"Déconcertés, les deux Coquillards lèvent les yeux vers l'assemblée. Ses membres ont le maintien sûr, le regard hautain, presque arrogant, des seigneurs et gens de caste. De fait, leur lignée remonte à Alexandre le Grand et Ptolémée qui recrutèrent leurs aïeux afin qu'ils remplissent les étaères de la bibliothèque impériale. Les Juifs, maîtrisant les langues aussi diverses que le grec, le erse, le syriaque ou l'araméen, formés à l'étude des textes, faisaient d'excellents traqueurs de savoir. Après l'incendie qui ravagea Alexandrie, la Confrérie des chasseurs de livres alla vendre ses services ailleurs, à tous les tyrans et grands prêtres avides de science et de pouvoir. Ses agents parcoururent continents et océans pour débusquer les écrits rares ou précieux que briguaient leurs commanditaires. Mais ils trouvèrent une source de revenus bien différente de l'approvisionnement des temples et des palais. Hérétiques, alchimistes et hardis savants les employèrent à sauver leurs écrits des bûchers. Or, pour préserver toute oeuvre des griffes de la barbarie, il ne suffit pas de l'engranger dans une grotte. Il faut en comprendre la portée et le sens, ce qui obligea les chasseurs de livres à tenir une sorte de catalogue raisonné de la pensée humaine. Et c'est ainsi, à force, de génération en génération, que ces mercenaires devinrent malgré eux les gardiens de la sagesse.
Les caves de l'Archivum Secretum Vaticanum, dont la papauté garde si jalousement l'accès, contiennent des documents réunis depuis l'établissement du Saint-Siège. Les collections de la Confrérie de Jérusalem, en revanche, datent d'avant Rome même. Elles recouvrent trois mille ans d'histoire. La Confrérie y conserve des décrets pharaoniques, des édits crétois, assyriens, des annales chinoises, éthiopiennes ou mongoles, des carnets de voyage, des journaux de bord, des manuels de guerre, des traités de médecine, d'astronomie, des essais de philosophie rapportés des quatre coins de la terre. Elle détient même les déclarations de Jésus, transcrites par le prêtre Anân juste avant qu'il ne livre le Sauveur à Ponce Pilate. Ce document est le vrai testament du Christ."
(p 141-142 in "La Confrérie des chasseurs de livres" de Raphaël Jérusalmy)
1 commentaire:
j'avais adore son premier livre...celui-ci me tente aussi...;)
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