L'uchronie est un domaine littéraire
où il fait bon s'égarer de temps en temps. A quelques semaines de
la diffusion en France de la série « Le maître du Haut
Château » inspirée du roman éponyme de Philip K. Dick, j'ai
lu ce dernier avec délectation. Osons ce terme, plus adapté à la
dégustation d'un plat raffiné, pour la littérature.
Oui, je me suis délectée de cette
histoire où les Alliés ne sortent pas vainqueurs de la Seconde
Guerre Mondiale, où les forces de l'Axe dominent le monde.
Ce ne sont pas les Américains qui ont
lâché la bombe atomique mais les Nazis. Les Etats Unis d'Amérique n'ont
pas envoyé le premier homme sur la lune mais les Allemands sont
partis à la conquête de l'espace, des missions sont envoyées vers
Mars.
Les vols supersoniques mettent Los
Angeles à deux heures de Berlin grâce aux avions fusées.
L'Allemagne n'est pas divisée en
quatre secteurs mais les Etats Unis sont séparés en deux zones :
à l'est, sous domination nazie, à l'ouest, sous domination
japonaise, au centre une zone neutre où vit l'homme dict le maître
du Haut Chateau
La Résistance s'organise, cahin caha,
de part et d'autre de la zone neutre. A Los Angeles, Frank Frink est
renvoyé de l'usine où il fabrique des imitations d'antiquités pour le
marché japonais. Monsieur Takomi doit accueillir l'agent Rudolf
Wegener et organiser la visite du couple héritier de l'Empire du
Japon. Juliana Frink, ex épouse de Franck, a tout quitté pour
rejoindre les Etats neutres des Rocheuses.
Les personnages se croisent,
s'éloignent, parfois sans se connaître. Deux éléments les
relient : un roman subversif « Le poids de la
sauterelle », interdit dans les zones sous la domination nazie, parce qu'il décrit un monde où la Guerre n'a pas été perdue par les
Alliés. Le deuxième élément est l'utilisation du « Livre
des transformations », le Yi King, faite par les principaux
héros du roman : Takomi, Frank, Juliana et un personnage
inattendu.
Le Yi King revêt une grande
importance : les baguettes sont lancées six fois pour créer un
hexagramme que l'on interprète dans le "Livre des transformations". Lors
des moments importants de la vie de chacun des héros, ces derniers
font appel à cette pratique.
Ainsi Takomi pressent un malaise pesant
sur les relations entre l'Allemagne nazie et le Japon, qui se
confirmera lorsque l'agent allemand lui apprendra qu'une attaque
allemande est prévue contre le Japon.
Le roman est prenant, au rythme bien
enlevé : l'existence d'un roman dans le roman met en abyme
l'histoire lue avec celle que l'on aimerait lire, celle du « Poids
de la sauterelle » dont l'auteur, Hawthorne Abendsen, a la tête mise à prix par les Allemands.
Juliana, exilée volontaire dans les
Rocheuses, rencontre un jeune italien avec lequel elle a une aventure
sentimentale : il lui parle du livre interdit. Suite à
l'élimination du jeune homme, agent nazi en mission pour tuer
Abendsen, par elle-même, elle lit l'ouvrage interdit et comprend que
l'auteur a découvert, par l'interprétation des hexagrammes, que la
guerre a été, en réalité, remportée par les Alliés.
Au-delà de l'uchronie, qui s'appuie
sur un fait historique réel à savoir la tentative d'assassinat de
Roosevelt, en 1933, par Giuseppe Zangara, Dick met en place une
logique de guerre froide entre les force de l'Axe ainsi que
l'admiration de la culture japonaise chez de nombreux américains,
tiraillés entre attirance, mépris et répulsion. L'harmonie du
raffinement recherchée dans tous les domaines par les Japonais
fascine de nombreux personnages.
Dick provoque aussi le lecteur qui, de
mise en abyme en mise en abyme, est renvoyé à ses propres
questionnements, notamment l'interrogation sur ce qu'est notre propre
réalité. Le lecteur, comme les personnages du roman, lit un
livre qui lui décrit un monde autre en lui expliquant que ce monde
autre est la réalité. Le lecteur est pris dans le principe, propre
à la lecture, de l'illusion romanesque.
Dick joue avec les miroirs et interroge
la définition de la réalité, de sa frontière avec la fiction, de
l'existence de chacun et de son incertitude (suis-je vraiment moi?).
Ces jeux de miroirs amènent parfois à se demander sur quel terrain
l'auteur souhaite nous emmener au point que l'on ne sait pas vraiment où il
veut en venir. C'est ce qui fait tout le sel de la démarche: perdre le lecteur à l'envi pour qu'il se retrouve ou se perde définitivement.
J'ai regardé l'épisode pilote de la
prochaine série. Les éléments importants sont présents et captent
immédiatement l'intérêt du spectateur. Etant bon public, j'ai
apprécié cette mise en bouche qui, à mon avis, ne dessert pas le
roman.
1 commentaire:
oh ouiii j'ai hate a la serie...cela semble etre la serie a ne pas manquer ...lol
en tout cas lala tu donnes encore plus envie...;)
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