samedi 26 septembre 2015

Et si...

L'uchronie est un domaine littéraire où il fait bon s'égarer de temps en temps. A quelques semaines de la diffusion en France de la série « Le maître du Haut Château » inspirée du roman éponyme de Philip K. Dick, j'ai lu ce dernier avec délectation. Osons ce terme, plus adapté à la dégustation d'un plat raffiné, pour la littérature.
Oui, je me suis délectée de cette histoire où les Alliés ne sortent pas vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale, où les forces de l'Axe dominent le monde.
Ce ne sont pas les Américains qui ont lâché la bombe atomique mais les Nazis. Les Etats Unis d'Amérique n'ont pas envoyé le premier homme sur la lune mais les Allemands sont partis à la conquête de l'espace, des missions sont envoyées vers Mars.
Les vols supersoniques mettent Los Angeles à deux heures de Berlin grâce aux avions fusées.
L'Allemagne n'est pas divisée en quatre secteurs mais les Etats Unis sont séparés en deux zones : à l'est, sous domination nazie, à l'ouest, sous domination japonaise, au centre une zone neutre où vit l'homme dict le maître du Haut Chateau

La Résistance s'organise, cahin caha, de part et d'autre de la zone neutre. A Los Angeles, Frank Frink est renvoyé de l'usine où il fabrique des imitations d'antiquités pour le marché japonais. Monsieur Takomi doit accueillir l'agent Rudolf Wegener et organiser la visite du couple héritier de l'Empire du Japon. Juliana Frink, ex épouse de Franck, a tout quitté pour rejoindre les Etats neutres des Rocheuses.
Les personnages se croisent, s'éloignent, parfois sans se connaître. Deux éléments les relient : un roman subversif « Le poids de la sauterelle », interdit dans les zones sous la domination nazie, parce qu'il décrit un monde où la Guerre n'a pas été perdue par les Alliés. Le deuxième élément est l'utilisation du « Livre des transformations », le Yi King, faite par les principaux héros du roman : Takomi, Frank, Juliana et un personnage inattendu.
Le Yi King revêt une grande importance : les baguettes sont lancées six fois pour créer un hexagramme que l'on interprète dans le "Livre des transformations". Lors des moments importants de la vie de chacun des héros, ces derniers font appel à cette pratique.
Ainsi Takomi pressent un malaise pesant sur les relations entre l'Allemagne nazie et le Japon, qui se confirmera lorsque l'agent allemand lui apprendra qu'une attaque allemande est prévue contre le Japon.

Le roman est prenant, au rythme bien enlevé : l'existence d'un roman dans le roman met en abyme l'histoire lue avec celle que l'on aimerait lire, celle du « Poids de la sauterelle » dont l'auteur, Hawthorne Abendsen, a la tête mise à prix par les Allemands.
Juliana, exilée volontaire dans les Rocheuses, rencontre un jeune italien avec lequel elle a une aventure sentimentale : il lui parle du livre interdit. Suite à l'élimination du jeune homme, agent nazi en mission pour tuer Abendsen, par elle-même, elle lit l'ouvrage interdit et comprend que l'auteur a découvert, par l'interprétation des hexagrammes, que la guerre a été, en réalité, remportée par les Alliés.

Au-delà de l'uchronie, qui s'appuie sur un fait historique réel à savoir la tentative d'assassinat de Roosevelt, en 1933, par Giuseppe Zangara, Dick met en place une logique de guerre froide entre les force de l'Axe ainsi que l'admiration de la culture japonaise chez de nombreux américains, tiraillés entre attirance, mépris et répulsion. L'harmonie du raffinement recherchée dans tous les domaines par les Japonais fascine de nombreux personnages.
Dick provoque aussi le lecteur qui, de mise en abyme en mise en abyme, est renvoyé à ses propres questionnements, notamment l'interrogation sur ce qu'est notre propre réalité. Le lecteur, comme les personnages du roman, lit un livre qui lui décrit un monde autre en lui expliquant que ce monde autre est la réalité. Le lecteur est pris dans le principe, propre à la lecture, de l'illusion romanesque.
Dick joue avec les miroirs et interroge la définition de la réalité, de sa frontière avec la fiction, de l'existence de chacun et de son incertitude (suis-je vraiment moi?). Ces jeux de miroirs amènent parfois à se demander sur quel terrain l'auteur souhaite nous emmener au point que l'on ne sait pas vraiment où il veut en venir. C'est ce qui fait tout le sel de la démarche: perdre le lecteur à l'envi pour qu'il se retrouve ou se perde définitivement.


J'ai regardé l'épisode pilote de la prochaine série. Les éléments importants sont présents et captent immédiatement l'intérêt du spectateur. Etant bon public, j'ai apprécié cette mise en bouche qui, à mon avis, ne dessert pas le roman.



1 commentaire:

rachel a dit…

oh ouiii j'ai hate a la serie...cela semble etre la serie a ne pas manquer ...lol
en tout cas lala tu donnes encore plus envie...;)