mardi 26 octobre 2021

L'enfance n'est pas un long fleuve tranquille

 


« Poil de carotte » est une longue nouvelle ou un roman autobiographique de Jules Renard relatant l'enfance et les déboires d'un jeune garçon roux dans la seconde moitié du XIXè siècle.


François Lepic dict Poil de carotte est un jeune garçon que personne n'embrasse ou câline, que tout le monde rabroue et un bouc émissaire tout trouvé lorsqu'il s'agit de punir le coupable d'une bêtise.

Pourtant, petit dernier de la famille Lepic, Poil de carotte aurait pu prétendre à une place confortable dans la fratrie. Que nenni ! Sa mère l'asticote sans cesse ou le rabroue dès qu'elle le peut, son père est distant, indifférent et peu enclin aux démonstrations, ses frère et sœur se moquent de sa tignasse rousse et de ses taches de son sur le visage.

Les saynètes, drôles, souvent touchantes et parfois cruelles, s'enchaînent pour dresser un portrait attachant d'un enfant mal aimé. Au point qu'on se demande sans cesse : pourquoi tant de méchanceté ?

Dans l'univers de Poil de carotte, la gentillesse est rarement récompensée aussi doit-il mettre en place moult stratagèmes pour parvenir à ses fins et ne pas se laisser abattre par les humiliations quotidiennes de son aîné Félix et de sa sœur Ernestine.

Est-ce parce qu'il est rouquin que sa mère l'a en horreur ? Les roux reflets d'un Enfer où le Diable mène la danse ?

Toujours est-il que la mère le voit comme un enfant cruel avec les animaux (la scène où on lui donne les perdrix à achever est absolument abominable et ne fait que renforcer le côté sombre du jeune garçon), sournois (forcément, pour s'en sortir Poil de carotte doit sans cesse ruser et mentir) et sale. Aussi a-t-il l'honneur de toutes les corvées.

Or, au fil des saynètes, on se retrouve devant un enfant qui rêve d'être aimé et considéré comme digne de l'être. Cependant, la famille lui nie le droit d'être « trop petit » pour s'acquitter de telle ou telle tâche. Il se construit un monde dans lequel la nature tient une place importante et ne bâtit de relation d'amitié qu'avec Mathilde une petite voisine, chaleureuse et conviviale avec lui, et son parrain qui ne voit pas en lui un vilain garnement. On sent que Poil de carotte n'en peut plus de subir tant de remontrances injustes et cruelles, on apprend qu'il a pensé plusieurs fois à attenter à ses jours. On en frissonne d'horreur car quand un enfant pense à en finir avec la vie c'est que le malheur est son quotidien insoluble.

L'emprise maternelle est telle que Monsieur Lepic se voit interdit de promenade avec son benjamin. Elle oblige Poil de carotte à dormir avec elle... certes, à l'époque, le froid nocturne une fois le feu éteint, impose un telle pratique cependant on ne peut s'empêcher de voir un enfermement, un assujettissement à l'autorité mortifère de la mère.

La tyrannie qu'il subit provoque la cruauté qu'il exerce sur les animaux ou les mensonges qu'il peut proférer, notamment celui à l'encontre du maître d'étude au collège où il est pensionnaire, il propage la rumeur d'attouchements contre nature sur un jeune élève.


« Poil de carotte » serait un roman horrifique s'il n'était servi par la plume ironique de l'auteur qui manie l'art de la litote, en dire moins pour suggérer plus, tout au long du roman. Le style dense d'une précision extrême apporte une dimension souvent tragique au récit tandis que le l'humour, corrosif et incisif, le sauve du pathos et permet de prendre un recul salvateur lors de la lecture.

Avec ce roman autobiographique, Jules Renard lève un important tabou celui du désamour maternel qui est tu socialement pour ne laisser place qu'à l'amour maternel terreau de toutes les grandeurs d'âme. Or, il arrive qu'une mère n'aime pas son enfant, Madame Lepic en est un exemple. Il arrive aussi qu'au paroxysme de l'amour haineux d'une mère, la parole d'un père approuve la révolte de l'enfant malmené.


« Poil de carotte » est un classique à la saveur acidulée, parfois glaçante, d'une enfance volée à un petit garçon qui n'aspire qu'à être aimé en retour de l'amour qu'il éprouve pour les siens.


Quelques avis :

Babelio  Takalirsa

Lu dans le cadre

  


1 commentaire:

rachel a dit…

Oh oui tout un livre quand meme qui aborde un theme assez dur mais qui existe...il y a aussi eu zut flute je ne me souviens plus de cet academicien du Goncourt qui avait parle du desamour de sa mere..