jeudi 28 octobre 2010

La citation du jeudi #8

Un clin d'oeil au Festival du livre breton de Carhaix, qui se tiendra les 30 et 31 octobre 2010: un extrait du merveilleux livre de Louis Pouliquen, "Mon vieux grenier en Bretagne". Des textes d'une grande poésie, d'une splendide sensibilité, regorgeant d'amour pour la terre bretonne, ses traditions et sa culture. Un vrai trésor!
J'ai choisi, saison oblige, un passage du chapitre "Les vents"...les mois noirs "miz du" arrivent à grands pas chez nous.
"Tu vois, les vents, je me les mets dans la poche"
C'était donc cela le secret d'Yves, le mevel braz* de François-Louis, et ce n'était pas le talus qui nous protégeait comme je le pensais du haut de mes sept ou huit ans. Notre grand domestique possédait ce pouvoir extraordinaire de dompter les vents, de les apprivoiser ou, comme il le disait si bien dans son langage imagé de sorcier, de les mettre dans sa poche. (...) Le vent, les vents! Un des noms les plus riches de la langue française. Au singulier ou au pluriel. Le vent, les vents? C'est le souffle, l'air qu'on respire, la caresse de la brise, l'oxygène à pleins poumons. La vie! Mais c'est aussi la tempête, le typhon, la tornade, la bourrasque, la destruction, le désastre, la mort! En un seul mot, à la fois, la vie et la mort. Comme toute plante, en tout être, comme en chacun de nous, le premier souffle jusqu'au dernier. Vie et mort.
Les vents aux noms multiples. De A à Z. Rares, les lettres de l'alphabet qui n'en possèdent pas un. D'autan à zéphyr en passant par bise, cyclone, foehn, galerne, harmattan, khasmin, mistral, noroît, pampéro, sirocco, tramontane. Beaucoup d'entre elles se félicitent d'en posséder un pour se donner de l'air.
Les vents! Un de mes noms préférés. J'aime sur moi la brise dans la chaleur des midis d'été, maintenant à la ville comme autrefois au pas de mes chevaux. Comme toujours, j'adore la tempête des mois noirs dans les branches en agonie. J'adore la vie mais je me pelotonne souvent en moi pour entendre leurs voix qui me parlent de la mort.
Car les vents aux noms multiples ont tous leur langage à eux. A Xavier Grall qui fut mon condisciple et est un poète parmi les plus garnds, ils parlaient et lui soufflaient des mots pour les plus beaux des poèmes car les vents, mes mignonnes, il faut savoir les écouter. Il faut les comprendre pour les apprivoiser pour qu'ils ne deviennent pas ces bêtes déchaînées qu'il devient impossible de dompter." (p 112, 113 et 114)

mevel braz = grand domestique, c'est à dire le plus élevé dans la hiérarchie des ouvriers agricoles, dans une ferme.

5 commentaires:

cathulu a dit…

J'adore ce texte! Pour le compléter, il existe un dictionnaire des noms de vent je l'ai déjà emprunté à la médiathèque, c'est une mine!:)

Marie a dit…

un texte très aérien ! J'adore !

Katell a dit…

@cathulu: je note le titre!!!
@marie: ravie que Louis Pouliquen puisse émouvoir encore :-)

Eireann Yvon a dit…

Je suis content que ce livre trouve une seconde jeunesse...
Yvon

sylire a dit…

Beaucoup aimé ce livre aussi... J'espère que l'an prochain nous pourrons le dire à Monsieur POULIQUEN !
Bon dimanche Katell !