samedi 5 janvier 2019

Odyssée dans la garenne


Il était une fois une garenne où il faisait bon vivre. Il était une fois un lapin chétif possesseur d'un don de « double vue ». Il était une fois une sombre menace planant sur la tranquille garenne. Il était une fois un voyage qui commence.

La garenne pourrait être un village de hobbits, Hazel et Fyveer se lancent dans une odyssée qui mettra en valeur leurs qualités et dévoilera leurs petits défauts.
Ils ne quittent pas leur terriers seuls : ils s'enfuient avec une poignée de compagnons qui ont ainsi l'occasion de briser les tabous de leur communauté.

Fyveer a pressenti une catastrophe liée aux hommes : un écriteau à l'entrée de la garenne puis des arpenteurs, sombres présages qu'il faut fuir pour se sauver.
Hors, qui écoutera un lapin de seconde zone, un lapin qui ne parviendra jamais à entrer dans le cercle très fermé de la Hourda, garde et conseil du Maître Lapin, chef de la garenne de Sandlefort.
Le petit groupe devient hors la loi en fuyant malgré l'interdiction du Maître, il migre vers le lieu vu en « rêve » par Fyveer, la Cassandre du groupe, Watership down, une colline où tous seront en sécurité.
D'exode il n'y aura pas mais une fuite salvatrice se fera.

Très vite Hazel, le frère de Fyveer, prendra la direction des opérations et sera le guide débrouillard du groupuscule de léporidés. Ils affronteront milles et un dangers, perdront foi avant de reprendre courage face à l'adversité. Or, la nécessité d'une vie meilleure n'est-elle pas souvent semée d'embûches ?

Ce qui est extraordinaire dans ce roman c'est le tour de force de l'auteur : il réussit, admirablement, à faire en sorte que le lecteur s'identifie aux héros inhabituels que sont ces petits lapins de garenne.
Richard Georges Adams s'appuie sur l'organisation sociale, réelle, d'une garenne pour explorer les sociétés humaines et pointer sans en avoir l'air leurs dysfonctionnements.
Comme toute société établie, les garennes du monde d'Hazel ont leur mythologie, leurs croyances, leurs légendes racontées lors des veillées au fond des terriers. Le lecteur se laisse emporter par les exploits des guerriers et des Maîtres Lapins dont ceux du plus grand d'entre eux, l'espiègle et roublard incorrigible, osant taquiner Dieu : Shraavilshâ, l'ancêtre des lapins. Il découvre ainsi, au fil du roman, les cinq des légendes de leur mythologie où la ruse et l'ingéniosité sont au centre des aventure du Prince aux mille ennemis.
D'ailleurs les ennemis ont un nom : les vilous.
On suit les aventures de la petite communauté, digne de celle de Tolkien, qui apprend à aller au-delà de certains préjugés comme se lier avec d'autres espèces animales. Cependant le franchissement de la ligne rouge sera bénéfique puisque le mulot comme la mouette tiendront un rôle déterminant dans le développement de l'intrigue. Hazel est un peu le Frodon de la troupe : il initie le courage, la camaraderie ce qui fait de lui la figure principale du roman.

Le roman fourmille de références littéraires, voulues ou suggérées. Ainsi l'expédition de Hazel et ses compagnons vers la garenne d'Effrefa, rappelle l'enlèvement des Sabines. Watership down se retrouve sans hase et sans femelles pas de pérennisation de la garenne. Effrefa, garenne surpeuplée sous le joug d'une organisation totalitaire, regorge de hases au bord de la crise de nerfs.
Chaque lecteur trouvera de quoi « ruminer sa pelote » dans ce roman qui se dévore.
« Ruminer sa pelote » *? C'est une expression qui revient, telle une antienne, dans les conversations de nos héros aux longues oreilles.
Richard Georges Adams s'appuie sur l'étude scientifique des léporidés : toutes les manies de nos héros sont vérifiables dont celle de « ruminer ses pelotes ». A la belle saison quand l'herbe est tendre, les lapins en broute de grandes quantités qu'ils ne digèrent pas tout de suite. Ils régurgitent des pelotes d'herbe qu'ils laissent à l'entrée du terrier. Ils reviennent les manger plus tard.
« Watership down » est un roman réjouissant qui offre au lecteur l'occasion de « sentir » le sang versé, de trembler de peur face aux dangers et de colère devant l'absurdité d'une dictature, l'enfer étant toujours pavé de bonnes intentions comme celles du général et Maître Lapin Stachys pour qui vivre heureux est vivre caché aux yeux des hommes. Le lecteur éprouvera la crainte de la mort et surtout n'aura de cesse de savoir ce qui va se passer au chapitre suivant.
N'est-ce pas ce que l'on demande à un bon roman ? Et n'est-ce pas l'apanage des grands romans que d'offrir tout cela aux lecteurs qui osent suivre avec délectation l'épopée d'un groupe de lapins de garenne?

Cerise sur le gâteau:
- Il existe une version illustrée du roman: Watership Down
de Richard Adams illustré par Mélanie Amaral aux éditions de Monsieur Toussaint Louverture.
- Est sortie une mini série chez Netflix en décembre 2018, le trailer c'est ici.



*https://fr.wikipedia.org/wiki/Oryctolagus_cuniculus

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