Trois cents ans plus tard...
Une société ferroviaire régit la vie des rescapés du cataclysme
lunaire, d'une poigne de fer, striant la Terre, devenue une immense
banquise, de rails, sur lesquels roulent des convois d'usines ou de
villes. « L'immobilisme c'est la mort, le mouvement c'est la
vie » tel est le nouveau Credo terrien.
La Terre est partagée, en parts plus ou moins égales, entre
quelques grandes puissances dont la Panaméricaine, la
Transeuropéenne et la Sibérienne.
Le froid règne en maître absolu, balayant la moindre idée de vie
dès que l'on quitte les dômes protecteurs, dispensant les 15 degrés
et les 1500 calories minimum en-deçà desquels la vie devient une
gageure de chaque instant.
Une caste règne sur la société humaine : les Aiguilleurs. Ils
ont la connaissance, l'expérience pour gérer les aiguillages
ferroviaires, sans eux pas de mouvements donc sans eux pas de vie.
Les dômes sont entretenus par des hommes étranges, à la longue
fourrure, adaptés au froid de la planète : les Roux, hominidés
ou hommes à part entière ?
Des mots interdits tels que « soleil », « lune »,
« ville », « aéroplanes », « dirigeables »,
concepts subversifs pouvant donner envie aux hommes aliénés par le
rail, de revoir le ciel bleu et sentir la chaleur de l'astre caché
par le « ciel croûteux ».
L'ignorance est telle que les
descendants des rescapés pensent que l'espace au-dessus du ciel bas
et gris, n'existe pas, que la culture scientifique a disparu,
laissant place à une « tabula rasa » des plus
dévastatrice. La science et l'esprit scientifique sont conservés
par les Rénovateurs, ennemis publics de la société du rail.
Le froid, la malnutrition, le mouvement perpétuel imposé aux
survivants, de la Catastrophe depuis 350 ans, ont provoqué une baisse
de la taille moyenne des Hommes, les ont rendus malingres, souffreteux
avec une espérance de vie d'une quarantaine d'années.
De la civilisation d'avant l'ère glaciaire, il ne reste que des
villes figées dans la glace, des documents jalousement conservés
par la Nouvelle Rome ou les Aiguilleurs. Seule, une ville orientale,
Karachi Station, offre au hardi visiteur la possibilité d'accéder à
ses archives, celle de la Bibliothèque d'Archives Manuelles. Encore
faut-il avoir le courage, l'opiniâtreté de s'y rendre :
Karachi Station est aux mains d'une ethnie sauvage et illettrée
n'octroyant son blanc seing qu'au prix de sommes folles.
350 ans de vie qui n'en est pas une, sous le joug des Compagnies
dirigeant dans la toute-puissance l'Humanité.
Soudain, un glaciologue de seconde classe, Lien Rag, ouvre les yeux
sur le monde et décide de comprendre pourquoi la Terre est devenue
inhospitalière, d'où viennent les Hommes Roux, d'où les
Aiguilleurs détiennent leur emprise sur la vie de tout un chacun.
L'éveil de Lien Rag provoque un voyage sans précédent dans le
passé, le présent et le futur de la Terre.
Sa quête le conduira
aux postes élevés, à la fréquentation des Grands de son monde, à
mettre en œuvre des projets insensés tels que le tunnel sous
glaciaire reliant le Nord au Sud de la Panaméricaine ou le pont
d'arches reliant la banquise de l'océan Pacifique à la
Panaméricaine.
Lien Rag aura de nombreuses aventures amoureuses dont une avec une
jeune femme Rousse qui lui donnera un fils, Jdrien, enfant précieux
et télépathe, futur Messie des Roux.
Son chemin et sa vie croiseront Yeuse, Lienty Ragus dit Gus, le Gnome
devenu plus tard le Kid, Lady Diana, Présidente de la Panaméricaine,
Floa Sadon, Ann Stuba, scientifique Rénovatrice, Liensun, son
deuxième fils, Kurts, pirate au long cours, les Hommes-Jonas vivant
en symbiose avec les Solinas, une espèce de baleine qui a accepté
de vivre avec les hommes, Harl Mern, ethnologue qui lui ouvrira des
horizons infinis dans la compréhension de ce que la Terre subit,
Palaga, le Maître Suprême des Aiguilleurs, une famille de tueurs
liée aux Aiguilleurs depuis la nuit polaire, les CCP, jeunes gens
révoltés contre le système établi, inventant une République
totalitaire où après l'âge de 30 ans, les gens sont mis au rebut
car devenus adultes.
Au cours de son périple, Lien Rag entendra parler de Concrete
Station, du S.A.S, Salt And Sugar (le Sel et le Sucre), avant de
savoir sur quoi ces concepts reposent : l'Abominable Postulat,
pierre angulaire de cette Terre soumise aux glaces éternelles,il
apprendra le mensonge dans lequel est maintenue l'Humanité quant à
la durée de l'ère glaciaire
Cette saga épique ne peut se résumer, elle ne peut que se vivre
dans sa lecture. « La Compagnie des glaces » est une
série de romans de Science-Fiction où divers genres littéraires se
croisent, se mêlent : on y trouve l'épopée avec sa Quête, le
roman policier et d'espionnage, le roman noir et le roman de gare car
il y a des moments sirupeux, respirations cocasses parfois entre deux
courses folles sur les glaces effroyables balayées par des vents
d'une violence inouïe.
La saga montre combien l'Homme est doté de ressources pour survivre
à tout prix, combien il peut s'adapter dans un milieu hostile, au
même titre que certaines espèces animales (rats, goélands,
requins, baleines et orques, moutons et loups). Le lecteur suit les
aléas des héros, de ces hommes et femmes qui, par la force de leur
volonté de vivre et de comprendre, iront jusqu'au bout de leurs
idéaux, pourvoyeurs de lumière, au sens philosophique du terme, à
l'attention de leurs semblables.
Le lecteur ne pourra s'empêcher de lier les Hommes-Jonas à Jonas et
la baleine, bien entendu, mais aussi à la situation des descendants
des colonisateurs d'Ophiuschus IV vivant, plus mal que bien, dans
l'antre du Bulb, animal stellaire transformé en satellite vivant.
Les mythes fondateurs sont revisités pour notre plus grand plaisir,
tout comme la situation géo-politique des années 1980- 1990 :
Guerre Froide, dictatures du XXè siècle, l'impermanence des lamas
tibétains et des bonzes, la mondialisation, rouleau compresseur
moderne, du capitalisme exacerbé.
Arnaud suit une tradition littéraire, celle du feuilleton, initiée
par de grands écrivains populaires tel que Dumas. Cependant, on ne
peut que relier cette saga aux romans de la « Comédie
humaine » de Balzac. Oui, j'ose aller jusque là car l'auteur a
des accents balzaciens dans ses descriptions, dans la dimension
psychologique de ses personnages.
De plus, le cycle d'Arnaud ouvre au
lecteur de multiples interprétations : économique (les années
80 sont celles de la crise de l'énergie) les Compagnies sont
préoccupées, sans cesse, par l'énergie pour subvenir à leurs
besoins d'expansion mais aussi à ceux de leurs « Voyageurs »,
politique, à travers les personnages de Lien Rag, Yeuse, Gus, il analyse les
différents comportements de résistance face à la dictature,
symbolique (les rails structurent la matière romanesque dans la
dualité et sont le cordon ombilical des « Voyageurs »
pour qui la vie ne peut se penser hors du Rail puisque le froid
intense l'interdit. D'ailleurs le héros, Lien, relie tous ces
éléments entre eux de part son prénom.), scientifique (les Garous,
les Roux sont les éléments d'une réflexion sur les manipulations
génétiques : la première s'emballe dans le désordre, la
seconde pour prouver que l'homme peut s'adapter aux températures
extrêmes).
Je n'irai pas plus loin au risque d'en dire trop et de déflorer
l'intérêt que pourraient avoir pour cette longue saga, les amateurs
de Science-Fiction.
D'autant plus que « La Compagnie des
glaces », série écrite entre 1980 et 1992, n'est qu'une
partie émergée de l'iceberg : en effet, les aventures de Lien
Rag et des siens continuent dans les opus écrits entre 2001 et 2005,
« Chroniques glaciaires » et « La Compagnie des
glaces : nouvelle époque ».
« La Compagnie des Glaces » relate l'histoire du monde
étrange provoqué par l'explosion de la lune, la décision prise
pour des raisons politiques, religieuses, scientifiques,
philosophiques ou autres, par les dirigeants des Compagnies
ferroviaires de cacher aux Hommes un certain nombre de documents. Ces
derniers furent scellés par le secret, aussi, selon l'auteur
lui-même « il devenait donc urgent de faire parler les
Archives Secrètes des Wagons Mémoires »
... la suite lorsque
je m'attaquerai aux deux prochaines séries !
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