mercredi 9 juin 2021

Le long voyage de Joey

 


Eté 1914, Albert coule des jours heureux avec Joey, superbe demi-sang acquis, sur un coup de tête et d'orgueil, par son père quelques mois plus tôt.

Les deux compères, après les travaux agricoles du jour, profitent des longues soirées pour parcourir la campagne anglaise. L'amitié entre le jeune garçon et son cheval grandit chaque jour, les liant solidement.

Un jour, le père d'Albert profite de l'absence de ce dernier – il s'est rendu à l'église pour sonner les cloches – pour amener Joey au village où se déroule le recrutement des hommes et des chevaux pour la guerre. L'argent manque à la ferme, Mr Narracott ne peut se résoudre à perdre son bien s'il ne rembourse pas l'hypothèque engagée.

Quand Albert apprend la vente de Joey, il se précipite au village pour s'engager. Las, il n'a pas l'âge requis et doit se résoudre à laisser partir son cheval non sans avoir fait promettre au Capitaine Nicholls d'en prendre soin et de le protéger.

Joey subit un entraînement drastique après le déchirement de la séparation, la routine prend le pas sur les regrets puis l'embarquement le propulsera sur le front.

Lors d'un charge d'un autre âge, Joey perdra son cavalier, le Capitaine Nicholls, tombé au champ d'honneur. Avec Topthorn, son camarade d'écurie, il sera fait prisonnier par les Allemands.

Commence alors une guerre sans merci pour les hommes comme pour les animaux : Joey sera ambulancier, apprécié des soldats car synonyme de sauvetage et de soins, il apprendra la méchanceté des hommes comme leur générosité et leur gentillesse. Lorsque le front changera de ligne, il sera confié, avec Topthorn, à un grand-père et sa petite-fille, Emilie pour couler des jours sereins à labourer les champs puis à récolter le fruit du labeur des hommes. Jusqu'au jour où une compagnie d'artillerie lourde les réquisitionnera pour transporter les canons sur le front : l'horreur absolue sera leur lot quotidien dans le monde devenu fou et enragé, dans un monde où plus rien ne compte en dehors de la victoire et ce quel qu'en soit le prix.


Michael Morpurgo raconte avec poésie et émotion les absurdités, la folie des hommes et les horreurs de la guerre des tranchées. Le narrateur est Joey, le cheval de guerre, ce qui d'emblée indique au lecteur, jeune et moins jeune, qu'il a réussi à survivre au bourbier et à la folie guerrière.

L'histoire est vue par le prisme du cheval ce qui rend plus poignant le récit.

La Grande Guerre est celle des prouesses technologiques dans l'art de la guerre : les chars remplaceront les chevaux, les pilonnages les charges héroïques sur l'ennemi. L'ère de la cavalerie s'achève dans les ultimes charges équestres laminant bêtes et hommes face aux mitrailleuses. Rapidement les chevaux deviennent bêtes de somme pour les transports de troupes, de blessés ou d'artillerie.

Sans mettre en scène l'horreur sans nom du fauchage des soldats lors des assauts, l'auteur, grâce à son héros Joey, pointe, souligne, l'enfer vécu par les hommes et les animaux réquisitionnés.

Joey n'a pas de parti pris, il observe ces hommes soumis aux ordres les plus insanes, ces soldats et officiers qui continuent parce qu'il arrive un point où reculer et baisser les bras est impossible. Dans le chaos, la grâce peut apparaître, fugace et belle avant un déluge de feu et de sang.

Joey voit des compagnons de misère tomber sous les obus, les balles perdues ou les fondrières boueuses : ainsi Topthorn renoncera à lutter, le manque de soins et de nourriture auront raison de sa résistance.

Michael Morpurgo montre que les chevaux étaient importants pour l'armée et mieux considérés que les hommes car ils sont essentiels pour le transport d'armements et de ravitaillement au front. Il souligne également que les soldats ne connaissent pas vraiment le pourquoi de la guerre, que, quel que soit le camp, ils se valent et souffrent de manière identique.

« Cheval de guerre » est un très beau roman jeunesse historique, écrit avec un style qui n'infantilise pas le jeune lectorat, et servi magistralement par les illustrations de François Place. La réussite est remarquable car les dessins montrent, au fil du roman, combien le poids de la guerre est lourd et peut ôter toute humanité. J'ai beaucoup aimé les scènes du quotidien des soldats et des chevaux, le paisible séjour à l'arrière comme la noirceur de la ligne de front.

Une lecture pleine d'émotions et de belles rencontres avec des personnages attachants.

Traduit de l'anglais par André Dupuis

Quelques avis :

Babelio  Histoire d'en lire  Sens Critique  François Place  Ricochet  Délivrer des livres Sophie lit ça  Critiques libres

Lu dans le cadre









2 commentaires:

rachel a dit…

Oh oui l'atrocite de la premiere.....j'evite....punaise en plus avec des animaux....cela me fait fuir....

Cristie a dit…

Cela pourrait plaire à mes CM2 du vendredi !