Joséphine est prof de philosophie dans un lycée de Drancy, elle traîne la grisaille de sa fonction d'enseignante tout comme elle s'enlise dans le gris de sa vie. Tout lui ôte le sentiment d'exister.
Le quotidien de la classe n'est qu'insatisfaction et désillusion : tout est vain, tout est morne, tout est désespérant jusqu'au jour où elle décide prendre des cours d'effeuillage chaque vendredi.
Elle passe une audition dans un club de strip-tease de bonne tenue et est embauchée tout de suite. Elle devient Rose Lee lorsque le monde de la nuit s'éveille.
Habillée de tenues sexy, maquillée comme une Diva de la nuit, elle danse et s'effeuille chaque nuit pour le plaisir des hommes mais aussi pour le sien, celui de se savoir belle et désirable dans le regard masculin. Une seule règle : le client ne touche pas.
Commence pour Joséphine une double vie entre sa vie rangée de professeure de philosophie et sa vie nocturne où elle devient fantasme masculin.
Elle navigue entre la misère d'une profession décriée et le monde des paillettes, du luxe et du fantasme vendu au rythme des danses.
Le grand écart entre les deux mondes peut devenir risqué et brûler les ailes de Rose Lee.
J'ai dévoré "On ne touche pas", j'ai suivi la métamorphose de Joséphine en papillon de nuit Rose Lee, un merveilleux papillon empreint d'humanité : le monde de la nuit regorge de misères silencieuses, sourdes douleurs des adultes, miroir des misères de l'adolescence en plein désarroi face à un avenir incertain, la saveur amère laissée par la capitulation d'une Education Nationale qui ne souhaite qu'alléger les programmes pour qu'ils deviennent peau de chagrin. Pour survivre entre chaque vacances, Joséphine se perd dans la danse, dans la nuit qui glorifie le corps, qui le fait aimer, qui le fait onduler et danser.
J'ai aimé la relation sincère entre Joséphine, professeure de philo, et un de ses élèves, Hadrien, qu'elle guide en répondant à ses lettres : la philosophie permet de comprendre la vie, de mettre des mots sur des concepts qui eux permettront la mise en place d'une réflexion essentielle pour devenir un être autonome. Par petites touches, elle dispense les pensées de Marc-Aurèle, des Stoïciens, de Descartes ou de Spinoza.
Autant Joséphine a peu de relations avec ses collègues du lycée, autant elle tisse des liens forts avec les filles de la nuit... Coquelicot, Fleur, Andrea. Elle danse pour oublier qu'elle est impuissante en classe, pour mettre de côté les défaites quotidiennes et l'absurdité d'un métier en désespérance, nié par le rouleau-compresseur appelé Education Nationale. Ce dernier broie autant les enseignants que les élèves pour faire accepter le concept de l'égalitarisme, pipé d'avance.
Le luxe de Joséphine est d'aimer être admirée par des inconnus dans la pénombre du club, d'être désirée, d'être le fantasme qu'on ne peut atteindre. Le corps et sa sensualité, les deux mamelles d'une véritable liberté d'être.
J'ai été touchée par l'histoire et par l'héroïne narratrice qui se dévoile pour tout simplement vivre, avoir le sentiment si précieux d'exister.
Je danse, je m'effeuille donc je suis. « Je est le même »
Quelques passages
« Le décalage m'apparaît dans toute sa crudité. Rose Lee ne plairait pas à Martin. Elle réveillerait le pourceau qu'il étouffe à coups de poésie. […] Et s'il me voyait, presque nue, sur le podium ? Peut-être qu'il ne me reconnaîtrait-il pas. Les yeux de Rose Lee sont noirs de khôl et de mascara. Elle change de coupe, met des postiches, lâche ses cheveux. Rose Lee porte un serre-taille. Sa peau est veloutée, son dos cambré, ses seins dévoilés avec ardeur. Rose Lee peut être mille autres. Ce n'est pas moi. » (p 114)
« A votre place, je ne me marrerais pas comme vous le faites. Assis là, sur les bancs que vous abîmez avec vos inscriptions obscènes, vous vous faites avoir. […] Tout le monde vous prend pour des imbéciles. Nos dirigeants, l'institution, mes collègues. Moi aussi. Et tout est fait pour que vous restiez des imbéciles. Vous vous êtes déjà demandés pourquoi on n'arrête pas d'alléger les programmes scolaires ? Ça ne vous fait pas réfléchir, ça ? Je vais vous le dire, pourquoi. Parce qu'on veut vous donner moins, et de moins en moins, pour faire croire à vos parents, à l'opinion publique et à la terre entière que vous assimilez vite et bien. Que vous êtes tous très intelligents. En réalité, on vous tire vers le bas parce qu'on a besoin de votre ignorance, et de votre incapacité à avoir une pensée très élaborée, profonde. C'est pourquoi vous devriez pleurer tous les jours, vous désespérer, vous mettre à genoux, nous supplier de vous enseigner l'histoire, la littérature, la grammaire, la syntaxe, implorer pour qu'on vous donne des œuvres complètes à lire, qu'on vous traite comme de vrais élèves à qui on impose silence, prise de note, discipline, effort !. » (p 214)
Quelques avis
Babelio Sens critique Alex Delphine
2 commentaires:
Oh oui cela doit etre passionnant comme roman....il y a deja eu un fait divers comme ca....il a l'air d'avoir bien decrit cette metamorphose sans tomber dans le gore...;)
J'ai dévoré ce roman!
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