vendredi 18 juillet 2008

Les imaginaires ont leurs parfums

Depuis plusieurs mois j'ai délaissé l'excellente initiative de Vanessa: les passeurs d'imaginaire. En mai-juin, le thème mettait les parfums à l'honneur et en illustration, Vanessa a mis l'affiche du film "L'odeur de la papaye verte", film que j'avais adoré!
Les parfums, les senteurs, accompagnent tous les âges de la vie.

L'odeur maternelle est la première à nous accueillir lors de notre entrée dans le monde, odeur inscrite au plus profond de notre mémoire, au plus profond de nos sens. Elle ne nous quittera jamais même si nous l'oublierons, ou plus exactement nous croirons l'oublier.
Peu à peu, les odeurs, les senteurs et les parfums du monde construisent notre mémoire olfactive des lieux, des êtres, des mets ou des paysages.


Qui ne se souvient pas de l'odeur particulière de la rentrée des classes? Les tables portent encore les senteurs de l'été qui s'achève, celles de la solitude silencieuse des lieux du savoir, celle des armoires fermées où dorment, patients, cahiers et crayons, règles et fusains, feuilles et gommes, livres et manuels.




L'été apporte une large contribution à l'éventail des parfums. Le soleil éclatant sous lequel mûrissent les blés d'où s'échappe une odeur sèche et craquante de céréale. La pluie estivale sur la route goudronnée fumante et exhalant sa lointaine senteur de champ pétrolifère. La terre humide de l'averse passée libérant son parfum musqué d'humus et d'entrailles où croissent racines et radicelles. L'été c'est aussi l'odeur des melons qui mûrissent dans les compotiers, celle des fraises et des cerises, des abricots et des pêches dans lesquelles nous mordons à pleines dents, celle des mûres que nous cueillons sur les talus, entêtante et miellée.


Ma mémoire olfactive me rappelle l'heure du goûter alliant l'odeur du chocolat en barre ou de confiture à celle du lait perlant aux mamelles des vaches, à la campagne, peu de temps avant la traite. Mais aussi celle du foin fraîchement retourné, celle de la terre nouvellement labourée.
Je me souviens des odeurs chaleureuses de la cuisine où ma mère s'affairait en rentrant du travail: je faisais mes devoirs dans ma chambre et dégustais par avance le repas du soir....même l'odeur des endives au jambon me faisait saliver alors qu'une fois dans mon assiette, elles représentaient un vrai calvaire!


Les livres savent prendre au piège le nez de celui ou celle qui se laissera prendre au parfum envoûtant des pages dormant sur l'étagère d'une librairie.
Il est des parfums désagréables mais pas rebutants pour autant: celle du fumier, celle des feuilles qui lentement pourrissent, celle de la rivière suant sa vase sous le soleil, celle de la sueur des enfants au retour d'une récréation active faite de courses et de roulades sur le bout de pelouse de la cour.

Il est des senteurs inoubliables: celles de l'intimité de deux corps qui se rencontrent dans la moiteur sensuelle, découverte sans cesse renouvelée, éternel émerveillement.

Il est des voyages sans fin au gré des parfums rencontrés au hasard des rencontres, des chemins, des routes ou des êtres. Les odeurs sont aussi des carnets de voyages de l'invisible et de l'indicible qu'une fragance inopinée fait rejaillir à la surface de la mémoire. Ces senteurs enfouies ou juste recouvertes d'autres parfums, sont les soubassements, les fondations et la charpente de chacun d'entre nous...elles nous façonnent, jamais à l'identique, et font de nous ce que nous sommes et ce que nous deviendrons. Une partition d'effluves, d'arômes et de bouquets apaisants ou entêtants, agressifs ou lénifiants, musique transparente et muette des épidermes et des corps.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

ça sent bon chez toi ! ;-))) Bon week-end !

Katell a dit…

Tu trouves? Alors, c'est que mon billet a réussi à faire sentir toutes les fragances de mes souvenirs ;-)
Merci d'être passée chez moi. Bon week-end à toi aussi :-D

lamia a dit…

Oui c'est vrai ça sent bon... je m'asseyerais bien à la table de ton goûter, ou me ballader et sentir le lait frais...ce billet est un doux rafraîchissement.

Anonyme a dit…

Après un aussi joli billet, Katell, allez, tu peux avouer : tu es une disciple de Patrick Süskind, qui a écrit ce livre (superbe) "Le Parfum" ! Bon dimanche (le nez au vent breton ??)et à bientôt !

Katell a dit…

@lamia: merci :-) C'est amusant mais à chaque fois que je me promène en campagne, vers cette heure du goûter, je sens l'odeur du lait perlant au pis des vaches!
@turquoise: j'ai adoré le roman et été subjuguée par le film. Seulement, je ne suis pas un nez, hélas. Mais les odeurs, senteurs, arômes, fragances et autres sensations olfactives sont essentielles pour moi...donc, oui, je fais partie des fans (le côté meurtrier en moins) ;-)
Bon dimanche à toi aussi :-D

Anonyme a dit…

ah les odeurs... je me souviens d'un crème pour le visage que j'ai ouvert pour la premi_re fois en Hongrie, et chaque fois que je l'utilisais par la suite, je repensais à ce voyage... c'est étonnant la capacité du cerveau à associer une odeur à un lieu, un moment;

VanessaV a dit…

Superbe billet, reprenant les premières odeurs, celles qui nous font voyager, celles qui nous font frémir de passion, celles qui gardent une trace même si elles sont moins agréables mais tout aussi demandées...
Merci de ce partage.

Katell a dit…

@choupynette: ;-D elle est amusante ton anecdote! Merci du partage!
@vanessa: Mais ce fut un très grand plaisir pour moi que de me replonger dans mes souvenirs sensoriels. Merci pour cette belel idée de passeurs d'imaginaire :-D