samedi 9 juillet 2022

Les recettes des dames de Fenley

 


1942, l'Angleterre subit le blocus et les bombardements allemands sur Londres. Les restrictions et la peur quotidienne sont le lot des Britanniques. Pour faire oublier les jours sombres et, ainsi, montrer au monde que l'Angleterre ne rompt pas, la BBC organise un concours de recettes à partir des tickets de rationnement. La gagnante obtiendra une place dans l'émission culinaire du célèbre animateur Ambrose Hart.

Le concours se déroulera en trois étapes, à Fenley où Ambrose Hart possède une demeure : entrée, plat de résistance et dessert.

Les concurrentes feront preuve d'ingéniosité et d'inventivité pour épater Ambrose et titiller ses papilles exigeantes.

L'autrice, Jennifer Ryan, s'appuie sur un fait réel, le concours culinaire organisé par la BBC, pour dresser non seulement un portrait vivant d'une campagne anglaise continuant à vivre malgré la guerre, mais surtout de très beaux portraits de femmes, combattantes de l'ombre devant leurs fourneaux.


Audrey Landon, veuve de guerre et mère de trois garçons. Son époux était bohème et artiste peintre, plus altruiste qu'homme d'affaires. Sa disparition, en mission avec la RAF, la laisse sans le sou et criblée de dettes, non loin de l'expulsion de sa maison. Elle emprunte alors de quoi rembourser à sa sœur qui la met en demeure de s'acquitter de l'emprunt. Audrey se lance dans la confection de tourtes aux légumes de son jardin pour alimenter la table de sa sœur et les restaurants environnants.


Lady Gwendoline Strickland, mariée à Sir Strickland, industriel spécialisé dans les boîtes de conserve pour le ravitaillement des soldats, propriétaire de plusieurs usines, homme d'affaires sans scrupule et sans considération pour sa femme qu'il rudoie et maltraite.

Lady Gwendoline est la sœur cadette d'Audrey qu'une rivalité datant de l'enfance éloigne depuis toujours. Elle apparaît sans cœur, sans empathie, sûre d'elle-même, armée de son statut social. De prime abord, elle est antipathique et détestable car prête à toutes les tricheries pour remporter le concours afin de ne pas décevoir son mari.


Nell Brown, aide cuisinière à Fenley hall, résidence des Strickland, est une jeune fille d'une timidité maladive aux doigts de fée quand elle cuisine sous le regard bienveillant de Madame Quince, la cuisinière dont la renommée s'étend dans toutes la région.

Poussée par sa mentor, elle s'inscrit au concours au grand dam de Lady Gwendoline qui escomptait sur l'aide de ses cuisinières.

Nell s'accrochera, dépassera crainte et timidité pour atteindre une meilleure estime de soi et rencontrer l'amour en la personne d'un prisonnier de guerre italien dont la famille tient un restaurant en Italie cisalpine.


Zelda Dupont, cheffe en second dans un grand restaurant londonien, le Dartington, a quitté Londres pour participer à l'effort de guerre, Middleton dans une des fabriques de pâté de Sir Strickland où elle occupe de poste de chef cuisinière de la cantine de ladite fabrique.

Elle a eu une liaison avec un chef dont elle attend un enfant, enfant qu'elle compte faire adopter dès la naissance.

En 1942, vouloir devenir chef dans un restaurant prestigieux est tout sauf un long fleuve tranquille pour une femme même talentueuse et au savoir-faire hors pair. La cuisine étoilée est une affaire d'homme non de femme : l'art culinaire ne peut être décliné au féminin.

Zelda a une très haute opinion d'elle-même et considère ses concurrentes comme de pauvres ménagères mal dégrossies... en résumé des ploucs campagnardes ou des bourgeoises en mal de reconnaissance.


Les hasards de la vie les feront se rencontrer en-dehors de la compétition. Peu à peu elles se rapprocheront en se connaissant mieux, en apprenant plus des unes des autres. Une amitié et un respect mutuel naîtront, les faisant grandir chacune à leur façon.

Jennifer Ryan montre combien survivre en temps de crise est difficile pour les femmes. Le veuvage et les dettes, un beau mariage sans amour avec un homme brutal, une vie au service d'autrui dans l'ombre d'une cuisine ou une grossesse hors mariage sont autant d'occasions pour aborder des sujets d'importance : comment faire son deuil et sortir la tête hors de l'eau, les relations conflictuelles au sein d'une sororité, la violence conjugale, la transmission d'un savoir-faire ou la condition des serviteurs auxquels les employeurs ne prêtent, parfois, que peu d'âme. Ou encore le sordide marché noir et les escroqueries financières.

C'est aussi l'occasion de souligner qu'après la Grande Guerre, les femmes gagnent de nouveaux combats pour leur indépendance et leur place au sein d'une société patriarcale qui les enferme dans des carcans dont elles se libèrent au fil des conflits mondiaux.


« Les recettes des dames de Fenley » est un roman délicieux à lire : les personnages féminins évoluent en bien, je n'ai même pas pu détester Lady Gwendoline dont l'attitude ne pouvait qu'être due à de profondes blessures, dès le début on ne peut que la plaindre.

L'humour est toujours présent et cela m'a rappelé le fameux roman « Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates » dont la lecture ne m'avait guère emballée à l'époque.

La cerise sur le gâteau : le libellé de chaque recette du concours culinaire. Je n'ai eu ni le courage ni le temps d'en réaliser quelques unes. Cependant j'en ai recopié quelques unes pour plus tard.

J'ai passé un excellent moment de lecture grâce aux dames de Fenley que j'ai beaucoup appréciées car elles m'ont émue.

Traduit de l'anglais par Françoise du Sorbier


Quelques avis :

Babelio  A livre ouvert

Lu dans le cadre





2 commentaires:

rachel a dit…

Oh cela doit etre un roman passionnant...pas si feel good que ca....;)

Katell a dit…

J'ai dévoré le roman et apprécié la manière qu'a l'auteure de mener son histoire.
Le côté "feel good" est présent avec une juste parcimonie.