dimanche 18 avril 2010

Dimanche poétique # 17

Henri Michaux (1899-1984), poète belge naturalisé français en 1955, ensoleilla mes cours de français en Terminale et je ne me lasse jamais de ses trouvailles linguistiques ni de ses jeux de mots plus savoureux les uns que les autres.
Aujourd'hui, je me suis laissée tenter par "Le grand combat", poème dans lequel la magie de Michaux fait virevolter les sonorités au gré des inventions langagières.

Le grand combat

Il l'emparouille et l'endosque contre terre ;
Il le rague et le roupéte jusqu'à son drâle ;
Il le pratéle et le libucque et lui baroufle les ouillais ;
Il le tocarde et le marmine,
Le manage rape à ri et ripe à ra.
Enfin il l'écorcobalisse.

L'autre hésite, s'espudrine, se défaisse, se torse et se ruine.
C'en sera bientôt fini de lui ;
Il se reprise et s'emmargine... mais en vain
Le cerveau tombe qui a tant roulé.
Abrah ! Abrah ! Abrah !
Le pied a failli !
Le bras a cassé !
Le sang a coulé !
Fouille, fouille, fouille,
Dans la marmite de son ventre est un grand secret.
Mégères alentours qui pleurez dans vos mouchoirs;
On s'étonne, on s'étonne, on s'étonne
Et on vous regarde,
On cherche aussi, nous autres le Grand Secret.

« Papa, fais tousser la baleine », dit l'enfant confiant.
Le tibétain, sans répondre, sortit sa trompe à appeler l'orage
et nous fûmes copieusement mouillés sous de grands éclairs.
Si la feuille chantait, elle tromperait l'oiseau.

in Qui je fus Gallimard, 1927



Les compagnons troubadours de Celsmoon vous offrent leurs trouvailles dominicales ici .

1 commentaire:

cathulu a dit…

Un magnifique poème, très sonore!:)