vendredi 12 février 2016

De l'insignifiant peut naître le chaos

Il n'est jamais aisé de chroniquer un recueil de nouvelles sans en déflorer la teneur, sans tomber dans le laconisme ou la plate écriture. « Décollage immédiat » entre dans la catégorie des recueils de nouvelles ardus à résumer ou décortiquer.

Il y a deux fils conducteurs à suivre : le monde des aéroports et un objet, insolite, une boîte en carton blanc.
De nouvelle en nouvelle, le lecteur suit le parcours de la fameuse boîte blanche qui passe de mains en mains jusqu'au surprenant dénouement final.
De la banquette arrière d'un taxi parisien, garé devant un terminal à Roissy-Charles de Gaule, jusqu'au bureau directorial d'une multinationale américaine, sis au quatre-vingt-dix-neuvième étage d'une tour de Manhattan, à New-York, la boîte provoquera des situations des plus cocasses aux plus dramatiques.
Un grand blond avec un pistolet noir, un tantinet gaffeur mais pas assez, une sublime Eva, décidée à faire plaisir à Celui qu'elle vénère, offrant la boîte blanche à ce dernier qui ne sait pas quoi en faire, qui sera le parfait passager incapable de gérer son angoisse au cours du vol : 6000 mais 6000 quoi ? Mètres d'altitude, octets ?
Un brancardier collectionneur de sourires entraînera le lecteur dans un épisode sombre où suintent les miasmes d'un tueur en série. 
Et la boîte dans tout cela ? Elle poursuit son voyage dans les bagages de la colocataire d'une jeune médecin urgentiste. Le dernier sourire du brancardier ?
La boîte blanche atterrit aux Etats-Unis, emportant dans son sillage un lecteur intrigué, accroché au fil ténu d'un voyage de tous les dangers.
Il croise, en même temps que la boîte, un vieux maquereau en fin de parcours dans un hôtel chic, puis il suivra un vieil espion marocain, dissimulant sa concupiscence derrière un voile de vertu coranique. 
Ensuite il subira des sueurs froides en compagnie d'un livreur pas comme les autres aux prises avec des gangsters sans pitié... un certain « american way » bien moins classieux que celui de la vieille Mafia new-yorkaise à l'accent italien. 
Plus tard, il sera dans l'intimité d'un jeune homme d'affaires dont l'intérieur est entretenu par des jeunes femmes immigrées venant de l'Est : en quelques phrases concises, la réalité des vies dévastées des femmes violées en temps de guerre, esclaves modernes des Barbe Bleue modernes, lui saute au visage, la jeune employée ne s'excusera plus jamais d'exister en choisissant l'envol vers l'autre côté, celui qui nous attend tous, un jour.
La boîte se retrouve, après, la possession d'un jeune Noir embauché dans une multinationale américaine Saxo and Co. Il est voisin avec une jeune femme bosniaque qui la lui a donnée. Il tient un journal sous forme de selfie. Il nous fait entrer dans l'univers impitoyable des grands groupes, dévoreurs de jeunes talents. « L'american dream » est-il en route pour ce jeune des banlieues défavorisées, diplômé d'Harvard ? La faim de briller, de grimper au sommet de la « chaîne alimentaire » rend les dents longues et brise les tabous... ce qu'il apprendra à ses dépends.
Enfin, notre boîte gravit l'échelle professionnelle au point de se retrouver au sommet d'un tour de bureaux, vitrée de toute part, avec vue imprenable sur la mégapole. La jeune concurrente de notre diplômé d'Harvard a gagné le cocotier... seulement, on ne bénéficie que peu de temps du coin de ciel bleu arraché en éliminant l'autre.
Quand enfin, on apprend ce que renferme la mystérieuse boîte blanche, le temps imparti est passé.
BANG ! BANG !

L'auteur, Jean-François Thiery, parvient à surprendre le lecteur, à maintenir le suspense jusqu'au bout, jouant sur les émotions les plus diverses, croquant, en quelques mots bien trouvés, les travers et la perversité de notre société.

Un recueil qui se laisse lire, sans prétention mais doté de belles trouvailles et d'un rythme qui maintient en alerte le lecteur ce qui est efficace et essentiel.

Roman lu dans le cadre de l'opération "Masse Critique" de Babelio.

1 commentaire:

rachel a dit…

oh cela semble vraiment interessant ces nouvelles a suspens en fin de compte...;)