lundi 18 janvier 2021

Frédéric, le frère de l'Autre

 


Mes libraires préférées ont mis en avant ce titre, parmi cinq autres, lors du prix « Mots et images » 2020.

J'étais un peu dubitative et il est rare que je tente la lecture si d'emblée je ne suis pas emballée, même après la jolie présentation réalisée par Jessi, une des libraires de « Mots et images ».

L'opportunité de lire ce roman s'est présentée récemment aussi me suis-je lancée.


Les Rimbaldiens se saisiront plus facilement que moi de l'histoire du frère d'Arthur Rimbaud, Frédéric de son prénom, garçon peu enclin à l'étude rangé rapidement dans la catégorie des « un peu bête ».

Or, Frédéric Rimbaud, frère de l'autre, Arthur, le célébrissime poète à qui tout réussi même quand sa vie part en morceaux, est tout sauf bête. Il n'est qu'impuissance face à la monstruosité maternelle.

Vitalie Cuif épouse puis « veuve » Rimbaud, est un modèle hallucinant de mère odieuse, castratrice, sévère et cruelle. Elle veut tout régenter, tout contrôler et que tout aille dans son sens.

Autant elle loue l'intelligence fulgurante d'Arthur autant elle méprise son aîné. Telle une ogresse elle dévore ses fils petits bouts par minuscules morceaux jusqu'à en faire des fuyards devant la vie.

Pourtant Frédéric aura un sursaut : celui de s'opposer à l'intransigeance maternelle pour épouser la jeune femme dont il est amoureux. Las, Blanche est issue d'une famille « ennemie » des Cuif, propriétaires terriens prospères en Champagne. les Justin. Déchéance aux yeux de la matriarche Rimbaud qui plongera dans l'oubli son fil aîné pour mieux glorifier Arthur alors elle ne comprend goutte à sa poésie qu'elle n'a jamais lue.


David Le Bailly bataille avec la quasi inexistence d'archives concernant Frédéric, l'autre Rimbaud, se demande s'il parviendra à extraire un maillon important dans l'histoire familiale d'Arthur, le poète.

Malgré le peu d'informations sur Frédéric Rimbaud, l'auteur parvient à tenir en éveil l'intérêt de son lecteur en brossant un tableau doux-amer d'une vie provinciale dans la ruralité profonde, celle qui est oubliée par le centralisme parisien. La brutalité du monde paysan saute au visage du lecteur ce qui est osé et plaisant.

Frédéric, le frère de l'Autre, a beau raté sa vie, selon les critères maternels, il apparaît comme un homme sympathique, bon enfant, ne demandant pas la lune mais une vie tranquille entouré de sa famille. Il n'a que faire des honneurs, de la réussite puisqu'il aime ce qu'il fait, puisqu'il aime les siens.

Je me suis attachée à cet homme de rien, à ce raté conspué par sa mère, sa sœur et son frère qui ne l'épargne pas dans les lettres écrites à leur mère. Jusqu'à quel point Arthur a-t-il été sincère ? A-t-il fustigé son aîné pour complaire à sa mère et ainsi conserver les subsides octroyés ? Est-ce plus facile d'aimer la mère quand on est au loin et plus aisé de lui écrire ce qu'elle souhaite lire ?

Je savais qu'Arthur Rimbaud n'avait pas réalisé que de belles choses dans sa vie, aussi n'ai-je pas été surprise par certains aspects de sa personnalité : antipathique, prétentieux, transformé par l'appât du gain et la vie embourgeoisée au Moyen Orient. Un autre Rimbaud, très sombre, se dévoile peu à peu sous la plume alerte de David Le Bailly qui réussit à maintenir l'équilibre entre fiction et enquête.

Ce qui est effarant c'est de constater combien la mémoire familiale peut s'arroger le droit de bannir le souvenir d'un membre de la famille parce qu'il a refusé le cadre auquel la matriarche voulait le soumettre.

On brûle ce qui nous ressemble et on porte au pinacle ce qui nous fait peur tant l'audace est folle et incomprise. C'est ce qui arrive, pour moi, à Vitalie Cuif veuve Rimbaud : Arthur est tellement lumineux, extraordinaire qu'il ne peut que faire frémir la terrienne qui est en elle. Arthur est un incompris parce que son intelligence sensible était inaccessible à la compréhension commune.

Par contre, Frédéric, l'homme simple, est une aubaine pour une mère telle que Vitalie. Vitalie, on entend vitalité, vie et vit : il y a du mâle dominant en elle, incompatible avec une banale vie conjugale et familiale.

Dire que j'ai passé un moment ennuyeux serait mentir car le rythme du roman est très bien composé. Cependant, je suis passée un peu à côté de « L'autre Rimbaud ».

Quelques avis:

Babelio  France Info  Lettres et caractères  Les livres de Joëlle  Livralire  Mumu  Sens critique  Tant qu'il y aura des livres  Livraddict



1 commentaire:

rachel a dit…

Oh tout un livre qui semble passionnant...je n'ai jamais vraiment aime Le Arthur...;)...c'est assez fou comme histoire a la fin