samedi 2 octobre 2021

Jour bleu


 

Gare de Lyon, au café « Le train bleu », une jeune femme, Chloé, attend l'arrivée d'un homme qu'elle a croisé trois mois auparavant.

Elle est très en avance, elle a plus de trois heures devant elle. Elle s'installe au «Train bleu », commande un café, sort son carnet et observe les gens, les saynètes d'un quotidien plus ou moins rose, note des impressions, des morceaux de vie. Elle se souvient surtout.

L'enfance partagée entre deux maisons : celle du père et celle de la mère. Les passages de l'une l'autre sur les aires de repos puis au fil des voyages en train.

L'amour de la lecture et de l'écriture, ce besoin viscéral de noter les petits riens qui deviendront points d'ancrage, anecdotes familiales, tranches de vie d'écolière, de collégienne puis de lycéenne.


Les tasses de café se succèdent, la ronde du serveur est une chorégraphie au rythme de l'attente. La narratrice est comme une île au milieu du « Train bleu », une île au rivage mouvementé sur lequel les vagues de la mémoire s'échouent joyeusement ou avec tristesse.

Qui attend-t-elle ? Ses souvenirs emmènent le lecteur, un soir Quai de Béthune à Paris, après le vernissage d'une exposition photographique. Il y a de l'électricité dans l'air, une fulgurance, celle du coup de foudre. Une balade, un départ aux allures de fuite en taxi et avant que la porte ne claque ces mots : « Voici l'horaire de mon train de retour, je l'ai déjà réservé, Gare de Lyon, le 19 septembre, 13h17 » (page 89). Descendra-t-il du train ? Se souviendra-t-il de cette soirée toute en sensualité ?

Le tourbillon des souvenirs fait valser le lecteur au bras de la narratrice, les époques se mêlent, se rencontrent et chaque élément nouveau apporte un éclairage sur la jeune femme, assise depuis des heures au « Train bleu ».


Je suis avec Chloé, dans ce café Gare de Lyon et j'attends le train de Lyon en laissant flâner mon regard travers celui de la narratrice. Je suis au cœur de l'éloge, très poétique, de l'attente et de la réminiscence. Et je me rappelle certains voyages en train, ceux d'avant le TGV, au cours desquels le temps s'étire sur les rails et offre mille et une fenêtres d'émerveillement au gré des paysages.

Le train est un lieu d'entre-deux, un temps suspendu pendant lequel on se retrouve face à soi.


Aurelia Ringard avec « Jour bleu » écrit un roman tout en sensibilité, subtilité et intimité. Chloé ouvre son cœur et invite à voyager et attendre avec elle. On s'installe et on partage avec elle ce qu'elle offre avec une retenue tout en délicatesse.

Lorsque Chloé s'est levée pour rejoindre le quai, j'ai eu soudainement peur que le dénouement ne soit pas à la hauteur de l'espérance entretenue tout au long de ma lecture. Peur qui s'envola dès les premiers mots de la chute. Je me retrouvais à l'opéra, spectatrice de « La flûte enchantée » au moment du chant de la Reine de la nuit lorsque tout le monde retient son souffle à l'approche du fameux contre-ut et se détend quand l'obstacle est maitrisé par la cantatrice.


« Jour bleu » est un premier roman très réussi et le talent de son auteure très prometteur. En trois mots … j'ai a-do-ré.


Quelques avis :

Babelio  L'Or des livres  Le petit carré jaune  Marine Stouppou  Mes ptits lus


1 commentaire:

rachel a dit…

Oh j'ai deja mange dans cette brasserie...assez sympa la deco....en tout cas tout un roman qui semble passionnant....