jeudi 13 mars 2008

C'est l'histoire d'un mec qui....


"C'est l'histoire d'un mec qui...." pourrait dire Coluche. En effet, c'est l'histoire tragi-comique d'un homme qui court après un emploi stable et gratifiant. Il a en poche une licence de lettres qui ne lui sert strictement à rien et une envie de s'installer dans la vie: avoir une maison, une femme, des enfants et pourquoi pas écrire Le Grand Roman Américain! Hélas, mille et une fois hélas, ce sera la course à l'échalote: 42 petits boulots en 10 ans à travers les Etats-Unis. De la pêche en Alaska, ce bout du monde où le froid, le sel et le dur labeur se disputent au mirage des dollars vite amassés, à chauffeur de poids lourds ou déménageur, rien ne lui sera épargné! "Sans m'en rendre compte, je suis devenu un travailleur itinérant, une version moderne du Tom Joad des "Raisins de la colère". A deux différences près. Si vous demandiez à Tom Joad de quoi il vivait, il vous répondait: "Je suis ouvrier agricole". Moi, je n'en sais rien. L'autre différence, c'est que Tom Joad n'avait aps fichu quarante mille dollars en l'air pour obtenir une licence de lettres."
On suit les tribulations de Iain Levison avec horreur mais aussi avec un sourire, voire des rires, aux lèvres: point de mirabilisme, de gémissements, de pleurs ou d'apitoiement sur soi, mais une sacrée dose d'humour corrosif! Cette dernière lamine le rêve américain (en fait le capitalisme échevelé) en moins de temps qu'il faut pour le dire et avec plus d'efficacité qu'en larmoyant! Cela se passe aux Etats-Unis mais pourrait aussi bien se passer en France...le surréalisme des situations ne paraît guère éloigné!
Ce qui est frappant dans ce récit, c'est la croyance profonde des petites gens de pouvoir faire fortune très vite en créant sa propre entreprise ou en investissant dans des projets attrayants (qui se révèlent être de véritables attrape-nigauds!). La réalité, triste à pleurer si elle n'était contée avec un humour décalé, entraîne les rêves les plus fous dans les abysses de la déception et de l'éreintement à la tâche! Ah! l'épisode du déménageur "associé" (hummm une terminologie finement étudiée pour faire accroire un état de fait inexistant: la possibilité d'être son propre maître et maîtrisé le travail!) qui doit respecter des délais plus fous les uns que les autres au nom de la performance....irréalisable mais toujours vantée. Ou encore, celui de l'artisan plombier qui trouve une fin tragique pour avoir voulu tenir ces fameux délais irrationnels! On en rit, pour ne pas en pleurer, mais c'est une immense tragédie car le gâchis humain est incommensurable.
Iain Levison pointe le regard sur la plus perverse des logiques du libéralisme: changer d'appelation un travail pour donner l'impression de progresser socialement alors que dans les faits c'est toujours "travailler plus pour gagner moins"! La liberté d'entreprendre permet à certains rapaces du monde du travail d'abuser de la détresse des "précaires", qui souhaitent avoir une vie stable, normale, en les faisant payer au prix fort des séminaires bidons, des postes d'associés inexistants qui se révèlent être un miroir aux alouettes. Et surtout, les clauses en tout petits caractères sur les contrats d'embauche (qui font plus d'une dizaine de pages!) où l'embauché découvre qu'il ne bénéficie de l'assurance maladie qu'au bout de 90 jours....délai qu'il n'atteint que très rarement car soit il aura quitté son "job", soit il aura été viré, pour une faute anodine mais essentielle, de son "job" grâce à la vigilance mesquine d'un chef (payé pour cela)! Bienvenue dans le monde merveilleux des faux-semblants et des vraies tragédies: on pleure et on rit car l'humour sauve de tout et surtout du pire!


Récit traduit de l'anglais (USA) par Fanchita Gonzalez Batlle



9 commentaires:

Anonyme a dit…

Je crois que j'aimerai ce ton décalé, je note.

Anonyme a dit…

Humour, oui, mais humour noir car ce n'est vraiment pas drôle ce qu'il raconte, et c'est bien réel aux USA (et bientôt en France...)

Michel a dit…

Si cela arrive en France, va t on enfin avoir des écrivains ???

Katell a dit…

@gambadou: j'ai beaucoup ri en le lisant.
@cathe: c'est de l'humour noir, très noir, c'est évident et cela ne rend pas l'avenir joyeux quand on voit ce qu'il se passe chez nous avec l'augmentation de la précarisation.
@michel: alors, il faudra qu'ils connaissent ce genre de situation pour pouvoir bien en parler :-p !!!

Anonyme a dit…

rire pour ne pas pleurer... déjà ! mais jusqu'où s'arrêteront-ils ? ;-)

Katell a dit…

je me demande s'ils comptent s'arrêter en si bon chemin. A priori ce n'est pas encore au programme....hélas!

Anonyme a dit…

Oui on rit mais en même temps on est consternée par la stagnation de sa vie : le livre se termine exactement comme il a commencé, par l'épluchage de petites annonces peu reluisantes, avec quelques illusions/plumes en moins. Je ne peux que constater la similitude avec ma vie, et celle de beaucoup de diplômés actuellement j'imagine. Quand la seule certitude est d'être vacataire en centre d'appels...

Katell a dit…

@canthilde: j'en suis bien consciente...même si je suis à l'abri de ce genre de tribulations (je suis fonctionnaire) mon cher et tendre fait partie des précaires.

Anonyme a dit…

Je survole ton billet vu que je compte bien le lire !