vendredi 3 avril 2020

Légendes de l'Ouest


« Ci-gît Jesse W James,
mort le 3 avril 1882 à l'âge de 34 ans, 6 mois, 28 jours.
Assassiné par un lâche dont le nom n'est pas digne de figurer ici. »


C'est une histoire d'un bandit célèbre d'Amérique qui sévit avec sa bande pendant de longues années dans l'ouest américain. Jesse James, le braqueur de banques, le dévaliseur de train, le détrousseurs de voyageurs, le mauvais garçon n'hésitant pas à abattre de sang froid quiconque se dresse sur sa route.
Jesse James, un homme que plusieurs états poursuivent en justice espérant sa capture pour le pendre haut et court.
Le roman de Ron Hansen transporte son lecteur dans une Amérique dont la conquête de l'Ouest est en passe de s'achever à grand renfort de lignes ferroviaires. L'ouest sauvage, indomptable, brutal, sanglant s'offre sous une plume enlevée et sans concession.
Certes Jesse James est maestro du vol et du crime en bande organisée, un observateur né, un soupçonneux maladif, un meneur d'hommes... certes … mais ses « hommes » sont plus de pauvres hères affamés, rustres, incultes et à la bêtise cruelle que de fiers caballeros. Cependant ils sèmeront terreur et désolation pendant plus de dix ans, leur chef aura une aura de « Robin des bois du wild wild west » (ouest sauvage).
Jesse Jame devient légende vivante quand il se fait assassiner par un homme de sa bande, Robert Ford, âgé d'à peine vingt ans, admirateur du célèbre desperado qu'il aspire à égaler.
La mort consacre le desperado en icône par une foule subjuguée devant les récits de ses exploits dont le nombre de victimes ne pèse pas lourd face à la soit-disant lâcheté du jeune Robert Ford.
Il est vrai qu'il a abattu James alors que ce dernier était désarmé et avait le dos tourné, dans son salon, non loin de sa femme et de ses enfants. Cette faute de goût lui vaudra la vindicte populaire jusqu'à la fin de ses jours.
Ron Hansen, sans porter de jugement, il laisse ce soin au lecteur qui en usera ou pas, retrace la flamboyance d'une bande de hors-la-loi dont la violence froide nourrit la célébrité. Il réhabilite, en quelque sorte, le « lâche Robert Ford » dont l'acte a soulagé gouverneur et institutions policières et juridiques du Missouri et du Kansas.
Pourquoi l'image d'un homme lâche est-elle devenue celle de ce jeune homme, pas pire ni meilleur que les autres ? Sans parce qu'il n'a jamais regretté son geste, parce qu'il n'a, à aucun moment, dit qu'une spirale infernale l'avait emporté jusqu'au point de non retour. Certainement parce qu'il a assumé son geste et ses conséquences. Le jour où Jesse James est mort de sa main, Robert Ford le fut également. Edward O. Kelly assassina, à Creede dans le Colorado, de deux coups de fusil le tombeur du desperado pleuré par l'Amérique populaire, redouté par les nantis de l'Est, admirés par les journalistes et leur lectorat.

Ron Hansen dresse un portrait de cette Amérique qui s'est construite lentement, à coups de déprédations, d'appropriations sauvages des terres indiennes, de colonisation d'une violence inouïe. L'expansion vers l'ouest, son or, ses plaines, ses montagnes, au rythme des colts dégainés à la moindre provocation. 
L'Amérique avec ses enfants terribles se vit au fil des pages, au fil de l'enquête littéraire. 
Qu'on l'aime ou qu'on la déteste, elle ne laisse personne indifférent avec ces deux figures de héros américains : Jesse James peut tuer sans émotion et être un époux prévenant et un père de famille exemplaire, un homme au charisme étonnant auquel on s'attache. Robert Ford peut être un adolescent sous emprise et savoir discerner le calcul froid de son mentor. Ce qui le rend également attachant.

« L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » est un roman western qu'on ne lâche pas tant on est parfois transporté dans un film muet avec des scènes dignes de Buster Keaton ou dans de longs plans séquence magnifiant l'immensité de ce pays.

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