Les classiques, c'est fantastique et c'est chaque dernier
lundi du mois. Juin est consacré à Jules Verne, une fois encore je n'ai pas
choisi un titre phare de l'auteur. J'ai préféré me perdre dans un roman, connu
mais sans plus, « Les cinq cents millions de la Bégum ». Il met en
scène une utopie et une dystopie, arguments qui m'ont attirée car Jules Verne
est un « touche-à-tout » souvent précurseur quant aux sujets qu'il
traite.
L'argument littéraire est le suivant : deux
cités bâties, aux Etats-Unis dans l'état de l'Oregon, sur des principes très
différents, l'une par un Français, l'autre par un Allemand, qui héritent de la
fortune colossale d'une Bégum. Un brin de roman d'anticipation avec une pincée de
roman d'espionnage, ajoutant le sel à création de deux utopies.
C'est un peu la suite de la guerre de 1870, qui vit l'annexion
de l'Alsace et la Lorraine par l'Empire allemand, jouée par des visionnaires
aux objectifs très différents : la bienveillance de France-ville du Dr
François Sarrasin, son système d’échelons décisionnels bien réparti, et la
ville caserne de Stahlstadt du professeur Schultze qui a choisi le système de
chef unique qui donne les ordres et prend les décisions seul.
A France-ville, le bien-être et la santé des habitants sont
primordiaux tandis qu’à Stahlstadt il n’y a que l’industrie qui compte, toute l’économie
est tournée vers ce seul secteur d’activité. Le professeur Schultze compartimente
tout : chaque pièce d’un engin de guerre est préparée dans un atelier
spécifique situé dans une zone spécifique à laquelle n’ont accès que les
ouvriers et contremaîtres dudit atelier : personne ne sait ce que l’atelier
d’à côté fabrique.
Marcel Bruckmann, ami d’Octave Sarrasin, se fera espion pour
tenter de comprendre la logique organisationnelle de Stahlstadt : il se
fera embaucher sous le pseudonyme de Johann Schwartz. Il découvrira qu’un
complot visant à anéantir France-ville est ourdi par Schultze.
Jules Verne écrit non seulement une utopie et une dystopie mais
également un roman politique dans lequel il montre que la course aux armements
est mortifère pour une société. Il y a des descriptions du monde des mines de
charbon absolument édifiantes : la misère, le risque perpétuel d’y perdre
la vie, le peu de considération envers les hommes et les chevaux passant toute
leur vie sans voir la lumière du jour.
Il inscrit le roman dans une réflexion sur l’urbanisme, utopique,
du Dr Sarrasin avec ses quartiers aérés, aux maisons individuelles n’excédant
pas deux étages, de la verdure partout et des jardins, vision allant de pair avec
ses théories hygiénistes. A contrario, le monde urbain vu par Schultze est
celui de l’habitat de masse où chaque mètre carré compte car c’est le règne du
productivisme.
Deux utopies, deux urbanisations, deux politiques sociales et
également deux systèmes éducatifs qui s’affrontent.
Le début du roman fait la part belle aux grandes écoles
françaises, notamment Centrale qui forme les futurs grands ingénieurs, et confronte
l’excellence des grandes écoles au système de formation par l’apprentissage
professionnel au cœur même de l’usine Schultze.
Le premier prône une ouverture sur le monde et ses nombreuses richesses
intellectuelles, le second préfère un nationalisme exsudant de racisme car la
race germanique est supérieure aux autres.
Une fois encore, j’ai été charmée par l’écriture de Jules Verne
et son habilité à emporter son lecteur dans des univers foisonnants et
passionnants. On se rend compte qu’il avait pressenti l’infernale course aux
armements de l’Allemagne d’Hitler dans le but de conquérir le monde pour y
asseoir la suprématie germanique.
Et la Bégum dans tout cela ? N’en déplaise au professeur Schultze,
elle aura fait de lui un parent éloigné de docteur Sarrasin… ironie du destin
quand tu nous tiens !
Quelques avis :
5 commentaires:
D'article en article, Jules Verne semble convaincre. C'est plutôt une bonne nouvelle pour ce rendez-vous de juin. Merci pour ta participation et pour ce choix !
Oh oui JV ets trop genial....tiens je n'ai pas lu celui-ci.....il semble trop bien
J'avais bien aimé ce verne même si je ne me rappelle pas de tout... PS : J'aime beaucoup ta nouvelle bannière...
@Moka: le thème du mois de juin a permis de revisiter cet auteur que je ne lis que trop peu. Merci pour cela et pour la récolte de ces nombreuses lectures.
@Rachel: je m'aperçois qu'il est facile à lire et intéressant dans les sujets qu'il aborde dans ses romans.
@Maggie: Merci beaucoup pour le compliment sur ma bannière estivale.
Merci pour la découverte (et pour ta participation) , je ne connaissais pas du tout ce titre!
Enregistrer un commentaire