mardi 5 décembre 2006

La gelée de mûres


Une envie de coucher sur le papier, les instants fugaces de la mémoire...

Souvenirs, souvenirs d'une enfance, d'une adolescence, d'une vie.

Un soir, en parlant avec un cher inconnu, par écran interposé, Mamie est arrivée dans la conversation. Tout avait commencé par l'image d'une mûre....

C'était il y a longtemps. Le temps des nattes sages, des insouciances joyeuses d'une fillette qui se perdait dans les livres.

C'était une fin dété. L'air sentait la rentrée des classes, les retrouvailles avec les copines, le cartable rempli d'odeurs sérieuses.

C'était un bel après-midi. Brillant des derniers feux de l'été. Début d'été indien breton.

Une balade à bicyclette, Mamie marchant à mes côtés.

Des paniers en prévision de la récolte des mûres.

Dans les haies roncières, cette odeur si particulière, reconnaissable entre mille: celle des mûres, confites par le soleil, attirant le bourdonnement besogneux des abeilles, des bourdons...bzz,bzz...silence, travail, récolte des sucs...bzz,bzz...envol vers d'autres têtes noires gorgées de jus pourpre.

Les paniers se remplissent au gré des ronciers, au gré des chemins, au gré des fossés.

L'odeur devient entêtante et alléchante.

Rires aux morsures des épines....les mûres se méritent...toujours...

Peur de renverser la précieuse récolte...

De temps en temps, rencontre avec des voisins, bavardages futiles, paroles diffuses....la vie...la vie sociale d'une campagne aux portes de la ville...une chaleur impromptue, parfois inopportune.

Doux échos lointains d'une tranche de vie.

On revient tout de pourpre taché...heureux de s'être égratiné et d'avoir englouti moult baies noires...

Retour à la maison. Fraîcheur de la cuisine. Tintement des casseroles. Cristallin des saladiers. cascade d'eau. Chuchotement des mûres rafraîchies.

Ainsi commence la gelée!!!

Je regarde le faitout en fer blanc. J'y mets les mûres, qui murmurent leur mur de verdure.

Chanson des bulles pourpres.

Cascade du jus parfumé.

Le torchon blanc devient mauve, les petites baies moût violet.

Les pots se remplissent, lisses, onctueux.

On ne résiste pas à l'envie d'y tremper un doigt. On se brûle un peu. Mais le bonheur est intense, le palais joyeux, les papilles en fête.

Les pots de referment, se retournent, se rangent...la gelée, doucement, suavement se fabrique!!!!

Demain matin, les tartines auront un parfum de fin d'été. Un parfum d'été indien breton. Un parfum de rentrée des classes. Un parfum de cartable encré.

Mamie s'éloigne doucement...une cuiller en bois dans une main, un torchon blanc dans l'autre...un sourire aux lèvres.

Une jeune femme apparaît, une cuiler en bois au-dessus d'une bassine en cuivre. Les bulles pourpres chantent. Les pots bientôt se rempliront de gelée et de souvenirs.Saveurs subtiles de l'enfance et de mûres qui murmurent leur mur de verdure.

Lentement, suavement, la gelée s'imagine.

Demain matin, les tartines auront le goût de l'enfance d'une fin d'été, du sourire d'une grand-mère tant aimée.

Demain matin, la vie aura la couleur violette des encriers du passé.

Eternité improbable du temps qui passe sans se retourner.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

on en salive d'avance.....
mûres mûres......murmures!