Quelque part en Europe après
l'apocalypse, une jeune fille, Avril, et un enfant, le Kid, vivent isolés, dans une cabane perchée sur un arbre, en pleine forêt. Plus
qu'ils ne vivent, ils survivent grâce à ce qu'ils prélèvent dans
une capsule de survie.
Tout est mort, stérile après qu'une
série de guerres effroyables ait dévasté la planète. Un
groupuscule fait régner la terreur avec pour mot d'ordre d'établir
un monde nouveau. Son nom : l'Etoile Noire.
Des îlots de vie humaine existent, ici
ou là, rassemblant la misère du monde autour de campements
délabrés, lieux de tous les trafics.
Avril et le Kid, frère et sœur,
vivent en harmonie avec la nature, la première éduque comme elle
peut le second, lui apprend à lire, du moins essaie, à parler, à
reconnaître ce qui a été avant la catastrophe. Sirius sera celui
qui viendra les chercher pour les conduire à la Montagne rejoindre
leurs parents.
L'enfant a un don, celui de lire le
Livre que chacun porte en soi, homme comme animal. Plus il l'affine,
plus il perd le langage.
Un jour, le passé d'Avril surgit dans
la forêt, dès lors leur refuge n'en est plus un, le danger les
jette sur la route. C'est alors qu'une rencontre, incroyable,
bouleverse tout : Sirius.
Un road-trip fabuleux emmène le
lecteur à la suite des jeunes héros dotés d'un étrange compagnon
à quatre pattes, le jeune cochon noir appelé Sirius par le Kid.
Leur voyage vers la Montagne sera
parsemé d'embûches et de belles rencontres poignantes et
émouvantes.
Madame Mô, Le Conteur et son âne
Esope qui mène au gré de ses envie le duo sur les routes, l'ourse
Artos, ange gardien ralentissant l'avancée du Garçon-mort, Darius,
membre des Etoiles Noires, Rosa, la truie condamnée à la réclusion
aspirant à recouvrer sa liberté même au prix le plus fort, celui
de la mort. Une biche et un cerf apparaissent, ils se dirigent vers
la Montagne comme beaucoup d'autres animaux. Un, le rat, l'ultime
descendant de son espèce, les sauvera de la Ville assiégée par les
crève-la-faim. Une réalité crue se déverse lorsque tombent ses
murs : l'homme est devenu un prédateur de l'homme.
Cependant, au cœur de l'horreur, de la
violence extrême, un espoir naît : suivre l'appel de la
Constellation.
Dieu a choisi de punir les hommes en
rendant le monde végétal et animal stérile, pourtant tout ne se
meurt pas. Kid, l'élu ? L'enfant qui communique avec les
« autres » êtres humains, animaux ou végétaux, est-il
celui qui redonnera l'espoir au monde du vivant ?
L'enfant hyper sensible qu'est Kid est
autant attendrissant qu'agaçant. Une fois dépassée cette réserve,
le lecteur reçoit toute la richesse de l'enfance dont les
représentations du monde vont au-delà des clivages. Chaque
« régression » vers l'animalité est un pas
supplémentaire vers la reconquête de son humanité.
Avril trouvera la paix et affrontera
ses démons avec autant de peur que de courage. Accepter d'avoir été
pire qu'une bête sera sa porte ouverte vers une nouvelle liberté
contée, et comptée, à rebours (les chapitres sont en ordre
décroissant) puisque la fin est un nouveau commencement.
« Sirius » est le premier
roman de Stéphane Servant que je lis. Bien qu'adressé à un lectorat
adolescent, les adultes peuvent apprécier le style agréable de l'auteur qui allie écriture poétique,onirique parfois et
grande sensibilité.
L'argument littéraire est intéressant
et tient la route. On ne s'ennuie pas une seconde au cours de la
lecture, on a peur, on rit, on court, on se cache avec les héros. Le
lecteur est invité à porter un regard différent sur le monde qui
l'entoure : où s'arrête l'humanité, où commence la
bestialité ? L'homme n'est-il qu'un animal plus cruel que les
autres, lui qui n'hésite à dévorer femelle et descendance au
mépris de la survie de l'espèce ? L'écoute de l'autre, des
autres, de la faune et de la flore, n'est-elle l'amorce d'une
humanité renonçant à son droit de vie ou de mort sur autrui ?
Toute apocalypse a sa lumière, se
transforme en espoir d'un monde renouvelé, vierge de ses erreurs.
Un roman qui se lit d'une traite avec
bonheur.
« Un
jour peut-être, les hommes s’étaient crus différents. Parce que
tout leur appartenait. Parce qu’ils avaient le pouvoir de vie et de
mort sur les autres espèces. Mais à présent, à présent, ils
étaient nus et grelottants, comme aux premiers jours du monde. A
présent, ils étaient semblables, tous les cinq. Les hommes
n’étaient pas différents du cochon.
-
Ce cochon est plus mon frère que vous, souffla Avril. Nous ne
partageons plus rien. »
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