Découverte du festival "Etonnants Voygeurs" de Saint-Malo: les aventures de Charles, un dragon qui séduit immédiatement avec son air triste, son allure empêtrée, ses couleurs originales, bleu et jaune orangé.
9 avril 1821*... ainsi commence l'histoire, l'ambiance est à la limite du lugubre, l'écriture cinématographique, le décor est planté tant par les mots que par l'illustration.
Charles naît au sommet d'un piton sous les yeux attendris de ses parents. Charles a d'immenses ailes, elles sont ma-jes-tu-euses, seulement il est doté d'un corps "maigrichon".
Tout se déroule pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'au jour où son père l'emmène à l'école des dragons. Tout se complique lors de l'apprentissage du "comment on crache du feu": la poitrine souffreteuse de Charles ne lui permet pas de souffler bien fort. Tandis que ses camarades de classe noircissent les pages de leur cahier, Charles les noircit de poèmes. Charles est différent, Charles s'exprime bizarrement, en rimes et en alexandrins, Charles est poète comme un certain Charles Baudelaire au célèbre "Spleen".
Notre dragonnet est sujet à la morosité, ses vers ne sont pas des plus joyeux bien qu'il manie l'humour noir et la dérision.
Charles ne parvient pas à noircir comme il faut ses pages, encore moins à brûler des bibliothèques.
L'année passe, il faut apprendre à voler. Or, Charles a un corps petit, maigre, et des ailes immenses: une gageure pour l'envol. Bien entendu, Charles ne parvient pas à prendre son essor et se retrouve par terre sous les moqueries de ses camarades de classe.
Charles est solitaire, n'intéresse personne sauf une mouche "attirée par l'odeur de ses pieds", une mouche, amie insoupçonnée, et la maîtresse quand elle distribue les cahiers à noircir.
On pourrait présager que le printemps apporte un peu de gaieté pour notre dragon bleu et jaune. Las, mille et une fois las! Charles est allergique, éternue tant et plus et ne supporte pas les couleurs chatoyantes des fleurs qu'il trouve "vulgaires". Quand on a la déprime chevillée au corps, rien ne trouve grâce où que le regard se porte.
Arrive le jour de la fête de l'école, Charles ne peut en supporter plus et se sauve loin de ce "monde cruel". Il se retrouve au sommet d'un volcan où il déclame son spleen. Au moment où on s'y attend le moins, le volcan, comme agacé par les lamentations de Charles, entre en éruption, projetant notre poète dragon haut dans le ciel. Si haut qu'il se laisse tomber comme une pierre, prêt à mourir "un mercredi". Deus ex machina: la mouche qu'on oublie tout le temps se rappelle à notre bon souvenir en rétorquant "non, on est dimanche".
Révélation pour Charles qui déploie ses ailes après avoir lâché son cahier, noirci de poèmes, pour voler, planer!
La mouche le guide, avec humour implacable, dans son apprentissage du à l'instinct de survie.
Charles vole, fait des loopings et étonne tout le monde quand il revient, assombrissant le ciel, à la fête de l'école.
Feu d'artifice éblouissant, magnifique, les parents de Charles sont ravis et le trouvent sublime... le feux d'artifice ou leur fils?
Charles plane un moment au-dessus des siens avant de rejoindre l'horizon... seul.
Une histoire de dragon originale, amusante où l'on se délecte tant du texte d'Alex Cousseau, drôle, sensible et poétique, que des illustrations absolument magnifiques. Les dragons sont d'une variété incroyable et de toute beauté. Les enfants ne s'y trompent pas et sont subjugués par le cadeau que leur fait l'illustrateur Philippe-Henri Turin.
Dès que j'ouvre le livre, le silence est de mise en classe et je peux voir les regards pétillants de joie devant les illustrations chatoyantes, les dessins d'une finesse exquise: entre la sonorité poétique du texte et la beauté de l'image, les enfants sont transportés au coeur d'une féerie qui côtoie le fantastique.
Je ne parlerai pas de la page de garde qui est tout simplement su-bli-mi-ssi-me. Les enfants peuvent rester de longs moments à observer les multiples dragons dessinés.
Un album à avoir dans toutes les bibliothèques de classe. Un pur moment de bonheur que l'on aime revivre à l'envi.
[* date de naissance de Charles Baudelaire]
Quelques planches:
2 commentaires:
que c'est beauuuuuuuu !!! tout un magnifique livre....;)
Merci pour ces mots. Ils m'ont réchauffer mon vieux coeur de dessinateur désabusé et fatigué.
Mille mercis. J'embrasse tous les enfants. Leurs regards sur mon travail me fait du bien.
Philippe-Henri Turin
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