a déjà reçues.


Je profite de l'espace offert par Chatperlipopette pour relayer son appel à la créativité...je sais qu'il y a parmi les blogueurs qui viennent faire un tour par chez moi des personnes aux doigts de fée et à la grande créativité.

Qu'est-ce que l'art postal ou mail-art? Pour en savoir un peu plus cliquez ici et encore

Le projet de Jean-Pierre:




Le bleu, c'est l'air et l'eau, le jour et la nuit, la paix, la musique et les hommes libres, son histoire et ses débuts difficiles, sa symbolique, sa poésie 'O bleu' , ses nuances, ses expressions....

"Appel à 'Projet Art Postal' "

Le Bleu dans tous ses états.


Techniques et formats libres. Pas de retour.

Date limite des envois: 15 avril 2010.

Ouvert à tous.


Une exposition aura lieu en juin 2010 à la Médiathèque de PLEGUIEN (22290)

Adressez vos envois à: Jean-Pierre DESVIGNE Kerly 22290 Pléguien - France -

Aussi, si vous vous sentez la fibre artistique et créatrice, vous pouvez rejoindre ce beau projet!


Jean-Pierre a créé son blog afin de mettre en ligne les merveilles qu'il a reçues...et c'est ICI .

Journée de la Femme et Printemps des Poètes



Une jolie conjugaison de deux domaines qui me tiennent à coeur!


Aujourd'hui, un poème de Louise Labé.




Diane étant en l'épaisseur d'un bois




Diane étant en l'épaisseur d'un bois,
Après avoir mainte bête assénée,
Prenait le frais, de Nymphes couronnée.
J'allais rêvant, comme fais mainte fois,

Sans y penser, quand j'ouïs une voix
Qui m'appela, disant : Nymphe étonnée,
Que ne t'es-tu vers Diane tournée ?
Et, me voyant sans arc et sans carquois :

Qu'as-tu trouvé, ô compagne, en ta voie,
Qui de ton arc et flèches ait fait proie ?
- Je m'animai, réponds-je, à un passant,

Et lui jetai en vain toutes mes flèches
Et l'arc après ; mais lui, les ramassant
Et les tirant, me fit cent et cent brèches.


Louise Labé (in sonnets) 1524-1566
Anonyme (16ème siècle)

samedi 7 mars 2009

Poème du jour

Ce Printemps des Poètes est consacré au rire en poésie. Je ne peux résister à l'envie de vous faire partager un poème en prose de Joël Bastard, l'auteur invité cet après-midi par ma petite bibliothèque de St-Agathon (je rappelle, autour d'un thé et de gourmandises!). Il y a de l'haïku dans ces phrases-là!



L'homme de lettres regarde la lune en élaborant une phrase précieuse tandis que son grand-père à l'abri de la nuit flatule entièrement un repas de fèves blanches les deux mains posées sur le mur d'un poulailler.

Joël Bastard in Casaluna (Gallimard)

Prix des lecteurs du Télégramme


Voilà, aujourd'hui, la 7éme édition du Prix des lecteurs du Télégramme est lancée!

10 titres sélectionnés qui aiguisent l'appétit du lecteur.


Fleurs de tempête de Philippe Le Guillou, en cours de lecture (le style est léché et la langue poétique!)

Les déferlantes de Claudie Gallay, il m'attend dans ma PAL depuis pas mal de temps et je m'en délecte d'avance!

Les années d'Annie Ernaux, je n'ai plus d'excuse pour en reporter la lecture!

Le soldat et le gramophone de Sasa Stanisic, déjà lu et hautement apprécié!

Le Montespan de Jean Teulé, j'avais adoré "Je, François Villon" donc je pense ne pas être déçue. Les avis sont très partagés, voire controversés, au sujet de ce roman...la lecture n'en sera que plus pimentée. Par ailleurs, ma libraire m'a fait l'article sur ce roman et a titillé ma curiosité!

Bilal sur la route des clandestins de Fabrizio Gatti, inconnu et donc perspective d'une belle découverte.

Même le mal se fait bien de Michel Folco, là aussi, inconnu donc découverte!

Dans la ville des veuves intrépides de James Canon, les billets lus parci parlà sont alléchants et j'ai hâte de me plonger dans cette lecture.

Courir de Jean Echenoz, dont j'ai terminé la lecture hier soir. Mon billet sera bientôt en ligne.

Cours Dajot de Gilbert Gasparutto, également auteur inconnu. Plutôt un roman dit "régionaliste" (pas au sens politique du terme, bien entendu, mais de terroir) que je découvrirai bientôt avec à la clé, peut-être, une bonne surprise.


Comme chaque année, la sélection est éclectique, s'adresse au plus grand nombre tout en permettant de découvrir des romans qui n'ont pas eu l'éclairage médiatique qu'ils méritaient (comment surnager dans la multitude des sorties d'automne, de janvier et de printemps? Les éditeurs se lancent-ils sur les pas de la haute couture et lanceront-ils rentrées littéraires à chaque saison?).