1941 la guerre d'usure entre le Reich et l'Angleterre bat son
plein arc boutant les belligérants sur leurs positions : les Anglais ne
lâcheront rien, les Nazis veulent faire plier Albion sous un déluge de feu, de
fer et de sang.
Deux frères jumeaux se retrouvent dans la tourmente, l’un est
pilote de la RAF, l’autre Objecteur de Conscience affecté à un poste d’ambulancier
de la Croix Rouge.
Le lien ? 1936 année des jeux olympiques en Allemagne dominée
par le Chancelier Hitler. Cet été 1936, les frères Sawyer, dotés des mêmes
initiales (JS pour Joseph et Jack Sawyer), représentent le Royaume Uni dans l’épreuve
d’aviron de deux barreurs. Ils décrocheront la médaille de bronze et
rencontreront Rudolf Hess.
Les deux jeunes hommes, parfaitement bilingues, sont hébergés
chez des amis de leur mère, une famille juive qui a perdu tous ses droits. Joe
est le seul à se rendre compte de ce qui se trame réellement en Allemagne tandis
que Jack reste plus naïf.
C’est lors d’une soirée à l’ambassade britannique que Jack
croisera le chemin de Hess avant de rejoindre son jumeau pour rentrer en
Angleterre.
Les Sawyer ne reviennent pas seuls : Birgit, la fille
des amis de leur mère, a été dissimulée dans une cache du camion par Joe. Jack
est très épris de Birgit et n’ose le lui avouer…. Une fois en sécurité en
Grande Bretagne, Joe épouse Birgit, évinçant son frère.
Les deux frères n’ayant pas la même vision du monde, les querelles
naissent jusqu’à les conduire à la rupture définitive.
Tout les oppose au point qu’ils n’ont pas la même perception
de la réalité. C’est le point d’orgue de l’uchronie orchestrée avec maestria
par Christopher Priest.
Pour Joe la guerre s’est achevée en 1941 par la signature d’un
traité de paix entre le Royaume Uni et le Reich. Il en a été un des
participants actifs en tant que traducteur.
Quant à Jack, sa guerre s’est terminée en 1945 quand son
stalag est libéré par l’armée américaine.
Priest construit le parcours parallèle des deux frères en s’appuyant
sur des éléments réels qui rendent les faits plausibles. Par touches subtiles,
maniant l’artifice du « déjà vu » avec efficacité et brio, l’auteur
sillonne les événements en faisant de tout petits pas de côté.
La paix séparée signée en 1941 a impliqué un conflit long,
usant et coûteux aux Etats-Unis, à l’Allemagne et à l’URSS. La Troisième Guerre
a conduit les USA dans un isolationnisme provoquant un marasme économique,
social et culturel tandis que l’Allemagne parvient à se redresser sans doute
parce que Hitler a été évincé manu militari par Rudolf Hess.
La séparation est un roman construit avec une grande habilité,
un roman dans lequel l’intrigue est menée avec une précision qui permet de l’achever
par un dénouement surprenant car c’est au lecteur de choisir ce qu’il souhaite « croire »,
interpréter.
La distorsion subtile du prisme de la réalité vécue apporte
une dimension intéressante au personnage de Joe et à ses relations avec ses
proches. L’éloignement, source de souffrance, de son frère fait que ce dernier
est sans cesse présent. Une même scène se joue plusieurs fois avec des chutes
tellement réalistes qu’elles en deviennent vraies. Or où se situe la frontière
entre l’hallucination et le réel ? Entre ce qui est vécu et rêvé ? La
séparation de la gémellité est-elle le point de la divergente d’un événement
historique ? La faille ouvrant sur d’autres champs des possibles ?
Priest joue sur ces
concepts avec jubilation amenant son lecteur dans le dédale des perceptions.
L’avis de Cyril
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